2015, octobre, vendredi 16, 21h08.
La mort me faisait encore face, la mienne, pas encore. Le sol m'enivrait de ce parfum macabre, ce parfum qui me rappelait à la fois tout et rien, à la fois elle et lui. Les murs décorés par diverses tableaux et autres ornementations dispensables ramenaient en moi ces quelques mauvais instants dans les bras boursoufflés de ma vieille tante maintenant décédée. Dans ce lit, accouplée à un amas de vêtements salis par les dépôts de poussière, régnait en maître la femme responsable de ce parfum. Elle gisait sous son drap en se lamentant péniblement de se retrouver nue en face de moi. Ce n'est pas un plaisir pour moi non plus, Madame.
Sous les ordres de ma profession je détaillai de l'œil les moindres recoins de cette chambre ; les placards et les tapis seront durant ces quelques minutes le fruit entier de mes préoccupations. L'atmosphère était monotone, d'un naturel de bonne femme aux petits soins de ses possessions, tout était rangé au millimètre près sans le moindre écart, sans la moindre imperfection. Seuls ses bras qui pendaient hors du lit dérangeaient et désordonnaient ce tableau utopiquement réel.
Je me rapprochai de son corps à l'aspect morne et douteux, ce corps typique de mes interventions qui n'avait aucun secret pour moi ; ils m'étaient entièrement destinés.
Son visage était recouvert de pétéchies, des petites tâches violacées et rougeâtres qui s'accumulaient fièrement sur ses joues et ses tempes en tentant comme elles le purent d'éradiquer la moindre parcelle de sa peau. En écartant ses yeux je découvris d'autres frères d'armes, une et deux pétéchies magnifiquement posées sur la conjonctive, l'asphyxie n'était plus écartable.
Ses deux lèvres et ses ongles se joignirent à la partie par leur couleur mauve et infirme tandis que son nez était décoré de plusieurs écorchures superficielles, sûrement dû à un frottement trop important contre une matière indéterminée.
Je m'intéressai alors à son cou, celui qui était le plus intéressant selon mes constats précédents. Il arborait un petit col ouvert de chemise de nuit anormalement placé pour une femme aussi minutieuse que l'était la victime. Sous celui-ci se trouvait en nombre des stigmates d'ongles et des ecchymoses sur les contours latéraux de son cou. Ces signes de lutte influencèrent mon diagnostic bien plus qu'ils ne purent le croire.
Mon regard se perdit le long de sa poitrine bleuâtre, m'amenant jusqu'entre ses cuisses. Je mis une main sous son genou afin d'écarter ses jambes et retirai le morceau de tissu qui lui servait de lingerie érotique au vu de sa couleur et de sa dentelle. Il n'y avait pas d'ecchymoses, il n'y avait pas non plus de rougeur ; c'était simplement un bas de corps plutôt pâle mais en bon état.
Les orteils qui frappaient le sol derrière moi de façon bien trop symétrique témoignaient dès lors de sa personnalité. En s'agitant de part et d'autres, en clamant des ordres à ses fidèles et en se rapprochant du corps, il réveillait en moi ces quelques moments de désaccord et d'incertitude entre mes cellules. Sa toux me fit serrer les dents.
— Asphyxie par strangulation manuelle au vu des pétéchies et de la cyanose, commençai-je sans attendre un ordre de sa part. Ecchymoses provoquées par la pression des doigts de l'agresseur, signes de luttes et pas de traces apparentes d'un viol. Tout ça sera à confirmer lors de l'autopsie.
— Bon travail Anderson. Des indices quant à l'identité de l'agresseur ?
— Sûrement un amant ou une amante, ou juste un partenaire sexuel. Il faudra vérifier ses comptes et ses rendez-vous prévus pour cet après-midi. Enfin ça, tu le sais déjà...
