Il n’y avait pas de secret au village d’Angeldenn. Tout savoir sur son voisin était la chose la plus naturelle qui soit, rien n’était laissé dans l’ombre : les hommes connaissaient par cœur les transactions du voisin de droite avec celui de gauche, les préférences en alcool fort de leur patron du premier rang, et les exploits du fils aîné de la famille en face. Les femmes savaient ce que ceux du rang derrière avaient mangé la veille, le désir d’un nouveau nourrisson dans la maisonnée de la famille à côté, et les conflits maritaux de celles avec qui elles prenaient le thé toutes les semaines.
Il n’y avait pas de place pour des secrets à Angeldenn. Employé de l’un ou patron de l’autre, partenaire commercial ou de soirée à la taverne du troisième rang, amie intime ou de circonstance, chacun et chacune scrutait l’autre, matin, midi et soir. Ainsi fonctionnaient Angeldenn et sa communauté. Ainsi cette dernière se tenait-elle debout, forte et loin des surprises, depuis aussi longtemps que les plus vieilles générations pouvaient en témoigner. Tous se souvenaient, pour protéger la continuité sans faille de leur mode de vie qui assurait à tous et à toutes un avenir paisible.
Si les secrets n’avaient pas leur place à Angeldenn, qu’en était-il de ceux et celles qui s’écartaient de leur chemin tracé ?
Valériane écoutait sa mère avec une attention pénible. Elle essayait de le faire, malgré son esprit qui se portait vers l’extérieur. L’habitude des sermons maternels, qui fournissaient conseils et directives fermes, aidait un peu. Elle voulait atteindre ce futur que ses parents avaient planifié avant même sa naissance. Sa mère, un petit bout de femme qui lui arrivait au menton - puisqu’elle, elle avait hérité de la grandeur de son père - avait une voix difficile à ignorer. Valériane savait qu’elle aurait tout à gagner à l’écouter ; sa mère était l’exemple parfait de la résilience et de la réussite, même si les fois où elle voyait le doute derrière les yeux bleus maternels se multipliaient ces derniers temps. C’était comme des fantômes de souvenirs qui traversaient momentanément le voile de force et de fermeté dont sa mère se drapait. La plus jeune n’osait pas la questionner.
— Madame Camélia trouve que tu es dispersée ces derniers temps. Tu manques d’attention et, plus d’une fois, tu as gâché ton travail de la journée.
Valériane savait quand se taire ; elle sentait que le fond du problème n’avait pas encore été évoqué.
— Je n’en reviens pas non plus que tu lui aies répondue de cette manière, ce n’est pas ainsi que je t’ai élevée.
Toujours dans le silence de sa contrition, elle ne put s’empêcher de ressentir une pointe d’injustice. Elle n’aimait pas la manière dont sa mentore à l’atelier parlait à certaines de ses camarades. L’une d’elles manifestait depuis quelques semaines des signes de stress. Bien qu’elles ne s’appréciassent pas vraiment, Valériane avait cherché, en premier lieu, à savoir ce qui se passait, mais s’était heurtée au silence. Elle avait ressenti une vive indignation lorsque Camélia avait tapé sur les doigts de la malheureuse ; un châtiment qui n’était pas à la hauteur du crime. Le coup avait laissé une marque rouge sur sa peau. Valériane avait alors élevé la voix pour détourner l’attention de la superviseure vers elle, lui disant qu’elle n’arriverait pas à améliorer les performances de sa camarade si elle lui blessait les doigts. Elle pensait que l’incident était clos, puisque le reste de la journée s’était passé sans autre anicroche, et sa camarade avait semblé moins morose en quittant les lieux. Mais sa mère en avait entendu parler.
— Je veux que tu rentres tout de suite à la maison le soir, enchaîna-t-elle.
— Oui maman.
C’était par automatisme que Valériane avait répondu, pour éviter de laisser transparaître le moindre soupçon d’opposition à l’ordre de sa mère. Elle allait aussi être en retard si elle ne partait pas maintenant ; l’atelier de la tisserande Camélia était de l’autre côté du village.
