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Alie
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Chapitre 1

Sous le ciel changeant, sur des îles nées de l'impétuosité des vagues, se dresse un rappel éthéré : même lorsque le froid fige le monde et que l'ombre s'étend, ne laisse jamais le tumulte altérer la lumière de ton essence.

A l’aube de la nouvelle année, la violence de la Terre se réveilla, 2025 devait être une année prospère, au lieu de ça, elle devint une année de malheur. Nombreux sont ceux qui périrent, un massacre de l’humanité orchestré par la mer et les océans. La montée des eaux a été rapide, au début, elle progressait petit à petit, mais les Hommes n’avaient pas écouté, alors elle a accéléré, drastiquement. En quelques heures, les villes près des courants d’eau avaient été submergées. Les océans puisaient dans leurs profondeurs pour gonfler, plus la tempête enflait plus les vagues grossissaient. Elles étaient aussi hautes que des immeubles, elles engloutirent les villes et leurs habitants. Le monde d’autrefois n’existait plus. 

Une poignée de survivants voguèrent sur les embruns, la mer encore agitée, des cadavres flottant à la surface. L’horreur foudroyait les sauvés, ils portaient en eux les souvenirs d’une vie brisée en un instant. Les océans et la Terre ont été les voleurs, leur prenant tout ce qui leur était le plus cher. 

Les jours défilaient et se ressemblaient, les survivants pleurèrent de longues heures leurs familles perdues. Ils se serrèrent les uns contre les autres pour braver le froid mordant qui les saisissait. Ils restèrent ainsi de longs jours pour qu’enfin l’air se mît à se réchauffer petit à petit. C’était tellement léger que personne n’y crut avant que leurs soupirs ne se dessinent plus devant eux. 

L’océan les mena sur une île, pas de plage, mais de l’herbe recouvrait la bordure de l’eau. On pouvait voir au loin les hauts sommets des montagnes du monde. C’est là que tous comprirent que tout avait changé, la neige fondait. Les pics se retrouvèrent nus, dépossédés de leur couche protectrice. 

Nul ne comprit ce qui c’était réellement passé, la Terre c’était faite cruelle, point. C’était ce que pensait un homme d’âge mûr, il s’avança, fit face à l’étendue d’herbe, puis il se tourna vers les survivants. Il les regarda, il prit intérieurement la décision de protéger ces gens, de les aider à vivre cette nouvelle vie. 

— Nous survivrons à cette tragédie ! Entonna-t-il de sa voix grave. Nous sommes tous similaires aujourd’hui, nous portons tous la même cicatrice sur nos corps. Ensemble nous guérirons cette balafre. 

Face à sa déclaration d’autres torrents de larmes furent versés, les autres l’entourèrent et se fondirent en une étreinte de promesse pour le futur, des enfants s’accrochaient à ses jambes, cet homme serait le pilier de cette nouvelle vie. Pourtant, nul n’imagine la tristesse qui ne quitte pas son cœur.

***

Cinq ans passèrent, les survivants construisirent un village, ça avait été dur pour eux de fabriquer les premières maisons. Ils ont dû apprendre au jour le jour à devenir architecte, pêcheur, fermier, par une chance inouïe des chèvres s’étaient réfugiées en hauteurs. L’homme d’âge mûr occupait le poste de pêcheur, il arpentait souvent les vastes étendues herbeuses au bord de l’eau, au fil des ans, il savait où il devait se rendre pour revenir avec un nombre suffisant de prises pour le village. 

Le quotidien était bien rythmé, chacun s’occupant d’une tâche, tout était réparti équitablement. Ils avaient même fondé une école pour les enfants. L’homme parlait peu, seulement quand il s’agissait des affaires du village. Les petits décuplaient d’ingéniosité pour lui soutirer quelques mots, étonnement, il était peu avare en sourire. Tout le monde l'aimait beaucoup, petits comme grands. 

En prenant son petit-déjeuner, il observa longuement l’océan, quand il partit de son humble demeure, il sut qu’il ne trouverait aucun poisson dans les environs. Ils devaient s’être rendus de l’autre côté de l’île. Il prit ses affaires de pêche comme à son habitude, il traversait le village quand il fut appelé par un homme d’une trentaine d'années. 

