Rires sous le soleil
Thomas
Alors que je suis assis dans le van avec Azura, je laisse mon esprit vagabonder, perdu dans le paysage qui défile. Cela fait plusieurs jours que nous sillonnons l’Italie, et je suis fasciné par chaque colline, chaque village pittoresque qui surgit au détour des routes. Avec Azura, on découvre ensemble une culture riche, des mets incroyables, des lieux d’une beauté époustouflante. Mais plus que tout, c’est le fait de le vivre avec elle qui rend l’aventure spéciale. Azura, elle est bien plus qu’une amie. Depuis l’enfance, elle est ce pilier constant dans ma vie, mon point de repère au milieu du chaos.
- T’as vu ça ? , s’exclame-t-elle soudain en désignant une petite ferme nichée au creux d’un vignoble en terrasse.
Je souris, amusé par son enthousiasme.
- Magnifique, ouais. Ce pays est vraiment une carte postale vivante.
Elle rit, et je me surprends à savourer ce moment simple avec elle. Azura est comme ça, toujours capable de me rappeler ce qu’il y a de beau autour de nous, peu importe combien je suis préoccupé. Les gens nous voient souvent ensemble et croient qu’on est amoureux. Je trouve ça drôle – un peu irritant aussi, parfois, à force – mais Azura, elle ne se prend pas la tête avec ça. Si seulement ils savaient qu’elle est attirée par les filles, ça éviterait quelques malentendus !
Elle le pense aussi et me lance souvent, en rigolant : « Si seulement les gens savaient la vérité, ils arrêteraient de nous coller cette étiquette. »
Aujourd’hui, on se dirige vers la région de Palerme, un endroit qui a une signification particulière pour elle. Les grands-parents d’Azura sont nés ici avant d’immigrer en France. Revenir ici, c’est un peu comme renouer avec des racines dont elle entend parler depuis qu’elle est enfant.
- J’espère que ça ressemblera à ce que j’ai imaginé, dit-elle soudain, plus sérieuse.
Je la regarde.
- T’es nerveuse ?
Elle hoche la tête.
- Un peu. Ça fait tellement d’années que j’entends parler de cette région... C’est étrange de se dire que je vais enfin la découvrir.
On finit par s’arrêter à Taormine, cette petite cité perchée au-dessus de la mer. Alors que l’on descend du van, Azura s’arrête pour observer la vue. Sa voix est douce, presque murmurée.
- Mes grands-parents... Ils ont grandi ici, dit-elle en désignant le paysage d’un geste. Toute leur vie, ils ont raconté ces histoires d’Italie à mes parents, et même à moi. C’est... fou de me dire que je suis ici maintenant.
Je pose une main sur son épaule.
- Tu as l’impression de les comprendre un peu mieux, d’être ici ?
Elle sourit, les yeux brillants.
- Oui, c’est ça. Comme si je retrouvais un morceau de moi-même que j’ignorais.
En silence, je la suis, laissant le calme de Taormine nous envelopper, ce lieu vibrant de l’histoire de ses ancêtres. Ce voyage n’est pas seulement une évasion pour nous, c’est une redécouverte – et je sais qu’en nous rapprochant de Palerme, ce sera encore plus fort pour elle.
Au bout d’un moment, elle se tourne vers moi, l’ombre d’un sourire aux lèvres.
- Et si on prenait un café en terrasse ? Histoire de goûter un peu plus d’Italie.
- Excellente idée.
Installés face à la mer, je profite de cette parenthèse, conscient que ces moments d’intimité sont précieux. Entre confidences et éclats de rire, je me dis que, malgré les complications qui m’attendent en France, ici, avec Azura, je trouve enfin une paix dont j’avais bien besoin.
