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Artiali
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Chapitre 3: Meu Amor, Mon Cauchemar

Selina 

Deux semaines.

Deux semaines que mes nuits sont des gouffres sans fond. Deux semaines que je dors d'un œil, le cœur battant dans les oreilles. Deux semaines que mon corps réagit à chaque bruit comme un animal traqué.

Les premiers jours, sortir de chez moi relevait du supplice. Chaque silhouette masculine me glaçait le sang. Chaque coin de rue dissimulait une menace. Chaque claquement de portière faisait remonter la bile dans ma gorge.

Et cette odeur qui ne me quitte pas. Cette odeur qui s'infiltre dans mes cauchemars.

Sous la sueur et le cuir, quelque chose de doux, de profondément dérangeant. La fleur d'oranger. Un parfum brûlant, sauvage, totalement déplacé sur lui. Comme un fragment d'innocence accroché à un homme façonné pour détruire.

Impossible à oublier. Même maintenant.

Le matin qui a suivi cette nuit, mon corps portait son empreinte. Un bleu sombre sur la hanche. Une marque violacée autour du poignet. La trace invisible de ses doigts sur ma nuque, comme un collier de possession.

Je serre les dents et redresse les épaules. Je refuse de flancher.

Pas pour lui. Jamais .

________________________________________________________________________________

De nouveau au café , alors que j'essuie machinalement les tables du café, deux flics débarquent.

Leurs vestes sont froissées. Leurs regards lourds parcourent la salle presque vide.

Tiago se fige derrière le comptoir, comme un môme pris la main dans le sac. Sa pomme d'Adam monte et descend nerveusement.

Ils posent leurs questions en balayant l'espace de leurs yeux fatigués.

Vu quelque chose d'inhabituel ? Entendu des bruits suspects dans le quartier ?

Je lisse les plis imaginaires de mon tablier et souris doucement, avec cette aisance que j'ai toujours eue à paraître sereine quand tout s'effondre à l'intérieur.

— Non, monsieur. Juste les bruits habituels du quartier. Rien d'anormal.

Mon sourire ne vacille pas. Parfaitement calibré. Rassurant. Innocent.

Tiago hoche la tête trop vite à côté de moi, son torchon tremblant légèrement dans ses mains calleuses.

Ils repartent avec des hochements de tête peu convaincus. Mais dans l'air du café, quelque chose reste suspendu.

Une tension. Un non-dit. Un regret.

Depuis ce jour, Tiago est différent.

Plus attentif. Moins bourru.

Un matin, sans crier gare, il me tend une enveloppe en papier blanc, le regard fuyant.

— Petite augmentation, dit-il en haussant les épaules, comme si ce n'était rien.

Comme s'il n'essayait pas de racheter une faute qu'il ne peut même pas nommer.

Je prends l'enveloppe sans un mot, nos regards se croisent brièvement.

Il détourne les yeux, visiblement mal à l'aise, et retourne s'affairer derrière le comptoir.

________________________________________________________________________________

Trois semaines depuis l'incident.

Lisbonne étincelle sous un soleil généreux.

Je traverse Rua Augusta d'un pas léger, mon Canon en bandoulière, le cœur presque léger pour la première fois depuis l'incident.

La ville pulse autour de moi. Chaleur. Vibrance. Vie.

Un vendeur crie les mérites de ses glaces artisanales. Un enfant éclate de rire en poursuivant un pigeon effronté. Une femme âgée arrange des fleurs multicolores sur un étal de fortune, ses doigts noués par l'arthrite dansant avec une grâce surprenante.

Je photographie tout. Voracement. Comme pour capturer chaque parcelle de vie, chaque couleur, chaque émotion. Comme pour me prouver que la beauté existe encore.

Les passants me sourient quand je les cadre dans mon objectif. Je leur rends leurs sourires sans effort. C'est si facile, en plein jour, entourée de monde, de redevenir celle que j'étais avant.

Mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon short en jean.

Je décroche sans même ralentir ma cadence.

— Allô ?

Une voix féminine, claire et assurée, résonne à l'autre bout.

— Mademoiselle Alves ? Ici Inês Costa, de l'Atelier Linha d'Água. On suit votre travail depuis quelque temps. Vos photos capturent quelque chose... d'unique. On adorerait que vous participiez à notre exposition de printemps.

Je me fige au milieu du flot des passants.

Le monde continue de tourner autour de moi, mais je reste plantée là, incapable de bouger.

— Vous êtes sérieuse !? je souffle, la voix tremblante d'excitation.

— Très sérieuse. Votre regard sur Lisbonne nous intéresse particulièrement.

Je promets de passer à l'atelier dans la semaine et raccroche, à moitié étourdie par cette nouvelle.

Pour la première fois depuis longtemps, je sens quelque chose éclore sous ma peau. Pas de la peur. Pas de l'angoisse.

De l'espoir. Un espoir fragile, ténu, mais bien réel.

________________________________________________________________________________

Le soir venu, Rua da Venusa s'endort doucement sous un ciel violet strié de nuages roses.

Je suis sur mon petit balcon, un plaid léger glissé sur les épaules, un verre de vin tiède dans la main.

La ville respire sous moi, tiède et salée. Les lumières s'allument une à une, comme des étoiles terrestres.

Je ferme les yeux. J'inspire. Je suis vivante. Malgré tout.

Et là, je l'entends.

Tchak.

Un bruit. Léger. Mécanique. Lointain.

Ce bruit, je le connais.

Un appareil photo. Un Polaroïd.

Je balaie la rue du regard... et je la vois.

La silhouette. Imposante. Sous le lampadaire.

Une rage m'envahit. Je jette le plaid au sol.

— Je vais pas laisser ce connard me gâcher ma soirée !

Je dévale les marches comme une furie. J'arrive dans la rue, le goudron me brûle les pieds. Pieds nus. Fait chier.

Je fixe le lampadaire.

Rien.

J'avance sous la lumière jaune, je scrute les ombres. Les porches. Les vitres.

Rien.

Ou presque.

Une cigarette. À peine entamée. La fumée monte, lente, moqueuse. J'ai l'impression qu'elle me fait un doigt d'honneur.

Je souffle, mains sur les hanches.

— Rien ne prouve que c'était lui.

Je rebrousse chemin à petits pas. Le cœur qui cogne encore. Et cette question qui tourne en boucle :

J'aurais fait quoi si c'était lui ?

Plus tard, allongée dans mon lit, Et si c'était lui ? Je serre le coussin contre moi. Je déteste cette pensée. Mais je ne la chasse pas.

Et je m'endors.Paisible. Bizarrement.

________________________________________________________________________________

7h15

— Ah merde ! Je vais être à la bourre !

Je me goinfre de biscottes à la confiture, attrape

mon sac d'étudiante et file vers la porte.

Et là—

— Qu'est-ce que... ?!

Je viens de marcher sur quelque chose. Juste devant ma porte.

Une rose. Noire. Aux bords rouge sang.Mes oreilles bourdonnent.

À côté, une photo.

Une Polaroïd.

Je la ramasse. Mes doigts tremblent.

C'est mon immeuble.

Hier soir.

Moi.

Sur mon balcon. Le plaid sur les épaules.

Floue. Poétique.

Mais c'est bien moi.

Je retourne la photo.

Une écriture élégante. Soignée. Bien trop raffinée pour un braqueur:

« Procuras por mim, meu amor ? »

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1 Comment

1 month
Franchement Selina je t’aime beaucoup, mais tu n’as vraiment aucun instinct de survie. Elle est descendue, elle a même pas pris une poêle ou je-ne-sais-quoi 🤣🤣😭😭 en tout cas, elle m’a bien fait rire, j’ai adoré ce chapitre ✨🫶🏾
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