—  Salut, Tobias ! J’aurais besoin de ton aide avec les chèvres aujourd’hui, tu veux bien ?

—  Excuse-moi, mais non. Je dois m’occuper du poisson et je pense que je rentrerais tard.

—  Tu penses qu’ils sont déjà partis ? Ce n’est pourtant pas le moment.

—  Je sais, mais il se passe des choses sous l’eau que nous ne captons jamais.

—  Oh, c’est vrai. Bon à plus tard, ne t’attarde pas trop quand même. 

Tobias s’en alla vers un coin éloigné de ses lieux de pêches habituels. Il arpenta les berges, scrutant l’océan à la recherche du signe de la présence des poissons. Il marcha durant deux bonnes heures lorsqu’il arriva au niveau d’un bosquet, il devait le contourner pour rejoindre la suite de l’étendue herbeuse. Il prit la décision de faire le tour, une fois de l’autre côté, il vit un poisson sauter un peu plus loin. Il continua sa marche un moment, jusqu’à ce qu’il aperçoive au loin sur le sol, le corps de quelqu’un. Il n’était pas rare que des cadavres remontent des profondeurs de l’océan, pourtant le corps semblait intact, il s’approcha petit à petit, un sentiment de malaise le poussa à se montrer méfiant. 

Quand il arriva à sa hauteur, il recula précipitamment en retenant de justesse un cri. Ce qu’il avait sous les yeux ne ressemblait pas à un cadavre, mais à une sirène, sa peau était écailleuse, son corps ne se terminait pas en queue, mais en deux jambes. La créature possédait bien une queue cependant, ses cheveux avaient la couleur du blé. Il ne savait que faire. Partir et la laisser ici ? Au risque qu’elle devienne un danger. Ou la questionner ? Tobias n’eut pas besoin de trancher, la jeune créature ouvrit les yeux, deux billes marron comme du chocolat se fixèrent sur lui. Il recula encore plus quand elle se leva, elle le regarda attentivement. 

—  Bonjour, coassa-t-elle comme si elle n’avait pas parlé depuis un siècle. Êtes-vous seul sur cette montagne ? 

Tobias ne répondit pas, c’était peut-être un piège, pensa-t-il. Il continua de la regarder s’attendant à ce qu’elle fasse un mouvement, mais elle ne fit rien, elle le scruta d’une intense curiosité. 

—  Je suis désolée si je vous effraie, je voulais juste revoir des humains. 

Il tiqua, « revoir », elle connaissait donc les Hommes avant la tragédie. Pourquoi le monde n’était-il pas au courant de ces êtres ? Était-ce un secret d’Etat ? Oui sûrement. 

—  Qui es-tu ? Fut tout ce que demanda Tobias, sa voix s’était faite grave comme de la roche et froide comme de la glace. 

—-  Je me nomme Edel… 

Elle marqua une pause semblant se demander si elle devait continuer. Après une brève réflexion, elle se décida. 

—  Je suis une ancienne humaine. 

La peur transparaissait dans sa voix, l’esprit de Tobias se fit vide, il ne comprenait pas de quoi elle parlait. Puis il s'affola, réfléchissant à toute allure. Une ancienne humaine ? Cela voudrait dire qu’ils auraient muté, les morts sous les profondeurs ? Il y aurait un espoir pour que sa famille soit… Non, c’était du passé et il s’était promis de ne plus espérer, mais là…

—   Que veux-tu dire ?

—  Après la grande inondation, beaucoup de morts restaient dans les fonds marins et un jour, certains ont rouvert les yeux sous cette forme, elle indiqua son corps.

—  C’est tout ? 

—   Hum … pas exactement, mais là, c’est un peu plus délicat. 

—  Pourquoi ?

—  Parce qu’il s’agit de quelque chose de plus grand. 

Tobias soupira en se tapant magistralement le front de sa main, il fit les cent pas. Encore une fois, il ne savait pas quoi faire, cette situation était si incongrue qu’il n’y croyait presque pas, pourtant la preuve était sous ses yeux, sous l’apparence d’un être aquatique. Son esprit fit rage pendant un long moment, pour qu’au final, il se décide à lui poser une énième question dont la réponse déciderait s’il la conduira au village pour avoir l’avis des autres ou s’il lui intimerait de ne jamais revenir sur ces terres.

