Seungsik

Encore un matin où Seungsik n'a pas vraiment envie de quitter son lit. Encore une journée à supporter les regards, les murmures et les moqueries. Encore une semaine à l’internat, loin des gens qu’ils aiment.

Depuis le début du semestre dernier, Seungsik a commencé à sentir un changement de comportement vis-à-vis de ses camarades de classe. Avant, il était l’étudiant modèle, le premier de sa promotion, et tous les autres élèves couraient après lui pour avoir droit à des cours particuliers en sa compagnie.

Aujourd’hui, ses soi-disant amis ont, pour la plupart, cessé de lui parler depuis que certaines rumeurs ont commencé à circuler dans les couloirs.  

Cependant, il se sent quand même soulagé de savoir qu’il partage sa chambre avec le délégué. Cet élève aussi studieux dans l’enseignement général que doué dans l’option qu’il a choisi. Grâce à lui, les moments à l’internat lui semblent un peu moins pénibles ces temps ci.

Tandis qu’il se décide enfin à quitter son lit, il entend son colocataire revenir en chantant, de la salle de bain collée à leur chambre.

— T’es pas encore prêt ? Magne, si tu veux pas arriver en retard en cours.

— Tu peux parler, t’es encore presque à poil toi, rétorque Seungsik en pointant du doigt la serviette autour des hanches de son colocataire.

— J’ai aucun problème avec ma nudité. Que veux-tu, j’suis beau, autant le montrer au monde entier, nan ? lance Woodz en retirant fièrement sa serviette de bain.

— Ah ! Mais range ta queue, mec ! Je viens d’ouvrir les yeux, j’ai pas forcément envie de voir ton machin de bon matin là, grogne Seungsik en se cachant les yeux avant de partir en trombe, en direction de la salle de bain.

En arrivant au niveau de la porte de leur chambre, il tombe nez à nez avec Kino qui se tient debout devant eux. Ce dernier semble un brin agacé, le visage fermé et les sourcils froncés. Mais Seungsik le regarde tout de même s’approcher du bureau de Woodz afin d’y déposer un petit sac.

—  Je suis passé récupérer des viennoiseries pour vous, les gars. Mais si je dérange, je peux repasser, ajoute Kino toujours agacé.

— Écoute, c’est lui qui se met à poil à chaque occasion, j’y suis pour rien, moi. C’est ton pote, gère-le s’il te plaît. Moi, il m’épuise un peu… Mais, merci pour la brioche, ajoute Seungsik en tapotant l’épaule de Kino avant de partir pour la salle de bain. 

— Seungsik attend, le retiens doucement Kino. j’ai croisé Haruna en arrivant. Apparemment, elle a quelque chose pour toi et elle t’attend derrière l’aile B.

— Ça serait plus simple si tu te décidais enfin à créer ton profil sur AstroLine. Ça nous éviterait de devoir te passer ce genre de message, ajoute Woodz sa serviette de bain toujours maintenue au niveau de son entre-jambe.

— Oui, et toi, tu devrais t’habiller ! 

— Rabat-joie…

Seungsik s’éclipse rapidement, laissant les deux amis de toujours se quereller, tandis qu’il se dépêche de se préparer avant d'enfiler son uniforme. Une fois prêt, il attrape son sac de cours et se rend, comme convenu, à l’arrière du bâtiment de l’aile B pour rejoindre Haruna.

Dans un premier temps, il reste perplexe, figé, en ne voyant personne dans les environs. Après quelques instants, il se retourne, prêt à partir dans le sens opposé pour rejoindre la salle de classe. Mais soudain, il sent une chaleur recouvrir une partie de son dos et deux mains venir se faufiler sous son pull, pour se poser sensuellement contre son ventre.

Surpris par ce contact froid sur sa peau, Seungsik se retourne rapidement et dans un mouvement de recul, retire ces mains de son corps. 

— Hey, pourquoi tu te braques comme ça ? C’est que moi, t’inquiète, murmure Haruna en venant à nouveau glisser ses mains sous le pull de Seungsik enfin face à elle. 

— Ouais, pardon, annonce Seungsik en se raclant la gorge. J’ai croisé Kino, il m’a dit que tu avais quelque chose pour moi ? 

— Ferme les yeux.

— Pourquoi ? demande Seungsik d’un air perplexe, pas vraiment rassuré.

— Ferme les yeux, c’est tout.

Toujours tendu au contact des mains d’Haruna contre sa peau, Seungsik ferme les yeux en espérant que ces dernières se retirent rapidement. D'abord soulagé en sentant une de ses mains quitter son ventre, il se tend à nouveau lorsque celle-ci vient fermement agripper une de ses fesses, tandis que ses lèvres se posent vigoureusement sur les siennes.

À nouveau, Seungsik réagit dans un geste de recul, repoussant brusquement Haruna.

— Merde, c’est quoi ton problème ? On sort ensemble depuis un an bientôt. Faudrait peut-être que t’arrêtes de jouer les timides.