Son sourire aux apparences belliqueuses détruisait le semblant de charisme qu'il réussissait à obtenir au vu de sa taille de géant et de son noble costume blanc. Je regardai le corps de la défunte une dernière fois puis m'en allai hors de la chambre en laissant derrière moi ces brutes de policiers et ces quelques collègues releveurs d'indices dans cette cage morbide. L'odeur du vieux bois qui déferlait dans mes narines me rappelait ces centaines de jours passés au chalet de ma mère lors des vacances d'hiver de mes années de collège, ces mêmes jours qui paraissaient si loin que seule l'odeur me permettait de m'en souvenir. Je descendis les marches en veillant presque dramatiquement à ne pas en rater une et dirigeai mes pas au-delà de ce mélange de couleur et d'état d'âmes.
Je sortis de la maison en quelques minutes à peine et m'arrêtai un peu plus loin contre un muret remplis de fleurs blanches, celles-là même qui me remémoraient son visage d'ange et ses cheveux de soie. J'allumai mon portable pour patienter. Ça, ce n'était qu'une excuse. J'allumai mon portable pour la voir, elle qui se cachait en dessous de l'heure, elle qui souriait pour capter mon attention. Toujours aussi jolie. Je souris à mon tour sans m'en rendre compte, je ne pourrais sans doute jamais résister à ses yeux bleus.
— Eh gamin je te cause !
Je sortis de mes pensées et dévisageai mon interlocuteur. Son attitude si familière m'indiquait que nous n'étions plus que deux, ou qu'il considérait que son travail était terminé. Il me regardait du haut de sa tour humaine, les mains sur les hanches, le sourire en coin. Mon visage se crispai de par la contorsion de mon cou, je rêvais qu'il puisse me partager quelques centimètres. Sa chemise à moitié ouverte et sa cravate défaite le rendait encore moins crédible que je le pensais.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Sois pas si froid, ça te vas pas. Tu me ramènes ? demanda-t-il en joignant ses mains devant mon nez.
Je soupirai et l'ignorai en marchant vers la jaguar garé en contre-bas. Ses pas de plus en plus violents contre le sol me suivirent comme une traînée de chien, malheureusement sans muselière. Il attrapa mon avant-bras et me força à arrêter ma marche tandis qu'il se plaçait entre moi et la voiture. Son corps de brute semblait avoir triplé de volume, laissant son visage d'ange en retrait, un grand sourire aux lèvres.
Il me bloquait le passage, et il est vrai que je ne pouvais pas le déplacer d'un poil, il était bien trop massif par rapport à moi. Son doux sourire attendait que je craque, ce qui à mon plus grand regret arrivait la plupart du temps. Je lui fis une mine de dégoût en cherchant à me persuader que j'étais capable de refuser sa demande et soupirai à nouveau, prêt à soi-disant me rebeller.
— Bouge.
— Le mot magique ?
— Ferme-la... chuchotai-je en évitant son regard.
Il mis sa manche à ses lèvres mais ses yeux bridés et le son rêche qui sortait de sa gorge ne mentaient pas : il se foutait de ma gueule et de ma pseudo-autorité. J'en levai les yeux au ciel. Je le contournai et sortis la clé de ma poche arrière afin de débloquer son carrosse de l'hibernation.
— Monte.
— Tu vois quand tu veux princesse !
Il s'empressa de monter du côté passager et je mis enfin le pied sur l'embrayage. Les rues de nuit de ce quartier étaient peu illuminées, seuls mes feux me guidaient avec les quelques lumières encore allumées des maisons aux alentours. Seo-Jun me racontait une énième fois toutes les affaires qu'il avait dû résoudre dans ce quartier, alors que tout ce qui touchait au meurtre ou au suicide depuis plus de deux ans m'avait forcément concerné. J'écoutais ses dires en arrachant la peau entourant mes ongles entre deux changements de vitesse, évitant quelques fois ses mains un peu trop énergiques.
Sa main glacée se posa à l'arrière de mon cou pour se plaindre de la température ambiante. Un râle par-ci, un râle par-là. Attendait-il vraiment que je change la météo en un claquement de doigt ? Le connaissant, oui, probablement. Il n'eut qu'en réponse une injure de ma part, souhaitant qu'il se taise pour de bon.
— Eh, au lieu de raconter des conneries t'as pas une couverture gamin ?
