Au bureau :
Une journée de plus à supporter les ravages de l'alcool, mais elle ne pouvait pas s'arrêter de travailler. Phara passa donc sa matinée au téléphone ou à répondre à des e-mails. C'est ironique quand on y pense, car de toute sa vie, elle avait toujours dit qu'elle ne ferait jamais de métier de bureau. Cependant, quand le métier de bureau vous rapporte plusieurs millions, vous ne faites pas la fine bouche. Elle était donc assise ici, dans un endroit merveilleusement bien décoré et agencé, pas très étonnant quand on sait que c'est sa fiancée, architecte d'intérieur, qui a géré tous ces détails. La question légitime à se poser lorsqu'on la connaissait était : est-elle heureuse ? A-t-elle appris à apprécier son travail ou seul l'argent la faisait tenir ?
Il faut dire qu'elle adore bouger. Cela va même plus loin : on pourrait dire qu'elle ne supporte pas de rester en place plus d'une heure. Elle avait réussi à trouver un compromis là-dessus : c'est elle qui allait sur le terrain, négociait avec les clients ou partait en voyage d'affaires. Elle se déplaçait beaucoup plus en tant que patronne que tous ses collègues, ce qui lui avait offert un deuxième avantage, ajouté au fait d'avoir un besoin pathologique de bouger dans tous les sens. En effet, les clients appréciaient la voir en personne gérer leur dossier. Même si, une fois rentrée, elle déléguait le dossier, le client se sentait rassuré et important. C'est donc avec cette technique qui n'en était pas une à l'origine que sa boîte avait réalisé une performance de plus de 40 % sur une année. Tout s'était enchaîné très vite après ça, et maintenant, si quelqu'un devait gérer son image de marque ou de personne, la communication d'un nouveau projet, ou le lancement d'une nouvelle entreprise sur le marché, le nom de Phara leur venait immédiatement en tête.
Seulement, malgré son habitude et son talent pour gérer d'une main de maître les négociations au téléphone, ce matin, c'était dur de lutter contre la migraine et les clients pensant savoir mieux qu'elle comment travailler.
— Bien, merci, au revoir, je vous tiens au courant de l'avancée de votre demande.
Phara raccrocha et espérait pouvoir souffler dix minutes en allant prendre un café, mais c'était sans compter l'arrivée d'Elia et Dim dans son bureau. Ils avaient des soucis avec un client italien qui voulait absolument traiter avec la patronne. C'était son grand problème : elle avait une centaine de contractants, et tous voulaient l'avoir ELLE en tant que directrice du projet, peu importe qu'il soit petit ou grand.
Alors elle pris le téléphone que son ami et collègue lui tendait renonçant a sa pause café.
— Bien, Monsieur Blackmoretti, navrée, mais je ne peux m'occuper personnellement de votre projet. Croyez-moi quand je vous dis que toutes mes équipes sont assez compétentes pour vous apporter les résultats demandés. Maintenant, si vous continuez de rejeter leur travail au profit du mien, je me verrai dans l'obligation de rompre notre contrat. Vous êtes assez intelligent pour vous douter que je n'ai pas le temps nécessaire pour chaque demande, sinon je ne m'embêterais pas à payer un salaire monstrueux à mes collègues. Est-ce que j'ai été claire ?
C'était une grande première. Elia et Dim n'en revenaient pas : elle n'avait jamais parlé comme ça. D'habitude, elle leur promettait de faire un contrôle du projet en personne, ce qu'elle ne faisait jamais, les clients n'en savaient rien après tout. Et ce qu'on ignore ne peux pas nous faire de mal. Mais ce qui était sûr, c'est qu'elle n'avait jamais menacé un client de rompre un accord, encore moins un accord rapportant près de trois million à lui seul.
Cependant, elle l'avait fait et n'avait même pas pris le temps d'être plus douce au téléphone. Après que Monsieur Blackmoretti lui ait dit qu'il comprenait la situation et qu'il faisait désormais confiance à ses équipes, les garçons tentèrent d'en savoir plus sur son état qui impactait son travail.
— Heu... Phara, tu es sûre que ça va ?
— Oui, j'ai juste super mal au crâne et je n'avais pas envie qu'on vienne me les briser.
— Okey, je vois, et ce qui te fait mal à la tête, c'est la boisson, le fait d'avoir presque couché avec ta "Bellatrix", ou d'avoir pris Isa comme une p'tite soumise dans les toilettes.
— LANGAGE ! cria-t-elle. Au-delà d'avoir eu une évocation d'Isa plus que limite, elle ne supportait pas les grossièretés, et depuis le temps qu'ils se connaissaient, Dim devait le savoir.
