Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Nyraee
Share the book

Chapitre 1: Mon chez-moi avait un prénom

Il y a des souvenirs qu'on croit effacés, avalés par le temps, mais qui reviennent comme des bouffées d'air dans une pièce trop remplie de fumée. Des images brèves, nettes. Un rire. Une voix. Une main tendue.

Hayden, c'était mon ancre.

Je ne sais pas exactement quand il est entré dans ma vie. Peut-être au moment où il m'a défendu dans la cour de récré, quand un garçon m'avait volé mon goûter. Ou le jour où il s'est assis à côté de moi, en silence, parce qu'il avait vu que je pleurais. Il n'a rien dit ce jour-là. Il a juste sorti un carnet de coloriage et m'a tendu un feutre bleu. C'était un geste simple, presque banal, mais pour moi, c'était immense.

Depuis ce jour, il était là. Toujours là.

Hayden, c'était la maison à côté de la mienne, la fenêtre d'en face qui clignotait trois fois quand il voulait que je le rejoigne en cachette. C'était les après-midis dans le grenier, à se raconter des histoires de monstres et de héros, à dessiner des cartes au trésor que personne d'autre ne pouvait lire. C'était nos promesses idiotes gravées au cutter sous le vieux bureau de son père : "Pour toujours", "Quoi qu'il arrive", "Sauf si on devient zombies". Il riait à gorge déployée ce jour-là. Moi aussi.

C'était les fous rires dans la cuisine, les disputes éclairs et les réconciliations devant un bol de céréales. C'était nos codes secrets, nos regards complices, et cette impression que, tant qu'il était là, rien ne pouvait vraiment m'atteindre.

Hayden était mon chez-moi. Un chez-moi qui n'avait rien à voir avec les murs de ma chambre ou le bruit du frigo trop vieux. Il était cet espace sûr dans ma tête, dans mon cœur.

Ma mère disait souvent qu'Hayden était "un garçon avec de vieux yeux". Elle n'avait pas tort. Il ne parlait pas beaucoup de lui. Il écoutait, absorbait tout, et parfois, il regardait les gens comme s'il les comprenait mieux qu'ils ne se comprenaient eux-mêmes. Il avait ce regard à la fois doux et distant. Il était protecteur, mais pas étouffant. Présent, mais discret. Comme une ombre fidèle, toujours là quand j'en avais besoin - même quand je ne le disais pas.

Un jour, on devait avoir neuf ou dix ans, il m'a dit :

- Tu sais, si un jour il se passe un truc grave, je serai toujours là. Même si t'as l'impression que je ne suis pas là, je le serai quand même.

Sur le coup, j'avais haussé les épaules. J'étais trop jeune pour comprendre l'ombre qu'il y avait dans cette promesse. Mais je m'en souviens. Chaque mot. Chaque sentiment. Comme s'il me préparait à quelque chose que je ne voyais pas venir.

Je revois encore son sac à dos, usé jusqu'à la trame, son vieux carnet de croquis dans lequel il dessinait des visages mystérieux. Il disait que c'étaient "des gens qui n'existent pas mais qu'il aimerait connaître". Moi, il me dessinait tout le temps. Mais jamais comme je suis vraiment. Toujours plus forte. Plus souriante. Comme si, dans son monde, je pouvais tout affronter.

Et pourtant, c'est moi qui suis restée. Pas lui.

Je me souviens aussi de la nuit où je l'ai trouvé, les joues trempées, dans le jardin derrière chez lui. Il avait douze ans. Sa mère venait de partir sans prévenir. Il s'était contenté de dire : "Elle est partie chercher du silence." On n'en a jamais reparlé. Ce soir-là, il avait dormi chez moi. Il n'avait pas pleuré. Pas un son. Mais je l'avais entendu respirer vite, comme s'il retenait un raz-de-marée à l'intérieur.

Il portait ses douleurs comme des secrets bien pliés dans sa poche, et je respectais ça.

On n'avait pas besoin de tout se dire. On se comprenait sans mots.

Il m'appelait parfois "Na", comme s'il me raccourcissait pour me garder près de lui. Je le laissais faire. Je n'aimais pas quand d'autres le faisaient. Mais lui, ça allait. Lui, c'était différent.

Chaque recoin de ma mémoire semble trempé de son existence. Le goût du chocolat chaud trop sucré, c'était lui. La musique dans mes écouteurs pendant les trajets de bus, c'était lui. Même mon vieux sweat trop grand et délavé, c'était lui. Il l'avait oublié chez moi un jour, et je ne lui avais jamais rendu. Il s'en fichait.

Je me souviens aussi de nos longs silences, posés sur le toit de son garage, à regarder les étoiles. Il croyait aux constellations, pas aux horoscopes. Il disait que les étoiles ne mentaient pas, mais que les gens, oui. Il les connaissait presque toutes par cœur. C'était son truc. Quand j'étais triste, il me pointait toujours Orion du doigt, comme si ça pouvait me sauver.

Et peut-être que ça le faisait, à l'époque.

Je croyais que certaines personnes étaient ancrées en nous, inaltérables. Je croyais qu'il était un phare. Quelqu'un de trop précieux pour disparaître.

Je n'avais pas prévu qu'il serait l'incendie.

---

Nous avions grandi ensemble, comme deux morceaux d'un même fil tissé trop serré pour qu'on les distingue l'un de l'autre. Enfants, on jouait à sauver le monde avec des épées de bois et des couvertures en guise de capes. Adolescents, on avait appris à survivre au monde réel, ensemble. Toujours ensemble.

Mais le temps avait une façon étrange de délier les nœuds, même les plus solides.

- Tu vas où comme ça ? Hayden était accoudé au mur de ma maison, son sac sur l'épaule, un casque autour du cou.

- J'ai cours de théâtre, tu te souviens ? Je lui souris. Il leva un sourcil moqueur.

- Tu vas jouer la tragédie grecque ? T'as déjà le regard dramatique.

- Et toi, tu vas jouer au philosophe incompris ? Je lui lançai un coussin qui traînait dans le salon, qu'il attrapa d'un réflexe tranquille.

On avait 17 et 18 ans. Et le monde autour de nous semblait hésiter entre nous offrir une échappatoire ou nous piéger pour de bon.

Ce soir-là, on était restés longtemps sur le toit de chez moi, à regarder les étoiles. Hayden avait allumé une vieille enceinte et laissé défiler des morceaux qu'on écoutait en silence. Je me souviens qu'il n'arrêtait pas de fixer le ciel, comme s'il cherchait une réponse que je ne pouvais pas lui donner.

- Nahi... tu crois qu'on peut vraiment fuir tout ça ?

- Fuir quoi ?

Il avait hésité. Puis il avait répondu dans un souffle.

- Ce qu'on devient.

Je ne savais pas encore ce qu'il voulait dire. Je n'avais pas vu l'ombre dans ses yeux. Je n'avais pas compris que cette nuit-là, il avait déjà pris une décision.

Je lui avais juste tendu la main. Il l'avait serrée fort. Comme s'il s'accrochait à quelque chose qu'il était sur le point de perdre.

---

Voilà le premier chapitre !! Dites moi ce que vous en pensez !

Mais que cache Hayden ??

Comment this paragraph

Comment

No comment yet