Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
katadley
Share the book

I. WHY ME

Vendredi, 23h47

Beverly Hills, WILDBAR

Plic, ploc.

Le vin dégouline lentement sur chaque fraction de mes vêtements.

— Tu vois quand tu veux ? Reste à ta place, celle de la pute que tu es !

Il rit, mauvais, son haleine chargée de whisky bon marché.

Le regard baissé, je me mordille la lèvre inférieure.

C'est à ça que tu veux jouer, Jackson ?

Parfait. On va jouer.

SLAP.

La droite que je viens de lui coller résonne dans tout le bar.

— Je suis peut-être barmaid, mais t'as pas à me toucher. Et encore moins à me foutre un truc à la gueule.

Je le fixe, glaciale.

— Je sais que je suis trop bien pour toi, et t'as clairement le seum que je t'aie largué. Mais essaie au moins de garder un semblant de dignité, non ?

Un rire sans joie m'échappe.

Ce crétin a cru que c'était une bonne idée de ramener sa nouvelle brune au WILD, en sachant pertinemment que j'y bosse.

Soit son cerveau – déjà en sous-effectif – n'a pas capté que c'était le seul bar potable près de son campus, soit il est aussi maso que je le soupçonnais.

Je voulais en finir de toute façon.

Mais ce que je déteste par-dessus tout ?

Les mecs comme lui. Les trompeurs arrogants, qui se croient tout permis parce que papa et maman paient tout.

Je me redresse, essuyant le vin sur mon tablier.

Et c'est là que ça dérape.

Une commotion.

Des cris.

Un sifflement aigu, puis une détonation sèche.

Mon sang se glace.

C'est un pistolet qu'on vient d'entendre... ou je deviens parano ?

Un silence étrange tombe, lourd, électrique.

Le DJ arrête net la musique.

Les verres vibrent sur les tables.

Et une voix basse, presque calme, fend l'atmosphère :

— Verrouillez les sorties. Personne ne bouge.

Je me retourne lentement.

Ils sont là. Trois hommes. Masqués. Armés.

Ils avancent comme des ombres, silencieux, méthodiques.

Le plus grand — celui qui semble mener — enlève lentement sa capuche.

Et même à cette distance, je sens le danger irradiant de sa présence.

Il ne crie pas.

Il n'a pas besoin.

Il commande par la simple intensité de son regard.

Blond.

Mesquin. 

Insondable.

Il marche jusqu'à un homme qui tremble derrière le comptoir... et lui tire une balle dans le crâne.

Juste. Comme. Ça.

La panique éclate. Des cris, des larmes, des gens qui se jettent sous les tables. Moi, je reste figée.

Puis je fais le seul truc qui me semble logique sur le moment.

Dans un élan de je ne sais trop quoi, j'enfile les gants que j'avais gardé puis je me laisse tomber laisse tomber au sol, comme morte.

Rules n°1 :

Always find a way out, the easiest one less dangerous one aswell.*

Je ralentis ma respiration, plaque mes bras contre mon corps.

Ne pas bouger. Ne pas respirer. Faire croire. Comme je l'ai toujours fait.

Autour de moi, le sang coule.

Je n'ose même pas pleurer.

Puis...

Un bruit de bottes s'approche.

Le cuir craque contre le sol.

Il est là.

Je retiens mon souffle.

Et puis.

—ATCHA.

Mon éternuement déchire le silence.

Putain.

Je sens immédiatement que je viens de signer mon arrêt de mort.

Un silence anormal s'installe.

Même les autres criminels arrêtent de bouger.

Puis... des pas.

Lents. Précis. Prêts à me cueillir.

Les bottes noires s'arrêtent juste devant moi.

J'entends le froissement d'un manteau long.

Puis quelqu'un s'accroupit.

Sa voix est un murmure rauque, amusé.

— Qu'est-ce qu'on a là... Une petite souris qui éternue au milieu d'un massacre ?

Je garde les yeux fermés. Je prie pour qu'il parte.

Mais ses doigts — froids, gantés — glissent sous mon menton et forcent doucement mon visage vers le haut.

— Ouvre les yeux. T'as déjà raté ta scène. C'est trop tard pour faire la morte.

Je les ouvre.

Et je tombe dans ses prunelles.

Aucune humanité.

Mais une lueur étrange : du jeu, de l'intérêt... presque de l'amusement.

Il a une gueule de tombeur, mais quelque chose cloche.

Trop parfait. Trop calme.

Comme un prédateur qui s'ennuie... et qui vient enfin de trouver un jouet neuf.

— Tu joues mal, chérie. Mais t'es mignonne.

Il se penche. Son souffle caresse mon oreille.

— Tu sais comment on appelle les jolies menteuses dans mon monde ? Des puzzles. Et j'adore résoudre les puzzles.

Il effleure ma joue avec ses phalanges, lentement. Je frissonne malgré moi.

Il le sent.

— Oh... t'as peur ?

Il sourit.

Un sourire lent, lentement vicieux.

— T'as raison.

Puis il se relève, claque des doigts vers ses hommes.

