Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Elisa-Ambre
Share the book

Chapitre 1

"j'écris pour ne pas disparaître. si je disparais, au moins, mes mots resteront"

Le café sentait la vanille bon marché et le café brûlé. Je m'étais installée à ma table habituelle, celle près de la vitre embuée. J'aime observer les gens ; leurs gestes automatiques, leurs yeux vides, leurs mains qui tremblent à peine. Parfois, je m'invente leur vie, juste pour tromper le silence.

Mon carnet était ouvert devant moi, mon stylo tournait entre mes doigts ; Rien ne venait.

Je me sentais pleine à craquer. Des mots que je ne savais pas dire. Des peurs que je refusais de nommer. Je griffonne sans but. Quelques phrases, des images, des morceaux de moi.

"Je suis trop pleine. Trop pleine de chose que je n'ose pas dire"

Mon téléphone a vibré.

Victor.

9H. Appel manqué. Puis un message :

"Dans mon bureau. Urgent. Maintenant."

J'ai soupiré. Bien sûr. Toujours lui. Toujours maintenant.

J'ai fermé le carnet, avalé une dernière gorgée de café tiède, et je me suis levée. Mon reflet dans la vitre avait l'air plus fatigué que moi ; ou peut-être qu'il me montrait enfin comme j'étais.

Dehors, j'ai resserré mon manteau autour de moi. Il faisait froid, c'était un autre froid ; celui qui vient de l'intérieur. Les trottoirs étaient humides, même sans pluie. Les pavés semblaient transpirer d'une fatigue urbaine. Je ne cesse de me questionner sur le message de Victor. Victor est mon patron, rédacteur en chef de "Pulse Magazine" depuis quinze ans, il dirige sa meute avec un calme presque clinique. Les autres journalistes l'appellent "le chirurgien", pas pour sa précision, mais pour sa capacité à trancher sans une goutte de sang. Chaque article qu'il publie éclabousse et met à nue une célébrité. Il n'hésite pas à piétiner ce qui se trouve sur son chemin. Le genre d'homme qu'on admire avant de se souvenir qu'on devrait le craindre. Honnêtement, je ne sais pas comment il fait pour se regarder dans un miroir. Il est dur, ferme, son regard est glacial. Moi, je l'appelle Victor. Pas "monsieur Léandre", pas "le boss" : Victor. Un nom qui me reste entre les dents comme un arrière-goût de fer. J'avais encore douze minutes, et aucune idée de ce que j'avais fait. J'accélère le pas, il déteste qu'on arrive en retard.

Les bureaux de Pulse Magazine s'étendaient comme une forteresse de verre au coin de Bloomsbury. Je m'y engouffre sans ralentir. A l'accueil, le regard de la standardiste était aussi vide que le sourire de Victor quand il parlait de "vérité journalistique". Il est le genre d'homme qui tend une coupe de champagne en vous demandant de creuser une tombe. Je traverse sans m'arrêter, contourne les colonnes lumineuses où tourne nos Unes les plus cliquées. L'ascenseur est vide, parfait. Le temps que les portes se referment, mon cœur accélère et tambourine comme s'il voulait rebrousser chemin. Mon souffle se coupe, je commence à regretter ma nuit blanche. L'ascenseur grimpe. Chaque étage clignote, comme un compte à rebours.

7...8...9...

Respire, Ezia. Je me gratte le cou, je sens que j'ai chaud. Onzième étage, les grandes portes s'ouvrent sur le couloir sans fin de l'étage. Je sors d'un pas hésitant. Quoi ? Mon article d'hier n'était pas si bien que ça ? Pourtant les vues n'ont jamais été aussi bonnes que depuis le début du mois. Je tire sur mon manteau pour le remettre en place, je respire une autre fois pour évacuer le stress que j'ai en moi. "Tu ne sera jamais à la hauteur" me répète sans cesse la voix dans ma tête depuis le message de Victor, trois mots de lui, et tout se dérègle. La porte de son bureau est entrouverte. Il ne laisse jamais sa porte entrouverte. Je frappe malgré tout.