—  Pourquoi être sorti de sous l’eau et venir t’échouer sur nos rivages ?

—  Car je ne supportais plus la vie là-bas, je voulais retrouver la terre. Et espérer trouver un peu de paix.

—  De paix ? Alors que t’as quoi, 14 ans ?

—  J’ai 15 ans et oui, la vie sous l’eau n’est pas si rose.

La tristesse emplit les yeux d’Edel à ses mots. Quoi qu’elle ait vécu, Tobias comprit que c’était ce qui la poussait à venir ici. Et pour être franc, elle ne dégageait aucune menace. Il décida de la ramener au village. Alors qu’ils se mettaient en marche, la jeune fille trébucha et se retrouva la tête dans l’herbe. Elle s’excusa en indiquant que cela faisait longtemps qu’elle n’avait utilisé ses jambes pour marcher. Elle se releva et rejoignit le vieil homme avec des pas hésitants, après plusieurs minutes elle ne tremblait plus. 

***

Les habitants de l’île sortirent du village en courant pour rejoindre Tobias, dont ils ont vu la silhouette revenir accompagnée de quelqu’un. La curiosité et la peur se répandaient comme de la poudre dans leurs esprits. Lorsque Tobias remarqua le village rassemblé devant, il comprit que la discussion serait difficile. 

Plus ils se rapprochaient, plus les villageois se tenaient droit pensant que leur ami était en danger. Pourtant, quand ils furent assez proches, ils remarquèrent les traits de la silhouette, une jolie jeune fille, à la chevelure blonde, mais quelque chose clochait, sa peau était bleue et on voyait une queue se balancer au rythme de ses pas. Quand ils atteignirent l’entrée du village, l’interrogatoire commença.

—  Tobias, qui est-ce ? 

—  Est-ce que tu vas bien ? 

—  C’est qui elle ? Et pourquoi elle ressemble à un poisson ?

—  Tobias cligne des yeux si tu es en danger. 

Le pêcheur poussa un énième soupir, Edel le remarqua et le taquina.

—  Si tu continues de souffler aussi fort tout le temps, tu finiras par être complètement dégonflé ! 

Personne ne ria, Tobias la regarda de biais avant de s’adresser à ses amis. 

—  Elle s’appelle Edel, je l’ai trouvé plus loin étendue sur l’herbe. Je l’ai ramené ici pour savoir quoi faire et avoir votre avis à tous. 

Tous les regards se fixèrent sur l’inconnu. Elle rougit sous la pression de leurs expressions. Un petit garçon s’éloigna de sa mère pour la rejoindre. 

—  C’est drôle ! Quand tu rougis ta peau, elle devient bleue foncé !

Ce commentaire innocent réussit à adoucir l’atmosphère. Certains villageois remarquèrent que leur pilier n’était pas vraiment méfiant concernant cette jeune fille, ils décidèrent de se fier à son jugement. On emmena Edel autour du feu de camp, l’endroit de rassemblement. Ils lui demandèrent des explications. Elle s’exécuta. 

—  Comme je l’ai un peu expliqué à Tobias, je suis une ancienne humaine, aujourd’hui, je suis ça. Nous n’avons pas de nom autre qu’homme poisson. 

—  Alors il y a une chance pour que des membres de notre famille soient vivants ? Demanda une femme les larmes aux yeux.

—  C’est possible oui, mais il nous est interdit d’aller à la surface. 

—  Pourquoi ?

—  C’est là que ça se complexifie, informa Edel en regardant Tobias. Nous savons qui nous a ramenées. 

Le silence s’installa, seul le bruit des vagues et celui du vent venait le rompre. Les battements de cœurs des villageois aussi. Cette personne était-elle aussi responsable du déchaînement de la Terre ? 

—  C’est la déesse Gaïa qui l’a fait. Elle nous a offert une seconde vie. 

—  Je croyais que ce n’était qu’une légende, débuta Tobias. Cette déesse vous a ramené, mais pourquoi ?

