Voldemort et Potter arrivèrent aux abords d’un ancien orphelinat, vêtus d’un simple jeans solide et d’une veste bien chaude. Silent Hill étant une ville moldue, le secret magique devait être préservé.
Le mage noir rangea le rouleau de parchemin qui avait servi de portoloin. Il soupira en constatant le garçon au sol.
— Tu ne peux vraiment pas faire attention ?
Potter lui lança un regard noir en se redressant.
— Je suis désolé mais je préfère de loin le balai aux autres transports. Là, au moins je ne me vautre pas.
— Il suffit de se laisser porter, informa Voldemort. Il n’y a rien de sorcier à cela.
Il lui fit un geste alors qu’il prenait la direction d’une nationale traversant de sombres bois dans les collines. Une longue marche les attendait.
— Suis-moi. Si j’en crois les informations de Lucius et Avery, Silent Hill est dans cette direction.
Ils longèrent la route, le long d’une barrière en métal, tout en surveillant à ce qu’ils ne se fassent pas écraser par une voiture. Mais étrangement, durant leur longue ascension, il n’y en eut aucune. Jamais.
— Est-ce que je pourrais avoir une copie de la carte de la ville ? demanda soudain Potter, sortant le mage noir de ses pensées.
— Pourquoi cela ?
— Dans le cas où on serait séparés. Je sais faire un patronus et on pourrait se retrouver…
Il considéra cela quelques secondes.
— C’est l’idée la plus intelligente que je t’ai entendue dire ces quelques derniers jours.
— Il m’arrive de réfléchir, se défendit le Gryffondor.
— Oui, mais tu es sous l’influence d’un philtre de paix. Cela n’aide pas vraiment à la concentration.
Voldemort sortit la carte et la dupliqua d’un simple sort avant d’en donner une copie au garçon.
— Si jamais tu vois les Ténèbres…
— Je reste près de vous et je m’éloigne de toute créature. Et je fais attention à la magie car elle est plus difficile à utiliser.
— Au moins tu as retenu l’essentiel, approuva à demi-mot le mage noir. Fais attention. De ce que nous avons pu rassembler comme informations, la moitié de la population de la ville a disparu.
Ils marchèrent encore quelques instants.
— Et si jamais tu as encore une vision, pensa Voldemort.
— Je reste auprès de vous, termina Potter. Le truc, c’est que je ne vois rien d’autre que la vision.
— Mais tu peux m’entendre, n’est-ce pas ?
Le Gryffondor hocha la tête.
— Alors reste concentré sur ma voix quand cela arrive.
— D’accord.
Ils marchèrent encore et s’enfoncèrent dans une brume de plus en plus épaisse, chargée en humidité. Les bruits de la nature finirent peu à peu par s’éteindre et il ne demeurait plus que le son de leurs pas sur la route goudronnée.
— Pourquoi on ne vole pas jusque-là ? demanda soudain Potter qui peinait parfois à garder son rythme.
Voldemort ralentit son pas en le constatant et resta à sa hauteur.
— Parce que tu n’es pas dans ton état normal d’une part, répondit-il. Et de l’autre, en cas de Ténèbres, mieux vaut voir où nous allons. Et je ne préfère pas savoir s’il y a des créatures dans le ciel également. Là-haut, il n’y a aucun sanctuaire.
Ils finirent par arriver à la bordure extérieure de la ville, à flanc de colline, donnant une belle vue sur les bois brumeux en contrebas. Un panneau en métal abîmé annonçait leur entrée dans la commune de Silent Hill.
Voldemort fronça le nez. Une odeur étrange commençait à se diffuser dans l’air. Ce n’était pas du feu de bois, mais il sentait que quelque chose brûlait. C’était encore très léger mais bien présent. L’incendie dans les mines sans doute.
Ils firent une pause en arrivant à proximité des bâtiments, profitant qu’ils soient toujours dans le monde de la lumière, et se restaurèrent un peu.
— Maintenant qu’on y est, qu’est-ce qu’on cherche exactement ? demanda Potter.
— Des réponses, répondit Voldemort en mordant dans une pomme.
Il fixa les quelques devantures abandonnées de magasin, mais rien ne lui sauta au visage. C’était un monde comme un autre. Tout en restant dans la lumière, ici, cela ressemblait énormément au Gris. Les couleurs délavées, parfois quelques planches ou vitres brisées, des déchets partout volant au gré du vent. Il manquait juste la cendre permanente pour que cela soit une réplique conforme.
— J’avoue que je ne sais pas par où commencer, continua-t-il en se tournant vers le Gryffondor. Tu ne te souviens de rien de tes visions ? Un détail qui pourrait nous aider ?
Potter resta un moment silencieux. Il marchait lentement et fixait un par un les bâtiments de la rue principale.
— Non, je ne vois rien, répondit-il.
Ils continuèrent leur avancée pour se rapprocher du centre de Silent Hill, en quête du moindre indice. Alors que l’heure avançait, Voldemort avisa la carte de la ville.
— On devrait peut-être se rendre à l’église, dit-il. Les lieux saints sont souvent un sanctuaire. Cela nous donnera une possible retraite en cas de Ténèbres.
— Ce n’est pas toujours le cas ?
Le mage noir secoua la tête en soupirant alors qu’il dépliait le plan.
— Malheureusement non. Cela dépend si les terres sont consacrées ou non.
Il étudia les rues et se pencha pour montrer au Gryffondor à quoi il pensait. Il montra l’église et la route à suivre.
— Le plus simple serait de passer à travers le parc pour rejoindre le centre. De là, on aura plus que quelques rues et l’église devrait être sur le parvis.
— Devrait ?
— La ville est abandonnée depuis des décennies et tout se passe ici, Potter. Merlin seul sait ce qui tient encore debout et ce qui est démoli. Nous sommes en terrain inconnu.
Ils avancèrent encore en silence, longeant les grilles du parc pour en rejoindre l’entrée. Soudain, un frisson parcourut sa colonne.
— Voldemort…
Malgré la potion, Potter était tendu.
— Oui, je le sens, répondit-il en lui attrapant le bras. Il faut rester en mouvement.
Du coin de l'œil, il vit les murs des magasins fondre comme neige au soleil, ne laissant plus qu’un appareillage de métal rouillé. Les quelques qui arrivaient à résister perdaient leur papier peint pour une bonne couche de moisissure. Un son tonitruant, comme une alarme d’ancienne prison moldue, retentit à travers toute la ville. Voldemort avait l’impression d’être retourné à l’époque de la guerre et qu’un largage de bombe menaçait de tomber sur Londres.
— Est-ce que cela s’arrêtera un jour ? demanda Potter.
— On en discutera plus tard ! se pressa le mage noir alors qu’il constatait la tombée des Ténèbres. Viens !
Ils coururent dans la ville, le plus âgé en tête. Ils tournèrent à plusieurs coins de rue, à la recherche d’un éventuel refuge momentané le temps de pouvoir s’orienter.
A un autre tournant, Voldemort s’arrêta brusquement, les yeux écarquillés.
— Demi-tour ! Demi-tour ! s’exclama-t-il.
Devant eux, la rue grouillait d’enfants décharnés dont la peau iridescente fumait dangereusement. Quelques remous laissaient imaginer une possible explosion, ce dont le mage noir ne doutait pas un seul instant.
Il recula et buta contre le corps de Potter.
— Ca va pas être possible, fit ce dernier en pointant la rue dont ils venaient du doigt.
D’autres de ces mêmes créatures explosives leur coupaient la route.
— Merde ! jura le mage noir.
— Hmmm… On peut toujours aller de l’autre côté de la… Non, oubliez. Il y a des fils barbelés.
La voix de Potter montrait des signes de tension mais elle ne tremblait pas. La potion calmante faisait toujours effet.
Voldemort tourna rapidement la tête dans la même direction que son foutu Gryffondor aux idées ingénieuses. Derrière le grillage rouillé recouvert de barbelés, il y avait un espace libre, un peu comme une cour. Aucune créature ne semblait s’y tenir. Il ne réfléchit pas plus loin et attrapa le plus jeune pour transplaner.
— N’oublie pas qu’on est des sorciers ! lui asséna-t-il une fois de l’autre côté.
— Et moi, je ne sais pas transplaner, rétorqua Potter en se penchant en avant pour respirer. Je crois que je vais être malade.
Voldemort avisa les créatures démoniaques et serra la mâchoire. Il se saisit du poignet du Gryffondor et repartit au pas de course.
