Une jeune femme d’une vingtaine d’années, un peu plus grande que la moyenne. Ses longs cheveux carmins tombant sur un costume noir aux artifices dorés, sur lequel est inscrit le nombre 4065.
Elle leva les yeux pour observer une cité de jeux, de grandes tours surplombant un immense boulevard en retrait des guichets d’entrée de la ville.
En se dirigeant vers le guichet, elle trouve un panneau holographique sur lequel est écrit :
“C’est ici la capitale du luxe, le palace de l’incommensurable, la mégalopole du plaisir et des révélations. Elle se nomme Azaria, c’est l’une des six plus puissantes cités du continent. Soyez fiers d’être autorisés à y pénétrer, préparez vos paris, c’est ici que votre avenir devient incertain.”
Ardaca, l’hôtesse du guichet 56, la reçoit avec un sourire malin à son guichet et s’exclame:
— Vous êtes la joueuse 4065, bienvenue, vous devez vous nommer.. Ataria ! Que votre bonne fortune vous accompagne dans votre périple.
De la même manière qu’elle reçut Ataria, Ardaca ouvrit la porte de son guichet après qu’un son strident retentit, laissant la jeune femme accéder à l’entrée de la ville.
Le paysage découvert par Ataria était celui d’une ville gracieusement entretenue, les immeubles avaient l’air de toucher le ciel malgré que le boulevard devant elle était déjà très large. Les maisons de jeu étaient visibles à tous les coins de rue. Tandis qu’Ataria découvrait avec émerveillement les décors et se dirigeait vers le centre-ville, une main toucha son épaule.
— Salut toi, comment tu vas ma belle ?! s’exclama l’inconnu. Prête à faire tes jeux ?
Il s’agissait d’un autre joueur, un jeune homme du même âge environ qu’Ataria quoi qu’un peu plus jeune, il était grand et brun, ses habits semblaient indiquer une fortune faible mais il affichait un grand sourire. Il ne sembla pas agressif au premier abord.
— Salut, excuse-moi mais.. qui es-tu ?
— Ah ! Oui pardon, j’ai oublié de me présenter. Cloud, ravi de te rencontrer, je suis origin.. Il marqua un arrêt, l’air préoccupé. Je.. viens de loin, les coutumes pourraient te sembler différentes.
— Enchantée Cloud, moi c’est Ataria, alors.. toi aussi tu es un joueur ?
— Exact, et je ne te laisserai pas me voler mon dû. Son regard s’était assombri, comme lourd de regrets mais fort et déterminé.
— N’aies crainte, je ne te prendrai que ce que tu auras perdu face à moi jeune homme !
Il était parfois complexe de se diriger au sein des cités de jeux, ceci dû à leur immensité et à leur émergence à l’intérieur de remparts de l’ancien temps. Azaria était elle assez bien organisée, ses quartiers répartis comme les pics d’une étoile avec le centre-ville comme point d’origine. Il y avait d’une part les zones résidentielles au Nord avec la classe populaire à l’est et les bourgeois à l’ouest, puis les casinos au sud-est et le quartier administratif au sud-ouest. Tous les quartiers étaient interconnectés par d’étroites ruelles et reliés au centre-ville par les boulevards principaux.
L’ambiance ainsi détendue par Ataria, ils suivirent la foule qui se dirigeait vers la salle de réunion située dans le quartier administratif, appartenant dans sa quasi-totalité à Utopia, l’organisation gérant les jeux dans le pays. Tous les soirs, Utopia organisait un gala pour accueillir les nouveaux joueurs et leur expliquer les “règles” de jeu .
Lorsque les joueurs furent installés dans la salle, le Conseil arriva et s’installa sur l’estrade devant l’assemblée. Une femme s’avança et prit le micro du piédestal qui se trouvait au centre du plancher.
— Bonsoir à toutes et à tous. En ce jour probablement lourd de sens pour vous, chers joueurs, je désire vous souhaiter la bienvenue. Ainsi que de posséder en vous la bonne fortune, celle qui guide cette nation si spéciale ! Mais il y a également certaines “règles” dont je me dois de vous parler, la première est qu’ici, votre monnaie ne sera jamais épuisée, nous vous proposons lorsque vos fonds viennent à manquer de transformer votre chance en argent, un prêt vous permettant de continuer à jouer certes, mais qui réduira petit à petit vos chances de gagner. Cependant le système est juste, ce qui signifie que même si vos chances de gagner des paris s’amenuisent, elles ne tomberont jamais à zéro, rendant vos parties d’autant plus exaltantes et risquées ! La deuxième règle est la plus importante des deux, elle stipule que vous pouvez tout miser, quelle que soit la nature de ce que vous êtes prêt à perdre. Maintenant que cela est dit, je vous souhaite une bonne soirée en notre compagnie. Sit tibi fortuna!