—  Elle nous a informé qu’elle était triste de tant de morts et que c’était pour elle un moyen de se racheter de ce que notre planète a déclenché, hors de son contrôle. Elle voulait aussi voir si nous réussirions à vivre sous l’eau, si ce changement ne nous affecterait pas trop. Comme je l’ai dit, elle ne voulait pas que nous rejoignions la surface. Elle craignait que nous partions à la recherche de notre passé, alors elle nous l’a interdit. Personne n’est allé à l’encontre de son ordre, enfin pas à ma connaissance. Je suis la seule de ma région à être partie.

—  Qu’est-ce qui t’a poussé à le faire ? Demanda Tobias. Est-ce que la vie sous l’eau est mauvaise ?

—  Non, elle est plutôt agréable, mais ce qui m’a fait partir, c’est ma famille. Je n’ai pas très envie d’en parler, désolé.

—  Est-ce qu’ils te battaient ? Interrogea un homme en serrant son petit garçon.

—  Non, mais ils ne s’intéressent plus à moi depuis longtemps, alors je suis parti pour faire ma vie, une nouvelle. Ma troisième. Ajouta-t-elle essayant de plaisanter.

Tout le monde la regarda de travers, avant que des rires timides se fassent entendre. Après une discussion plus légère, les villageois demandèrent si Edel pouvait manger comme eux, elle répondit par l’affirmative. Elle dévora le plat qui lui fut servi. Cela faisait cinq ans qu’elle n’avait pas mangé quelque chose d’humain, elle en était si émue, qu’elle versa des larmes dans son bol. La soirée se déroula dans le calme, tous étaient fascinés par cette jeune fille aquatique et elle-même était émerveillée de retrouver des humains. Quand le dîner prit fin, on la guida vers la plus grande maison, les habitants avaient décidé de lui accorder une période d’acclimatation, si à la fin, ils estimaient qu’elle représentait un danger, ils la chasseraient. Elle accepta respectueusement cette condition, elle suivit une mère et ses enfants vers leur maison. Cependant, la discussion reprit un ton plus sérieux après son départ et celui des autres petits.

—  Est-ce qu’on devrait la laisser rester ? Demanda quelqu’un.

—  On vient de lui accorder une chance, alors profitons de cette période pour la surveiller et l’analyser. Cela ne sert à rien de se demander maintenant, raisonna calmement Tobias.

—  Tu as raison, mais je suis quand même inquiète, comment savoir si sa nouvelle constitution ne vient pas avec une soif de sang comme les vampires ?

—  Si c’est le cas, elle joue très bien !

—  Ne rigole pas, enchaîna une femme. Nous n’aurions pas dû la laisser aller dans la plus grande maison. Si elle tue la famille, ce sera de notre faute !

—  C’est vrai, je n’y avais pas pensé, il faut faire quelque chose.

Les inquiétudes s’entremêlèrent pendant de longues minutes, le rythme de leurs cœurs s’accéléra. Ils avaient tous peur que si quelqu’un disait quelque chose contre Edel, elle se transformerait en une furie. A un moment, Tobias éleva la voix pour se faire entendre des autres.

—   Pourquoi ne vous en inquiéter que maintenant et pas avant de l’avoir envoyé ?

Seul le silence lui répondit. Un nouveau soupir échappa à Tobias. La peur faisait faire n’importe quoi à ses amis, il le savait. Pourtant leur crainte est justifiée, ils ne connaissent pas cette gamine. Il décida de prendre la responsabilité de l’emmener chez lui et s’il lui arrivait malheur ce serait sa faute et pas la leur. Les villageois s’inquiétèrent encore plus face à cette proposition, ils ne voulaient pas perdre leur pilier. Tobias réussit à les convaincre, il voyait leurs visages crispés. Il était pourtant sûr d’avoir pris la bonne décision.

Il frappa à la porte de la grande maison, la mère lui ouvrit. Il l’informa du changement de toit pour Edel. La femme partie la chercher, elle revint vite accompagnée de la jeune fille. Il lui fit comprendre qu’elle logerait chez lui finalement, cela ne sembla pas la déconcerter, elle le suivit sans rechigner.