— Pas le temps pour cela ! Ils grimpent au grillage !
Ils parcoururent quelques rues avant de trouver refuge dans un bâtiment abandonné dont la majorité des fenêtres étaient barricadées. Voldemort alluma sa baguette et marcha quelques instants dans un couloir sombre en ignorant les effluves de moisi qui l’assaillaient.
Pas de monstre en vue.
Il profita de cet instant de répit pour aviser l’état de son compagnon d’infortune.
— Tu es blessé, dit-il en saisissant son bras.
La manche de la veste était déchirée et tachée de sang.
— Ah… Oui… Apparemment.
Voldemort soupira et soigna la plaie. L’adrénaline… Cela devait être un sérieux mélange dans le corps de Potter. Ses émotions partaient en vrille au point qu’il ne devait plus savoir comment se sentir.
— J’espère ne pas avoir à te donner une autre potion calmante, pria-t-il.
— Pourquoi ? Je croyais que ça aidait à me rendre moins effrayé.
— Oui, en temps normal. Mais avec les Ténèbres, tu es soumis à l’adrénaline, Potter. Ton corps ne réagit pas comme il le devrait en situation de danger. Tu pourrais y laisser ta peau.
— Ah… Et, c’est grave ?
Voldemort grogna de frustration et se redressa. Il n’allait plus donner la potion calmante à Potter tant qu’il n’aurait pas le dosage adapté.
— Oui, dit-il sur un ton qui n’admettait aucune réplique.
Potter détourna la tête et observa les lieux délabrés à la lueur de sa baguette.
— Où sommes-nous ?
— Aucune idée. Une maison quelque part entre la bordure et le centre de Silent Hill. Cherchons d’abord à survivre et quand les Ténèbres se dissiperont, on verra.
Le mage noir avança dans le couloir.
— Viens. Trouvons-nous un endroit plus isolé et sans le moindre monstre.
Dans les hauteurs du bâtiments, ils trouvèrent une pièce assez bien défendable avec une possibilité de repli par transplanage vers plusieurs lieux relativement dégagés. Malgré les Ténèbres, ils restèrent immobiles et Voldemort décida de laisser le Gryffondor se reposer un moment et de monter la garde.
═╬╬═════════════╬╬═
Une main sur son épaule réveilla Voldemort dans un sursaut. Il attrapa sa baguette et la plaqua contre une gorge, un sortilège mortel sur le bout de la langue. Devant lui se tenait Potter. Apparemment, dans l’inactivité ambiante, il s’était assoupi. Au lieu de se fustiger pour sa faiblesse et sa fatigue, il desserra sa prise sur le Gryffondor pour lui permettre de respirer. Ce dernier ne sembla pas en être plus surpris et garda une main sur son avant-bras.
— Il y a des personnes dans le bâtiment, murmura Potter une fois capable de prononcer un mot.
— Tu as vu qui ?
Le garçon secoua la tête.
— Non. Ils sont vêtus étrangement.
Le mage noir regarda sa montre et grogna. Le cadran était fendu et un petit bout de verre avait coincé le mécanisme. Il lui était impossible de voir l’écoulement des heures.
Il soupira et regarda par la fenêtre brisée et encrassée. De la cendre tombait sur la ville et dans les rues, quelques personnes marchaient à pas furtifs ou couraient pour se réfugier dans quelques bâtiments ou en ressortir avec quelques sacs de jute peu remplis. Des fouilles pour des vivres.
C’était bien la première fois qu’il voyait autant de personnes dans cette dimension. Ils étaient si nombreux…
— Etaient-ils armés ?
— Oui. Des pieds-de-biche et des tuyaux rouillés.
Voldemort se redressa. Voilà qui pourrait être ennuyeux.
— Des moldus, soupira-t-il. Range ta baguette. On va aller à leur rencontre.
— Et s’il s’avère qu’ils sont hostiles ?
Le mage noir fixa le Gryffondor, lui attrapant le menton pour le regarder bien en face. Ses yeux étaient bien plus alertes et il appréhendait bien plus qu’avant. Il se retint d’user de légilimancie sur lui.
— La potion calmante a-t-elle encore un effet sur toi ?
— Non. Plus trop. Cela fait longtemps que je n’ai pas repris une dose. Au moins une quinzaine d’heures.
Voldemort hocha la tête et se dirigea vers la sortie.
— Si les moldus montrent des signes de violence, nous ressortirons nos baguettes, voilà tout. Dans l’immédiat, nous avons besoin de réponses. Allons les chercher auprès des habitants de cette ville.
Potter obéit et ensemble, les deux sorciers descendirent les escaliers pour rejoindre la rue. Sauf qu’il n’y avait déjà plus personne.
— Où sont-ils passés ? murmura Voldemort pour lui-même.
— Je ne sais pas, répondit malgré tout le Gryffondor. On les a peut-être…
Le mage noir se tourna vers Potter quand il ne l’entendit pas finir sa phrase. Le garçon avait les yeux fixés devant lui, les sourcils froncés. Il tourna la tête dans la même direction et ne vit rien de plus qu’une boutique abandonnée.
— Qu’y a-t-il ?
— Ce symbole. Je le vois souvent.
Voldemort regarda à nouveau la devanture du magasin et vit un signe religieux sur la porte vitrée.
— Ce n’est qu’une croix.
— Je ne suis pas croyant mais une croix classique n’a pas autant de fioritures.
— Et alors ?
— Je ne sais pas, avoua le Gryffondor. Je le vois souvent, c’est tout.
— Et donc ? soupira le mage noir.
Potter haussa les épaules et secoua la tête.
— Ma tante est croyante, continua-t-il. J’ai vu un certain nombre d’ouvrages sur Dieu à la maison. Les croix un peu plus développées cachent souvent une signification, un ordre ou un fait notable dans l’histoire.
— Et ici ? demanda Voldemort, intégrant l’information.
— Je l’ignore. Je ne me souviens que de quelques bribes qu’elle tentait d’enseigner à mon cousin. Moi, je n’étais que le monstre du placard juste bon à faire les corvées.
Voldemort ne commenta pas. Il hésita juste un instant à poser une main sur son épaule avant de se raviser. Ce n’était pas le moment de faire dans les sentiments. Surtout que ce n’était pas du tout son genre.
Potter lui saisit soudain le bras. Il releva un sourcil et se tourna dans une autre direction pour voir ce que le Gryffondor voyait.
— Est-ce que c’est moi ou est-ce que vous la voyez aussi ? demanda le garçon d’une voix tendue.
Une petite fille aux cheveux sombres se tenait dans une ruelle, derrière un portillon en fer. Elle était vêtue, comme dans les souvenirs de Potter, d’une robe bleue marine couverte de saletés et de poussières.
— Alessa, c’est ça ? fit-il en posant cette fois une main sur l’épaule du garçon.
— Oui.
— Suivons-la.
— Mais c’est un monstre.
— Dois-je te rappeler que je suis le Seigneur des Ténèbres.
Le Gryffondor leva les yeux au ciel avant de le fusiller du regard.
— Il faut bien commencer quelque part, Potter. Par ailleurs, des monstres, j’en ai vu des centaines et j’ai pu m’en défendre. Alors si pour une fois, l’un d’eux peut nous apprendre quelque chose, il faut sauter sur l’occasion. Tu n’auras qu’à rester près de moi si cela te… rassure.
— Aussi étrange que cela l’est pour moi de le dire, oui ça me rassure ! Enfin, je crois.
Ils poursuivirent la jeune fille à travers les rues de Silent Hill. Elle les mena jusque dans une école élémentaire dans le quartier de Midwich. Potter lui saisit le bras et montra la porte.
— Encore cette même croix à plusieurs branches.
Voldemort hocha la tête et poussa le pan de bois. Il inspecta directement les lieux à la recherche de la petite fille.
— Hominum revelio , entendit-il.
Il se retourna et avisa Potter qui tenait sa baguette en main. Il secoua la tête en haussant des épaules. Rien. Voilà qui était étrange. Il jurerait avoir vu la petite entrer ici. Il pénétra dans ce qui devait être le bureau d’accueil de l’école et alluma sa baguette. Ignorant les nuages de poussières qu’il soulevait, il feuilleta rapidement les nombreux dossiers dans les tiroirs et étendus sur le bureau pendant que Potter inspectait le couloir.
— Ils étaient très portés sur la religion ici, entendit-il.