Embrassant sa mère en évitant son regard, pour ne pas y voir ce doute étrange, elle sortit de la maisonnée. Aujourd’hui était une belle journée, le soleil entamait paresseusement sa montée, mais le village vrombissait déjà d’activité. Comme tous les matins, Valériane salua ses voisines, l’une d’elles allant dans la direction opposée, et l’autre s’occupant tranquillement du jardin, son ventre rond pointant fièrement à travers ses vêtements aux couleurs de la terre. La routine ne dérangeait pas la jeune femme ; elle en tirait même un certain réconfort. Elle savait vers quoi elle se dirigeait et ne perdait donc pas de temps à soulever des questions inutiles, qui étaient aussi néfastes pour elle que pour les autres, comme le lui avaient enseigné ses parents depuis qu’elle était toute jeune.
Aujourd’hui, cependant, le sentiment proche de l’irritation qu’elle ressentait ne perdit pas en force. La marche jusqu’à l’atelier avait toujours eu le bienfait de calmer son esprit emballé ; l’interdiction parentale lui paraissait toujours aussi injuste. Après chaque journée de travail, la jeune artisane avait un peu de temps pour aller à la rencontre de sa meilleure amie Alysse. Elles se retrouvaient ainsi toutes les deux à la lisière nord du village, derrière l’ancienne tannerie qui n’était plus occupée et tombait en décrépitude, pour discuter de tout et de rien. Alysse avait un an de moins qu’elle et ses traits résistaient encore au passage à l’âge adulte. Sa chevelure, qu’elle avait coupée aux épaules, au grand dam de son père, était aux antipodes de celle de son aînée, arborant une teinte rousse si éclatante qu’on aurait pu croire à une quelconque parenté avec une des créatures féériques de la forêt des histoires pour les enfants de leur village. Valériane appréciait énormément la jeune femme, son exubérance et son franc-parler. Cette dernière avivait, pendant de brefs instants, une part d’inconnu qu’elle avait appris à chérir en grandissant : elle s’était souvent scandalisée des libertés que prenait la rouquine quand elles n’étaient que toutes les deux, son désarroi se transformant inévitablement en rire.
Elles étaient devenues amies alors que leurs familles n’évoluaient pas dans les mêmes cercles, fait plutôt rare à Angeldenn, où les amitiés prenaient la forme d’alliances et d’échanges pour le bien de tous. La famille de Valériane provenait surtout d’un milieu artisan, tandis que celle d’Alysse gravitait autour des sphères politiques et culturelles. Le père d’Alysse était ami avec le maire et avait pu trouver un apprentissage à sa fille en tant qu’historienne, un poste prestigieux au sein de leur communauté.
⁂
Deux ans auparavant
Comme à son habitude, Valériane retrouva Alysse à l’ancienne tannerie.
Elle avait été étonnée de ne pas voir sa meilleure amie dans la salle de classe, plus tôt dans la journée. Elles étaient à quelques mois de terminer l’enseignement général donné aux jeunes filles, pour entrer en apprentissage dans leurs domaines respectifs. Valériane ressentait une certaine excitation à l’idée d’être sous la tutelle de madame Camélia, en tant qu’apprentie tisserande. Alysse, plus douée qu’elle, pouvait se permettre de manquer les cours. Mais cette perspective était étrange, en décalage avec l’insatiable curiosité de la rouquine.
C’était donc avec un mélange d’inquiétude et d’une douce joie que Valériane avait rejoint son amie, qui était assise à même le sol, d’une manière tout à fait disgracieuse qui aurait fait lever un sourcil à leurs maîtresses d’école. Alysse tenait un ouvrage dont la couverture différait des livres d’histoire qu’elle trainait avec elle ces derniers mois. Elle semblait complètement absorbée par sa lecture. Un sourire amusé sur les lèvres, Valériane se faufila derrière elle pour poser ses mains sur ses épaules, provoquant un sursaut chez la jeune fille. Cette dernière referma d’un geste brusque son livre avant de se tourner vers elle. Une étincelle inhabituelle de crainte diffuse dans son regard l’alerta aussitôt.