— J'ai rien pour toi, soufflai-je en conséquence de mon surnom. Fais pas ton sensible, ferme ta chemise t'auras déjà moins froid.
Son siège tremblait sous ses propres frissons et le froid lui avait à mon plus grand plaisir coupé la parole. J'avais beau dire ce que je voulais, ma mâchoire contractée et la vapeur qui s'en échappait ne me faisait pas passer pour un vaillant soldat. Le fait que tout mon corps puisse être violet ne m'aurait pas étonné le moins du monde.
Le trajet se poursuivit dans un silence morne, à choisir j'aurai sûrement préféré qu'il débatte dans le vide plutôt que je me perde dans mes propres pensées. On entendait simplement les roues de la voiture hachurer les terres des campagnes britanniques et le vent qui frappait aux fenêtres comme pour imiter le chien de tout à l'heure. Un silence bruyant qui pouvait me détendre comme enragé mes cellules.
Jun semblait s'être endormi au vu de ses ronflements à répétition dans mes oreilles. Pas moyen que tu sois silencieux rien qu'une fois... Alors que je me reconcentrai sur la route, celle-ci disparut. Sous l'effet de l'angoisse qui commençait à grimper le long de ma gorge je ralentis et tentai d'allumer mes feux de croisement, mais pas la moindre lumière ne daigna s'y dégager. C'est pas le moment sérieux.
— Jun, j'ai besoin de toi là !
Il ne m'avait pas répondu. Je commençais à suer et entre deux ronflements, mon volant me glissa des mains. Je ralentis encore, n'entendant pas de voiture à proximité j'en profitai pour m'arrêter sur le bas-côté. Je sortis mon téléphone de ma veste et actionnai le flash en direction de mon intrus de passager. Je tendis le bras, mettant la lumière pile devant les yeux du faux muet.
— Réveille-toi c'est pas le moment de dormir.
Sa main se jeta sur mon poignet, le serrant de plus en plus fort au fil des secondes. Mais il est complètement con putain ! La douleur me fit lâcher mon téléphone. Il me regardait d'un air innocent, avec les yeux à moitié endormis, comme si m'agresser était naturel chez lui.
— Ça va je te dérange pas ? questionnai-je ironiquement en lui tendant mon poignet. Je finis par souffler. Mes feux fonctionnent plus.
— Et t'as besoin de moi pour les réparer ? Démerdes-toi j'ai sommeil.
Ma bouche restait béante quelques instants, le temps de réaliser ce qu'il venait de dire. C'est quoi ce culot ? Je sortis de la voiture en claquant la porte derrière-moi sous l'irritation d'avoir un passager inutile et me dirigeai vers le coffre. Alors que je fouillai au milieu des sacs et des combinaisons de protection pour scènes de crimes depuis bientôt cinq minutes, le poids d'un éléphant se posa sur la banquette arrière, me laissant pour simple vue une silhouette aux contours flous.
— T'as besoin de quoi gamin ?
— Allume ton flash s'il te plaît, je vois rien.
Il accepta mon ordre et illumina mon coffre en tenant son téléphone bien trop près de mes iris, sa vengeance avait été imminente. Je récupérai mes ampoules de rechange et partis à l'avant pour ôter les anciennes. Nous allions enfin retrouver la vue. Ce grand ogre me suivit sans questionnement en regardant passivement mes gestes. Je remplaçai une première lampe et tendis ma main vers l'enquêteur.
— Passe-moi l'ampoule Jun.
Alors qu'il semblait fixer l'horizon en laissant ses cheveux bruns se battre contre le vent, je le vis mettre ses doigts pleins de saleté sur celle-ci avant de me la tendre sans même me regarder, le bras mou et le flash non-orienté sur mes mains.
— Enlève tes gros doigts de là, tu vois pas qu'il y a marqué ne pas toucher le verre de l'ampoule ? demandai-je en obtenant enfin son attention.
— Et c'est marqué où ? Sur ton front ? Désolé je regarde pas les mochetés comme toi !
— Quel honneur j'ai que tu t'excuses enfoiré !