La demeure de Tobias se situait près de l’eau, elle était petite et simple, ressemblant plus à une cabane, des cannes à pêche étaient posées contre un mur. L’intérieur de la cabane reflétait la simplicité et l'efficacité des priorités des survivants. Les murs nus et les étagères vides témoignaient du manque de décorations, chaque espace étant dédié à des objets fonctionnels et essentiels à la survie. Une table rustique au centre de la pièce servait de surface de travail et de repas, sans fioritures ni ornements. Quelques chaises entouraient la table, prêtes à être utilisées. Malgré l'absence de décoration, Edel sentis que l'atmosphère de la cabane était empreinte d'une énergie de détermination. Elle comprit que cet espace reflétait la détermination des villageois à reconstruire leur vie après la catastrophe.

Elle ne pouvait s’empêcher d’admirer Tobias, il avait fait preuve de sang-froid quand il l’avait découverte et il n’avait pas pris seul de décision. La jeune fille pensait que l'homme était un grand leader, elle comprenait les regards de confiance que les survivants avaient posés sur lui.

Il la laissa dormir sur le lit, le cadre était construit à partir de morceaux de bois, étonnement il y avait des draps et la couverture devait avoir été faite avec de la peau animale, les chèvres qu’elle avait vue peut-être. Le vieil homme s’installa sur des vêtements au sol et se couvrit. Edel mit du temps à s’endormir, la sensation d’être dans un lit la dérangeait. Finalement, le sommeil la faucha. 

***

Plusieurs semaines passèrent pendant lesquelles Edel s'intègra de plus en plus au sein du village. Malgré son apparence juvénile, Edel démontra à maintes reprises sa capacité à s'adapter et à aider la communauté dans les tâches quotidiennes. Elle participa activement à la pêche, utilisant ses compétences aquatiques pour récupérer des objets perdus dans les eaux profondes et aidait même à soigner les blessures mineures des villageois avec ses connaissances sur les algues médicinales.

Pendant ce temps, Tobias apprit également à connaître la jeune fille sous un nouveau jour. Il se rendit compte qu'elle n'était pas simplement une enfant fragile, mais une jeune femme avec ses propres désirs, ses peurs et ses rêves. Le vieil homme commença à voir au-delà de la surface de la fille aquatique, découvrant sa sensibilité, son intelligence et sa force intérieure. Malgré leur différence d'âge, ils trouvèrent un terrain d'entente et une connexion profonde se développa entre eux. 

Cependant, malgré leur complicité naissante, de petites tensions persistèrent. Tobias continua parfois à utiliser des termes condescendants envers Edel, tels que "gamine", sans réaliser à quel point cela pouvait la blesser. Edel, de son côté, se sentit souvent incomprise et frustrée par les préjugés des villageois à son égard en raison de sa nature aquatique.

Lors d'une discussion tendue, Edel confronta Tobias sur son utilisation du mot "gamine". Elle lui expliqua calmement, mais fermement comment cela la fait se sentir et demanda à être traitée avec le respect qu'elle méritait en tant qu'individu à part entière. Tobias, pris au dépourvu par la force et la sincérité de ses paroles, prit conscience de son erreur et s'excusa sincèrement.

Un jour, lors de l'une des discussions animées autour du feu de camp, Edel décida de partager un aspect de sa vie qui pesait encore sur son cœur. Alors que les villageois écoutaient attentivement, elle leur révéla un secret sur les êtres aquatiques. 

Dans le monde sous-marin, les êtres aquatiques possédaient une capacité unique à se reproduire rapidement. Ses parents, comme beaucoup d'autres, avaient eu plusieurs enfants. Elle hésita un instant, rassemblant son courage pour continuer.

La tragédie avait coûté la vie à ses frères et sœurs et elle était la seule à avoir été ressuscitée. Ses parents, qui ne pouvaient pas supporter la perte, ont décidé de former une nouvelle famille, de repartir de zéro. Et ils ont mis Edel à l'écart, comme si elle n'appartenait plus vraiment à sa propre famille.

Les reflets des flammes dansaient dans les yeux d'Edel alors qu'elle partage ses souvenirs les plus intimes avec les villageois. 