— Désolé.
— Je préfère. Et pour répondre à ta question, I think que c'est un mélange des deux premiers, avoua-t-elle.
— So, j'en conclus qu'au bout de quasi six mois, vous avez enfin réussi à vraiment vous envoyer en l'air. Pour de vrai, se sentit-il obligé de préciser, comme si elle n'avait pas compris où il voulait en venir.
— Bien que je pense que ça ne te regarde absolument pas, oui, c'est arrivé, enfin pour elle au moins. On va dire que c'est déjà ça.
Elle commença à se replonger dans ses e-mails, pensant qu'il allait s'en aller tout comme Elia, mais cela aurait été trop beau. Non il fallait qu'elle aille choisit comme meilleur ami l'homme le plus intrusif que cette Terre puisse porter.
— Comment ça, tu n'as rien ressenti ?
— Cette conversation devient de plus en plus dérangeante, Dim.
— Non, je ne suis pas d'accord. Je me soucie de la santé sexuelle de ma meilleure amie. Je ne vois pas où est le mal.
Sa phrase la fit rire : il avait le don de rendre n'importe quelle discussion naturelle. Puis surtout, elle savait qu'il ne partirait pas tant qu'elle ne s'était pas confiée ou qu'elle ne lui aurait pas donnée tout les détails.
— Je me suis juste occupée d'elle, on a parlé deux minutes après, le temps qu'elle se remette, et on est sorti.
— Pourquoi vous n'avez pas continué ? Vous êtes deux filles, vos couples sont réputés pour tenir des heures au pieu, à moins que cela ne soit qu'une légende.
— Ce n'est pas qu'une légende, mais je ne pouvais pas.
Phara avait beau faire tout son possible pour rester évasive face à cette tête de mule, c'était perdu d'avance.
— Why ?
— Ho, you're impossible ! I can't because si elle avait réussi à me faire jouir, ce n'est pas son nom que j'aurais crié, parce que ce n'est pas à elle que je pensais.
— HO MY GOD. Il éclata de rire, comprenant bien à qui elle devait penser, certainement un de ses plus gros fous rires au travail. Il s'était déjà assis sur son bureau, mais là, il était totalement recroquevillé, souffrant de son propre rire.
— C'est bon, tu as fini? demanda-t-elle en levant les yeux au ciel après quelques minutes à le regarder se tordre de rire.
— Attends, si j'ai bien compris, quand elle t'a demandé avec qui tu étais sincère, elle ou la strip-teaseuse, et que tu lui as répondu « elle », tu disais « elle » mais pour l'autre.
N'importe qui entrant dans le bureau maintenant n'aurait rien compris, mais c'était au contraire plus que limpide pour Phara.
— Dim, la ferme. Voilà donc comment elle lui disait clairement qu'il avait raison.
— Tu sais, Phara, I love you and you're my best friend. Tu me fais bien rire avec tes histoires. Mais il va falloir te poser les bonnes questions, car tu es en train de t'embarquer dans un jeu que tu risques, pour la première fois de ta vie, de perdre.
— Dim, j'ai déjà perdu.
Elle retourna à son ordinateur, et lui sortit, tous deux conscients du lourd sous-entendu de ses derniers mots et que ce qui se passait dans la tête de Phara ne serait pas drôle éternellement
***
— Isabella ! Qu'est-ce que tu fais là ?
Cela faisait un moment qu'elle ne lui avait pas fait la surprise de venir lui apporter le déjeuner, surtout qu'elle savait que Phara avait la fâcheuse tendance de sauter des repas.
— Je me suis dit qu'après la soirée d'hier, tu aurais besoin d'eau et d'un bon petit plat fait maison.
— Oh yes, tu ne sais pas à quel point je suis affamée et assoiffée. Phara lui était vraiment reconnaissante, rien qu'à l'évocation de la nourriture, son ventre s'était mis à gargouiller au point de lui faire mal.
— Allez, fais donc une pause et viens manger.
Son bureau comportait un espace salon avec table basse, cheminée, télé, canapé. Isa installa donc leur déjeuner ici et eut le plaisir de voir Phara se dépêcher de tout mettre en stand-by et de la rejoindre.
— J'ai fait abstraction du vin, j'ai pensé que l'eau était un choix plus judicieux, rit-elle.
Elles mangèrent en se racontant leurs matinées. Isa avait pour mission l'aménagement complet d'un château. Cela faisait un mois qu'elle était dessus et ce projet la passionnait. C'était évident vu comme elle en parlait.
— Intéressant, je viens de trouver ton cadeau d'anniversaire. Le regard interrogateur d'Isa la fit continuer. — Un château à décorer.
