Parfois, le papa de Maxence et mon papa réussissent à s'embourber dans un sacré pétrin.
On se ressemble beaucoup Maxence et moi. Quand nous sommes nés, à deux jours d'intervalle, notre maman est partie au ciel. Nos papas se sont rencontrés à l'hôpital et ils sont rapidement devenus inséparables, s'entraidant pour surmonter la perte terrible qu'ils avaient tous les deux vécue. J'ai toujours connu Maxence, c'est mon voisin de palier. On va à l'école ensemble, on rentre de l'école ensemble, les autres disent même que nous sommes des jumeaux tant nous sommes toujours fourrés ensemble. Et c'était vrai ce jour-là.
Perchés sur le balcon, les pieds dans le vide, nous étions en train de jouer à Pokémon. En bas, mon papa et celui de Maxence s'étaient lancé dans une énième tentative de rendre service à madame Pookie, la vieille bique du quatrième étage. Tous les mois, elle donne cinquante euros à la personne qui l'a le plus aidé dans l'immeuble. Nos papas ont toujours cherché à se concurrencer sur ce point, comme s'il fallait absolument prouver que l'un ou l'autre était le plus fort.
La mission du jour était de monter le frigo de madame Pookie au quatrième étage. Le seul problème ? L'ascenseur, comme six jours sur sept, était en panne. Nos papas avaient donc décidé de le porter dans les escaliers à eux tous seuls, refusant l'aide du livreur par peur de payer plus cher. Maxence et moi ne voulions pas rater le spectacle. Ainsi, dès qu'ils passèrent la porte du hall, nous courûmes en direction de la cage d'escalier pour avoir un meilleur point de vue sur la scène.
L'escalier en colimaçon offrait une visibilité sans précédent sur la scène. Au début, tout se passa bien. Mais très vite, les deux papas rougirent sous l'effort et le poids de l'appareil ménager. Le papa de Maxence, celui qui se trouvait en marche arrière, fut le premier à rater une marche, au niveau du deuxième étage. Il tomba sur les fesses et disparut sous le frigo. Mon papa tenta de rattraper le coup, mais en équilibre fragile, il bascula en arrière, tout en restant accroché au cube refroidissant qui se redressa et chuta avec lui.
Je ne sus jamais comment nos deux papas se retrouvèrent à faire du surf sur le frigo jusqu'en bas des deux étages, mais nos côtes finirent par nous faire mal à force de rire. Ils s'écrasèrent tous les deux sur le carrelage en bas et il fallut appeler les pompiers.
Plus tard, à l'hôpital, nous dûmes nourrir nos papas. Celui de Maxence s'était cassé le bras droit et le mien le bras gauche. Dans cette histoire de muscles, néanmoins, le frigo n'a pas survécu. À défaut de gagner de l'argent de poche, nos deux papas se cotisèrent pour le rembourser à madame Pookie qui refusa de leur confier à l'avenir la moindre tâche.