—  C'est pourquoi je suis partie, continue-t-elle, sa voix empreinte de tristesse, mais aussi de résolution. Je ne pouvais plus rester là où je me sentais constamment ignorée, comme si je n'avais plus ma place. Je voulais trouver un endroit où je pourrais être acceptée pour ce que je suis vraiment, où je pourrais être libre d'être moi-même.

Un silence triste et respectueux enveloppa le cercle alors que les villageois absorbaient les paroles d'Edel. Certains baissèrent les yeux, comprenant mieux maintenant les luttes internes de la jeune aquatique. D'autres hochèrent la tête avec empathie, reconnaissant la force et le courage qu'il lui avait fallu pour partager son histoire.

***

Le soleil brillait haut dans le ciel alors qu'Edel et plusieurs villageois se rassemblaient sous l'ombre d'un vieux chêne, une pause bien méritée au vu de la chaleur ambiante. Assis en cercle, ils échangeaient des histoires et des légendes, leurs voix mêlées au doux murmure du vent dans les feuilles.

Soudain, le sujet de la discussion tourna vers la déesse Gaïa, la protectrice de la nature et de la vie. Les villageois partagèrent des récits anciens sur la puissance et la sagesse de la déesse, évoquant sa connexion profonde avec tous les êtres vivants et les éléments de la terre. Depuis les révélations qu’avait données Edel sur la déesse, les survivants avaient cherché dans leurs mémoires tous les récits qu’ils connaissaient à son sujet. 

Edel écoutait attentivement, ses yeux brillants d'intérêt alors qu'elle absorbait chaque mot avec une fascination évidente. Ses souvenirs des histoires contées par ses parents remontent à trop d'années pour qu’elle s’en souvienne.

—  La déesse Gaïa veille sur nous tous, protégeant la terre et ses habitants avec sa bienveillance infinie, déclara un des villageois, son visage empreint de tristesse. Elle nous enseigne l'importance du respect et de l'harmonie avec la nature, nous rappelant que nous sommes tous interconnectés, que nous sommes tous une partie du grand tout. C’est ce que j’ai lu dans un livre il y a longtemps. 

Edel hocha lentement la tête, un sourire doux étirant ses lèvres. Elle savait que les révélations qu’elle avait données sur la déesse, avaient eu un impact sur le moral des habitants pendant plusieurs jours. Elle se sentait coupable d’être responsable de leur tristesse.  

—  Oui, c'est vrai, dit-elle d'une voix calme mais assurée. La déesse Gaïa nous rappelle que nous sommes tous liés, que nous sommes tous responsables de préserver et de protéger notre monde. Nous devons honorer la terre et toutes ses créatures, car c'est grâce à elle que nous avons la vie. 

Les villageois acquiescèrent en signe d'approbation, leurs visages empreints de respect et d'admiration pour la sagesse de la jeune fille aquatique. La pause touchait à sa fin et c’était le cœur un peu apaisé que tous repartirent à leurs tâches. Alors qu’Edel repartait vers l’enclos des chèvres, elle entendit un homme prononcer cette phrase, “Nous sommes tous fautifs, nous aurions dû écouter au lieu de prendre encore et encore.”

***

La semaine suivante, sous un soir de pluie qui interdit le rassemblement des survivants, Tobias et Edel partagèrent un repas en discutant. Au fil des semaines, le vieil homme s’était montré plus loquace. 

—  Tu sais, Edel, j'adore vraiment la manière dont tu interagis avec les enfants du village. Tu sembles tellement naturelle avec eux. Tes explications à leurs questions sont si vraies. 

Edel, souria doucement 

—  Merci, Tobias. Les enfants sont spéciaux pour moi. J'aime leur parler et leur expliquer les choses comme il le faut.

—  Pourquoi donc ? Qu'est-ce qui te pousse à être si attentive envers eux ? Demanda Tobias, intrigué.

Edel, regarda pensivement son assiette avant de continuer : 

—  Eh bien, quand j'avais dix ans … je savais déjà que le monde n'allait pas bien. Mes parents parlaient souvent des problèmes du monde devant moi, comme s'ils pensaient que je n'écoutais pas ou que je ne comprenais pas. Mais en réalité, j'écoutais attentivement et je comprenais tout.