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Après ce moment posé en terrasse, savourant le café corsé et le calme de Taormine, Azura et moi décidons de poursuivre notre exploration. Elle a entendu parler d’un sentier qui mène jusqu’au théâtre gréco-romain, un lieu mythique chargé d’histoire, et elle ne veut pas quitter la ville sans l’avoir vu de ses propres yeux. L’idée d’une petite randonnée pour découvrir ce lieu emblématique nous semble parfaite.
La montée est douce, le sentier bordé d’oliviers et de cyprès. Le parfum de la végétation, mélangé à l’air marin, est apaisant. Azura, comme toujours, s’enthousiasme à chaque tournant.
- Regarde ! Même les pierres ici semblent raconter une histoire, tu trouves pas ? dit-elle en caressant un ancien mur de pierre envahi par des lierres.
Je souris, amusé.
- T’as raison. Tout ici respire l’authenticité, c’est fou.
Nous continuons, absorbés par les ruelles pavées et les escaliers sinueux qui nous rapprochent du sommet. Enfin, nous atteignons le théâtre gréco-romain. Devant nous, les gradins en pierre se dressent en demi-cercle, comme un hommage silencieux aux civilisations passées. Je reste bouche bée devant la vue qui s’étend au-delà du théâtre : face à nous, l’Etna domine l’horizon, imposant, majestueux, son sommet recouvert d’une fine couche de neige malgré le soleil éclatant.
Azura reste figée, un sourire ému sur le visage.
- Tu te rends compte, Thomas ? Ici, des milliers de personnes ont dû se réunir pour des spectacles, des cérémonies… Tous ces gens, des siècles avant nous, qui ont contemplé ce même paysage.
- Ça donne des frissons, ouais, admets-je, impressionné.
Elle s’assoit sur l’une des marches du théâtre, les yeux rivés sur l’Etna.
Parfois, j’aimerais être comme ces gens, vivre à une époque où la vie devait être… plus simple, où les choses n’étaient pas autant compliquées.
Je m’installe à ses côtés.
- Je comprends ce que tu veux dire. Mais toi, tu vois vraiment la vie ici comme quelque chose de simple ?
Elle réfléchit, puis acquiesce.
- Peut-être pas, non. Mais il y a quelque chose de pur ici, une beauté brute. C’est différent.
Un silence s’installe, rempli par le souffle du vent. Après un moment, je la taquine :
- Qui aurait cru que tu aurais une âme de poète ?
Elle me donne un coup de coude, souriante.
- Tu parles ! C’est toi qui deviens sentimental, Thomas. C’est moi ou ce voyage te change un peu ?
Je ris, conscient qu’elle n’a pas tort.
- Peut-être que ce que je vis ici m’aide à oublier un peu les galères de cette année. Ou peut-être que c’est l’effet de l’Italie.
Elle secoue la tête, regardant de nouveau l’Etna.
- C’est ce que je voulais, tu sais. Retrouver cet endroit où mes grands-parents ont grandi, me connecter avec cette partie de mon histoire… Et toi, te reconnecter avec toi-même.
Je baisse les yeux, touché par la sincérité de ses paroles.
- Merci de m’avoir entraîné dans cette aventure, Azura.
Elle me sourit, le regard empli d’une tendresse fraternelle.
- On s’est toujours épaulés, toi et moi. C’est ce qu’on fait depuis qu’on est petits, non ?
L’espace d’un instant, je ressens la puissance de notre lien. Ce voyage n’est pas juste une pause, c’est une bouffée d’air, un moment où tout paraît possible. Assis dans les gradins du théâtre, face à l’Etna, j’ai la sensation que l’Italie me permet d’entamer une nouvelle étape, même si je ne sais pas encore vraiment de quoi elle sera faite.
Soudain, Azura se lève et s’éloigne en riant, courant vers l’avant-scène, ses bras ouverts comme pour embrasser la vue. Elle se tourne vers moi, un sourire éclatant sur le visage.
- Allez, Thomas ! On est dans un théâtre, amuse-toi un peu ! , s’écrie-t-elle en prenant la pose, comme une actrice sur scène.
