Mots imposés :

 Moule - Crédit - Chic - Conservateur - Veuve

𝐌𝐨𝐬𝐜𝐨𝐮, 𝟏𝟖 𝐚𝐯𝐫𝐢𝐥 𝟏𝟗𝟒𝟕. 𝟏𝟗𝐡𝟓𝟐.

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— Nous sommes arrivés,  Господин Samosenko.

Mykhailo mit quelques secondes à réaliser où il se trouvait.

Les crocs encore plantés dans la gorge de celui qu’il avait utilisé pour épancher ses pulsions, il cilla des paupières, retrouvant son souffle en le laissant tomber à ses côtés. L’humain laissa échapper un gémissement pitoyable, ses cheveux bruns en bataille masquant le visage que Mykhailo n’avait pas voulu voir.

Les épaules encore tendues, le vampire supérieur lança un léger regard en biais au chauffeur qui avait ouvert la porte ; prévenant - ou habitué - il lui tendait un mouchoir dont il se servit pour essuyer le sang qui avait tâché ses lèvres. Puis, il posa un pied à terre, sans un regard pour le corps encore tiède qui lui jetait un regard suppliant, déjà à demi-mort.

La Banque du Sang paierait la facture pour la casse. 

Ses supérieurs seraient sans doute surpris de voir que lui, leur meilleur Huissier, avait fait appel à un humain pour avoir l’esprit clair lors de sa traque. Lui qui se targuait d’être l'efficacité même, sans surcoût et sans besoin de recourir à ses bas instincts vampiriques.

Cette traque ne serait pas comme les autres.

Comme une morsure trop fraîche, les souvenirs de son moment d’abandon dans la suite de l'hôtel lui revenaient douloureusement. L’humain misérable, s’il avait eu pour mérite de combler son appétit charnel, n’était pas parvenu à totalement le faire sortir de sa fièvre animale. Il en tremblait encore un peu. Trop.

La photographie de sa cible, vectrice de tous ses troubles, avait été repliée dans son veston, aux côtés de son cœur qui s’était ému à sa vision.

« Dahlia Blanc.»

Quelques minutes suffiraient à effacer ce moment d’égarement. Ses mains sur sa gorge. Ses crocs sortis. Son regard polaire rivé dans les yeux vairons de cet imbécile vivant à crédit...

Étouffant un nouveau frisson, Mykhailo monta les marches de l’ambassade, déboutonnant à la hâte le dernier bouton de sa veste pour paraître plus décontracté.

Quel était l’objet de cette réception ? Il avait oublié. Sans doute un nouveau dîner bourgeois où tous se gargariseraient en ignorant que la Banque du Sang seule garantissait leur pouvoir. La possibilité même de cette réception résidait dans le fait que ces bourgeois incapable avaient suffisament de fonds pour garantir leur sécurité alimentaire. Sans Banque, pas de fermes humaines.

Et sans fermes humaines, pas de sang.

Pas de vampires gorgés d’anxiété lui adressant de grands sourires en voyant son uniforme écarlate.

— Oh !? Mais quel plaisir de voir la Banque du Sang se joindre à nous ce soir !

La moiteur de la réception s’abattit sur lui, tranchant avec la morsure glaciale des rues moscovites. Mêlée aux notes épicées du sang haut-de-gamme et aux vapeurs sucrées de l’alcool, elle en devenait insupportable. Au loin, un quatuor de violons répandait ses notes aiguës, venant saturer l'atmosphère déjà étouffante.

— Bonsoir. Il répondit tout de même, masquant son dégoût derrière le regard impassible qu’il adressa à son interlocuteur.

Un vampire de second ordre. Expression de bébé bienheureux. Verre de sang à la main. Il avait à peine attendu que Mykhailo franchisse le seuil de l’Ambassade pour se jeter sur lui.

— Adam Ivanov ! Il s’écria, trop fort. J-Je... mon dernier paiement a été effectué hier- vous l’avez bien reçu, n’est ce pas ? La Banque a toujours tenu compte de mes préférences et je tenais à vous remercier personnellement !

— La Banque a à cœur la satisfaction de ses clients les plus fidèles.

— Il est vrai que nous vous en sommes reconnaissants ! Il faut dire qu’avec ces histoires de rébellion, trouver des esclav- hum des humains est difficile, alors votre institution nous est précieuse.

Mykhailo eut un sourire faux, faisant mine d'acquiescer. Sous ce costume chic mal taillé se cachait une larve incapable d’effectuer la moindre traque de lui même, il le savait bien. On pourrait lâcher un troupeau d'humains dans un terrain vague qu’il n’aurait pas le moyen d’en faire ployer un seul sous ses crocs trop fragiles pour mordre la chair.