— Vraiment ? À dix ans, tu comprenais de quoi ils parlaient ?

—  Oui, c'est ça. Confirma Edel, hochant doucement la tête. Enfin bien sûr il y avait des mots que je ne comprenais pas vraiment, mais je pouvais voir à leurs expressions ou aux tons de leurs voix, qu’ils étaient inquiets. C’est pourquoi je ne veux pas faire comme mes parents. Je ne veux pas simplement parler des choses de manière détachée ou compliquée. Je veux trouver les bons mots, ceux qui peuvent être compris par les enfants. Parce que je crois qu'ils sont en parfaite mesure de comprendre, tu sais. Ils ont une manière de voir les choses avec simplicité et innocence, et je pense que c'est important de les respecter et de leur parler avec honnêteté.

Tobias fut touché par ses paroles.

—  Tu as une perspective vraiment unique, Edel. Et c'est admirable, vraiment. Tu fais une différence dans la vie de ces enfants, tu leur apportes de la lumière et de la compréhension dans notre monde parfois encore sombre et compliqué.

Edel lui souria sincèrement. 

—  Merci, Tobias. C'est tout ce que je souhaite, vraiment. Juste apporter un peu de lumière là où je peux.

Ce soir-là, Tobias ouvrit une petite ouverture dans son cœur. Edel semblait se confier facilement sur son passé, mais ce n’était pas le cas du vieil homme. Peu de villageois connaissaient son passé, mais à cet instant précis, il eut envie de se confier à son tour. Peut-être était-ce grâce à la douceur que dégageait Edel. Après un moment de silence, Tobias se décida à enfoncer cette ouverture. 

—  Edel, j’aimerais me confier à toi, si tu veux bien. Je n'en ai jamais parlé à personne ici, mais ce soir, j’ai … envie de le faire.

La jeune fille se fit attentive, le ton de son ami s’était fait timide, c’était la première fois qu’elle l’entendait, elle tourna son regard vers lui.

—  Qu'y a-t-il ? Je t'écoute.

—  Il y a plusieurs années de cela, je vivais une vie paisible en Suède, aux côtés de ma femme et de ma fille. Et comme tout le monde, ma vie a été bouleversée par la montée des océans. Ma femme et ma fille... Elles ont péri dans la tempête qui a ravagé le monde.

—  Je suis désolée, Tobias. Je ne savais pas… 

Ses yeux reflétaient la compassion et la compréhension qui l’habitait. Tobias secoua légèrement la tête. Il sentait un nœud se former dans sa gorge, une boule de tristesse et de regret qui menaçait de l'étouffer.

—  Non, bien sûr que tu ne pouvais pas savoir. Je n'en parle jamais. Mais j'ai pensé que ce soir, se serait le moment. Je... je n'ai jamais vraiment surmonté leur perte, tu sais. Mais être ici, avec toi et les autres... ça m'aide, d'une certaine manière.

Edel posa doucement sa main sur celle de Tobias, lui offrant un soutien silencieux dans sa douleur.

—  Je suis là pour toi, Tobias. Si jamais tu as besoin de parler ou de quoi que ce soit d’autre, je suis là. Nous sommes là, ne l’oublie jamais. Expliqua-t-elle d'une voix douce.

—  Merci, Edel. Ça signifie beaucoup pour moi.

 Il ferma les yeux un instant, luttant contre l'émotion qui montait en lui avec une force irrépressible. Puis, comme une digue cédant sous la pression de l'eau, les larmes commencèrent à couler des yeux de Tobias. Silencieusement, sans un mot de plus, il laissa son chagrin s'exprimer, des larmes longtemps retenues jaillissant maintenant dans un flot incontrôlable. Pour la première fois en cinq ans, depuis les premières nuits de sa nouvelle vie, Tobias pleura. 

Edel observa avec compassion, son cœur se serrant devant la détresse de Tobias. Elle se déplaça doucement, posant une main réconfortante sur son épaule, offrant sa présence silencieuse dans ce moment de vulnérabilité.