— Désolé... Mais là, on est dans un lieu public et puis-

— T’es chiant, s’écrit Haruna, coupant la parole à Seungsik. T’es vraiment chiant, putain ! T’es au courant que je pourrais sortir avec qui j’ai envie ? 

— Pourquoi tu m’as proposé de sortir avec toi, si c’est pour me dire ça maintenant ? 

— Laisse tomber, conclut Haruna en partant, furieuse, rejoindre l'intérieur du bâtiment.

Tandis qu’il observe sa petite amie s’en aller, Seungsik s’essuie machinalement les lèvres avant de réajuster son uniforme, glissant à nouveau son pull à l'intérieur de son pantalon. Alors qu’il s’apprête à quitter l’arrière du bâtiment, il entend un léger ricanement provenant de l’autre côté de l'établissement, au niveau de la grille menant à une des sorties.

Quand il se retourne, il remarque que le nouvel élève de sa classe l’observe, nonchalamment appuyé contre le mur, pendant qu’il fume tranquillement un joint.

— C’est interdit de fumer ici, annonce Seungsik en montrant du doigt les bâtiments autour d’eux.

— Et alors ? grogne Hanse en s’approchant lentement de Seungsik.

— Alors rien… Je disais ça pour toi, c’est tout. 

— Tu devrais plutôt t’occuper de ta nana et arrêter de jouer les puceaux, au lieu de t'intéresser à ce que moi je fais, rétorque Hanse en venant souffler un peu de la fumée qu’il avait dans la bouche devant le visage de Seungsik.

Fronçant les sourcils à cause de la fumée qui s'infiltre à présent dans ses narines, Seungsik soupire en voyant cet étudiant passer devant lui paresseusement. Agacé par la situation, il songe un instant à s’isoler pour digérer ses émotions, mais la sonnerie du lycée indiquant le début des cours se fait entendre. 

Pressant le pas dans les couloirs, il arrive enfin devant la salle de la classe A. Lorsqu’il entre, il remarque d'abord que sa petite amie ne daigne pas lui adresser un regard, préférant flirter ouvertement avec Serim. Une fois installé devant son pupitre  au premier rang, il a la désagréable sensation d’être observé.

Quand il se retourne furtivement, il capte le regard perçant et insistant du nouvel élève installé au fond de la classe. Bien qu’il ait reporté ses yeux sur son bureau, Seungsik continue de sentir le regard du jeune homme posé sur lui, ainsi que des frissons parcourant sa colonne vertébrale.

Mais alors qu’il s'apprête à tourner à nouveau la tête dans sa direction, curieux de savoir si ce dernier le fixe encore, il entend son voisin de table se retourner vers lui.

— Je sais pas ce que tu lui as fait au p’tit nouveau, mais il a pas l’air de t’apprécier, chuchote Yejun en grimaçant tandis qu’il commence à gribouiller sur la feuille devant lui.

— Ouais, bah si je pouvais éviter les emmerdes, ça m'arrangerait.

— Te prends pas la tête avec lui alors… Hier, je l’ai vu traîné avec Serim, ça sent pas bon tout ça si tu veux mon avis, conclut Yejun, le nez toujours fourré sur son dessin, tandis que le professeur Lee entre enfin dans la classe.

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À la fin des cours, lorsque tous les étudiants rejoignent paisiblement leurs dortoirs, Seungsik lui, un soir sur deux, quitte quelques heures l’établissement pour attaquer sa deuxième journée au Better Place, le café-restaurant situé à quelques pas du lycée.

Ayant quelques minutes d’avance, Seungsik s’arrête devant l’enseigne, salue d’un geste de la main son patron qu’il aperçoit d’ici et décide d’appeler rapidement sa mère avant d’attaquer son service du soir.

— Hey, mon grand, ça va ? 

— Coucou Dami, j’vais bientôt commencer mon service, mais ça va. Je voulais juste te demander quelque chose.

— Laisse-moi deviner, toi aussi, tu cherches le cadeau parfait pour l’anniversaire de maman ? 

— Ahah, oui, tout juste ! J’ai assez d’argent de côté avec tout ce que j’ai bossé cet été. Je voudrais lui faire un joli cadeau, mais je suis à court d’idées.

— Franchement, chéri, maman et moi, on ne veut pas te voir dépenser ton argent bêtement. Alors, tu sais quoi ? Offre-lui un joli cadre.

— Un cadre ? C’est tout ?

— Elle n'arrête pas de me dire qu’elle veut pouvoir encadrer le portrait que tu as dessiné de nous deux à Noël dernier.

— Je te fais confiance. Après tout, vous vous connaissez toutes les deux depuis tellement d’années.

— T'insinue que je suis vieille là ? Fait gaffe, jeune homme, je peux te priver de téléphone si je veux. C’est pas parce que je suis la maman cool que j’vais pas me vexer. 

— Dami, t’es la meilleure des mamans et je t’aime.

— J’aime mieux ça ! Allez, file bosser maintenant. 

— Bonne semaine ! Embrasse maman pour moi.

— Compte sur moi, fiston.