Les pneus de la voiture glissaient doucement sur l’asphalte humide. Le ciel, gris et pesant, semblait vouloir s’écraser sur la ville. James serrait le volant un peu trop fort, ses phalanges blanchies contrastant avec le cuir sombre. Il y avait quelque chose dans l’air. Ce n’était pas seulement le temps qui menaçait – c’était une intuition sourde, un frisson dans l’échine qui ne le quittait pas. 

James Caldwell était un manager différent. Depuis cinq ans, il gérait la carrière d'un artiste nommé Lex. Grand, solide, avec une présence discrète mais rassurante, James n'était pas du genre à élever la voix ou à faire des discours enflammés. Son endurance, sa patience et surtout sa loyauté inébranlable avaient forgé une relation rare dans un monde d'illusions et de trahisons.

Il avait reçu l’appel il y a moins d’une heure. Un mot : Scandale. Et ce nom prononcé avec gravité : Lex. Pas besoin d’en entendre plus. Il savait. Il n’y avait pas de fumée sans feu – ou sans tempête, dans le cas de son idol.

Alexander Hale ... Lex était une véritable star. Une célébrité flamboyante, presque irréelle. De nombreux succès musicaux, des salles de concert pleines à craquer, des contrats publicitaires lucratifs. Son talent brut était éblouissant - danse, chant, jeu d'acteur, tout lui réussissait. Mais derrière cette image lisse se cachait une réalité plus complexe : Lex était impulsif, fier, parfois difficile à gérer. Il était aussi connu comme un séducteur, incapable de résister aux tentations d'une vie facile et rapide. Un génie oui, mais un génie imprévisible.

Il se gara devant le bâtiment de l’agence, le cœur tambourinant. Chaque pas dans les couloirs résonnait comme un compte à rebours. Il savait que derrière cette porte, il allait entrer dans une pièce chargée de tension… mais il ne s’attendait pas à ça.

La porte s’ouvrit brutalement sur une salle remplie de regards lourds et silencieux. À l’intérieur, autour de la grande table en verre, se tenaient les responsables de l’agence : le directeur exécutif, la cheffe du département juridique, le chargé de communication de crise, et deux managers seniors.

Et Lex.

Le jeune idol, debout, fulminait. Ses cheveux en bataille, ses yeux noirs injectés de colère. Il ne jouait plus la comédie. Il n’était plus l’idol parfait aux sourires calibrés. Il était un volcan en éruption.

— PUTAIN MAIS VOUS ÊTES SÉRIEUX ?! hurla-t-il. Vous m’avez foutu dans la merde, et maintenant vous me regardez comme si j’étais le problème ?!

Il lança une bouteille d’eau contre le mur. L’objet éclata dans un fracas sourd. Personne ne bougea.

— Une rumeur de merde ! UNE SEULE ! Et vous laissez les médias me bouffer vivant ! Pourquoi personne ne fait son boulot dans cette putain d’entreprise ?! Il pointa du doigt le chargé de communication. Toi, t’es censé me protéger ! T’étais où quand mon nom est sorti partout avec “abus” et “drogue” en gros titres ?!

James sentit son souffle s’accélérer. Il ferma la porte derrière lui, calmement. Il devait intervenir. Maintenant.

— Lex.

La voix de James, grave et posée, coupa net le flot de cris. Il avança lentement vers lui, les mains bien visibles, comme s’il approchait un animal blessé.

— Ce n’est pas comme ça qu’on va régler quoi que ce soit. Regarde-moi.

Lex tourna ses yeux pleins de rage vers lui. Mais James vit autre chose derrière cette fureur : la peur. La trahison. L’impuissance.

— Je sais que c’est injuste. Je sais que t’as rien fait. Mais tu sais aussi que péter un câble comme ça, ici, maintenant… ça va empirer les choses. T’es pas seul. D’accord ? On va nettoyer ça. Ensemble.

Un silence suspendu. Lex inspira profondément, puis une deuxième fois. Ses épaules tremblaient.

— Ils disent que j’ai forcé une fille… murmura-t-il, comme si les mots lui brûlaient les lèvres. Que je me drogue. Que je suis un monstre.

— Et tu sais que c’est faux, dit James avec une force tranquille. Et moi aussi. Alors on va retourner cette situation. Laisse-moi faire mon boulot. Fais-moi confiance.

Lex ne répondit pas. Il détourna le regard. Mais ses poings se desserrèrent.

Autour de la table, les cadres de l’agence restaient figés, observant la scène. Certains évitaient le regard de Lex. D’autres prenaient déjà des notes, prêts à transformer la crise en stratégie.

— Il va falloir une conférence, dit le directeur, brisant le silence. James, tu vas gérer ça. Tu connais Lex mieux que personne.

James hocha la tête. Il était déjà en train de réfléchir à un plan. Il allait falloir un discours contrôlé, des excuses peut-être… mais pas trop. Pas d’aveu. Pas d’attaque. Juste la vérité, reformulée avec précision. Et surtout, protéger Lex, quoi qu’il en coûte.

— Je vais le faire. Mais j’aurai besoin d’un accès complet aux fichiers, aux vidéos de sécurité de l’événement, et à l’équipe juridique. Et… laissez-moi gérer Lex seul pour quelques jours.

Le directeur hocha la tête, résigné. Il savait que James était leur seule chance.

Dans les couloirs sombres de l’agence, James marcha aux côtés de Lex. Aucun mot. Juste le silence. Un silence lourd de sens.

— Tu penses que ça va s’arranger ? demanda Lex, enfin.

James leva les yeux vers lui, son regard calme mais déterminé.

— Ce que je pense ? C’est que t’es plus fort que ce qu’ils croient. Et que moi, je je ne suis pas du genre à lacher l’affaire.

Un coin des lèvres de Lex tressaillit. Un sourire. Minuscule. Mais sincère.

Et dans cet instant suspendu, James comprit, encore une fois , à quel point son role était primordiale non seulement dans la carrière mais aussi dans la vie de Lex.

Lex sortit de la salle de réunion en suivant Jmes derrière, semblant moins abattu qu'auparavant. Malgré tout, il avait ce pressentiment : il n'allait pas pouvoir s'en sortir aussi facilement cette fois-ci. Il avait déjà été dans des situations tendues par le passé, jonglant entre plusieurs célébrités pour le bonheur de leurs fans. À chaque fois, James, son manager et ange gardien, l'avait aidé à s'en sortir. Mais cette fois-ci, l'accusation était bien plus sérieuse, et en dehors de James, qui le connaissait mieux que quiconque, qui pourrait croire en son innocence ?

Arrivés devant l'ascenseur, James marqua une pause. Il se tourna vers Lex, son regard sombre et presque effrayant.

— Cette affaire semble plus compliquée que ce que l'on pensait...

Un nœud se forma dans l'estomac de Lex.

— Ne me dis pas... murmura-t-il d'une voix rauque.

Son instinct ne l'avait pas trompé. James venait de recevoir un appel crucial. C'étaient ses parents. Et lorsque ses parents s'en mêlaient, ce n'était jamais bon signe.