À chaque fois que tu te sens seul...
— Tu verras on se plaira dans ce quartier, ajoute mon père d’un ton mielleux.
Je viens de passer dix heures dans un avion à traverser l’océan pacifique, j’ai des crampes partout, mon t-shirt me colle à la peau. La chaleur est étouffante. Je ne voulais pas déménager, quitter New York, mes amis, mes habitudes. Mais il a fallu que papa accepte son nouveau poste ici pour la simple raison que son salaire augmenterait de dix pourcents. À croire que nous ne sommes pas encore assez friqués, alors que je roule en Range Rover rose gold qu’il a fait personnaliser spécialement pour mes vingt ans.
Je ne peux pas réellement me plaindre, il m’a proposé de me prendre un appartement sur Time Square pour que je ne sois pas obligée de changer d’université. J’ai refusé, j’ai toujours vécu avec lui, nous sommes très proches et l’idée de me retrouver aussi loin de lui m’effraie. Je suis une fille à papa, que cela plaise ou non.
Porter des tenues d’été toute l’année ne devrait pas me demander trop d’effort. Si le froid me manque, un billet d’avion et retour à New York quelques jours. Ici, j’ai une chance sur deux de tomber sur un alligator qui me mangera directement après m’avoir aperçu ou encore de me faire piquer par une guêpe géante.
Arrgg je veux retourner dans ma ville.
— J’ose espérer qu’ils ont Coffee Alice ici, Dis-je en jouant avec mes bracelets.
Son regard ne me réconforte absolument pas, j’ai besoin de mon matcha de chez Alice chaque matin. Comment je vais faire sans leur matcha et surtout sans leurs pâtisseries à se rouler le cul par terre. Je déteste le changement, les nouvelles habitudes.
Je soupire un coup avant d’attraper mon sac à l’arrière de la Jeep. J’ai beau essayer de me convaincre que tout va bien se passer, une partie de moi le sais, je vais perdre pied.
Une douce voix se fait entendre derrière moi, je me tourne pour lui adresser un sourire qu’elle me retourne instantanément.
— Salut, je suis Irina votre voisine de droite.
Avec un large sourire aux lèvres et un timbre de voix très doux.
— J’ai l’impression de débarquer dans le quartier de Wistéria Lane, il ne manque plus que son panier de muffin et je me retrouve face à la Bree Van de Kamp d’Hawaï. Murmure-je pour que personne n’entende.
— Enchanté, John pour moi et voici ma fille Avery.
— Oh, Waouh, J’adore ton prénom.
Je crois que le soleil qui tape sur nous n’est pas aussi solaire qu’Irina. Elle est débordante d’énergie ce qui est presque flippant.
— Le tiens est pas mal aussi, lui rétorquais-je.
— Tu fais ta rentrée demain à l’université Manoa ?
Comment elle peut savoir ça ? On ne se connait pas, elle débarque pleine de bonne humeur et se croit déjà amie avec moi.
— Oui, en journalisme.
— Oh, j’y suis aussi, tu seras sûrement mise dans ma promo.
Waouh, super, madame soleil avec moi pour les cinq prochaines années, quelle chance. Mon haussement de sourcil lui fait très vite comprendre que je m’en fou de ce qu’elle est en train de me raconter. Elle part quelques instants plus tard en nous souhaitant une bonne installation. Quand je me retourne pour entrer dans la maison, mon père me fixe, je sais, je n’ai pas été très sympa. J’ai déjà assez de mal à me faire à ma nouvelle vie, je n’ai pas besoin d’une madame soleil pour sourire toute la journée. Et pourtant, mon père sait à quel point je suis comme Irina habituellement.
Les déménageurs ont déjà installé tous mes cartons dans ma chambre, enfin, ma suite à ce niveau-là. 50m 2 de chambre répartie en 20m2 de dressing, 10m2 de salle de bain et 20m2 pour la chambre. J’ai l’impression de vivre dans les cartons depuis des mois. Plus je les vide, plus il y en a, je ne terminerais jamais de m’installer à cette allure. Je décide simplement de déballer le plus important et de mettre le reste des cartons dans un coin, je m’en occuperais un peu plus tard.
J’ouvre ma baie vitrée pour aller sur mon petit balcon et m’adosser contre la rambarde. Au loin, l’océan. Autour, des villas à en perdre la tête. Le quartier de Kahala est certainement le plus riche d’ici, les villas sont toutes plus belles les unes que les autres.
Des bruits venant de la maison d’Irina. Dans leur jardin qui fait dix fois la taille du mien, un mec met des paniers. La sueur coule sur son torse nu recouvert d’abdos, un bras droit entièrement tatoué et un short presque entièrement descendu, avec ses petits rebondissements. La vue de cette chambre ne me déplaît pas finalement.
— Mon frère est canon, pas vrai ? Me dit-elle sur un ton amusé.
Directement enlevée de mes rêveries, sa voix me reprend. Évidemment sa chambre est à côté de la mienne. Je peux apercevoir son intérieur aussi lumineux que sa personne.
— Il ne sera pas à l’université, il est le capitaine de son équipe de surf.
Je n’ai pas été super sympa avec elle toute à l’heure et pourtant elle reste adorable envers moi. Peut-être que c’est un soleil dont j’ai besoin dans ma vie pour apprendre à vivre ici. Peut-être même qu’elle pourrait m’apprendre à être moins lunatique.