— Ce n’est que moi, souffla-t-elle, soucieuse.
Voyant son amie se détendre, elle prit place en face d’elle, s’assurant dans un geste automatique d’enlever tous les plis de sa robe, ce faisant. Après lui avoir demandé si elle allait bien et voyant qu’elle avait quelques réticences à s’ouvrir à elle – Alysse était un puits sans fond de paroles en temps normal – Valériane porta son attention sur le livre qu’elle tenait. Malheureusement, elle ne pouvait en déchiffrer le long titre, puisqu’elle n’avait jamais appris à lire.
— C’est la dernière biographie du chef Charon. Il est originaire d’ici et il a réussi à ouvrir pas moins de trois restaurants à succès !
Puisqu’Alysse ne semblait pas vouloir parler du fond du problème, Valériane la laissa monologuer sur la réputation des restaurants dans les autres villages. Elle trouvait étrange que le chef n’ait pas ouvert d’établissement à Angeldenn, son village natal, mais sans plus.
Cependant, elles se connaissaient assez pour deviner, la plupart du temps, le fond de la pensée de l’une et de l’autre. Alysse finit par soupirer, interrompant son babillage insouciant, sachant que son amie n’allait pas ignorer la détresse qu’elle transpirait :
— J’aimerais bien faire comme lui. Je suis assez bonne là-dedans ! La cuisine, je veux dire.
Valériane n’eut pas besoin d’en savoir plus pour imaginer la suite de la scène.
— Tu en as parlé à tes parents, comprit-elle, une moue désolée sur son visage.
— Mes parents l’ont mal pris, oui ! Ils ne veulent pas du tout m’écouter ! s’échauffa la rouquine. Ils m’ont envoyée plus tôt auprès d’un maître historien, je ne vais même pas pouvoir finir les cours avec toi. Ce n’est pas juste !
C’était bien la première fois qu’elle exprimait autant de frustration. Certes, Alysse avait un esprit contestataire – bien qu’elle n’ait jamais vraiment fait quoi que ce soit qui mériterait de graves conséquences – mais elle s’exprimait surtout par l’humour. L’éclat de douleur dans son regard touchait Valériane, à un tel point qu’elle ne sut quoi dire sur le moment. Alors elle se contenta de se glisser près de sa meilleure amie en l’enjoignant à lui en raconter un peu plus sur ce chef et sur ses exploits culinaires, et de lui montrer les illustrations du livre.
⁂
Valériane n’avait pas compris quand Alysse lui avait avoué qu’elle détestait la voie que sa famille lui avait fait emprunter. Il lui avait été impossible, pendant longtemps, de concevoir que sa meilleure amie veuille passer ses journées dans la chaleur d’une cuisine, à se démener physiquement jusqu’à ce que ses pieds et son dos la fassent souffrir, alors que la voie historienne lui était ouverte. Elle allait avoir le pouvoir de raconter ce qui se passait ailleurs ! Mais cette disparité entre elles était un des aspects de leur amitié que Valériane avait fini par accepter et même apprécier, se raccrochant de plus en plus au fil des années à l’étrangeté de leur situation unique.
Ne plus avoir le droit de la voir une fois leur journée de travail terminée attristait donc la jeune femme. C’était même avec surprise qu’elle réalisa vouloir désobéir à sa mère, et décida d’y aller quand même. La peur des conséquences et de la déception dans les yeux de ses parents la démangeait. En arrivant à son travail, retrouvant l’ambiance familière de l’atelier, elle se rendit à l’évidence : sa mère avait raison. Il fallait qu’elle s’applique plus dans sa tâche. Sa valeur en serait grandement augmentée si elle arrivait au même niveau d’expertise que Camélia, dont les vêtements étaient portés par toutes les dames d’Angeldenn. Sa superviseure était même connue en dehors du village – c’était ce que lui avait raconté Alysse, qui avait subtilisé certains journaux de Rapporteurs qui n’étaient pas destinés à leurs yeux de jeunes filles. Valériane avait été brièvement choquée par la bravade de la rouquine, avant de se risquer à lui demander de lui faire la lecture de ces ouvrages écrits de la main d’hommes respectés et préparés, dès leur enfance, à faire voyager l’information à travers tous les villages. Sa curiosité avait pris le pas sur son malaise ; elle s’était décidée à considérer madame Camélia, à l’époque, comme son modèle de réussite. C’était aussi ce que ses parents voulaient pour son avenir, et aller à l’encontre de leur volonté était aller contre le bon fonctionnement du village et contre elle-même.
