Chapitre 1 : La Nuit du Mercredi 13 octobre
La nuit était tombée depuis longtemps sur Hollowside. La lune était belle mais différente que les autres jours car elle était à moitié rose. Le vent soufflait doucement entre les arbres, et les feuilles mortes s’entrechoquaient sur le sol dans un chuintement discret. Un calme étrange régnait, comme si la nuit elle-même retenait son souffle.
Dans la petite maison des Everhart, une lumière douce baignait le salon. La cheminée projetait une lueur orangée, et le feu crépitait doucement dans l’âtre. Des jouets étaient éparpillés sur le tapis, et une odeur de lait chaud se mêlait à celle du savon, flottant encore dans l’air.
Hermès, qui est un bébé d’un peux plus d’1 ans, il ne dormait pas. Bien éveillé, il était assis sur le tapis, éclatant de rire alors que son père faisait virevolter une peluche animée devant lui. La chouette en tissu tournoyait, plongeait et remontait en piqué au-dessus de sa tête, échappant de justesse à ses petites mains tendues.
— Tu ne l’auras pas, mon garçon, elle est bien trop rapide pour toi ! dit Naël en souriant, accroupi près de lui.
Hermès babilla joyeusement et battit des bras, manquant la peluche de peu. Lilas, la mère, assise sur le canapé, observait la scène avec tendresse, une tasse fumante entre les mains.
— Tu l’excites juste avant de le coucher, dit-elle en levant les yeux au ciel, mais son sourire trahissait sa complicité. Tu vas finir par devoir le border toi-même.
Naël haussait les épaules d’un air faussement innocent.
Hermès éclata de rire en entendant leurs voix. Il se retourna vers sa mère, tendit les bras. Lilas le souleva doucement et le posa sur ses genoux. Il gigotait encore, plein d’énergie, les yeux brillants.
Naël s’approcha et s’assit à côté d’eux, une main posée sur le dos de Lilas, l’autre caressant doucement les cheveux de son fils.
— Tu sais, dit-il dans un souffle, je crois que je n’ai jamais été aussi heureux.
Lilas leva les yeux vers lui. Elle ne dit rien, mais son regard suffisait à tout dire.
Puis, soudainement, quelque chose changea dans l’attitude de Naël. Son sourire se fana. Il se redressa légèrement, les yeux attirés vers la fenêtre.
Lilas le sentit avant même qu’il parle. Un frisson glacial. Le silence, soudainement plus lourd, semblait se faire plus dense. Même Hermès, tout excité jusque-là, se calma, comme s’il avait perçu l’atmosphère.
Naël se leva, lentement, et s’approcha de la fenêtre, écartant doucement le rideau.
Il resta immobile une seconde. Puis, sans détourner les yeux, il parla d’une voix basse et ferme :
— Lilas… il est là.
Elle se leva d’un bond, Hermès serré contre elle.
— Prends Hermès, monte, dit-il, le ton pressé. Je vais le retenir.
— Naël…
— Ne discute pas. Protège-le. Je t’en prie.
Leurs regards se croisèrent. Lilas voulait dire quelque chose, mais elle savait que le temps était compté.
Naël s’approcha, effleura le front de son fils du bout des doigts, puis embrassa rapidement Lilas.
— Je vous aime.
Elle monta les escaliers sans un mot, le cœur battant, les jambes tremblantes. Hermès ne pleurait pas. Il regardait sa mère, attentif, les yeux grands ouverts.
En bas, Naël fit volte-face et s’éloigna de la fenêtre. Il tenait sa baguette à la main. Il était prêt à tout sacrifier pour que Lilas et son fils Hermès aient une chance de fuir.
Soudain, la porte de la maison vola en éclats. Mortisrex entra, rigolant d’un rire glacial, ses yeux fixés sur Naël.
— Tu crois vraiment que tu peux les aider à échapper à leur destin ? cracha-t-il, sa voix emportée par une malice implacable.
Puis, avec une haine pure, il hurla :
— Spered ar marv !
Un jet de lumière noir fusa à une vitesse fulgurante. Lilas, terrifiée, entendit le fracas et sut. Mais elle ne fuyait pas. Elle posa Hermès dans son berceau et murmura des mots anciens, oubliés depuis des siècles. Un sort de magie ancienne : la Magie du Sacrifice Primordial, invoquée par l’amour, un amour le plus pur possible . Elle se pencha pour l'embrasser son fils qu’elle aimait tant une dernière fois, le cœur déchiré. La porte de la chambre explosa.
Mortisrex entra, lentement, s’approcha. Lilas se dressa entre lui et son fils, bras écartés en suppliant de l’essayer son fils unique, Hermès en vie.
— S’il vous plaît… prenez-moi à sa place. Pas lui… je vous en supplie…
— Pousse-toi, idiote.
— Je vous en prie… pas Hermès…
— dégage sale Divel
— Non, pas Hermès s’il vous plais, je vous promets de faire se que vous voulez en échange. Mais pas mon fils…
— Prépare-toi, sale Divel, à rejoindre ton cher mari, gronda Mortisrex avant de hurler : Spered ar marv !
Le jet vert la frappa en plein cœur. Elle s’effondra, sans un mot. Son amour la liait encore au monde, juste assez pour protéger son enfant.
Hermès se mit à pleurer. Mortisrex s’approcha, impitoyable. Il leva à nouveau sa baguette.
Mais cette fois, lorsqu’il prononça les mots fatals, le sort rebondit.
Un éclat de lumière noire inonda la pièce, déchaîné, brûlant, incontrôlable. Mortisrex hurla alors que son propre pouvoir le consumait. Le toit de la maison éclata dans une explosion aveuglante. Mortisrex, défiguré, brisé, s’évanouit dans un cri de douleur, réduit à une ombre.
Hermès, protégé par l’amour de sa mère, vivait. Il était certes marqué par l’amour, un amour pur, mais en vie. Ce soir-là, un enfant survécut. Et le monde, sans le savoir encore, venait de changer à jamais.