Le soleil chauffe ma peau, étonnamment doux pour un mois de janvier. Le vent, lui, s’installe malgré tout. Il fouette mes cheveux et me provoque de légers frissons. Un dimanche. Encore une journée sans but, sans horaire, sans personne. Repos imposé.
Depuis Noël, je fonctionne en pilote automatique. Je ne pense plus, j’avance. Une coquille vide. Mon téléphone dans la main, j’essaie de me distraire, mais les mots de Julie, ma meilleure amie, me ramènent à la réalité.
Elle répète que se faire larguer un jour de fête, ce n’est pas si grave. Que ça ne veut rien dire.Peut-être. Mais je crois surtout que c’est typiquement moi : pas de chance, point barre. J’essaie de me relever encore plus forte, seulement, cette fois-ci c'est différent, je crois que je ne veux pas me relever. Ou du moins, pas maintenant.
— Abi ? Abigail Duchenne ? Tu m’écoutes ou tu parles à tes murs ?
— Oui, oui, désolée.
L’appel dure quelques instants. Mais elle y met rapidement un terme. Elle doit filer, ses parents l’attendent.
Fin de la conversation. Je repose le téléphone avec une pointe de culpabilité. Je n’ai même pas été présente.
Le vent se lève, de plus en plus. Je referme la porte derrière moi et rentre. Malgré la lumière, l’hiver pointe le bout de son nez.
Je me laisse tomber sur le canapé. En face, sur la petite table, mes devoirs m’attendent comme des vautours affamés. Sérieusement, qui m’a poussée à faire un bac scientifique ? J’adore la science, mais là… Non. Pas aujourd’hui. Pas avec le cerveau saturé comme ça. Je lutte sans cesse pour me retrouver, mais je n’arrive à rien.
Heureusement, mes copines me maintiennent la tête hors de l’eau. Grâce à elles, j’ai retrouvé un peu de mon niveau de première. Elles me tirent vers le haut, tandis que moi je me laisserais bien couler.
C’est ça, le pire. L’année avait bien commencé. Tout roulait. Et puis, d’un coup… tout s’est effondré. Sans même me laisser le temps de comprendre.
En un claquement de doigt, ma vie n’était plus la même.
Mais on ne choisit rien, pas vraiment. On s’imagine aux commandes, mais la vie, elle, s’en fout. Elle seule décide de notre avenir. S’accrocher autant… Ne sert peut-être pas à grand-chose.
Ce que j’ai compris bien assez tôt.
Heureusement que j’ai le Sud. Mon Sud. Le soleil, les paysages, la mer. Dès que j’ai besoin de respirer, je m’évade. Personne pour m’en empêcher. Sûrement pas mes parents. Ils ne sont jamais là.
Jamais vraiment là, en tout cas.
On dit qu’on ne peut compter que sur soi-même. C’est peut-être vrai. J’ai 19 ans maintenant. Majeure, vaccinée, et officiellement indépendante, même si je vis encore ici.
Je croise les doigts pour que cette année se termine mieux qu’elle n’a commencé. J’espère pouvoir tourner la page sans trop me heurter aux difficultés que m’impose la vie depuis que je suis née. Retrouver un semblant de normalité. Ou, quelque chose qui y ressemble.
Espérer avancer dans ce monde qui, malgré les apparences, dissimule une réalité bien plus cruelle.