Elles rigolèrent sincèrement et passèrent le début de l'après-midi ensemble à discuter de tout et de rien, une pause bien méritée dans leurs journées. Cependant, elle ne pouvait s'accorder plus de temps, Isa partit sans manquer d'embrasser sa bien-aimée, un baiser qui, contre toute attente, plut beaucoup à Phara, qui n'hésita pas à lui en redemander en lui insérant sa langue.
— Isa, I need you...
— Oups, désolé.
— Frapper avant d'entrer, c'est en option, Dimitri !?
— Désolé Isabella, je repasserai.
— Ce n'est pas nécessaire, je m'en allais. Ravie de t'avoir vu. Phara, à ce soir. Elle partit en prenant la peine d'adresser un regard noir à Dim, qui venait de l'interrompre.
— Alors, Phara, tu pensais à qui cette fois en l'embrassant ? rigola-t-il.
— Ce n'est pas drôle et parle moins fort. Elle est encore dans le couloir, accusa-t-elle.
— Ça ne répond pas à ma question, Patronne.
— Je pensais à Isa !
— Whoua, je suis impressionné, félicitations.
— Au fait, en parlant de Catia, je voulais te parler d'un truc : viens t'asseoir si tu as le temps, bien sûr.
— J'ai toujours le temps pour tes histoires, mais on ne parlait pas d'elle, on parlait d'Isa. Tu sais encore les différencier ou ça deviens trop compliqué pour toi ? précisa-t-il.
— La ferme. Je veux juste te parler du boss douteux de Catia.
— Alors il s'agit d'une mission : "sauvons la strip-teaseuse en détresse."
— Bon, si tu ne prends pas ça au sérieux, ce n'est pas la peine, tu peux t'en aller, je m'en occuperai toute seule.
— Non, désolé, je t'écoute.
Phara fut soulager d'avoir enfin l'attention de son ami. Elle lui raconta donc le comportement du patron qu'elle avait trouvé plus que déplacé envers Catia. Mais il faut dire que l'indice était mince, elle n'avait surpris d'eux qu'un léger échange.
— Tu es sûre que ce n'est pas une excuse pour aller la voir ?
— Non, puisque le plan consiste à toutes les voir sauf elle.
Son intérêt était à son paroxysme. Dim était un fervent adepte de tout ce qui relevait des missions secrètes. La preuve en était qu'à chaque fois que Phara avait besoin d'envoyer un agent espionner un de leurs clients pour s'assurer qu'il ne jouait pas sur deux fronts en les employant eux et un de leurs concurrents, c'était Dimitri Ferrintus qu'elle envoyait. Cette partie de son travail était une de ses préférées et il était très efficace. Alors savoir qu'ils allaient espionner, et en plus dans un strip-club, comment refuser ? Même si les soupçons de Phara étaient léger, il allait se prendre au jeu.
— Et quel est le plan ?
— Il consiste à aller à la banque dans un premier temps.
Son sourire était diabolique et tous deux commencèrent à être pris d'adrénaline.
— À la banque ?
— On va retirer pas mal de fric, aller au Talia ce soir et payer des shows privés avec toutes les filles pour pouvoir les interroger en paix. On en prend chacun une à chaque fois, comme ça, d'ici à ce qu'elles fassent un rapport à leur patron, comme quoi nos comportements sont suspects, on en aura interrogé le double.
— Donc, en suivant ta logique, on pourrait prendre plus de monde, non ?
— Non, ce serait suspect. On va déjà voir ce qu'on arrive à déceler tous les deux, et dans le pire des cas, on pourra envoyer Elia, Miranda ou encore Darel. Tu sais, je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup qui refuseraient une soirée strip en frais de société. Ça se tenait, personne n'aurait refusé.
Au manoir :
— Isabella, je suis avec Dim, on vient juste prendre un dossier et on repart.
— Comment ça, il est 21 h 30 et vous n'avez pas fini ? s'étonna Isa.
— Isabella, essaie de nous comprendre : ça fait deux soirs de suite que l'on sort, donc niveau productivité, on est loin en dessous de la courbe. Puis notre petite pause de ce midi était fort sympathique, mais ça a accumulé du retard, donc on fait une nuit de boulot, Se justifia Phara, regrettant quelque peu de l'avoir presque accusée de son retard, mais il fallait qu'elle trouve des arguments vite et en nombre, sinon elle savait qu'Isabella allait avoir des doutes. Et lui dire la vérité était proscrit : jamais elle n'aurait accepté qu'elle retourne au Talia, à juste titre.
