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Miss_tremblante
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Chapitre 1: La pire mort (Yvan)

Il paraît que la pire mort serait celle de se faire renverser par un train.

Encore faut-il ne pas se louper.

Ou encore, s'éparpiller.

Tout est une question de logique.

Lui n'est pas trop scientifique, l'arithmétique n'a jamais été trop sa tasse de thé.

D'ailleurs, disons le plutôt, de café.

En ce début de matinée froide, il repose son roman favori, encore un grand classique de Dostoïevski, dans un geste las.

Comment il a pu en arriver là ?

Lui qui n'aspirait qu'à la philosophie, aux choses simples, énumérées dans les plus grands concepts du bonheur.

Peut-être que lui aussi, il a trébuché sur la voie, d'une manière plus ou moins violente.

Une chose est sûre; il se souviendra de ce jour.

Parce que cette gare n'aura plus jamais la même signification.

Il ne se regardera plus dans le miroir avant de prendre le TGV.

Il n'osera même plus se retourner.

Car à présent, il n'a jamais été aussi clairvoyant.

Alors qu'il se fait clairement happer par les sensations, par la ligne grande vitesse.

En direction du périph' de son cœur.

Ou de ce qu'il en reste...

**************************************************************************************

Il y a toujours autant de monde sur la ligne 21.

On a beau créer encore et encore; les gens s'agglutinent comme de maudits moutons.

Quand est-ce qu'il va se décider à s'acheter une voiture pour de bon ?

Ou alors, il en a bien une, mais l'écologie l'emmerde dans sa petite vie.

Avant tout, il faudrait désengorger le métro et tous ces déchets ambulants.

Il n'a jamais trop rechigné à se lever, mais si c'est pour subir l'odeur du tabac froid, non merci.

La cigarette le dégoûte et le trahit.

Il préfère la saveur amère de la caféine, bien que corsée.

Mais, justement parce que cette même caféine est divine; elle est complexe.

Il aurait pu avoir l'allure de ce fumeur, qui se sape les poumons, dans l'espoir de se détendre.

C'est bien vrai, il aurait pu clairement sombrer, flirter avec tous les péchés mortels, mais il se pense sûrement immortel, comme tant d'autres de ces mammifères.

Qu'il a aussi la science infuse envers son prochain.

Tout ça parce qu'il a fait des pseudos-études.

Tu parles, pour finir, dans ce merdier ?

Comment il a pu envisager une telle trajectoire ?

Une telle sortie de rails ?

Oui; peut-être qu'il devrait arrêter de se perdre dans le récit de "Crimes et châtiments; il devient comme ce héros qui monte les marches en direction de sa voisine.

Avec des envies de meurtres.

C'était un gars calme.

Les Cours d'Assises ont souvent leur lot de mensonges...

"-Ouais. Attends. Je t'entends mal. Je te rappelle !"

Cela aussi, ça ne lui avait pas manqué.

Les gens qui se croient tout permis et qui gueulent, haut et fort à s'en égosiller.

Collés à leurs petits gadgets de fumée, tentant de faire la conversation pour que tout le monde en profite.

Même à 8 heures du matin, il y a encore des gens qui ont des choses à se dire ?

Sans doute, les avocats et les chefs d'entreprise.

Lui se surprend, dans cette foule informe, à penser aux amoureux.

Est-ce qu'ils échangent à cette heure-ci, à travers des combinés ?

Quand même, ça avait quelque chose de plus sexy le téléphone filaire.

Ramené sans courbette de plus, aux fameuses call-girl, depuis quelques années.

Mais, il n'en est pas question.

A la limite, lui pense à l'amant qui a usé de tous ces sous, de tout son souffle, sous une pluie battante.

Pour trouver l'unique cabine téléphonique encore disponible à cette heure-ci.

Avec la peur au ventre, de savoir si l'être aimé, suscité va décrocher de son côté.

L'un part au travail avec un café fumant pour se donner du courage.

Beaucoup trop de café dans la machine.

L'autre reste allongé au milieu des draps parfumés, loin de la ville et de ses artères, qui s'activent.

Là, sur les quais, tout de suite, il a une folle envie d'écrire.

Comme on se jetterait sur les rails, à station Bercy.

Oui, ça finira par arriver.

Pour semer les cafards et crier de manière hagard, un peu au hasard.

Oui, en ce lundi matin, sans événement particulier, il a envie de reprendre la plume.

Et de laisser couler un peu d'encre sur son cahier marron.

Dont les pages qui jaunissent peu à peu, avec le temps.

Un peu comme lui.

8 heures 07.

Le train bondé arrive enfin en gare, à son arrêt habituel.

L'air y est toujours à peine respirable, malgré les vapeurs qui s'évaporent.