Je ris et la rejoins, légèrement embarrassé mais entraîné par son enthousiasme. Nous jouons le jeu, imaginant des dialogues dramatiques, feignant des postures héroïques, le tout sous le regard silencieux de l’Etna. Nos rires résonnent, faisant écho dans cet amphithéâtre chargé d’histoire.
Sur scène, dans ce décor antique et majestueux, Azura adopte une pose théâtrale, une main sur le cœur, l'autre tendue vers l'Etna, comme si elle lançait une déclaration passionnée.
- Ô noble volcan, toi qui trônes fier et majestueux ! s’écrie-t-elle d’un ton dramatique, exagérant chaque mot avec une voix grave et solennelle. Me permettras-tu d’entrer dans les annales de l’histoire avec mon loyal compagnon Thomas, humble serviteur et vaillant guerrier ?
Je lève les yeux au ciel, me prenant au jeu.
Azura, ô ma dame, les dieux eux-mêmes tremblent face à votre beauté ! L’Etna rougit de jalousie devant votre feu intérieur.
Elle éclate de rire, essayant de garder son sérieux.
- Silence, homme de peu de foi ! Tu es là pour obéir, pas pour penser !
Je prends un air faussement indigné.
- Comment osez-vous, noble dame ? Moi, votre fidèle écuyer, dévoué et…
Elle me coupe d’un geste dramatique, feignant l’indignation.
- Dévoué, dis-tu ? Ha ! L’Italie entière connaît ta réputation de lâche !
- Moi, lâche ? Je feins un choc théâtral en portant une main à mon cœur, prenant une grande inspiration. C’est faux ! Hier encore, j’ai affronté… Je m'arrête, la bouche ouverte, cherchant l'inspiration.
Azura me fixe avec des yeux pleins de malice.
- Affronté quoi, Thomas ? Une assiette de spaghetti ?
Je m’effondre de rire, essuyant une fausse larme.
- Oui ! Et ce fut une bataille acharnée ! Un combat d’un autre monde, entre moi et… la sauce bolognaise !
Elle rit aux éclats, tapant dans ses mains.
- J’aurais aimé voir ça, mon brave guerrier ! Elle prend ensuite un air hautain et lève le menton. Mais sache que moi, noble dame d’Italie, j’ai bravé bien plus que la sauce bolognaise !
Je lève un sourcil, amusé.
- Oh vraiment ? Que me cachez-vous, noble dame ?
Elle prend une profonde inspiration, surjouant l'émotion.
- Hier soir, j’ai défié un gelato au citron et basilic, sans m’évanouir de bonheur !
- Incroyable ! Je fais mine de m’incliner, lui rendant hommage d’un geste grandiloquent. Vous êtes la dame la plus courageuse de toute l’Italie, Azura.
Elle me lance un clin d’œil avant de tendre la main en direction de l’Etna.
- Alors, Thomas, es-tu prêt à conquérir ce théâtre, cette ville, et peut-être même ce pays ?
Je prends une pause dramatique, comme si je réfléchissais profondément.
- Hm… Je sais pas. Ça dépend : on aura d'autres gelatos sur la route ?
Elle éclate de rire, et je la rejoins, tous les deux secoués par un fou rire incontrôlable. Entre nos plaisanteries, ce théâtre antique, et l’Etna en arrière-plan, j’ai le sentiment que cet instant restera gravé dans nos mémoires pour toujours.
Au bout d’un moment, Azura s'arrête, essoufflée mais comblée.
- Promets-moi qu’on continuera d’explorer l’Italie avec autant de folie. On doit vivre chaque moment comme si c’était le dernier.
Je hoche la tête, sincèrement ému.
- Promis, Azura. Chaque instant.
Et en moi, je sens que ce voyage ne sera que le début d’un voyage intérieur, un voyage où je trouverai, peut-être, les réponses que je cherche sans vraiment m’en rendre compte.