— Bien, alors je te vois demain soir. Elle était peinée, et cela créa une mini-fissure dans le cœur de Phara qui pourrait tout simplement laisser tomber. Après tout, ce n'était pas son domaine, ni son patron, Catia n'était rien pour elle. Mais aussi incompréhensibles que soient ses sentiments, elle sentit qu'elle devait s'y rendre. Alors elle partit avec Dim, ne sachant pas l'issue finale de ce qu'elle faisait. Improviser par la suite serait sa meilleure option.
Au Talia-club :
— Enchantée, bienvenue au Talia-club, que puis-je faire pour vous ?
— Enchantée, Pharanix Londerflis. Je vous ai appelé pour quatre shows privés.
— Quatre ? Vous n'êtes que deux, analysa Paul, l'agent d'accueil, suspicieux.
— Oui, on en veut deux chacun à la suite, si cela est possible, bien sûr.
— Il faut réarranger l'emploi du temps des filles.
— Vous allez bien pouvoir me faire ça, annonça-t-elle avec son attitude de patronne qui obtient toujours ce qu'elle désire, sans oublier une bonne liasse de billets glissée sur le comptoir que Paul accepta sans trop d'hésitation.
— Bien sûr, tenez vos pass. Delfor va vous accompagner dans les salles des private shows.
Phara et Dim suivirent donc ce dénommé Delfor qu'elle connaissait déjà d'ailleurs.
— Vous n'êtes pas un des gardes du corps de Catia ?
— Excellente mémoire, et vous êtes la cliente impertinente qui se permet de laisser des traces sur une propriété du patron et qui croit pouvoir s'en sortir avec 20 000 euros.
20 000 euros ? Non, elle avait donné 50 000, c'était sûr, elle avait vérifié la comptabilité ce matin. Catia en avait gardé une bonne partie pour son compte. Mais ce n'était pas le détail qui prit le plus de place dans sa tête.
— Je m'en suis sortie.
— Vous n'avez aucune idée de chez qui vous êtes, Madame Londerflis. Nous y sommes. Belle soirée à vous.
Ils les laissèrent. La surveillance n'était pas renforcée, après tout, ils ne payaient pas des shows privés pour rien, ils voulaient être à l'abri des regards.
— Je suis d'accord avec toi, il se trame quelque chose de bizarre avec ce patron.
— Je te l'avais dit, donc maintenant, on passe à la phase interrogatoire. Si l'un de nous voit Catia, le contact doit être réduit au minimum.
— I think que c'est plutôt à toi qu'il faut le dire, plaisanta-t-il.
Dans les private-shows :
Phara était installée sur des sofas bien plus luxueux que ceux du bas. La salle était d'une dominance rouge, mais étant tamisée, certains recoins paraissaient presque noirs. Du champagne était à sa disposition, mais elle n'était pas là pour cela. Au vu de sa gueule de bois toujours présente, elle prit un verre par convenance et décida que cela suffirait pour la soirée qui ne tarda pas à commencer.
— Pharanix, bonsoir, je me présente, Lila, pour vous servir. En l'entendant, elle se demanda si la voix sexy, à donner des frissons, était un critère d'embauche.
— Bonsoir Lila.
Elle ne rivalisait pas avec Catia, mais elle restait magnifique, nettement plus jeune, à peine 25 ans, blonde aux yeux marron. Sexy, oui, malgré qu'elle n'atteigne pas le niveau de certaines, elle était presque en train de faire oublier à Phara la réelle raison de sa présence ici. Après tout, elle pouvait profiter un peu, alors elle laissa Lila faire son numéro sur la barre, l'étudiant sous tous les angles. Elle adorait ça. Lila entama la suite en montant sur elle, se déhanchant et lui offrant une vue sur l'entièreté de son corps, exactement comme Catia l'avait fait. Étant dans des salles individuelles, elle était plus à l'aise, plus réceptive. Cependant, elle devait résister.
— Dites-moi, Lila.
— Oui, vous en voulez plus ? Demandez et j'enlève ce que vous désirez, murmura-t-elle à sa cliente, sous elle, dont tout le corps était collé au sien, pouvant y sentir toute la chaleur qui s'en dégageait et l'excitation qu'elle émanait.
Ils allaient très loin dans les services proposés dans ce club, se dit-elle, tout en se rendant compte qu'elle avait extrêmement envie d'en profiter. « Être focus, être focus, être focus », c'était difficile de se contrôler.
— Non, continue comme ça, ça me va... C'était à peine si elle pouvait finir sa phrase avec tout l'effet que cette femme lui faisait, en lui prenant les mains pour les faire glisser sur son corps. Elle reprit donc difficilement :
— J'aimerais savoir s'il y a quelque chose entre Catia et votre patron.