La soirée se termina dans les rires et la bonne humeur, à l’exception près d’un joueur. Cloud partit en effet plus tôt que l’heure de fin de la soirée. Avant son départ, Ataria eut l’impression qu’il paraissait anxieux, mais étant donné leur rencontre encore récente, elle choisit de ne pas intervenir malgré qu’elle garda la scène dans un coin de sa tête.
Une nuit agitée fit place à un réveil brusque, Ataria, parcourue d’un frisson, se réveille en sueur dans l’hôtel réservé aux joueurs à Azaria. Chambre numéro 4065.
— Encore un cauchemar.. c’est vrai que, depuis que je suis partie d’Éonix, mon sommeil n’a fait que se détériorer. Sans toi les nuits sont dures.. Et lui, je l’ai encore vu dans mon rêve..
Une personne toqua à la porte, surprenant Ataria dans ses pensées.
— Joueuse 4065 ? Je m’excuse de vous déranger à cette heure-ci, je viens vous apporter le petit-déjeuner !
— Bien-sûr, entrez excusez-moi.
La femme entrant n’avait rien d’humain, elle ressemblait même plutôt à.. un automate.
— Vous êtes..
— Un robot oui, vous n’avez pas l’air d’avoir visité beaucoup de cités de jeux auparavant. Il est vrai que pour une humaine qui n’est jamais venue dans les cités de jeux, il doit être difficile d’imaginer que les employés sont des robots. Pourtant cela était nécessaire, l’argent n’est pas infini, et la main d'œuvre non plus. Utopia a donc décidé de commander des milliers d’automates comme moi à Chronaria il y a quelques années dans le but de toujours avoir de la main d'œuvre disponible. Maintenant je dois m’éclipser, veuillez me pardonner, j’ai encore une centaine de clients à aller servir.
Ataria se prépare donc et sort de l’hôtel, à l’extérieur elle retrouve Cloud, en train de fumer, adossé à un poteau.
— Cloud ! Comment vas-tu aujourd’hui ?
Aucune réaction.
— Cloud..?
Ataria essaie d’agiter sa main devant Cloud pour le faire réagir, mais aucune réaction.
Une voix profonde interrompit un silence qui venait de se créer pour s’adresser à la joueuse.
— Joueuse 4065, je vous attendais.
Se retournant, elle se rendit compte que quelque chose clochait.
Le temps semblait figé, plus personne autour ne bougeait, tous bloqués dans leur mouvement. Elle remarqua assez vite son interlocuteur, un homme grand, musclé. Sa carrure faisait penser à celle d’un ours enragé, cependant son ton était calme. Pourtant quelque chose surpris Ataria : ses yeux étaient blancs, aucune pupille. Une cicatrice faisant penser à une coupe au katana ornait son front.
— À qui ai-je l’honneur ? dit Ataria dans une sorte de sérénité inquiète.
— Le Baron, je suis le régisseur et propriétaire de ce lieu.
— Enchantée monsieur. Veuillez me pardonnez mon impolitesse, je ne savais pas que c’était vous. Je me prénomme Ataria monsieur.
— Oh oui.. je sais qui vous êtes. Et c’est justement le problème, je sais que vous ne ven.. Le Baron est coupé par Ataria, paniquant à l’idée que quelqu’un sache déjà la vérité.
— BARON ! J’ai travaillé si longtemps et avec tant d’acharnement, ne gâchez pas ces efforts. Je vous en prie. Laissa-t-elle échapper dans une voix brisée par la peur.
— Vous pensez avoir le choix ? Quelqu’un devra bien l’apprendre un jour, fille de.. Avant de finir sa phrase, le Baron claqua des doigts et disparu.
Le temps reprit son cours et Cloud, toujours contre son poteau, se tourna vers Ataria, l’air suspicieux.
— Ataria ? Qu’est-ce que tu fais là, je ne t’ai pourtant pas vue arriver ?
— AH ! Oh.. Pardon Cloud je n’avais pas réalisé que.. non tu sais quoi c’est pas important. Bien dormi ? Alors, c’est quoi le programme aujourd’hui ? L’interrogea-t-elle en essayant de reprendre son calme.
— Le programme ? Tu es en train de me proposer de passer la journée ensemble ?
— Hum.. oui ? Écoute, tu es la seule personne à qui j’ai parlé depuis que je suis arrivée.. et puis j’aimerais bien apprendre à te connaître ?
— Je suppose que c’est suffisant, après tout je ne connais pas Azaria non plus et tu es l’une de mes seules connaissances ici, alors autant mettre à profit la situation. Alors, qu’est-ce que tu dirais d’une petite virée shopping pour fêter notre première journée ici et le début de notre collaboration ?