— Comme très souvent à cette époque-là, répondit distraitement le mage noir.
— Oui mais il y a des limites entre être chrétien et être extrême. Il y a des images partout et des extraits de psaumes sont inscrits sur tous les murs.
— Je te demande pardon ?
Potter soupira et pointa le mur en face de l’entrée.
— Psaume 34, 21. Le malheur tue le méchant et les ennemis du juste sont châtiés.
Voldemort le mur en question, puis d’autres.
— Et alors ?
— C’est malsain.
— C’est juste une religion moldue, pas de quoi en faire un drame.
— Oui, peut-être. Mais nous savons que la religion a très mal jugé la magie. Et ici, la religion est trop présente.
— Où veux-tu en venir, Potter ? s’impatienta le mage noir.
— Et si… et si tout cela était l’oeuvre d’un sorcier ou d’une sorcière ? Une malédiction ou quelque chose du genre.
— Tu penses à Alessa ?
— Peut-être. Je ne m’y connais pas suffisamment en malédictions.
Voldemort réfléchit à ces quelques propos inquiets pas totalement dénués de sens. Même si cela était un peu fort. Une malédiction qui affecterait une ville toute entière sur autant d’années et allant jusqu’à les intégrer eux deux aussi dans cet univers infernal, cela lui semblait bien improbable. D’autant plus que depuis le temps, si c’était bien l'œuvre d’un sorcier, il devrait sentir des traces de magie. Hors, à l’exception des Ténèbres et ses viles créatures, il n’avait jamais ressenti la moindre forme de magie.
Soudain, un dossier le fit s’arrêter. Alessa Gillespie. Il l’ouvrit et observa la photo. Il n’était pas sûr. C’était très ressemblant à la gamine démoniaque. Il demanda confirmation à son compagnon d’infortune. Potter attrapa la photo et l’examina quelques secondes.
— Elle lui ressemble beaucoup, c’est sûr. Mais elle a l’air si gentille et innocente.
— Tout l’est avant de subir des épreuves qui noircissent le coeur, commenta le mage noir dans un soupir.
— C’est cela qui vous est arrivé ?
Voldemort se figea avant de se retourner lentement.
— Je te demande pardon ? demanda-t-il sur un ton glacial.
Potter le regarda dans les yeux sans ciller et approcha de quelques pas.
— Est-ce que c’est cela qui vous est arrivé ? Des épreuves difficiles qui vous ont noirci le coeur ?
Il osait !
— Vis septante ans dans les Ténèbres puis, reviens me voir pour en parler, rétorqua-t-il froidement en posant le dossier d’Alessa sur le bureau.
Son geste avait été un peu plus violent que nécessaire et souleva un nuage de poussières.
— Allons voir la classe de cette jeune fille.
Potter hocha la tête et s’écarta pour le laisser passer. Retrouver la classe ne fut pas bien compliqué.
Elle était grande et, comme une bonne partie de la ville, abandonnée. Trois dizaines de bancs d’écoles étaient alignés face à un grand tableau noir. Tous étaient recouverts de poussière. Ils se séparèrent pour trouver celui de la jeune fille.
— Merlin… Potter. Ta théorie est peut-être la bonne.
Il venait de frotter une couche de poussière sur un banc pour révéler quelques aspérités qui étaient en réalité des inscriptions gravées à même le bois.
— Recurevite .
La couche de poussière disparut sur le banc et révéla bien plus que les inscriptions. Le bois était bigarré d’insultes.
— Brûlons la sorcière, murmura Potter en glissant un doigt sur l’une d’elle. Et dire que je me plaignais de ma vie à l’école primaire. A côté d’elle, c’est rien. Elle a dû tellement souffrir.
— Je suis d’accord avec toi.
Des pas résonnèrent dans le couloir. Quelqu’un courait. Les deux sorciers se retournèrent et se précipitèrent hors de la classe, à la poursuite du fuyard.
— C’est elle !
L’enfant tournait au fond du couloir pour disparaître. Ils la suivirent et découvrir un escalier menant dans les étages. Ils la suivirent tout en lui intimant de l’arrêter. Ils ne souhaitaient que lui parler. Elle n’écouta pas.
Guidée par la peur ou souhaitant les piéger, Voldemort ne pouvait pas le déterminer mais il avait hâte de lui mettre la main dessus.
Une porte s’ouvrit au-dessus d’eux. Ils continuèrent jusqu’à devoir s’arrêter devant un écriteau. Les toilettes des filles. Ils échangèrent un regard avant de pénétrer dans la salle d’eau.
Les lieux étaient encrassés, comme partout. Quelques carreaux à la couleur indéfinissable étaient brisés. La lueur terne par la fenêtre donnait suffisamment de lumière pour qu’ils puissent observer jusque le plafond dans les combles découvertes. Une rangée de cabines étaient alignées contre le mur.
Des sanglots se faisaient entendre, faisant soupirer le mage noir. Magnifique ! Un enfant en pleurs ! Il n’avait déjà pas assez avec un Gryffondor, il fallait qu’il se tape un être semblable à un Poufsouffle. Il se retint de s’énerver toutefois tout en ignorant quelle était la marche à suivre. D’autant plus que l’idée du démon ne quittait pas son esprit, contrairement à Potter qui s’avançait en disant des paroles rassurantes. Apparemment, il avait vite oublié qu’Alessa l’effrayait dans ses visions.
Le Gryffondor ouvrit la porte et s’écarta aussitôt pour vomir.
Voldemort, juste derrière lui, fronça le nez. La gamine n’était pas là. Toutefois, juste au-dessus de la cuvette, il y avait un cadavre à un certain stade de putréfaction. Malgré l’odeur ignoble qui lui piquait le nez, il l’examina d’un peu plus près sous le nuage de mouches. Ce qui restait de la victime montrait des traces d'écorchements. Il avait été torturé et ligoté avec du fil barbelé. Sans doute à raison en avisant sa position humiliante, les bras écartés et les jambes tirées en arrière de telle façon que ses pieds se retrouvaient juste derrière sa tête. Sans aucun doute, sa colonne vertébrale devait être brisée pour qu’il puisse tenir ainsi. Il avisa ses habits et y reconnut le concierge de l’école.
Il regarda cela un instant sans bouger, un peu surpris. Il ne s’attendait pas à trouver le cadavre d’un pervers déjà condamné par son bourreau sadique et plus que rancunier.
Voldemort se reprit vite et cligna des yeux. Il examina le mur où il y avait quelques mots et des flèches, toutes indiquant la tête du cadavre.
‘Ose si tu peux, ose.’
Dans sa bouche ouverte, il y avait une sorte d’objet qu’il ne pouvait pas définir. Il releva un sourcil et tendit une main pâle entre les fils barbelés. Une clef de chambre d’un hôtel de la ville.
Il avisa ensuite le cadavre, puis sa montre pour constater à nouveau qu’elle était brisée. Il ne pouvait plus évaluer le temps avec précision. Toutefois, il était assez sûr que cela faisait déjà un bon moment qu’il était dans le monde gris. Les choses pouvaient changer à tout moment.
Il revint vers Potter qui s’était éloigné pour respirer. Il lui attrapa les épaules et le mena à l’extérieur.
— Partons d’ici. L’expérience m’a appris à ne jamais rester trop proche des cadavres.
— Je ne me sens pas bien.
— C’est la première fois que tu vois un cadavre ?
— Non mais… C’est le premier dans cet état.
Voldemort soupira et lui serra les épaules.
— Cela va passer. Viens. Éloignons-nous d’ici.
═╬╬═════════════╬╬═
Ils étaient sortis de l’école. Voldemort laissait Potter respirer et reprendre ses esprits, la tête penchée sur la carte.
— Je n’ai jamais été aussi heureux de respirer de l’air frais !
— Frais, c’est vite dit, commenta le mage noir. Mais profite et respire à plein poumons, on n’a pas encore fini de bouger.
— Je ne verrais plus jamais les toilettes de la même manière.
— Essaie de ne plus y penser et garde ton calme. Je n’ai pas envie de revoir l’épisode de la fenêtre.
— Je suis désolé pour ça.
Voldemort lui jeta un œil et secoua la tête en soupirant.
— Ce n’est pas grave. Garde juste ton calme. Je n’ai pas envie qu’on soit séparés.
Il leva la tête et montra le prochain carrefour.
— Si nous coupons par-là, on arrivera plus vite au Grand Hôtel.