Ce genre de brouillard lui fait quelque peu penser à sa terre natale.

Mais sans plus; il n'y a que son prénom qui le ramène à ses origines.

Et bien sûr, son éducation loin d'être maniérée, la force tranquille, l'intellectuel primant.

Basée quand même sur la sévérité.

L'esprit Soviet'.

Derrière ses lunettes carrées noires, l'homme monte les escaliers pour sortir de cet endroit et enfin, retrouver l'extérieur.

Il bouscule de pauvres âmes, s'excuse à peine, trace son chemin.

Si seulement il avait davantage été doué pour écrire, ne serait-ce qu'un best-seller pour se garantir de se la couler douce dans un palais ancien, du temps des Tsars...

Il n'a rien de tout ça; si bien que dans cette vie pressée, il n'a même pas le temps de coucher ses poèmes.

Qui s'envolent comme ses souvenirs littéraires, à la touche mélodramatique.

L'homme regagne enfin Paris Nord, marchant dans la nuit froide, sous un ciel sans étoile.

Là-bas, il y a sans doute quelques astres, que les Romains avaient déjà décrits.

La société actuelle ne s'en préoccupe plus; ou alors, juste pour le business.

Juste pour envoyer une Tesla dans l'espace.

L'espèce humaine est à la fois fascinante et pathétique au possible.

L'homme suit le tracé des lampadaires, les mains dans les poches, la tête dans les nuages.

Il n'a guère le temps de se poser sur un banc, de profiter de l'instant et de rattraper le temps.

De le censurer; de le figer sur un papier, sûrement un peu glacé.

Ses doigts se crispent dans sa poche, autour de son stylo plume, orné de jolies enluminures.

Peut-être que c'est tout ce qu'il possède, d'aussi cher dans sa petite vie tranquille.

Ou alors, c'est sa montre au poignet.

Il ne sait pas, il erre dans les rues, il divague, il s'absente, il flirte avec les fantômes du passé.

Comme des tentateurs, pourtant, il n'existe pas d'anges ici-bas.

8h23.

Le grand bâtiment s'impose sous ses yeux charbonneux comme si le Kremlin était à ses pieds.

Pourquoi il repense à toutes ses conneries ?

Il faut dire que ça fait longtemps qu'il ne neige plus ici.

Qu'il n'a plus senti sur sa langue défaite, un peu de poudre enchanteresse.

Est-ce qu'il a encore le goût pour ces choses ?

Comme pour ces dames ?

Après tout, s'il a parfois encore des élans passionnés, il doit s'assurer que ça fonctionne encore.

Même si la locomotive a dû mal à se mettre en route.

La porte d'entrée se referme derrière lui; l'accueil est à peine assuré.

Ils ont la belle vie quand même, ces gens qui travaillent dans l'administration...

Il ne s'annonce pas, il sait parfaitement où il va, il contourne le bureau pour bifurquer dans le couloir.

C'est son moment préféré de la journée; quand tout est calme et si simple.

Aucune sonnerie de téléphone ou lumière agressive pour ses rétines, rien ne le presse.

Juste le bruit de ses mocassins qui effleurent la moquette bleue.

Le seul problème est celui de monter plusieurs étages car cette fois-ci, comme bien souvent d'ailleurs, l'ascenseur est en panne.

Un réparateur est cependant déjà sur place, armé de sa boîte à outils pour remédier à ce défaut mécanique, sans doute.

"-Bonjour Monsieur. Dites, c'est bientôt réparé ?

-Bonjour. Je viens juste de m'y mettre, dans le courant de la matinée, je dirais, au plus tard...

-Super. Ça va me faire de l'exercice, ça va réveiller mes vieux os. Bon courage.

-Vous aussi Monsieur !"

Une conversation banale, qu'ont des gens de tous les jours.

Sans saveur et encore moins, sans poésie.

L'homme s'affaire à la tâche; montant une à une les marches, menant à son bureau en haut de ce fameux gratte-ciel.

Ça lui rappelle les premières années de sa vie, quand il habitait un immeuble miteux.

Et qu'il n'était rien.

Encore aujourd'hui, il n'est pas grand chose.

Bientôt mort et pas grand chose d'accompli.

Pourquoi en ce moment, il a le goût du funeste; où sont les romantiques, ceux qui se cachent ?

Certes, il n'est pas à plaindre, possédant une belle carrière professionnelle à gravir les échelons.

Mais avec un divorce frais dans les pattes, des problèmes de santé, une volonté d'aimer mise à mort, c'est plus que difficile.

Bref, que des soucis que tout homme de plus de 50 ans arrive bel et bien à avoir à un moment donné selon le cycle de l'échec qui se réitère.

Comme si ces marches étaient là, pour ne pas s'élever mais, pour sombrer dans la déchéance, dans le ridicule immobile.