Prenant son silence pour de l’approbation, Adam poursuivit, extatique, avec de grands gestes : 

— D’ailleurs, j’aurais de nouvelles commandes à vous passer... Mon anniversaire bientôt ! Je cherche quelque chose d'exceptionnel... un peu plus jeune, un peu plus pur... vous voyez sans aucun doute...

La mâchoire de Mykhailo se contracta légèrement. Il n’avait fallu que quelques minutes pour que le masque de ce vampire libidineux ne tombe. Tous ces bourgeois étaient comme ça. 

Mais il ne laissa rien paraître, trop bien rôdé à l’exercice. Sur son visage fleurit un sourire, crispé, ses longs crocs d’ivoire étincelant légèrement :

— Je vous laisse adresser votre demande à la Banque la plus proche. Votre fidélité est remarquée et nous saurons la récompenser avec une offre à la hauteur de vos attentes. 

— Oh, mais bien sûr ! S’esclaffa le vampire en faisant tourner le sang au fond de sa coupe, nerveux face à la froideur de Mykhailo. Je ne vous embête pas plus longtemps ! Vous devez avoir à faire ! Profitez de la soirée autant que vous le souhaitez - vous ne direz pas à vos supérieurs que je vous ai importuné n’est-ce pas ?!

Puis comme un vulgaire lapin qui fuit face à un prédateur, il disparut dans la petite foule qui se pressait dans le grand atrium, agrippant au passage le bras d’une quelconque veuve faisant la une des tabloïds.

Mykhailo refréna un frisson de dégoût, sa main se crispant comme par réflexe sur le mauser caché dans la doublure de sa veste.

Durant son échange avec Adam - du moins, si l’on pouvait appeler cela ainsi - la réception avait enflé davantage. Les notes du quatuor se faisaient plus fermes, plus grinçantes. Les toilettes plus extravagantes. Les sourires plus faux encore.

Sous les reflets cristallins des lustres à pampille, cette soirée n’avait rien de la discrète opulence des bals conservateurs de la capitale. Les beaux vêtements ? Des tissus synthétiques, loués pour la nuit. Les bijoux ? Des pierres de verre. Les vampires ? Des animaux de seconde zone, n'ayant à cœur que leur paraître et leur envie d’exister.

Tous se détestaient. Tout était faux. 

Parfait. 

Le Dahlia Blanc n’aurait personne pour surveiller ses arrières.

Tâche écarlate parmi les vêtements plus sombres de ses congénères, Mykhailo s'enfonça dans la foule, sourcils froncés. Pourquoi ressentait-il de l’empressement ? L'humain qui lui avait servi de mise en bouche n’avait-il pas déjà étanché sa soif ?

Mécaniquement, il jeta un rapide coup d'œil à sa montre à gousset. Vingt-heures trente-trois. Le temps tournait. 

Et voici à présent que la frustration montait, peu à peu.

Où se trouvait donc sa cible ?

« Dahlia Blanc.»

Si à la première lecture, ce nom d’emprunt l’avait fait sourire, voilà maintenant qu’il le rendait fou.

Un rire creux résonna à sa droite, émanant d’un petit groupe qui se fit immédiatement silencieux en remarquant sa présence.

— C’est la Banque du Sang... murmura celui qui avait ri, la tête légèrement baissée, en signe de soumission.

Mykhailo se contenta d’un léger mouvement de la main, seulement pour lui faire comprendre qu’il l’avait vu. Il évita un nouvel attroupement déjà alcoolisé malgré l’heure précoce puis contourna adroitement Adam qui lui adressait des petits signes, comme s’ils se connaissaient intimement.

Où se trouvait donc sa cible ?

Inlassablement, ses yeux à la teinte trop pâle parcouraient le visage de chaque invité, à la recherche de ce sourire, de ces yeux étranges qui l’avaient happé à peine quelques heures plus tôt.

Si les symptômes de son agacement s’étaient dans un premier temps limités à de simples tics nerveux, il devenait de plus en plus matériels. Une posture plus raide. Un croc sorti, là, son ivoire immaculé effleurant sa lèvre inférieure. Ses ongles, longs, écorchant la paume de sa main.

Peut-être l’avait-on averti de la présence d’un Huissier de la Banque du Sang. Il avait dû fuir, sauter par une fenêtre, priant pour que nul ne remarque sa présence alors qu’il disparaissait dans la nuit.

Non.

Jamais un vampire de bas étage n’aurait loupé l’occasion de se faire voir à une réception comme celle-ci. L’envie d’entrer dans le moule était trop forte pour les créatures de cette espèce.

— Господин ?