Ils reprirent leur route d’un bon pas et parcoururent deux-cent mètres avant de se retrouver dans une impasse des plus étranges. Elle n’était pas formée d’un mur ou d’un grillage mais du vide. Un véritable gouffre. Il n’y avait plus de sol comme si la ville était une île isolée du monde.
— Comment c’est possible ? murmura Potter alors qu’ils observaient tous deux des tuyaux d’évacuations des eaux usées complètement arrachés.
— C’est ce qu’il va falloir découvrir, répondit Voldemort en se redressant.
Il se retourna brusquement à un bruit de pas. Une femme à l’allure misérable approchait. Vêtue de haillons et la tête voilée, elle montrait aux sorciers l’image de la parfaite pleureuse dans les tragédies grecques avec ses yeux rougis et gonflés sur un visage couvert de cendres.
Le mage noir posa une main sur l’épaule du Gryffondor pour attirer silencieusement son attention.
— Seules les forces obscures peuvent ouvrir et fermer les portes de Silent Hill, dit la femme en haillons d’une voix rauque.
— Qui êtes-vous ? demanda Voldemort. Et qu’est-il arrivé à cette ville ?
— Le feu ne purifie pas, il noircit, répondit-elle dans un sanglot étouffé.
Les narines du mage noir frémirent. Qu’est-ce que c’était que cela pour une réponse ? Avec son foutu Gryffondor à supporter et protéger et les événements des derniers jours, sa patience était déjà à sa limite.
— Répondez à ma question ! claqua-t-il en sortant sa baguette.
Le bras de Potter l’immobilisa, cachant le bout de bois à la vue de la moldue.
— Attendez ! s’exclama le garçon. Ce n’est qu’une pauvre vieille femme. Vous n’allez quand même pas… lui faire ça !
— Et pourquoi pas ? On est venu ici chercher des réponses !
— Terroriser une vieille femme n’est pas la solution ! Elle semble déjà avoir assez de tourments.
— Et qu’est-ce que tu proposes, Potter ?
— Qu’on reprenne votre plan depuis le début. Elle n’est pas menaçante, n’est-ce pas ?
Voldemort avisa d’un regard sombre la femme en haillons avant de soupirer. Il était trop tendu. Il ne savait pas trop pourquoi. Cet endroit… Alessa… Les Ténèbres… Il avait de plus en plus une très mauvaise impression qui lui donnait froid dans le dos.
Cette malédiction n’était pas ordinaire. Elle ne pouvait pas être l’oeuvre d’un sorcier. Mais peut-être était-ce autre chose…
Et il savait déjà que cette femme ne pourrait rien lui dire. Elle avait l’air folle.
— Ses propos n’avaient aucun sens !
— Parce que ça, ça en a ?! rétorqua le Gryffondor en lui montrant le vide du doigt.
Le mage noir soupira.
— Très bien, Potter. Gère ça, capitula-t-il. Je n’arrive pas à croire que je viens de dire ça !
Potter soupira lui aussi avant d’approcher de la vieille dame. Cette dernière recula, à moitié affolée.
— je ne vous veux aucun mal, Madame, la rassura-t-il. Cet homme et moi, nous sommes venus ici pour chercher des réponses et comprendre ce qui nous arrive. Est-ce que vous pouvez nous aider ? On aimerait savoir ce qui s’est passé ici.
— Dans le feu, elle avalera leur haine…
— Elle ? Qui ça, elle ?
Le visage de la femme se déforma dans une expression de chagrin et d’horreur.
— Ils ont fait du mal à mon enfant, ils lui ont fait subir des choses terribles…
Le regard de Voldemort s’étrécit. Il approcha et prit la parole d’une voix aussi calme et neutre que possible.
— Nous avons été guidés ici par une enfant. Elle a environ huit ou neuf ans. pas très grande, des cheveux noirs. Robe bleue marine. Est-ce que vous l’auriez vue ?
— Nous avons tous perdu nos enfants, notre lumière…
— Ce n’est pas le nôtre.
— Je vois cette fillette, Alessa, s’empressa d’ajouter Potter. Dans mes rêves. Elle… elle m’appelle. En quelque sorte. Mais je n’arrive pas à comprendre ce qu’elle attend de moi.
— Alessa… Ils m’ont trompée… Ils sont le mal… Ils sont la haine…
Le mage noir soupira et secoua la tête.
— On dirait qu’elle n’a plus toute sa tête. Partons. Elle ne nous apprendra rien.
Il attrapa le Gryffondor par les épaules et ils s’éloignèrent de la vieille dame. Ils firent route vers le Grand Hotel, passant par un autre chemin puisque celui auquel le mage noir avait pensé n’était de toute évidence pas praticable.
— En fait… je crois que si, fit lentement Potter en jetant un regard en arrière pour voir la moldue disparaître dans la brume et la cendre.
— Que veux-tu dire ?
— Elle a dit que des gens ont fait du mal à son enfant. Qu’elle a été dupée. Et quand j’ai dit le nom d’Alessa, elle paraissait surprise et encore plus…
— Pathétique ?
— Si avoir du chagrin pour l’être auquel on accorde tout son amour au point de souffrir pour lui est pathétique…
— Les sentiments sont une faiblesse et une distraction qui peuvent nous coûter la vie.
— Mes émotions m’ont toujours sauvé la vie.
— Tu veux qu’on reparle de l’épisode de la fenêtre ?
— Je suis toujours en vie.
— Tu as quand même fait un saut de trois étages ! s’exclama Voldemort.
— J’ai survécu d’une chute de trente mètres lors d’un match de Quidditch, rétorqua Potter.
Le mage noir retint un soupir et d’attraper le Gryffondor par le col. Son répondant commençait sérieusement à l’ennuyer.
— Tu comptes me répondre souvent comme ça ou accepter que ce que je te dis est sensé et te permettra de survivre ?! aboya-t-il.
Potter soupira mais n’ajouta rien de plus. Il suivit le mouvement en silence à travers les rues de la ville. Ils croisèrent quelques âmes qui vivaient là mais elles étaient toutes dans des bâtiments. Voldemort préféra rester sur la piste de l’hôtel. Ils y arrivèrent assez rapidement.
La bâtisse était immense et massive, faite de briques rouges délavées et recouvertes de cendres. Les fenêtres étaient pour la plupart brisées ou cachées derrière des panneaux de bois.
— Je n’aime pas cet endroit, dit le Gryffondor.
— Il va falloir t’habituer à cette sensation, Potter. Elle m’a suivie toute ma vie. Tant qu’on n’est pas dans un lieu qu’on sait sûr, on est comme ça.
— Non, c’est pas ça. Autre part en ville, ça va… Sauf peut-être dans l’école. Mais là, j’ai vraiment un mauvais pressentiment vis-à-vis de cet hôtel.
— Alors plus vite nous aurons trouvé ce que nous cherchons, plus vite nous partirons.
Ils pénétrèrent à l’intérieur de la sombre bâtisse. Les décors étaient ternes et les murs délabrés étaient couverts de papier peint moisi quand il n’était pas carrément arraché. Leur quête d’indices avait commencé. Déchets et objets brisés jonchaient le sol. Il était presque impossible de deviner ce à quoi cet endroit avait pu ressembler dans ses jours de gloire.
— Il y a de nouveau cette croix, fit le Gryffondor en pointant le sol du doigt.
Un regard à terre, Voldemort ne put que hocher la tête.
— Soit le propriétaire du bâtiment était un croyant, dit-il après un moment de lente observation alors que son cerveau intégrait et reliait toutes ces informations. Soit la ville a été fondée par un ordre religieux qui a perduré avec le temps.
— Avec ce qu’on a vu à l’école, cela ne m’étonnerait même pas…
Potter fit le tour du bureau.
— Regardez, continua-t-il. Il y a plein de clefs comme la vôtre, ici.
Le Serpentard le rejoignit et s’agenouilla auprès du plus jeune. Il avait l’oeil, dans cet amas de déchets, il n’était pas sûr qu’il les aurait trouvées du premier coup. Il en attrapa une et l’examina. Le porte-clef n’était pas abîmé comme celui de la chambre qu’il avait récupéré à l’école. Finalement, il trouva la clef dans un casier destiné à la chambre 111. C’était le seul qui n’était pas vide. Il y récupéra la clef. La piste montait dans les étages.
Voldemort se tourna et vit Potter marcher dans le hall à la recherche d’un autre indice quelconque à la lueur de sa baguette.