La journée passa avec une lenteur frustrante. Peu concentrée, Valériane se fit à nouveau réprimander par Camélia et elle ne put ignorer les chuchotements désapprobateurs des autres apprenties. Elle allait immanquablement être un sujet de discussion, autant chez ses pairs que leurs aînées. Cette attention ne lui plaisait pas outre mesure, et une nouvelle crainte lui enserra le cœur. Si elle ne parvenait pas à réussir, serait-elle toujours considérée comme possédant assez de valeur ? Surtout aux yeux de la famille de Solas, avec qui elle était fiancée depuis maintenant deux ans ?
⁂
Valériane, cinq ans
C’était la première fois qu’elle rencontrait Solas. Lui avait onze ans, et, mis à part le fait qu’il était le fils du maire, il se démarqua tout de suite des autres garçons de son âge aux yeux de Valériane. En effet, ces derniers, encore peu affectés par la vie qui les attendait, chahutaient entre eux. Ils étaient presque en âge d’être séparés des filles pour suivre un parcours différent, selon les moyens de leurs familles, mais avaient déjà commencé à rester en groupe, abandonnant les tirages de couettes et les grimaces aux filles, qui ne les faisaient plus rire, pour jouer aux aventuriers. Solas était parmi eux, tout en imposant par sa présence une certaine distance. La toute petite fille qu’elle était put l’observer de loin une première fois. Elle tenait la main de sa mère, alors que cette dernière l’amenait à l’école.
Tout en lui respirait un calme qui contrastait avec la turbulence qui l’entourait. Il avait les bras croisés et regardait autour de lui, encadré de deux autres garçons qui avaient bien du mal à tenir en place. Ils se calmèrent aussitôt lorsque Solas se tourna vers eux pour leur parler. Valériane n’en vit pas plus ce jour-là, mais elle se souviendrait pendant des années de sa nature posée, et ressentirait toujours une forme de respect pour lui, au-delà du prestige de sa famille.
Quatre ans plus tard
Deux ans étaient passés depuis la mort de Violette lorsque Valériane adressa la parole à Solas pour la première fois. La jeune fille était toujours ébranlée par la tragédie qu’elle n’était pas certaine d’avoir bien saisie, mis à part le fait que sa sœur lui manquait. Sa famille avait été invitée par celle de Solas. Lors des présentations officielles, elle trouva le grand homme, le père de Solas et maire d’Angeldenn, très impressionnant, trop pour se sentir à l’aise. Puis elle vit le garçon de quinze ans, un air stoïque sur le visage, qui lui rendit son regard à quelques reprises. Elle n’avait jamais été sûre si elle avait rêvé, ce jour-là, de l’éclair de colère qui était venu briser la surface de ses yeux jusqu’alors calme.
Ils se parlèrent deux fois lors de ce souper. Valériane ne se rappelait plus très bien ce qu’il lui avait dit. Probablement une banalité qui se voulait réconfortante face à la disparition de sa petite sœur. Car, dans son esprit d’enfant, elle avait cru longtemps que cette rencontre n’était qu’une tentative compatissante de ramener un peu de joie dans sa famille brisée. La réalisation que celle-ci avait été le début d’un long processus vers des fiançailles entre Solas et elle ne vint qu’après coup.