À partir de ce moment-là, leur relation évolua. L’homme apprit à voir Edel comme une seconde fille, tandis que la jeune fille trouva en Tobias un mentor et un protecteur bienveillant. Ensemble, ils continuèrent à naviguer dans les défis et les joies de la vie au village, renforçant chaque jour un peu plus leur lien. 

Les mois passèrent, Edel s'était construit une petite maison près de Tobias. Ils se voyaient peu en journée, chacun étant occupé par ses propres tâches. Ils se retrouvaient donc le soir et discutaient pendant des heures ou ils regardaient le ciel ensemble. 

Lors de l’une de leur escalade, dans l'obscurité de la nuit, ils s’étaient rendus en hauteur pour admirer la voie lactée si brillante en ce moment. A l’endroit qu’ils avaient choisi, on se sentait aussi petit qu’un grain de sable. Le ciel éclatant de milliers d’étincelles au-dessus d’eux, révélant son immensité.

Les étoiles semblaient former un spectacle envoûtant, une danse mystique de lumière et de couleur qui captivait le regard et l'âme. La lune, pleine et brillante, se levait lentement à l'horizon, éclairant la falaise d'une lueur argentée et projetant des ombres fantomatiques sur le sol rocheux.

Edel leva les yeux vers le ciel, sa respiration s'accélérant devant la beauté époustouflante qui s'étendait devant elle. Elle se sentait petite et humble devant cette manifestation majestueuse de l'univers, mais en même temps, elle se sentait connectée à quelque chose de plus grand, de plus vaste que sa propre existence.

À côté d'elle, Tobias observait le ciel avec une intensité silencieuse, son visage éclairé par la lumière douce de la lune. Dans cet instant magique, il se sentait en paix, comme si toutes les douleurs et les tourments du passé étaient momentanément oubliés, remplacés par une profonde gratitude pour la beauté et la grandeur du monde qui l'entourait.

Alors qu'ils restaient là, perdus dans la contemplation du ciel nocturne, le vieil homme brisa l’instant magique qui les habitait, une question depuis longtemps le taraudait.

—  Edel, je peux te poser une question. 

—  Bien sûr, pose-moi toutes les questions du monde et j'essaierais d’y répondre.

—  Arriverons-nous à satisfaire la Terre ? A se racheter à ses yeux ?

Après ce court dialogue, un silence pesant s'installe entre la jeune fille et son interlocuteur. Les mots résonnent encore dans l'air, chargés de doutes et d'incertitudes quant à l'avenir de l'humanité et de la relation avec la déesse, métaphore de la nature.

Edel se sent submergée par un mélange d'émotions, ses pensées tourbillonnantes dans sa tête alors qu'elle contemple les débris de l'ancien monde englouti par les eaux. Elle se demande si la déesse, dans toute sa magnificence, pourrait jamais pardonner aux survivants pour les péchés et les erreurs de leurs anciennes vies.

Pourtant, malgré le désespoir qui menace de l'engloutir, une lueur d'espoir persiste en elle. Elle se souvient des histoires de courage et de résilience des anciens, de leur capacité à se relever après les pires catastrophes et à reconstruire à partir des cendres.

Peut-être, se dit-elle, si les survivants montrent un véritable repentir et un engagement sincère à préserver et à protéger ce qui reste de la terre, la déesse pourrait-elle trouver dans leurs actions une forme de rédemption. Peut-être pourrait-elle voir en eux une nouvelle chance, une opportunité de renouveau et de régénération pour la planète blessée.

Avec cette lueur d'espoir qui brûle dans son cœur, Edel se tourne vers Tobias, déterminée à trouver un moyen de rétablir l'harmonie avec la déesse et de reconstruire un monde meilleur, un monde où la nature est honorée et respectée comme elle le mérite.

—-  Je ne sais pas. Tout dépendra de la volonté des Hommes.

Dans cette nuit étoilée, ils comprirent que peu importe ce que l'avenir leur réservait, ils pourraient affronter les défis ensemble, unis par leurs déterminations de rédemptions. Et dans cette compréhension partagée, ils trouvèrent la paix et la sérénité dans l'éclat éternel des étoiles.

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