— Potter.
— Hmmm… oui ? fit le garçon en se retournant.
— Suis-moi.
— Où on va ?
— Chambre 111, répondit le mage noir en indiquant les escaliers.
— On va y trouver quoi ?
— C’est pour le découvrir qu’on y va.
Les marches craquaient d’une façon sinistre sous leurs pas. Et malgré la lueur claire de leur baguette, ils s’enfonçaient avec appréhension dans la pénombre des étages du bâtiment.
— 107… 109… 113… Qu’est-ce que… ?
Voldemort fronça les sourcils, perplexe.
— Il n’y a pas de chambre 111.
Son regard se porta vers Potter. Ce dernier avait le regard fixé sur une toile représentant un bûcher. On y brûlait une femme. Un bûcher pour une sorcière… Le mage noir observa le jeune homme pointer sa baguette vers la peinture et murmurer un sort.
— Alohomora.
La toile pivota pour révéler la porte d’une chambre. Sur le bois terni, une petite plaquette en métal indiquait le numéro 111.
— Bien vu, Potter.
Voldemort fut surpris par l’absence de réponse du Gryffondor. Il avança de deux pas et posa une main sur son épaule. Le garçon avait le regard vide. Il lui secoua légèrement l’épaule.
— Potter ?
Aucune réaction. Il allait pour le secouer encore quand il le vit s’avancer vers la porte. Le mage noir fronça les sourcils et le suivit en silence. Cette absence de parole le rendait nerveux. Potter n’était jamais silencieux. Pas comme ça. Il y avait toujours un quelconque bruit. Une remarque, un souffle, un grognement, un tic physique. Là, il était comme… absent.
Il pénétra à sa suite dans la chambre, ne souhaitant pas le perdre de vue. A peine pensait-il à le garder entier pour sa propre sécurité qu’il voyait le Gryffondor prendre son élan et sauter à travers un trou dans le mur de briques.
— Potter !
Voldemort le vit sain et sauf dans ce qui devait être le bâtiment d’à côté. Il n’eut pas le temps de soupirer de soulagement qu’il grognait déjà en voyant le Gryffondor disparaître derrière un mur. Il jura et prit son élan. D’un bond au-dessus des décombres entre les deux bâtisses, il arriva dans ce qu’il restait d’une usine moldue.
Alors qu’il suivait Potter à la trace grâce à l’épaisse couche de cendres et de poussières qu’il avait perturbée, le mage noir en profita pour rapidement inspecter les lieux. Ils avaient été attaqués par le feu. Bon nombre d’objets, grands et petits, avaient été léchés par d’immenses flammes. Cela s’était même étendu sur des caisses et une partie de la structure qui menaçait de s’effondrer. C’était d’ailleurs déjà le cas à un endroit…
Un terrible incendie s’était produit ici. Mais avec tout ce qu’il se passait et comment les choses commençaient à se profiler, Voldemort doutait qu’il s’agisse d’un simple accident.
Il sentit soudain quelque chose le gêner sous sa peau et derrière son esprit. Par instinct, il éleva ses barrières d’occlumancie. Il préférait retrouver Potter avant d’avoir à s’attaquer ou se défendre de quoi que ce soit. Ce maudit gamin allait finir par le rendre plus Poufsouffle et Gryffondor qu’il n’accepterait jamais de l’admettre !
Il marcha rapidement entre les caisses de bois brûlées et les armatures de métal tombées du toit, suivant toujours les pas de Potter dans la cendre. Il prit à peine conscience de s’être écorché le bras en s’agrippant à un pilier attaqué par la rouille. Il finit par monter une petite volée d’escalier.
Il se figea, les yeux écarquillés par l’horreur et une boule au ventre qui le rendait presque malade. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas ressenti cela.
Potter flottait dans les airs et fixait une fillette. Cette dernière, en tous points semblable à celle qu’ils avaient suivis dans les rues de Silent Hill et dans l’école, se tenait debout dans sa robe bleu marine, le bras tendu vers le Gryffondor. Un trait d’obscurité la liait d’ailleurs à lui, de la main vers son coeur.
— Eh ! s’exclama Voldemort en sortant sa baguette. Laisse-le partir !
L’enfant se tourna vers lui, un sourire narquois suspendu à ses lèvres pâles. Un frisson parcourut l’échine du mage noir à cette vision. Comment un être supposé être innocent pouvait ainsi le mettre mal à l’aise ?
— Repose-le à terre ! ordonna-t-il néanmoins d’une voix ferme.
— Quand on exige au lieu de demander, rétorqua l’enfant d’une petite voix fluette. On a ce qu’on mérite, pas ce qu’on a souhaité.
Elle libéra toutefois le jeune homme. Voldemort eut tout juste le temps de lancer un sortilège de lévitation sur Potter pour l’empêcher de tomber et s'empaler sur une poutre en métal brisée. Une fois sûr qu’il ne risquait plus rien – cela ne lui prit pas plus de deux secondes à s’en assurer – il reporta son attention sur la fillette. Hélas, cette dernière avait déjà disparu.
Il jura. Mais il ne s’en préoccupa pas plus dans l’immédiat. Elle reviendrait. Elle était liée à ce lieu et jouait avec eux, semble-t-il. Le plus important, c’était Potter. Il le fit venir à lui lentement d’une légère impulsion magique et le récupéra dans ses bras. Il l’allongea immédiatement au sol.
— Potter, réveille-toi !
Il agrémenta son éclat de voix d’une légère secousse. Sans succès. Le Gryffondor demeurait inconscient. Il posa une main sur sa joue dont les rougeurs commençaient à se voir malgré la cendre. De la fièvre. Voldemort fronça les sourcils. Ce n’était vraiment pas le moment ! Qu’avait donc fait cette satanée sorcière ?! Son regard se glissa sur sa poitrine, là où le sombre lien s’était créé entre eux. Ses vêtements étaient légèrement roussis et, en dessous, un torse musclé portait une mauvaise brûlure.
— Merde ! jura-t-il. Potter !
Il lui tapota le visage et essaya même de lui lancer un sort pour le réveiller. Rien n’y fit. Il allait faire la fête à cette petite insolente !
Voldemort inspira profondément, son regard rougeoyant se glissant sur les décombres brûlées disséminées autour de lui. C’était bien trop dangereux qu’ils restent là. Déjà que des lieux normaux pouvaient s’avérer devenir un véritable enfer une fois les Ténèbres arrivées. Cette usine calcinée serait certainement bien pire.
Il se redressa et fit un tour sur lui-même. Il était au centre de la pièce principale de l’usine, juste à côté d’un trou créé par un effondrement. Il voulait avoir une bonne vision de l’endroit à pouvoir se visionner plus tard, à l’abri. L’avantage d’être un maître occlumens… Son inspection sommaire ne l’empêcha pas de noter la présence d’une formule latine incomplète sur le haut d’un mur ainsi qu’une grille de métal circulaire où les barres représentaient une fois encore le symbole chrétien.
Malgré ses notions assez bonnes du monde moldu, encore meilleures que celles de la majorité de ses mangemorts, il n’avait pas la moindre idée de ce que cette dernière pouvait avoir comme utilité. Toutefois, il commençait à suivre le raisonnement du Gryffondor. Il y avait bien trop de religion là-dedans pour que cela paraisse normal. Une école et un hôtel passe encore mais de là à retrouver le symbole de foi dans une usine !
Il laissa ses réflexions de côté et se pencha à nouveau sur Potter toujours inconscient. Il le prit dans ses bras et ferma les yeux pour transplaner. Un endroit dégagé et isolé. Le parc de Silent Hill semblait prometteur pour ce qu’il en avait vu la veille lorsqu’ils l’avaient longé. Et effectivement, il était désert.
Il posa un genou à terre et tint le jeune homme en position assise, sa tête contre son épaule. Dans ce semblant de sécurité, il souhaitait déjà découvrir quel genre de dégât cette jeune fille avait fait pour que Potter soit ainsi. Pénétrer son esprit semblait être une bonne étape pour le découvrir et tenter de le réveiller. Là encore, il fit chou blanc. Pour la toute première fois, Potter avait un mur imprenable autour de ses pensées. Voldemort n’arrivait même pas à suivre le fil de sa propre âme. Pourtant il y avait toujours eu une brèche au moins à ce niveau-là.