— Entre, dit-il sans même lever les yeux.

Victor est assis, dos droit, devant son bureau aussi vide que son ton. Juste un ordi, une tasse de café fumante, et moi qui tremble un peu.

— Bon..

— T'as entendu parler de la Villa Vesper ? annonce-t-il en me coupant la parole

Je cligne des yeux, trop sympas le type. Une rumeur. Une fête privée dans les hauteurs de Primrose Hill, ambiance décadente, réservée à ceux qui n'ont pas besoin de se faire inviter.

— Oui, vaguement. Un truc mondain non ?

— Un truc de dégénéré tu veux dire. Quelqu'un y a laissé un rein. Littéralement.

Il lève enfin les yeux. Son regard coupant me scrute de haut en bas.

— Je veux que tu trouves une source. Quelqu'un qui y était. Une fille a été retrouvée inconsciente deux jours plus tard. Pas de plainte, bien sûr. Silence total.

Je me racle la gorge.

— Tu veux un article ?

— Je veux surtout que tu t'infiltres, que tu comprennes qui y va, pourquoi, et ce qu'on y enterre. Même si j'ai ma petite idée de qui est derrière tout ça. Officiellement, c'est un portrait des nouvelles soirées privées londoniennes. Officieusement... on va là où ça pue.

Il se lève, son épaule effleur le mien, il s'arrête à ma hauteur et me chuchote :

— Et Ezia... Soit discrète. Ce genre d'endroits n'aime pas la lumière.

Il quitte son bureau, ses pas lourds résonnent dans mon corps, pourquoi veut-il que je m'y infiltre ? Et surtout comment je vais réussir à m'y infiltrer, je suis bien trop reconnue, ma présence là-bas pourrait faire douter les gens. Il faut que je trouve un plan, un moyen de rentrer en toute discrétion. Je tourne les talons pour trouver mon bureau. je m'installe devant mon ordinateur pour faire des recherches sur cette fameuse soirée. J'ouvre mon moteur de recherche, tape "Villa Vesper soirée privée Londres". Rien de précis ; seulement des photos floues, des silhouettes sans visages, des rumeurs postées sur des forums presque morts. Un vieux tweet : "La vraie décadence se vit à la Vesper." Rien d'utile, mais tout sonne comme un avertissement.

Je m'appuie contre le dossier, croise les bras. Mon reflet sur l'écran me fixe comme s'il avait compris avant moi : je vais devoir passer un coup de fil que je n'ai pas envie de passer. Je plonge la main dans mon sac pour y attraper mon téléphone. J'angoisse rien que de penser à entendre sa voix, je sais tellement qu'il va se réjouir que je l'appel pour avoir de l'aide. Mais là, il en va de ma carrière. Je cherche son nom dans mes contacts.

— Adrian Keller, te voilà. Dis-je en soufflant. Allez Ezia, tu peux le faire appel-le !

Je porte mon téléphone à l'oreille, une sonnerie... Deux... Trois...

— Ezia, ma beauté, tu reviens enfin.

Je lève les yeux au ciel. Sa voix est toujours aussi douce. Aussi venimeuse. Mes doigts se crispent sur le téléphone.

— Bonjour Adrian, ravie que tu te souviennes de mon prénom.

— Même si ça fait un an que je n'ai plus de nouvelle de toi, je ne t'ai pas oublié. Et.. Je vois que toi non plus. Tu sais... J'ai pas apprécié la façon dont tu es partie ma beauté.

Je me redresse sur ma chaise.

— J'ai pas envie de parler de ça maintenant, puis tu sais très bien pourquoi je suis partie.

— Très bien, je raccroche alors. Bye

— Non ! Attends s'il te plaît ne raccroche pas, j'ai besoin de toi.

Silence.

Je déteste cette sensation. Celle d'être revenue dans son jeu.

— Dit le.. Et je suis à toi.

