Chapitre 1 – Un pas de plus.
New York, un mardi matin:
Le café du commissariat sentait toujours un peu le brûlé. Émilie s’y était habituée. Installée sur un banc raide de l’étage administratif, elle tenait sa tasse entre ses mains gantées de cuir fin, les yeux fixés sur l’agitation ambiante. Rien de bien nouveau. Des uniformes pressés, des regards fatigués, des voix dans les radios qui bourdonnaient comme des mouches dans un couloir.
Ce matin-là, elle portait son éternelle chemise noire, boutonnée jusqu’au col, et son pantalon à pattes d’éléphant impeccable. Les talons de ses bottines claquaient avec assurance, bien que son cœur, lui, tambourinait autrement : un mail reçu à l’aube annonçait une réunion avec le capitaine Benson en personne. L'Unité Spéciale des Victimes. Ces mots n’avaient jamais quitté son esprit, depuis l’âge de onze ans.
Elle finit son café d’une traite, jeta le gobelet dans la poubelle et monta les escaliers deux à deux, son badge encore accroché à sa veste de patrouilleuse. Lorsqu’elle frappa à la porte vitrée portant la plaque "Capitaine Olivia Benson", une voix calme et assurée répondit :
— Entrez.
Olivia Benson était là, debout, les bras croisés. Toujours aussi élégante dans sa sobriété, les traits marqués par les années, mais les yeux aussi vifs que dans ses souvenirs flous. Elle leva les yeux de son dossier, puis sourit légèrement.
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— Inspectrice Moreau, c’est bien ça ?
Émilie hocha la tête.
— Oui, Capitaine.
— Asseyez-vous. J’ai lu votre dossier. Très impressionnant. Vous avez géré une dizaine d’affaires de violences sur mineurs ces deux dernières années. Et surtout… vous avez une ténacité rare.
Elle ne répondit rien. C’était mieux ainsi.
— J’ai parlé au chef du département,( reprit Olivia.) Et si vous êtes toujours intéressée, votre mutation à l’Unité Spéciale est acceptée. Vous commencez aujourd’hui.
Un silence s’installa. Émilie sentit ses doigts trembler une seconde, puis elle inspira.
— Merci, capitaine. Je suis prête.
Olivia la fixa, une ombre de surprise dans le regard. Comme si quelque chose en elle lui rappelait quelqu’un. Mais elle ne dit rien. Pas encore.
— Tutuola vous fera faire le tour. Il est dans l’open-space. Et Carisi, notre substitut, viendra vous briefer sur les dossiers en cours. Bienvenue dans l’unité.
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Fin Tutuola la reconnut tout de suite comme la nouvelle recrue. Grand, impassible, regard perçant derrière ses lunettes de soleil, il s’approcha d’elle alors qu’elle franchissait la porte vitrée de l’USV.
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— T’es Moreau ? Je suis Tutuola. Suis-moi.
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Il ne parlait pas beaucoup, mais son ton n’était pas froid. Juste… professionnel. Le genre de mec qui en avait trop vu, et qui préférait les actes aux mots.
Il la guida d’un bureau à l’autre, lui montra la salle d’interrogatoire, les fichiers, les caméras, la fameuse salle des preuves.
— Et là, (dit-il en poussant une porte,) c’est la salle de repos. Les gens n’y dorment jamais, mais on l’appelle comme ça.
Amanda Rollins était là, assise avec un dossier à la main et un café à la menthe.
— Salut. Amanda. Tu es la nouvelle ?
— Émilie, (répondit-elle simplement.)
Rollins lui tendit la main, l’œil attentif.
— On est ravis de t’avoir. Si t’as besoin de quoi que ce soit, tu demandes. Même s’il s’agit juste de respirer.
Carisi fit irruption quelques instants plus tard, un dossier sous le bras et un sourire désarmant sur le visage.
— Moreau, c’est ça ? J’ai entendu dire que t’étais une vraie tornade en patrouille. On aime ça ici.
Elle sourit. Un peu.
Elle passa la journée à s’imprégner des lieux, à écouter, à observer. Chaque coin de ce commissariat avait une mémoire. Chaque porte fermée cachait des drames qu’elle connaissait trop bien. Mais elle était là pour ça. Elle était prête. C’était sa place.
Alors que la journée touchait à sa fin, Olivia passa devant son bureau, s’arrêta une seconde.
— Vous me rappelez quelqu’un, (dit-elle doucement.)
Émilie releva la tête, le cœur suspendu.
— Ah bon ?
Mais Olivia ne répondit pas. Elle repartit, l’air pensif.
Dans la lumière tamisée du poste, Émilie ouvrit son nouveau dossier. Elle prit une profonde inspiration, comme une nage
use prête à plonger dans des eaux profondes.
Ce n’était que le début.
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Date de publication : Lundi 5 Mai
Heure :14
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