La rage montait et ses narines frémissaient. Cette sorcière allait l’entendre. On ne touchait pas à son horcruxe ! Il était sûr, c’était elle. Potter était bien incapable de défendre son esprit ainsi, encore moins inconscient.
Il lâcha un soupir bruyant et jeta un regard aux alentours. Ne sachant pas ce qu’il en était vraiment et ne voulant pas commencer des soins pour le torse au milieu du parc où il se savait pas en sécurité à cent pour cent, il se mit à réfléchir sur comment rejoindre l’église. C’était le seul refuge qu’il imaginait protégé des Ténèbres. Désormais essentiel avec un blessé à transporter.
Il se fit une carte mentale de la ville, barrant déjà un croisement qu’ils avaient essayé la veille sans succès. Il allait avoir une petite trotte avec Potter dans ses bras. Il l’allégea d’un sort, bien content d’être sorcier pour cela, et le souleva.
Il fit route à travers la ville d’un bon pas, en direction de l’église.
Quand il sentit ce léger frisson caractéristique d’un changement de réalité, il allongea ses enjambées. Il ne lui restait plus que trois rues à parcourir.
Une alarme se fit entendre, assourdissante, semblable à celle d’un vieux pénitencier. Des oiseaux s’envolèrent, affolés. Des pas précipités se firent entendre tout autour du mage noir. Une bonne trentaine de personnes, hommes et femmes, courraient en direction de l’église. Cela conforta Voldemort dans l’idée que la bâtisse était bien un sanctuaire.
Lorsqu’il arriva au cimetière qui entourait l’église, il se figea quelques secondes. Il fixait la croix au-dessus de l’entrée. Encore et toujours la même… Il chassa ses doutes pour le moment. Entre cela et les Ténèbres, il préférait de loin trouver pour un temps refuge dans cet endroit. Juste le temps que Potter reprenne connaissance. Il espérait vraiment qu’il se réveille. Il en avait besoin. Il était son guide, aussi aberrant que cela puisse paraître.
Alors qu’il montait les marches menant au parvis de l’église, il vit la vieille femme qu’il avait rencontré la veille qui descendait. Elle parlait aux autres survivants et les sommait d’affronter les Ténèbres et leurs démons. Toutefois, aucun ne l’écoutait, préférant se réfugier dans la maison de leur Dieu.
Voldemort devait avouer être impressionné par l’assurance de cette vieille moldue qui marchait avec calme à l’arrivée des Ténèbres. Mais il n’y réfléchit pas plus, portant Potter sur son épaule. Il devait le mettre à l’abri.
Il tiqua et s’arrêta en sentant la main de la femme lui saisir le bras.
— Vous ne courrez pas vers un sanctuaire mais loin de vos peurs, dit-elle avec assurance. N’allez pas avec les autres. Ce sont des imposteurs ! Ils sont maudits !
— Je n’ai pas le choix, rétorqua-t-il en se dégageant.
Il n’y avait pas mis tant de force pourtant. C’était bien la première fois. Il n’avait pas envie de s’en prendre à une femme, folle et faible moldue peut-être, qui arrivait à affronter les Ténèbres sans la moindre peur. A vrai dire, il était assez curieux de savoir comment elle faisait car il était évident qu’elle le faisait depuis longtemps. Mais il se trouvait assez limité hélas…
— Ce sont des loups ayant l’apparence d’agneaux, continua-t-elle. Ils vous entraîneront avec eux dans leur enfer.
— Tant qu’il ne se réveillera pas, je n’ai guère le choix, répliqua-t-il.
Il aurait souhaité ajouter quelques mots mais la module s’effondra, attaquée par une pierre en plein visage. Une autre femme venait de la lui lancer en hurlant.
— Mensonges et insanités ! entendit-il.
Une croyante qui prenait cette vieille moldue pour une hérétique… Et pratiquant la lapidation avant de courir se réfugier entre les murs de la maison de Dieu.
Voldemort n’hésita qu’une seconde de plus avant de la suivre, non sans jeter un regard en arrière à la femme qui ne craignait pas ces Ténèbres et qui, au contraire, avançait vers elle et y disparaissait sans même hurler. Il devait avouer que cela touchait son égo, à lui le puissant sorcier mage noir qui, depuis très longtemps, même s’il avait appris à vivre avec, était toujours effrayé par ces mêmes Ténèbres.
Une fois à l’intérieur, il posa sans tarder Potter à même le sol de pierre et aida les hommes à refermer les lourdes portes. Une fois cela fait, il se rapprocha du Gryffondor tout en avisant les visages qui le fixaient. Hésitation et curiosité se peignaient sur leurs traits mais aussi, et surtout, la peur. Il entra dans leurs esprits, les survolant rapidement, et retint un soupir. En plus d’être assez simples d’esprit, ils étaient tous des puritains d’un ordre religieux qui chassait et brûlait les sorcières.
Leur hésitation venait seulement du fait qu’ils ignoraient que la magie pouvait également résider dans le corps d’un homme. Ils pensaient que c’était le propre des femmes et autres entités démoniaques. Les incultes ! Mais cela pouvait se jouer à son avantage…
Par sécurité, il souleva Potter et l’amena à l’écart du chemin principal, près d’un mur où il pourrait le protéger sans craindre d’être submergé de toute part. Il sentait qu’il allait se faire agresser d’une façon ou d’une autre. Pas qu’il en était effrayé mais il ne savait pas encore comment il allait réagir. Potter inconscient et un fardeau pour le moment, il devait assurer seul leur sécurité à tous les deux. Et il devait toujours assurer la possibilité de trouver des réponses aussi… Bien qu’il pourrait les arracher de force aussi. Mais que gagnerait-il à fouiller des esprits étriqués, il n’en était pas certains. Cela pourrait lui prendre des mois.
Toujours avec cette incertitude qu’il cherchait à trancher, il gardait les moldus à l’oeil, sur ses gardes.
— Des pêcheurs ! s’exclama soudain une femme.
Cela fut suffisant pour lancer toute une multitude de cris et une foule endiablée contre les deux sorciers.
Voldemort hésita qu’une seconde de plus entre se saisir de sa baguette ou du bout de tuyau en métal rouillé à portée de main. User la magie n’était pas encore à son avantage dans ce monde entièrement habité par des moldus et ses réponses primaient sur tout le reste. Il s’arma alors comme un moldu et était prêt à se battre. D’autant plus que s’il utilisait la magie, il risquait fortement de se faire avoir trop vite et de finir sur un bûcher… Et emmener aussi Potter dans sa course à l'échafaud bien sûr. Là n’était pas leur objectif.
— Reculez ! cracha-t-il sur un ton menaçant. Ne vous approchez pas de nous !
— Des pêcheurs !
— Il faut les renvoyer aux démons !
Voldemort repoussa les moldus et dut jusqu’à en frapper sérieusement deux, ce qu’il avait fait sans le moindre scrupule d’ailleurs. Ce n’était que des moldus et des fanatiques. D’un certain côté, il en était même ravi. Il reçut un coup à la mâchoire sans qu’il ne réagisse plus que cela à la douleur, enivré par l’adrénaline qui coulait dans ses veines. Il serra plus fort le tuyau dans ses mains, s’entamant légèrement les chairs avec la rouille. Il était prêt à rendre encore coup pour coup.
— Ceci est un sanctuaire ! s’exclama soudain une voix féminine.
Le ton impérieux calma en une seconde à peine l’assemblée hystérique et toute violence cessa sur le champ.
Voldemort se tint toujours, prêt à se battre si nécessaire, mais il cherchait à savoir d’où venait cette voix qui avait sonné l’arrêt des combats. Une voix de chef… Savoir qui avait le pouvoir avait toujours un certain avantage. C’était très souvent le chef qui détenait le savoir. En particulier dans le monde religieux.
Une femme s’avança à travers la foule qui s’écartait pour la laisser passer. Elle s’approcha du mage noir, jetant juste un regard au Gryffondor juste derrière lui. Voldemort fit un pas en arrière, montrant bien qu’il était prêt à le défendre, bec et ongles. Même s’il se surprenait encore à le faire, il en était déterminé.
Comme il était examiné par cette moldu marâtre de ce petit groupe de fanatiques, il ne se gêna pas d’en faire tout autant.
Mieux vêtue que les autres, une robe bleue sombre et ternie par la poussière, cette moldue semblait un peu moins marquée par les Ténèbres que les autres. Mais à peine. Comme souvent pour les gourous, matriarche, bienfaitrice… Toutefois, cela ne semblait rien caché de particulier. Dans l’immédiat.