— Une virée shopping ? Tu es sûr qu’ils ont installé des boutiques ici ? C’est une cité de jeux..
— Oh, tu serais surprise.. Cloud pointe son doigt vers le boulevard menant au centre-ville. J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas que des casinos au centre-ville. Tu sais, malgré le fait que ce soit une cité de jeu, Azaria est aussi la capitale du luxe dans le pays, alors je pense qu’on pourra y trouver notre bonheur.
Leur objectif ainsi trouvé pour la journée, Ataria et Cloud se mirent en route vers le centre-ville.
— Dis-moi, Cloud, est-ce que tu sais qui est le propriétaire de l’hôtel où on a dormi ?
— Pas la moindre idée, je suppose que ce doit être Utopia, pourquoi ? Répondit le jeune homme, intrigué par la question d’Ataria.
— Pour rien d’important, je voulais m’assurer de quelque chose. Alors ils n’ont pas entendu ma conversation avec lui.. se rassura-t-elle dans ses pensées.
— Bon, peu importe alors, où souhaites-tu te rendre en premier ?
— Combien de veritas as-tu ?
— Environ 15000, et toi ?
— 4000. Ça nous en fait 19000, soit 2000 lunaris à jouer. On devrait en avoir assez pour 3 semaines si on les joue intelligemment.
— Je ne pense pas que tout convertir soit la meilleure option, Cloud. Les lunaris ne sont qu’une monnaie de jeu, ils ne servent à rien en dehors des cités, on devrait garder quelques veritas de côté si on a besoin de partir d’Azaria, après tout la cité la plus proche est la capitale, et même Apothéosia est à au moins 2 jours de marche.
— C’est vrai, pourquoi ne pas garder 5000 veritas ? C’est assez pour avoir environ 1500 lunaris de côté. Eh Ataria, tu veux voir un truc sympa ?
— Oui, montre-moi ? Répondit-elle, suspicieuse de ce que Cloud lui réservait.
— Alors ferme les yeux.
Ataria s’exécuta et Cloud ferma les yeux à son tour en comptant cinq secondes à voix haute. À la fin de son compte, une boîte apparut au sein de sa main. Lorsqu’il l’ouvrit, une lumière intense s’en échappa pendant trois secondes. Puis en rouvrant les yeux, ils découvrirent un diamant à la place de la boîte.
— Quoi ? Comment as-tu fait ça ? demanda Ataria, chamboulée de la valeur apparente de ce pouvoir.
— Un magicien ne révèle pas ses secrets Ataria, mais je peux te révéler le problème de ce tour : ce diamant est factice. On ne pourra rien en tirer. Soupira Cloud, comme déçu d’une réalisation antérieure.
— Au contraire Cloud, ton diamant est peut-être factice mais..
Avant de pouvoir terminer ses explications, Ataria fut coupée par une explosion provenant de l’une des boutiques desquelles ils se rapprochaient, maintenant complètement enfumée.
— Au voleur ! Hurla la gérante de la boutique, impuissante.
— Je vous jure que cela servira ! Je ne suis pas un criminel ! Entendait-on dans la rue alors que le supposé voleur s’enfuyait en courant.
— La vache.. soupira Ataria qui s’étonnait devant la situation qui lui paraissait presque surréaliste.
Cloud, voyant la stupéfaction de sa nouvelle compère, décida d’éclaircir la situation pour elle.
— Il y a une règle dont tu n’as peut-être pas entendu parler, Ataria. C’est qu’en dehors d’Apothéosia, la maréchaussée n’intervient jamais. Pour la simple raison qu’une prime est automatiquement instaurée visant les criminels. Selon la gravité de leur crime, ils peuvent ou non être ramenés vivants au poste de police pour empocher la récompense. Ça doit être pour cela qu’il a crié cela en s’enfuyant.
— Mais c’est affreux ! S’exclama Ataria, choquée d’apprendre ce funeste sort.
— Pourtant ce n’est pas l’impression que tu donnais hier soir..
— Que je donnais hier.. J’ai raté un épisode..? demanda Ataria, intriguée et un peu inquiète.
— Quoi ? Ne me dis pas que tu as oublié ce qu’il s’est passé hier ? Moi en tout cas je m’en souviens parfaitement.
— Cloud, dis moi ce qu’il s’est passé. Dit Ataria d’un ton ferme mais toujours inquiet.
— Non, je regrette mais c’est impossible, j’en suis désolé.
— Mais pourquoi ? Répondit la jeune femme d’un ton désespéré.
— Parce que tu m’as interdit d’en parler à quiconque, si tu l’as oublié ça veut dire que tu fais partie des gens qui ne sont pas au courant. Expliqua Cloud, d’un air fuyant.