Il resserra sa mâchoire et balança l'ampoule au sol, le verre s'éparpillant sur quelques mètres avait faillit rentrer dans mes souliers. Mais qu'est-ce qu'il a aujourd'hui !?
— Voilà, elle est propre maintenant, t'es content ? Répare ta bagnole tout seul, tu me les brises.
La gorge nouée et les poings serrés, je pris une autre ampoule en laissant mon cher passager reprendre sa place à l'avant de la voiture. Je la vissai sans à-coups et répétai l'étape une nouvelle fois pour les feux de croisements avant de refermer le capot. Sous les râlements de Jun, je lui jetai une couverture trouvée au fin fond de mon coffre et redémarrai la voiture. L'hôpital n'était plus qu'à quelques centaines de mètres et Jun semblait plus saoulé que jamais. Je vais devoir mettre les turbos si je ne veux pas mourir ce soir...
A peine arrivés dans l'hôpital, Jun fonça sans m'attendre en direction de la morgue, ou plutôt vers mon bureau qui s'y logeait à peine plus loin. Il avait soi-disant besoin de documents concernant une patiente que j'avais ausculté il y a quelques jours à peine, alors je le suivis sans trop réfléchir pour lui donner ce qu'il désirait.
Une fois les informations en main il se renferma dans sa bulle, ne répondant à aucune de mes questions, comme s'il était seul dans cette salle.
— Eh, Jun. Tu t'es encore disputé avec Stone ? demandai-je sans que celui-ci ne réagisse. T'as l'air encore plus énervé que d'habitude, je t'ai fais un truc ?
Son silence était ma seule réponse, je ne pouvais me contenter que de ça. Alors que Jun fouillait et soulevait mes feuilles sans la moindre compassion pour le travail que j'avais effectué plus tôt, les coups brutes d'une nouvelle bête résonnèrent sur la porte de mon bureau. C'est qui encore...? Celle-ci s'ouvrit pour laisser entrer un grand roux à la peau basanée et au sourire puéril, bien qu'il ne l'arborait pas en ce moment même je ne pus m'empêcher de l'imaginer. Son regard craintif et ses perles de sueur sur son front étaient inhabituels, il me vit et ingurgita sa salive. Jun se retourna lorsqu'il se décida à prendre la parole en chuchotant.
— Coucou les copains, j'ai besoin de vous...!
Il se rapprochait du bureau, déposa un sac à main en cuir beige sur la table et s'affala sur la première chaise qu'il put utiliser. Ses sourcils relevés étaient bien son seul moyen de capter notre attention. Jun l'ignora et continua sa fouille aux informations tandis que je penchai la tête sur le côté pour l'interroger.
— Auriez-vous aperçu ma charmante interne du nom de Sao Zo ? souffla-t-il lamentablement en passant ses mains dans ses cheveux bouclés. Cette petite canaille, cela fait deux heures que je la cherche...
Il déposa sa tête sur mon bureau comme pour exprimer son désarroi en susurrant des mots à peine compréhensible. Je lui tapotai le haut du crâne tout en interrogeant Jun du regard pour espérer avoir une réponse de sa part, mais au vu de son expression de constipé, j'en conclus qu'il ne savait rien de plus que moi.
— Tu l'as vraiment bien cherché ? demandai-je sans trop savoir quoi faire de plus.
— Bien évidemment ! J'ai fait trois fois le tour de l'hôpital, même jusqu'au troisième étage et je l'ai appelé des centaines de fois mais... son téléphone était dans son sac... et sa voiture dort dans le parking... Juny... elle a disparut fait quelque chose...!
— Qu'est-ce que tu veux que je fasse Shams ?! Je la connais pas ta gamine moi !
— Les enquêteurs de nos jours... décevant... très décevant... Alinouninet tu veux bien m'aider ?
Je le regardais me supplier de ses deux yeux de biche pendant que la tension montait du côté de Jun. Le seul moyen d'obtenir son aide était de l'y forcer, et Shams le savait très bien. Je me grattai l'arrière de la tête avant de soupirer à cause de ma douleur naissante à l'estomac. Sao... a disparut ? Alors que je recommençai à me ronger les ongles le visage de Shams s'ouvrit de stupeur en me regardant, comme si une information capitale venait de lui traverser l'esprit.