Après sa brève inspection de la moldue, il fixa l’intérieur de l’église afin de juger un peu plus dans quel type de secte il venait de mettre les pieds. Les murs et les vitraux étaient toujours un bon indicateur. Si les verrières ne lui dirent rien à cause de l’obscurité extérieure et la crasse, les murs, eux, furent particulièrement loquaces dans un sens. Un énorme bûcher était représenté, ceux que l’on ne trouve que lors de chasses aux sorcières. La même peinture que celle observée à l’hotel… Et l’inscription latine au-dessus était, cette fois-ci, complète.
‘Domine Deus Omnipotens in Cuius manu Omnis Victoria Consistit.’
— Seigneur, Dieu tout puissant, dans les mains de celui-ci, toute victoire repose, traduisit-il dans un murmure avant de reposer son regard sur la femme devant lui.
Elle n’était plus qu’à deux mètres de lui, les mains jointes devant elle. Son port dénotait une certaine éducation à une époque. Une femme fière et indépendante à n’en pas douter. En plus d’être croyante…
— Pourquoi êtes-vous ici ? demanda-t-elle.
— Nous cherchons un endroit où être en sécurité, répondit Voldemort, préférant être évasif tout en restant honnête.
— La maison de Dieu vous ouvre alors ses portes, fit alors la dame avant de se tourner vers les autres moldus. A présent, il faut prier, clama-t-elle plus fort.
Une prêtresse. Merveilleux ! Voldemort se garda bien de réagir ouvertement. Serpentard oblige. Mais il était vraiment dégoûté de voir toutes ses âmes, moldues qu’importe, ainsi suspendues à ses lèvres et boire ses paroles sans les remettre un seul instant en question.
Certes, c’était un peu Sainte Mangouste qui se foutait de la charité mais il pouvait admettre avoir tort, en particulier si on le lui prouvait avec du concret ! Pas toujours avec joie mais il était ouvert d’esprit autant que possible et surtout, il appréciait les personnes d’esprit !
Mais là, il n’avait guère le choix…
Une chose était sûre, dès que Potter se réveillerait, ils quitteraient ce lieu. Maintenant qu’il l’avait vu, il ne lui était pas très difficile de choisir. Entre les Ténèbres et les chasseurs de sorcières, le mage noir préférait les Ténèbres.
Il se pencha enfin sur Potter et examina sa plaie. Une très vilaine brûlure. Il n’en mourait pas, certes, mais elle pourrait s’infecter s’il n’y faisait pas attention. Hélas, il allait devoir se débrouiller avec ce qu’il avait sous la main. Il était absolument hors de question qu’il fasse de la magie en présence de ces moldus lapideurs et pyromanes !
Il trouva un peu d’eau non loin et il en versa dans une bassine relativement propre pour nettoyer la plaie. Il sortit un T-shirt du jeune homme du sac et le déchira en fine bandelette avant de commencer les soins. C’était tout ce qu’il pouvait faire en attendant que les moldus terminent leurs prières et que les Ténèbres se dissipent.
Il en était ravi…
═╬╬═════════════╬╬═
Les Ténèbres s’étaient dissipées depuis quelques heures quand la température de Potter chuta enfin. Et une heure de plus pour qu’il reprenne connaissance.
— Où sommes-nous ? demanda le jeune homme en se redressant lentement.
— L’église de Silent Hill, répondit Voldemort en lui tendant une gourde d’eau. Fais attention à ce que tu fais ou dis, conseilla-t-il ensuite dans un murmure. Salem, ce n’était rien à côté d’eux.
Les propos firent redressés la tête du Gryffondor et une lueur de compréhension, légèrement teintée d’une peur contenue, luisait dans ses orbes émeraude.
— Ah… génial.
— Au moins, tu t’es réveillé.
Le mage noir garda le silence pendant quelques secondes avant d’ajouter.
— Que t’a fait cette fillette ?
— Je ne sais pas trop, hésita Potter en fermant les yeux. Elle… m’a montré des choses.
— Alessa ? demanda Voldemort.
— Non… Plutôt un endroit. Je dirais… un hôpital. Mais c’était si… bizarre.
Le mage noir essaya de percer les expressions de son horcruxe, mais aussi ses sentiments, ce qu’il se retrouva incapable de faire. Le lien entre eux avait été… pas coupé. Assourdi. Il le sentait toujours. L’horcruxe existait toujours.
— Et qu’est-ce que tu y faisais ? demanda-t-il, contenant sa frustration au mieux.
— Elle me conduisait auprès d’une vieille dame… Gaunt, je crois.
Les yeux de Voldemort s’écarquillèrent sous la surprise.
— Gaunt ? Tu es sûr ?
— Je crois.
Le mage noir inspira profondément.
— Très bien. Nous verrons ça.
Il se redressa et continua.
— Viens. La prêtresse voudrait nous parler. J’ai refusé tant que tu n’étais pas réveillé. Ils n’ont pas vraiment compris que j’accordais de l’importance à tes propos alors que tu es encore mineur.
— J’avoue que moi non plus, répliqua le jeune homme en réprimant un bâillement et une grimace de douleur. Est-ce qu’il y a quelque chose à manger ? Je meurs de faim.
Le mage noir lui tendit une boîte de conserve entamée avec de la salade de fruits. Le Gryffondor s’en empara et mangea en silence ce qu’on lui offrait. Il ne se plaignait même pas du maigre pas repas, surprenant encore une fois le mage noir. Mais avec ce qu’il avait entendu de la vie de Potter. Plus rien ne devrait le surprendre en réalité.
En attendant, il observa les moldus qui restaient dans l’église et les autres qui sortaient pour s’aventurer sur le ‘territoire du démon’ afin d’aller chercher eau et nourriture.
Voldemort constata au bout de quelques instants que la prêtresse, du nom de Christabella, les observait aussi depuis le choeur de l’église. Elle eut un mouvement quand son regard brun se posa sur Potter. Elle les rejoignait d’un pas calme et assuré, offrant un sourire bienveillant à chacun des membres de sa congrégation qui passait près d’elle. Elle avait ce regard, à la fois supérieur et maternel, comme une mère qui veillait sur ses enfants. Et quand ce regard se posa sur les sorciers, ils ressentirent comme une désagréable impression. Quoi de plus normal pour eux qui se trouvaient au milieu de ces fanatiques religieux. La moindre erreur pourrait leur coûter la vie.
Voldemort afficha un visage neutre autant que possible alors que Christabella approchait encore. Et il ne fit rien qui pourrait mettre cette horrible moldue à dos dans l’immédiat, quoi qu’elle ait pu faire par le passé à une sorcière, à Alessa.
Mais chaque chose en son temps. D’abord, il souhaitait des réponses. Alors, il suivit la prêtresse, Potter sur ses talons, jusqu’à l’étage où siégeait un très vieil orgue. Là, deux autres fidèles attendaient. Pierre et Adam.
Même leurs noms étaient bien trop centrés sur la Bible !
— Tout d’abord, comment êtes-vous arrivés ici ? demanda Christabella en les regardant tour à tour, tenant pieusement ses mains devant elle.
Évidemment, elle aussi souhaitait des réponses. Elle en aurait donc. Mais ils feraient attention.
— Je vis les Ténèbres depuis que je suis enfant, révéla Voldemort. J’ai toujours cru être le seul à vivre cet enfer ou bien le seul à y avoir réchappé au fil des ans. J’ai cherché pendant des années à comprendre pourquoi je voyais ces Ténèbres et ces monstres. J’ai aussi cherché si d’autres personnes, d’autres enfants surtout, vivaient le même enfer que moi. Trouver un moyen de les protéger quand les Ténèbres arrivaient. Personne ne m’a jamais cru. Jusqu’à ce que je tombe sur ce jeune homme au moment même où Elles s’abattaient sur nous.
Les moldus posèrent un instant leur regard sur le gryffondor avant de le reporter sur le mage noir.
— Il m’a rapporté qu’il rêvait d’un lieu nommé Silent Hill. Alors nous voilà. Nous sommes ici pour comprendre pourquoi nous voyons toutes ces choses et pas les autres. Nous passons pour des fous auprès de nos semblables.
— Est-ce que vous êtes croyants ? demanda Christabella.
— Je fais ce qu’il faut pour survivre, répondit le Serpentard.
— Je n’ai pas demandé cela, Tom.
