Seulement moi ?

Dans la salle d’attente, nous ne nous calculions pas. Même pas un regard, même pas une expression. Tout à coup, la porte s’ouvrit. Enfin la liberté après ce long et lourd silence. Le thérapeute nous fit entrer dans son cabinet qui sentait le jasmin et nous demanda de nous installer dans les fauteuils mis à disposition. La jeune rousse Hannah pris la chaise en bois et me laissa le fauteuil . Pour une fois qu’elle était sympa.

- Pourquoi venez-vous me voir ?

- Elle m’a traité d’égoïste ! s’offusqua Hannah.

La belle rousse parla d’un ton sec et net, comme à son habitude. Je rétorquai :

- Tu l’es un peu quand même, souviens-toi quand tu n’as pas voulu aider Sarah et Dorian car tu trouvais cela « inutile ».

- Tu le dis toi-même, c’était inutile, pas égoïste.

- MAIS… Je n’ai pas dit ça !

Hannah souffla. Je voyais bien que je la dérangeais. Le thérapeute interrompit la dispute :

- Expliquez-moi votre relation tout d’abord.

Hannah se redressa sur la chaise, ses cheveux roux tombant sur ses épaules :

- Je suis son personnage. Sa choses, à proprement parlé.

- Mais enfin, tu n’es pas ma chose ! Tu es une personne à part entière pour moi.

- Ah ouais ?! Alors explique-moi pourquoi tu m’as créé une enfance qui est littéralement merdique ? Des parents absent. Un foyer sans attention.

- Il me fallait bien une histoire à raconter… répondis-je, pas certaine de moi.

- Une histoire à raconter, tu parles, dit-elle d’un ton neutre. Tu voulais surtout me gâcher la vie. Ou plutôt, tu voulais juste trouver quelqu’un qui ait une vie plus nulle que la tienne.

Je me mis en colère :

- Ma vie est loin d’être nulle !

Elle leva les sourcils, d’étonnement peut-être.

- Tu n’arrives même pas à être heureuse alors que tu as une vie parfaite ! Un copain, une famille en or, des amis, des études. Moi je n’ai rien.

- Tu as tes études ! Tu vois tu as quelque chose.

Hannah reprit :

- En réalité, tu m’as créé car tu aimerais être comme moi. Je suis ton pantin.

-…

Elle reprit :

- Pourquoi penses-tu que j’ai une armure de fer pour ne pas montrer mes émotions ? Pourquoi j’ai réussi à vivre malgré mes traumatismes ? Oui… tu aimerais être comme moi. Mais moi, j’aimerais être comme toi, réelle. Ne pas vivre au travers de toi.

- Euh excusez-moi… ? glissa le thérapeute.

- Toi, ferme-la, répondit calmement Hannah.

J’avais les larmes aux yeux. Allait-elle gagner ce combat ?

- Peut-être que tu n’existe pas réellement. Mais tu existes quand même grâce à moi. Je t’ai fait vivre une aventure que tu n’aurais jamais vécue sinon. Tu as peur du regard des gens. Comme moi. Et dans cette aventure, tu t’es ouverte. Pas seulement à la critique, mais au monde entier. Comme moi.

- Je sais, me répondit-elle.

- Aujourd’hui, grâce à toi, j’ai avancé. Alors je ne t’en veux même pas de m’attaquer gratuitement comme cela. Ta force, c’est ma force. Toi, c’est un peu moi effectivement. Tu m’as fait évolué. Positivement. Aujourd’hui, je peux enfin te le dire : merci.

Hannah parut surprise. Pour une fois qu’elle était expressive. Elle me regarda longuement sans jamais lâcher mon regard, sans jamais parler et me répondit simplement :

- Merci.