— Tu réalises que c’est ridicule ? Je veux dire si c’est moi qui te l’ai dit je devrais avoir le droit de te demander de me le répéter ?
— Je n’y peux rien si tu fais des règles étranges pour tes paris.
— Mes paris ? Bon, Cloud, dis moi ce qu’il s’est passé maintenant.
Avant qu’Ataria ne remarque le silence qui venait de se créer autour d’elle, quelqu’un prit la parole.
— Alors, je vois que vous avez fait connaissance avec le jeune prince, mademoiselle Ataria ?
— D’où vient cette voix ? s’interrogea Ataria. Oh je vois.. monsieur le Baron ?
— En personne.
— Mais comment ne l’avais-je pas remarqué ? Se dit Ataria, se sentant ridicule de réaliser où se trouvait le Baron.
En effet, l’homme, toujours aussi imposant, était assis à la droite d’Ataria, et avait évidemment pris soin de figer le temps encore une fois.
— Qu’est-ce que vous me voulez ? L’interrogea la jeune femme d’un ton exaspéré.
— Je souhaite simplement discuter avec vous, mademoiselle Ataria.
— Et vous aviez besoin d’arrêter le cours du temps pour ça ? D’ailleurs comment vous faites ça ? Et ai-je rêvé ou vous venez d’appeler Cloud le “prince” ?
— Du calme, une question après l’autre, nous avons tout notre.. “temps”. Un silence gênant suivit cette tentative de blague par le Baron.
— Commençons par le plus évident dans ce cas, comment êtes-vous capable d’arrêter le temps ?
— C’est un effet du “Jackpot”, j’ai gagné un paris contre la Duchesse à Apothéosia, ma récompense a été ce pouvoir. Contrairement à ce que vous devez penser, je ne fige pas le temps dans une grande zone, de ce que j’en ai compris ce pouvoir doit fonctionner sur un périmètre de deux pâtés de maisons et je ne suis capable de garder que 3 personnes conscientes dans cette zone pendant que je l’utilise.
— Pourquoi me révéler ces informations ? Vous ne pensez pas qu’elles me seraient utiles pour prévoir un plan contre vous ?
Dire qu’Ataria était un moustique à côté du Baron aurait été un euphémisme… C’est par ailleurs cette même disparité qui fit éclater le Baron de rire en entendant les propos de son interlocutrice.
— Ma chère.. si je pensais réellement à vous comme un danger potentiel, pensez-vous que je vous dirais tout cela ?
— Pourtant, que vous connaissiez la vérité sur moi ne m’élimine pas du jeu.
— Oh, vous pensez ? Si cette information venait à fuiter vous auriez pourtant de gros ennuis à gérer.
— Et vous aussi, Baron. Vous seriez considéré comme l’un de mes premiers complices dans la mesure où vous m’avez hébergée tout en sachant à l’avance la vérité.
— Vous avez raison. Mais contrairement à vous, je possède quelques personnes de connaissances à disposition en cas de problème. Et ce sont des personnes bien placées.
— Passons à ma seconde question alors, pour quelle raison avez-vous appelé Cloud le “prince” tout à l’heure ?
— Et bien la raison est pourtant simple, Cloud..
Le Baron fut coupé avant de finir sa phrase par son propre pouvoir. En effet, s’il avait bien donné des informations avérées à Ataria, il n’avait pas mentionné durant leur discussion que ce pouvoir était limité en raison de son potentiel. Cette limitation menant à une utilisation éphémère rendant les conversations avec le Baron plus simples quand son pouvoir n’était pas utilisé.
Le temps reprit donc son cours sans qu’Ataria n’ait pu obtenir sa réponse tant attendue au sujet de son compère mystérieux, Cloud.
— Dis, Cloud, je n’ai plus vraiment envie d’aller faire les boutiques après ce qu’il s’est passé. Et.. à vrai dire, je commence à avoir envie de manger, ça te dirait d’aller manger un bout ?
— Je comprends, tu ne dois pas être habituée à la ville et cette explosion ne t’as pas arrangé les idées. Je n’ai pas d’objection, à vrai dire je commence à avoir faim moi aussi.
C’est sur ces braves paroles que les deux compères échangèrent, qu’ils se mirent en route pour le restaurant le plus proche. Avant de rentrer dedans, Cloud insista pour qu’Ataria y rentre en première, et lui posa une main sur l’épaule faisant penser à un signe d’amitié.
Sortis du restaurant, ils choisirent non pas d’explorer plus en profondeur la ville mais d’en sortir pour se diriger vers la prochaine étape de leur parcours, Bethelia, la cité des paris, poumon économique de la région, là où parieurs aguerris et aventuriers se rencontrent et se mélangent.