Mykhailo releva la tête. Ses pas l’avaient instinctivement porté vers les escaliers surplombant l’atrium. Un serveur, engoncé dans une tenue noire et blanche l’y avait suivi, plateau en main. Il s’inclina légèrement, lui présentant une coupe de cristal emplie d’un liquide rouge si épais et si riche qu’il semblait absorber la lumière.

— Excusez-moi si je vous importune. Murmura le serveur, baissant les yeux immédiatement en rencontrant les deux iris de glace du vampire supérieur. On m’a demandé de vous délivrer ceci, spécialement.

Cette fois, Mykhailo ne put retenir un reniflement légèrement dédaigneux.

Adam Ivanov ne le laisserait-il donc pas tranquille ?

— Vous le remercierez de ma part. Il répondit du bout des lèvres, en profitant pour faire étinceler ses crocs de prédateur.

Le serveur n’ajouta rien, ployant légèrement l’échine avant de se noyer à nouveau dans la foule en contrebas.

— Vous le remercierez... Marmonna à nouveau Mykhailo pour lui-même, ses griffes se refermant sur le cristal du verre.

Le sang y tourna, ourlé de reflets carmin, promettant une saveur épicée, peut-être légèrement sucrée. Il avait dû être prélevé à peine quelques heures plus tôt - la Banque garantissait toujours un sang de la plus haute qualité à ses clients.

Connaisseur, il y plongea les lèvres, aspirant une longue gorgée qui explosa contre son palais en notes riches et délicates. Presque alcoolisé tant il était frais, sa saveur profonde et légèrement minérale lui fit oublier un instant pourquoi il se tenait là, en haut des marches, à scruter la foule.

Mais la réalité le revint soudain.

Tout se figea.

Il l’avait senti avant même de le voir.

Comme un battement dans l’air, discret. Une vibration venue de l’âme de la Terre elle-même. Une mélodie oubliée.

Le verre de cristal manqua de chuter quatre mètres plus bas, là où le regard de notre vampire venait de se darder avec l’instinct du prédateur flairant sa proie.

« Dahlia Blanc.»

Enfin.

Il était encore plus boulversant que sur le vieux cliché en noir et blanc toujours glissé dans la poche du veston de Mykhailo.

Enveloppé dans un costume à la teinte immaculée, sa silhouette athlétique se détachait nettement sur le grand tapis rouge de l'atrium. Comme sur le cliché, ses cheveux épais et bouclés tombaient en cascade sur ses épaules, un peu indisciplinés.

Il ne l’avait pas encore vu, Mykhailo en était certain.

Lentement, il vida son verre, ne parvenant pas à détacher son regard de sa cible.

Voici que l’émotion le saisissait.

Impossible. Et pourtant...

Sa main tremblait presque. Le long de son dos ? Un frisson. Comme un voile glacé à la surface de sa peau, remontant le long de son échine, se perdant dans le creux de sa nuque.

Cela ressemblait à un vertige maintenant.

Son champ de vision s’obscurcissait presque, le monde devenant plus vague alors qu’il s’ancrait sur la silhouette fine du Dahlia qui s’était penché pour saluer Adam Ivanov, en bas. Agitée par la brise légère qui s’échappait des balcons, ses boucles oscillèrent, dégageant un instant sa nuque.

Le souffle de Mykhailo devint incertain ; il se brisa. Hésita. Disparut presque.

Il loupa une respiration, peut-être deux.

Entre ses doigts trop crispés, le verre glissa, s’écrasant sans un bruit contre l’épaisse moquette pourpre.

Ouvrir les yeux devenait difficile. Il ne voyait plus rien. Comme ébloui par le soleil, il plissa les paupières, haletant.

Il vacilla en arrière, tentant de se rattraper à la rambarde qui lui échappa. Autour de lui, les harmonies du quatuor s’étaient fait cacophonie, sons stridents vrillant son oreille alors qu’il basculait.

Le soleil se fit nuit.

Hello par ici ! Et voici avec un chtouille de retard le chapitre deux◝(ᵔᗜᵔ)◜ J’espère qu’il vous a plu et que suivre les aventures de Mykhailo vous intrigue autant que cela me plait de les écrire 🖤 J’essaie de publier le suivant dans la soirée, je suis sur la fin haha, si mon autistic ass arrive a tout bien corriger, sinon ça sera pour demain ℎ𝑒́ℎ𝑒́ !

Comme d’habitude, n’hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, dans le cadre du challenge ou sur l’histoire en général, j’attend vos petites théories et vos retours ( ˵ •̀ ᴗ •́˵)

Merci beaucoup d’avoir lu, dans tous les cas ❤🖤

~ Myno