⁂
La fragilité que Valériane ressentait et qu’elle tentait de refouler depuis trop longtemps, si longtemps qu’elle en avait oublié l’origine, vint l’étouffer alors qu’elle rangeait son matériel de travail. Ses pensées se dirigèrent automatiquement vers Alysse, avec qui elle pourrait sûrement discuter de ce qu’elle ressentait. Son amie, si libre dans ses pensées, aurait peut-être des mots réconfortants, voire encourageants. Elle avait toujours le mot pour tout. C’est donc en reléguant ses craintes au fond de son esprit, et s’assurant qu’elle n’attirait pas l’attention, ce faisant, d’une des autres filles, que Valériane s’éloigna de l’atelier, empruntant non pas la route pour retourner chez elle, mais plutôt celle de l’ancienne tannerie. Il n’y avait aucun mal à aller voir sa meilleure amie, surtout si c’était pour l’aider à se sentir mieux et retrouver ce calme et cette maîtrise dont ses parents étaient fiers ; sa mère comprendrait lorsqu’elle lui expliquerait. Ce n’était pas comme si elle comptait s’enfuir avec le premier venu. C’était Alysse. De plus, son mariage était une situation qui devenait de plus en plus concrète maintenant qu’elle avait dix-huit ans. Après celui-ci, elle ne pourrait plus passer autant de temps avec Alysse, du moins plus dans des situations aussi informelles. Elle espérait convaincre son amie de fréquenter les salons des dames une fois que celle-ci serait elle-même mariée.
Elle en était à organiser ses pensées pour tenter d’expliquer ce qu’elle ressentait ces derniers temps à Alysse lorsqu’elle sentit une main agripper son bras. Voyant le visage colérique de son père avant de l’entendre, elle se figea, une chape de plomb dans l’estomac.
— Tu as une bonne explication pour que je te retrouve ici, à désobéir à ta mère ?
Valériane ne répondit rien sur le coup, mais son père n’attendait pas réellement de réponse, la tirant dans son sillage. En temps normal, elle aurait pu essayer de lui parler calmement. Elle comprendrait sa déception, il la rabrouerait, renforcerait l’interdiction de sortir, puis ne lui parlerait plus pendant quelques jours, le temps de s’assurer que son écart n’avait pas de conséquence dramatique sur les plans de leur famille et sur la manière dont les autres les voyaient. Mais quelque chose dans les gestes brusques de l’homme faisait s’envoler toute parole de ses lèvres. Elle n’était pas sûre d’avoir déjà vu son père aussi furieux, surtout pour si peu.
Mettant de côté l’humiliation de se voir escorter comme une jeune enfant jusqu’à la maison, ignorant autant que possible les yeux scrutateurs qui les accrochaient à leur passage, Valériane gardait la tête baissée. Peut-être qu’une fois son père calmé, à l’abri des regards, elle pourrait lui expliquer pourquoi elle avait désobéi aussi directement à un ordre de sa mère.
La maisonnée était froide à leur arrivée, sa mère les attendant en silence. Valériane ne releva pas la tête, mais elle pouvait deviner sa déception. Sans émettre le moindre son, elle écouta les reproches de sa mère, qui louait la sagacité de son mari d’être directement allé à l’atelier, puisqu’il se doutait de la désobéissance de leur fille. Celui-ci ne disait mot, s’étant assis à la table familiale dès leur arrivée. Sa présence emplissait la pièce et accentuait la sévérité de la situation. La conversation prit alors une tournure que Valériane redoutait.
— Nous ne disions rien de ton amitié avec la petite d’Atlas jusqu’à présent, commença sa mère d’une voix ferme. C’est une bonne famille, mais Alysse est une dévergondée comme l’était sa mère plus jeune. Elle traine aussi beaucoup trop souvent avec Rose. Nous ne voulons plus que tu la voies tant que son comportement n’aura pas été corrigé.
Valériane sentit son cœur s’effondrer dans sa poitrine, et une protestation franchit ses lèvres sans qu’elle puisse se contrôler. Ne plus voir Alysse ? Et que faisait Rose, la vieille dame qui vivait seule au fond de leur rang, dans cette histoire ? Certes, des rumeurs circulaient sur elle, disant qu’elle était une sorcière, mais ces racontars ne venaient que du fait qu’elle vivait seule et ne participait plus à la vie du village depuis des décennies.