— Je suis désolée pour ce que j’ai dit plus tôt, le voyage m’a épuisé.
Son sourire me plaît directement, elle a le regard si doux, qu’un ours la prendrais dans ses bras.
— Tu es pardonnée à une seule condition, me regarde-t-elle avec un large sourire.
— Dit-moi ? lui répliquai-je.
Je ne la connais que depuis seulement vingt minutes, mais je sens qu’elle peut me faire exécuter pas mal de connerie et ça, n’importe quand.
— Fais-moi un gâteau à l’ananas aussi parfait que celui de Bree et tu seras pardonnée.
Je n’ai peut-être pas chuchoté aussi doucement que je ne l’avais pensé. Un sourire m’échappe rapidement, elle ne l’a pas mal pris et au contraire elle à la réf. Disons qu’elle marque un point.
— Si moi je suis Bree alors tu seras Gaby. Me sourire-t-elle.
Très bien, je pense pouvoir m’entendre avec elle sans aucun problème. Le bruit d’un parvient à nos oreilles, raisonnant sur le macadam.
— Oui, Aaron qu’est-ce que tu veux ?
Aaron, ça lui va bien. Son prénom le rend encore plus sexy qu’avant. Je valide plutôt deux fois qu’une. Il ne doit pas avoir plus de vingt-quatre ans. C’est typiquement le style de mec à s’envoyer une tonne de nana. Tout le monde sait que les joueurs de je ne sais quel sport se tape tout ce qui bouge et les capitaines les premiers.
— Princesse, on peut savoir ton prénom. Me réclame-t-il.
Je rêve ou il vient de m’appeler princesse ? Irina à l’air tout aussi surprise que moi mais en rigole assez rapidement. Voyant que les paroles de son frère ne m’ont absolument pas plu, elle essaie de faire redescendre la petite tension qui m’envahit.
— Avery, notre nouvelle voisine, ma Gaby et ma super copine de promo. Indique-t-elle.
— Au moins, tu auras une amie à trois mois de la fin de la première année.
— Et ne m’appelle plus princesse. Répliquai-je en croisant les bras sur ma poitrine.
Irina me regarde avec un sourire très lumineux, avec beaucoup de satisfaction. Il ne doit pas y avoir énormément de personne qui doivent tenir tête à son frère à ce que je comprends. Lui-même est surpris mais n’a pas l’air impacté. Il me lâche un clin d’œil avec un sourire en coin avant de reprendre des dribbler et ses paniers. Je ne veux plus jamais entendre ce surnom sortir de la bouche de qui que ce soit.
— J’ai fait des cookies, tu viens faire une pause dans tes cartons ? me proposent-elle.
— Je dois encore voir où vous en êtes dans le programme alors.
— Moi aussi, je peux t’expliquer, me réplique-t-elle.
Elle doit vraiment se sentir seule pour m’inviter aussi rapidement. Je n’ai pas refusé, il va bien falloir que j’apprenne à me faire de nouveau ami et Irina n’a pas l’air méchante. Je préviens papa et fait les quelques pas qui me séparent de sa maison. Elle me fait visiter avant qu’on ne s’installe dehors autour de la piscine avec des jus d’orange et ses cookies. Leur Villa est plus grande que la nôtre, leur jardin fait facilement le triple du mien. Des photos de famille sont accrochées un peu partout dans la maison et dans le salon. Ils ont l’air d’être une famille unie et heureuse. Elle m’a posé quelques questions sur moi mais je déteste évoquer ma vie privée avec qui que ce soit. Je n’ai besoin de personne pour avoir pitié de moi. J’ai essayé de changer de sujet rapidement, ce qu’elle a très vite compris et n’a pas insisté. Elle m’a souri, on a dévié sur les cours ainsi que le campus qu’elle me fera visiter demain pendant la pause déjeuner.
On a passé un long moment à parler et finalement elle est cool. Je crois même qu’avoir passé un peu de temps avec elle m’a fait oublier quelques instants que je venais d’arriver et qu’on ne se connait pas il y a quelques heures. J’ai fini par la laisser pour retourner aider mon père à déballer le reste des cartons. Une fois devant la porte je n’ai pas le temps de dire un mot que je me retrouve avec un ballon en pleine tête. Un petit gémissement sort aussitôt de ma bouche. Il m’a fait mal putain.
— Excuse-moi princesse. M’affirme-t-il en ramassant le ballon.
A croire qu’il ne comprend pas la langue parlée.
— Ne m’appelle pas comme ça. Lui hurlai-je à moitié dessus.
— Tu étais sur mon chemin.
Non mais je rêve, je suis en train de partir, je prends son ballon en pleine tête mais c’est moi qui suis dans son chemin. Je rêve.
— Princesse, je te préviens, si tu fais du mal à ma petite sœur comme ces autres salopes de l’université, tu auras affaire à moi. Me menace-il sur un ton sérieux avant de rentrer chez lui.
Un frisson de peur s’empare de moi quelques secondes, il vient de me menacer alors que je n’ai strictement rien fait. Ça confirme juste ce que je pensais, Irina ne doit pas avoir beaucoup d’amies et je n’ose pas réellement me demander pourquoi c’est le cas. Elle est adorable, généreuse, souriante. Soit elle cache bien son jeu, soit il y a quelque chose que j’ignore encore pour le moment.