Je serre les dents.

— Non Adrian...

— Comme tu voudras, bye.

— Très bien, j'ai besoin de toi... Chéri...

Je ferme les yeux. Rien que de dire ce mot j'ai envie de vomir. Il me répugne. Tout mon corps se crispe à nouveau. Il a gagné. Juste pour aujourd'hui. Mais pourquoi il a fallu que ce soit lui que je doive contacter pour rentrer la bas. Je reprends, plus sèche :

— Je dois entrer à la Villa Vesper. J'ai besoin d'un nom, d'un contact. Tu peux m'aider ou pas ?

Il rit. Un souffle chaud, moqueur, presque affectueux.

— Je savais que tu reviendrais. Tu stresses toujours pour rien, Ezia.

Je ravale l'envie de hurler.

— Ça tombe bien. J'y vais demain soir.

Mon estomac se retourne. Bien sûr qu'il y va. Il est toujours fourré dans les endroits les plus toxiques, comme un parasite attiré par l'or sale.

— Tu veux entrer ? Viens avec moi. Ce sera comme au bon vieux temps.

Il laisse planer un silence. Je sens le sous-entendu glisser entre ses mots, collant, insistant.

— Et bien sûr, tu portes quelque chose de joli. Ce genre de lieu aime qu'on s'intègre... Visuellement.

Je ne réponds pas. J'ai envie de lui hurler dessus. Mais je me retiens. Parce que Pulse attend un article. Parce que Victor ne me laissera jamais de seconde chance.

— Très bien, dis-je. J'accepte.

Un petit rire satisfait résonne dans le combiné.

— Je savais que tu reviendrais. A demain ma beauté.

Il raccroche. Je reste là, le téléphone à la main, avec cette sensation d'avoir signé un pacte avec quelque chose de poisseux.

— Putain, soufflais-je.

Je referme la porte du bureau un peu trop fort. Mes nerfs sont tendus comme des câbles électriques.

Dehors, le vent me cueille, froid et rapide. Mon téléphone vibre. Zoé.

" T'es sortie ? Viens, je suis au café en bas."

Je traverse la rue sans réfléchir, le cœur encore bloqué entre colère et angoisse. Zoé est assise à la terrasse, emmitouflée dans son manteau, deux chocolats fumants devant elle. Elle me voit arriver et sourit doucement.

— T'as une tête... C'est ton patron ? Ou autre chose ?

Je m'effondre sur la chaise. Elle n'attend pas de réponse, me tend juste la tasse chaude et fumante.

— Adrian.

Elle fronce les sourcils.

— Tu te fou de moi ?

— Je sais.

Je bois une gorgée. Trop chaud. Ca brûle un peu, comme ce que je m'apprête à faire.

— Il m'emmène demain soir à la Villa Vesper.

Zoé reste muette quelques secondes.

— C'est une blague ?

Je secoue la tête.

— J'ai besoin d'entrer là-bas. Il a une invitation. Et il veut que je sois sa cavalière.

Elle fronce les lèvres.

— Et toi, t'as accepté ?

Je regarde mes mains.

— J'ai pas vraiment eu le choix.

Un silence. Puis elle soupire, agacée mais pas surprise.

— T'es forte, Ezia. Mais s'il te fait quoi que ce soit...

— Je le plante avec mon stylo. Promis.

Elle sourit, mais son regard reste inquiet. Et moi, j'essaie d'y croire. Demain, je retourne dans l'enfer que j'ai mis un an à fuir. Et cette fois, je n'aurai nulle part où me cacher. Je croyais avoir tiré un trait. Mais il suffit d'un appel pour que tout recommence. Parfois, il faut replonger dans les ténèbres pour écrire la vérité. Même si on s'y noie un peu. 

🦊

Écrire ce chapitre a été une aventure, un mélange de douceurs et de tensions. J'espère que vous avez ressenti cette montée en intensité avec Ezia. À très bientôt pour la suite !

Comment this paragraph

Comment

No comment yet