Il ne sait pourquoi; mais ce matin, il n'a que des métaphores bien pensées.

Envisagées de loin car, il ne peut toujours les noter.

C'est toujours dans ces moments-là de toute façon.

À croire qu'un Dieu existe pour lui adresser tous ces foutus messages, sur toutes ces fréquences...

08 heures 44.

Enfin à son poste.

Ou presque.

De toute façon, il est encore en avance.

Ça change de la SNCF et de ces retards incontestables.

Puis, qui va lui dire quelque chose, à l'incorruptible ?

Celui qui n'arrive pas à fermer l'œil de la nuit.

Et ce, pour deux principales raisons.

Bientôt, une troisième viendra se greffer à son torse pâle.

"-Bonjour Marshall. Bien dormi ?

-Très drôle la blague. Et toi ?

-Je n'ai pas pu me décoller du PC, trop de choses à faire. J'ai à peine dormi. Quel bordel..."

Il y a peu de monde dans l'open-space.

Mais ça ne saurait tarder.

Hormis ce jeune informaticien; ils sont seuls au monde.

Dans une tour qui menace encore une fois, de brûler.

En mémoire funeste du 11 septembre 2001 où ils ont bien cru que c'était la fin.

Mais, ce n'était que le commencement.

Qu'un avertissement avant que la France ne s'embrase à son tour.

"-On a du nouveau ? C'est quoi les dossiers ?

-Niveau d'alerte maximale. L'état d'urgence va sans doute être décrété, le Président tient une conférence à 13 heures.

-Ok. Mais encore ?

-Plusieurs attentats ont été déjoués. On a des alertes à la bombe. C'est la merde..."

Marshall se permet d'allumer la télé en se faisant couler un café bien chaud.

D'ailleurs, il en rapporte un à son jeune collègue.

Lui aussi a bien besoin de sa caféine.

Tout le monde doit en boire.

Sur Terre, il y a deux mondes.

Ceux qui dorment et puis, les autres.

"-Je ne sais pas pourquoi la journée va être intense. J'arrive à bout...

-Je crois qu'on est tous à fleur de peau. Mais, il ne faut pas céder maintenant. C'est ça qu'ils veulent."

C'est le propre de la Terreur.

Idée propice que l'on peut aisément comparer à la période Révolutionnaire.

Faire peur pour mieux régner.

Mais ça n'a jamais vraiment marché.

Car, la population se rebelle et se meurt.

Marshall s'assoit sur son siège en buvant encore son café bien chaud, laissant ses mains sur le gobelet.

Comme il aime cette sensation, comme quand il est devant une cheminée.

Dans un petit chalet du fond des Alpes.

Encore un prétexte pour commencer un bon roman.

Anatomie d'une chute ?

"-Les journalistes ne jouent pas en notre faveur. Regarde comment ils parlent, ils étalent nos infos.

-Il y a sûrement des taupes dans le service, c'est connu. Que veux tu ? Les médias..."

Marshall hausse les épaules; c'est la loi du plus fort, c'est bien connu.

L'homme se tourne vers son ordinateur et se connecte à sa session, accédant à des milliers de données sensibles.

Des caméras de surveillance, des PV, des témoignages, des scellés, tout est emmagasiné dans cet appareil prodigieux.

Avec lequel il a dû concéder, même avec ses mains un peu trop raides et surtout, gelées.

Quelques personnes finissent par remplir l'étage et prendre son poste, saluant le dénommé Marshall, qui n'est pas n'importe qui ici.

"-Au fait, réunion ou pas aujourd'hui ? Demande l'informaticien.

-Je pense. On va établir une cellule de crise. Pour faire le point. Avant le repas, ce serait bien."

Marshall jette un coup d'œil à sa montre, ça leur laisse quelques heures pour examiner les nouvelles, guère réjouissantes.

Allez, c'est parti pour un tour.

On fait encore semblant et on attend.

Que la gangrène envahisse chacune de nos cellules.

Jusqu'à croquer dans la chaire à vif pour en faire de la pâtée.

Il sait qu'il y a un problème, une force maléfique qui prend les commandes.

Mais, jamais, il ne l'aurait imaginé ainsi.

Des mots lui apparaissent soudainement dans le désordre.

Qu'est-ce que ça signifie?

Il devient fou.

Son cerveau surchauffe; aujourd'hui, ce sera le coup de glas.

Le dernier qui sonne dans la grande cathédrale orthodoxe.

Où il lui semble apercevoir, une forme démoniaque.

Une réincarnation d'Anubis.

Mais en version, carrément érotique.

La mort a quelque chose, alors, de terriblement attirant...

Pour la première fois de sa vie.

Tout s'explique...

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