— Oh, je vois que vous êtes une habituée pour connaître les noms de certaines d'entre nous, et disons que leur relation est "privilégiée". Mais si je peux me permettre, je suis bien mieux qu'elle : plus souple, plus endurante, et plus blonde, ajouta-t-elle pour compléter sa liste, ce qui fit légèrement sourire Phara.
— Pour ce point, ce n'est pas compliqué, elle est brune, rit-elle.
— Je peux devenir brune en un claquement de doigts si vous voulez, et vous montrer l'entièreté de mes talents.
Phara n'en revenait pas. Cette Lila craquait pour elle, ou du moins elle n'aimait pas la comparaison avec Catia. Néanmoins, cette femme en dentelle était réceptive à l'interrogatoire. Beaucoup auraient cessé leur activité pour en référer à leur supérieur. C'était la partie risquée de leur plan, mais de son côté, cela fonctionnait plutôt bien.
— Bien, alors, montre-moi ce que tu sais faire. Avec moi, c'est sans limites, chuchota Phara en lui jouant le même jeu qu'avec Catia. Elle l'embrassa sans passion, mais avec grand intérêt.
— Alors, ça veut dire quoi, "privilégiée" ? Ils sont ensemble ?
Un interrogatoire, alors que sa langue était dans la bouche de Lila... Elle n'avait pas prévu ça comme ça, mais ça lui convenait très bien.
— Non, pas du tout. Disons que pour lui, ils sont ensemble d'une certaine façon, et que pour elle, eh bien... elle n'a pas tellement le choix. Aucune de nous ne l'a ici.
Lila descendit dans son cou tout en commençant à se déshabiller. C'était simple. Phara était venue avec une simple robe noire, courte et affreusement décolletée. Alors, lentement, Lila baissa la fermeture dans le dos de sa cliente préférée, lui permettant ainsi de retirer le haut de sa robe. Cet acte était interdit d'un point de vue éthique : elles ne devaient pas dénuder leurs clients. C'était elles qui devaient tenir ce rôle, tout en considérant les limites de ces derniers. Mais Lila en avait envie, et Phara ne refusa pas, à son grand bonheur, car elle découvrit qu'elle ne portait presque rien en dessous de sa robe, seulement un tanga noire.
— Pharanix, vous êtes une des plus belles femmes que j'ai jamais vues.
Venant de n'importe qui d'autre, cela lui aurait fait plaisir, et cela aurait sûrement été sincère, vu la beauté qu'elle était. Mais dans la bouche d'une strip-teaseuse, cela sonnait faux. C'était leur travail de dire de belles paroles à leurs clients, et surtout, vu le nombre de femmes qu'elle avait dû voir dans sa vie, il y en avait certainement des plus belles qu'elle.
— Je n'en crois pas un mot, très chère. Et comment ça, vous êtes obligée ?
Lila avait compris qu'elle ne voulait que des réponses, mais si cela pouvait la faire rester plus longtemps entre ses jambes, elle allait lui répondre.
— Disons qu'il possède autant le club que les filles qui y travaillent. Il ne nous viole pas, non violente pas, nous frappe pas, mais il a nos vies entre ses mains. Pas de copines ou copains, pas d'exposition sur les réseaux sociaux, pas de contraception hormonale, régime strict, tenues choisies par ses soins même durant nos jours de repos, gestion de nos agissements à l'extérieur, car nous représentons l'image de cet endroit. Ce n'est pas pour rien qu'on est classé numéro un, c'est parce que les filles savent se tenir, ou plutôt être tenues. Il nous offre une certaine vie, expliqua-t-elle tout en léchant les seins de Phara, qui luttait pour se concentrer sur ses paroles et non sur ce qu'elle lui faisait.
— Et la privation de libre arbitre ne vous dérange pas ?
— On sait pourquoi on signe.
Elle n'avait plus de questions à poser. Lila venait de tout lui livrer sur un plateau de baisers, alors elle s'autorisa enfin à mettre son cerveau en pause et à profiter de cette femme, qui lui avait déjà retiré sa robe. Son tanga, à son grand regret, ne suffisait plus à cacher l'humidité qui avait envahi son entrejambe, d'autant plus lorsque Lila passa ses doigts doucement contre elle, au début timidement, voulant être sûre qu'elle serait réceptive. Mais la réponse fut évidente en entendant les premiers gémissements de Phara.
— Toutefois, si vous voulez tout savoir, il y en a une ici qui n'aime pas qu'on lui dicte sa vie. C'est pourtant la plus surveillée, ce qui est logique quand on sait que c'est la plus convoitée.