— Oh mais oui, j'avais oublié ! Elle est constipée elle doit être aux toilettes ! Ahah, pardon pour le dérangement je m'en vais !
Tandis que Shams marchait à reculons pour quitter mon bureau, la voix autoritaire de Jun écria son prénom pour l'arrêter dans sa course. Il se figea avant de gratter sa fine moustache en arborant un sourire de coupable. Jun se mit en face de lui, les mains dans les poches.
— Pourquoi est-ce que tu viens de mentir ? Où est Sao Zo ?
— Je ne sais pas...
Semblant réfléchir, un doigt porté au menton, Shams ne pouvait pas s'empêcher de me jeter un coup d'œil toutes les deux secondes. Est-ce qu'il... ? Je me levai et récupérai mon manteau avant de me diriger vers la porte de sortie en les dépassant. Je m'arrêtai malgré moi à l'entrée et me retournai pour leur faire face. L'un fronçait ses sourcils comme s'il était prêt à m'envoyer aux cieux et l'autre semblait m'embrasser de tristesse avec ses yeux humides.
Jun finit par souffler et récupéra le sac de Sao avant de s'en aller dans le couloir sans nous attendre. Shams quant à lui se rapprocha de moi à petits pas, baissant légèrement son buste pour que sa voix m'atteigne correctement.
— Tu vas bien Al ? Je n'avais pas pensé aux conséquences, je n'aurai pas du t'en parler, je suis désolé, pleura-t-il en enlaçant ma tête contre son buste.
— Je vais bien Shams, si ça dégénère tu seras là dans tous les cas. Je veux pas être un poids lourd alors on va la retrouver sans pression.
— Tu as tellement grandi...!
— Ferme-la, et lâche-moi tu me décrédibilises... où est-ce que tu l'as vu pour la dernière fois ?
— Je l'ai vu prendre la passerelle avec le Docteur Price, ils avaient soi-disant besoin de quelqu'un pour gérer un patient. Mais c'était il y a bientôt une heure maintenant, et ce con de psychiasse ne sait pas non plus où elle est passée !
Alors que je souriais de son jeu de mot enfantin, on se rapprochait de là où Seo-Jun avait établi son camp de repos et de drague. Il était accoudé au comptoir de l'accueil et discutait le sourire aux lèvres de je ne savais quel sujet de conversation avec deux dames aux apparences de poupées. On dirait que ça va mieux. Bien qu'il soit à deux doigts de leur proposer un rencard j'espérais quand-même qu'il n'avait pas oublié ce pourquoi nous étions ici.
On se plaça à ses côtés. Je finis par sourire, soulagé de l'entendre parler de Sao et de son absence. Sa voix s'arrêta quand il remarqua que les deux femmes me fixaient avec de gros yeux, mon estomac se resserra, je ne savais pas quoi dire non plus. Pourquoi est-ce qu'elles me regardent comme ça...
— Auriez-vous un problème avec le Docteur Anderson ?
Elles agitèrent leurs mains en signe de réponse et hochèrent la tête de droite à gauche en cachant leur visage comme elle le purent. Je sentis un souffle chaud se poser au bord de mon oreille, j'en frissonnai. C'était comme à son habitude cette voix chuchotée qui tentait de me rassurer à n'importe quel moment de la journée.
— Les p'tits bruns ténébreux c'est populaire on dirait. Tu vois que ton sourire fait craquer tout le monde !
Je m'apprêtai à lui répondre les joues sûrement rougies par la honte mais ma vision s'assombrit une nouvelle fois sans prévenir. Je ne voyais plus personne et pourtant je le sentais encore, son souffle sur ma peau n'avait pas disparu. Il y ajouta sa main tandis que les deux femmes semblaient s'agiter de l'autre côté du comptoir. Je vais encore devoir changer les ampoules ?
— Qu'est-ce qu'il se passe encore ? Qui est le con qui a éteint la lumière ?!