Potter releva un sourcil à la mention du nom mais Voldemort le fixa quelques instants, suffisamment discrètement, attendant le pire qui ne vint jamais. Aucun commentaire. Ce fut parfait. Mais il savait, il sentait, que la question viendrait plus tard.
— Qui êtes-vous pour juger ? questionna alors le Serpentard, peu désireux de parler croyance, surtout avec des moldus, ces moldus.
— Nous jugeons parce que les âmes du monde sont mises en jeu, parce que notre foi nous a jamais trahi. Notre foi nous met à l’abri des Ténèbres.
Voldemort soupira. Il n’allait quand même pas dire ouvertement qu’il croyait en Magia. C’était signer un aller simple pour le bûcher ! Mais peut-être que s’approcher de la vérité sans l’énoncer clairement…
— Je ne suis pas ce que l’on peut appeler un croyant, du moins pas selon vos principes. Mais avec le temps, j’ai compris que j’étais souvent en sécurité dans les églises et autres terres consacrées. alors je m’y suis souvent rendu. Pour le reste, si je crois en Dieu ? Ou au Diable ? Je ne saurais le dire. En une puissance supérieure à nous, certainement.
— Et vous, jeune homme ?
— Non, répondit le Gryffondor en croisant les bras, le regard défiant. Je ne crois pas en Dieu.
Les moldus étaient prêts à crier au blasphème mais le jeune sorcier ne leur en laissa pas le temps.
— J’ignore s’il existe ou non, et pour tout vous dire, je m’en balance. S’il est tout puissant, il n’est certainement pas tout bienfaisant. Et s’il est bienfaisant, alors il ne peut pas être tout puissant. Sinon comment expliquer les horreurs du monde ?
Potter souleva son blouson et son T-shirt pour présenter les marques dans son dos.
— Voici ce qu’une famille dite croyante m’a fait ! J’ai été traité en esclave pendant des années, je n’ai reçu ni amour ni soins avant d’être placé dans un internat où j’ai pu enfin me faire quelques amis, à l’âge de onze ans. J’ai vécu pendant dix années en ayant l’impression d’être un pestiféré auprès de ma propre famille ! J’ai reçu leurs coups, leur mépris et leur haine sans comprendre pourquoi. Je ne faisais rien de particulier, je veillais à respecter les préceptes chrétiens auxquels j’avais cru pendant un temps. J’y ai cru. J’ai prié. Longtemps. D’innombrables fois. Parfois des nuits complètes, caché dans un petit cagibis là où mon propre cousin était traité comme un roi, pourri et gâté. Ils allaient jusqu’à lui donner l’autorisation pour me tabasser.
Le jeune homme renifla dédaigneusement. Voldemort sentit que même si son horcruxe ne détestait pas spécialement les moldus en général, il détestait bien les moldus chrétiens. Il n’avait jamais entendu autant de venin dans sa bouche, même à son encontre, alors qu’il avait toutes les raisons d’en recevoir.
— Et pourtant j’ai continué à prier. Jusqu’au jour où j’ai compris qu’il ne ferait rien pour moi. J’étais seul avec mes emmerdes et avec mon horrible famille croyante, catholique. Depuis ce jour, j’ai cessé de prier, j’ai cessé de croire et j’ai agi par moi-même. Sauf ces derniers jours puisque j’ai rencontré… Tom.
Le mage noir fit un hochement de tête, presque imperceptible. Même s’il détestait ce nom, le Gryffondor avait compris la nécessité de l’utiliser devant des moldus. Voldemort était un peu trop… étrange ? diabolique ? Il ne préférait même pas savoir ce qui passerait dans la tête de ces horribles personnes. Il mettrait juste sa main à couper que ce serait là aussi un aller simple pour le bûcher et il n’était clairement pas tenté.
Il vit Christabella hocher la tête. Elle comprenait le point de vue de Potter. Un affleurement de leur esprit, à tous les trois, suffit à Voldemort pour voir le tableau. Ils voyaient Potter, au final, comme un agneau qui avait perdu son troupeau à cause de mauvais guides. Et ils pensaient pouvoir lui rendre la Foi.
Si la situation n’était pas suffisamment inquiétante, et stressante, il en aurait ri !
— La vérité apparaît à ceux qui savent regarder, dit la prêtresse avec un petit sourire qui sembla faux aux deux sorciers. Dieu vous a mis à l’épreuve et vous a conduits vers nous, pour que nous vous guidions sur le chemin de la Foi.
— Cela reste encore à prouver, répondit Voldemort, dubitatif. Nous allons rester sur des principes un peu plus rationnels que la Foi en Dieu pour commencer.
— Si vous le souhaitez. Les chemins peuvent être de toutes sortes et les obstacles tout aussi différents pour éprouver notre foi et nous garder du Malin. Votre chemin est de toute évidence différent du nôtre mais la destination reste la même. Si nous pouvons vous aider, nous le ferons.
— Nous vous remercions pour cela, termina le mage noir en faisant un petit signe de tête.
Potter en fit autant, silencieux. Mais une chose était sûre pour lui, il n’aimait pas et n’aimerait jamais ces gens. Ni même l’église. Et encore moins cette maudite ville !
═╬╬═════════════╬╬═
— Gaunt, vous dites ? répéta Christabella, pensive. Mérope Gaunt ?
— C’est en effet son prénom, confirma Voldemort. Vous la connaissez ?
— Elle est une de nos anciens, répondit la prêtresse en penchant la tête, les lèvres pincées. Ou du moins elle l’était avant que le démon s’attaque à elle et la fasse sombrer dans la folie.
Son visage exprimait quelque chose, un mélange de gêne et de honte mais aussi une once de… pitié ? Après un nouvel examen de surface de son esprit, c’était effectivement cela. De la pitié.
Voldemort inspira profondément. Ne pas s’énerver, ne pas s’impatienter et ne pas torturer cette satanée moldue pour avoir les réponses qu’il recherchait.
— Où est-elle aujourd’hui ?
— Si elle vit toujours, elle est à l’asile, répondit Christabella. Mais c’est assez éloigné de notre sanctuaire. Si vous y allez, vous serez à la merci des Ténèbres quand elles tomberont.
— En plus de soixante ans, j’ai appris à survivre aux Ténèbres. Aujourd’hui, je cherche à comprendre pourquoi je les subis.
— Et vous attendez des réponses d’un esprit malade ? s’étonna-t-elle.
— Tout dépend de ce que vous entendez par malade, répliqua le mage noir. le monde a changé, la médecine a évolué et j’ai appris beaucoup de choses lors de mes voyages. Peut-être que je pourrais la comprendre. Mais oui, je souhaiterais la voir. D’une part parce que je veux comprendre ce que signifie tout ceci mais aussi pour des motifs d’ordre plus personnel.
— Et quels sont-ils ?
— Mérope Gaunt est ma mère.
— Par la barbe de Merlin ! s’exclama Potter. Celle-là, je ne l’ai pas vue venir !
— Potter, la ferme !
— Désolé, il n’y en a pas dans le coin, plaisanta le Gryffondor en s’écartant.
Voldemort soupira.
— Les adolescents peuvent être désespérants de nos jours, dit-il en se pinçant l’arête du nez.
— La faute à qui si je n’ai pas eu une bonne éducation ?
Le mage noir ne releva pas et écouta les propos de la prêtresse sur le meilleur chemin pour se rendre à l’asile et les éventuelles difficultés qu’ils pourraient rencontrer en route.
— Je vais prier pour vous, Tom, dit la moldue en posant une main sur l’épaule du sorcier.
Il retint une grimace, ou encore de s’écarter vivement de ce toucher qui le dégoûtait.
— Mais je doute que vous et votre ami reveniez en vie, termina-t-elle sur un ton faussement triste.
La belle hypocrite… Il ne fit toutefois aucun commentaire et attendit patiemment que la main se retire de son épaule.
— Nous verrons bien, dit-il simplement.
Le mage noir s’éloigna de la prêtresse et de ses disciples pour rejoindre Potter.
— Profite encore du peu de repos que tu peux prendre ici, lui annonça-t-il avec calme mais autorité. Dès que les Ténèbres se dissiperont, nous reprendrons notre route.
— Très bien, fit le jeune homme en s’asseyant sur un banc. Merlin… Tout cela pourrait bien être une vieille affaire de famille qui ne me concerne même pas !
— Potter…
— Ouais, ouais. Je sais. Je la ferme.