— Celle-là, je la prends.

— Asmo, elle est pas censée...

— J'ai dit.

Son regard claque comme une gifle.

— Je. La. Prends.

Il me regarde encore, me tend une main.

— Allez, poupée. Lève-toi. T'as eu ta chance de mourir discrètement. Maintenant, on va s'amuser un peu.

Que quelqu'un me réveille de ce cauchemarder irréaliste. 

***

Les pneus crissent encore alors qu'on quitte l'artère principale.

Je cligne des yeux, le souffle court.

Les choses se sont déroulé tellement vite, il y a un instant je me trouvais allongé sur le sol, et maintenant je me retrouve sur ça moto et à m'accrocher a lui comme si ma vie en dépendais-ce qui en sois et le cas.

Je ne sais pas où il m'emmène, mais je suis sûre d'une chose : je ne veux pas le suivre. Je veux une vie paisible merde quoi.

J'entends alors plusieurs moteurs vrombir. Quand je me retourne, j'ai la surprise de voir un gang — ou quelque chose qui y ressemble — nous filer aux basques.

— Putain... J'ai même pas mis la main sur cette foutue AURORA#B de merde, grogne-t-il.

Je sens mes doigts se resserrer malgré moi.

— Prends le flingue dans ma poche droite, au lieu de t'agripper à mon torse comme une ado en chaleur, poupée.

Sa voix me ramène brutalement à la réalité, aussi dégueulasse soit-elle.

— Si tu le fais pas, on crève ensemble. Et aussi beau et charmant que je sois, je doute que tu veuilles finir tes jours ainsi. Je me trompe ?

Je plonge ma main dans sa poche, à contrecœur.

Et là...

Je reconnais le chemin.

Les lampadaires bancals. Le vieux garage tagué. Le virage serré après la station essence...

Putain. Il va vers mon immeuble.

Là où se cache mon petit frère, depuis ce foutu accident.

Là où je suis censée être, à veiller sur lui.

Celui pour qui je bosse comme une damnée.

Non. Pas là.

Je resserre ma prise sur le flingue.

Asmodeus ne dit rien, mais je sens son torse se tendre sous mes bras.

Il a vu. Il a compris : mon silence. Mon changement d'attitude.

— Tu fais une drôle de tête, poupée, glisse-t-il, tout sourire.

C'est ton ex qui habite dans le coin ? Ou t'as planqué un amant dans le placard ?

Je ne réponds pas.

Doucement, je glisse le pistolet dans la même poche d'où je l'ai sorti.

Avec calme. Trop calme.

Il freine légèrement. Son rire s'éteint d'un coup.

— Attends une seconde...

Je croise son regard dans le rétro. Il n'est plus joueur.

Plus sombre.

— Tu me fais faire un détour vers chez toi, c'est ça ?

Il se penche légèrement, son sourire carnassier revenu.

— Tu comptes faire quoi ? Me droguer et me balancer dans ta cave ?

Il ricane.

— Tu sais que j'ai tes empreintes sur l'arme, hein ? Il me suffit de la filer à la police, et hop, tu deviens la seule survivante armée du massacre du WILD. Félicitations, poupée.

Je souris lentement. Un sourire froid. Glacial.

Je me penche vers son oreille.

— Je porte toujours des gants. Au cas où~

Et sans attendre, je saute.

Mon épaule heurte violemment le bitume.

Je roule sur moi-même en grognant, les genoux râpent l'asphalte.

La douleur me traverse, brutale. Mais je me relève.

Je cours.

Vers une ruelle.

Vers la porte de secours de l'immeuble.

Pas l'entrée principale — trop exposée, trop risquée.

Derrière moi, la moto dérape.

Et j'entends son rire.

Pas de colère.

Un rire pur.

— Sois certaine que je te retrouverai, poupée. Quoi qu'il m'en coûte, me lance-t-il, avec un clin d'œil que je devine.

Il redémarre. Les autres moteurs approchent. Mais moi, je suis déjà loin.

Je dois fuir. Et vite.

Qui sait ce qu'il pourrait faire à Mathieu ?

La dernière chose que je veux porter, en plus de la culpabilité de ce foutoir, c'est celle de mon propre frère.

Je scanne la porte arrière avec mes clés. Elle s'ouvre.

Je pénètre dans l'immeuble, me jette dans l'ascenseur, haletante. Le souffle court, les jambes flageolantes.

Cette soirée est un désastre.

D'abord Jackson, qui débarque avec ses potes juste pour m'humilier.

Mais il a choisi la mauvaise fille.

J'entre dans l'appartement, claque la porte, verrouille.

Je mets la chaîne de sécurité. Deux fois. Trois.

Mes mains tremblent.

— Mathieu ? je chuchote en retenant un sanglot. C'est moi...

Pas de réponse.

Normal. Il dort toujours avec ses écouteurs quand il est stressé.

Et avec ce que le médecin appelle encore "traumatisme crânien post-accident", il vit souvent dans un autre monde.

Mais c'est mieux comme ça. