L’espace d’un instant

Le temps s’arrêta, l’espace de quelques instants. Pourquoi cela leur arrivait à eux ? Ils ne le savaient pas.

- Pourquoi tu as fait cela ? commença le jeune homme brun.

- Je ne sais pas, peut-être pour oublier, continua la jeune femme.

- Oublier quoi ?

- Les problèmes du quotidiens, la tension au boulot, la peur de l’échec, les problèmes familiaux. Ma vie n’est pas toute rose.

- As-tu pensé à la mienne ? demanda le jeune homme.

- Comment elle est ? A vrai dire, je ne te connais même pas.

- Plutôt souriante à vrai dire. J’ai deux enfants, Lola et Lilou, de 2 ans et 1 mois. Je viens enfin de terminer mon rêve : j’ai fini mes études pour devenir chirurgien cardiaque. J’ai une femme aimante.

- Oh… reprit la jeune femme, ne sachant quoi répondre.

- Alors je te le redemande, pourquoi as-tu fais cela ?

- Car la vie est injuste, pleine de souffrance. Pourquoi devons-nous vivre dans une société où la peur règne en permanence ? Où la tension est à son comble ? Où chaque petit détail, chaque petite erreur peut nous faire défaut.

- C’est vrai qu’elle est injuste. Mais elle est aussi pleine de joie. Regarde, je suis l’exemple même ! Je suis parti de rien. Seulement un rêve et une carrure des plus normales. Mais je me suis efforcé de réussir, je n’avais pas le choix. Mes parents étaient violents avec moi. Alors aujourd’hui, je souhaite le meilleur pour mes filles. Pour ma future femme. Je l’ai demandé en mariage il n’y a pas longtemps. Un mois environ. Nous pensons déjà à notre lune de miel, au plan de table, à la soirée dansante. Nous voulons faire les choses biens. Mais penses-tu vraiment que c’est la solution ?

- Je… Je ne voulais pas à vrai dire. Je n’ai pas fait exprès.

- Parle-moi de toi, reprit l’homme. Que je comprenne.

- J’ai eu une enfance un peu comme la tienne. Mes géniteurs ne s’occupaient pas de moi. Je n’arrive même pas à les appeler mes « parents » tellement ils m’ont laissée vivre par mes propres moyens jusqu’à mes 6 ans.

- Et après tes 6 ans ?

La femme souffla, de tristesse peut-être.

- Un signalement a été faite par ma maîtresse, et je me suis retrouvée en foyer quelques temps après.

- Tu as eu de la chance. Au moins, on s’occupait de toi.

- Tu parles ! Les personnes qui s’occupent de nous sont débordées. J’étais limite mieux chez moi. Au moins j’étais seule, loin de tous ces enfants en recherche d’un peu d’attention. Non, ma vie est une catastrophe.

- Ne dis pas cela ! Tu n’as juste pas eu de chance dans la vie. Mais elle aurait due te sourire.

- Me sourire ? Je rigole bien. Je viens de me faire larguer par la seule personne que j’aimais vraiment. J’ai encore les joues mouillées. C’est te dire.

- Je suis là moi. Et je t’apprécies déjà, tel que tu es. Tu as l’ai d’être quelqu’un de bien.

- Si tu le dis… dit la jeune femme.

- Au fait tu t’appelles comment ?

- Rose et toi ?

- Benjamin.

- Que fais-tu à cette heure-ci levé Benjamin ?

- Je suis insomniaque, alors je me suis levé, espérant retrouver un peu de réconfort en roulant dans la forêt.

Un silence léger s’installa. Benjamin reprit :

- As-tu pensé à ma vie ?

- Je n’arrête pas d’y pensé.

- Le temps va reprendre. Alors je te dis adieu. Ma vie s’arrête là, et la tienne aussi. On se retrouve de l’autre côté.

- Je… Je n’aurais pas dû prendre la voiture avec de l’alcool dans le sang. Je suis désolée. Vraiment.

- Ce n’est pas grave. Après tout, la vie t’a sourit quelques instants.

Un bruit sourd se fit entendre. Les deux voitures s’étaient crachées. Ils ne parlaient plus. Ils ne parleraient plus.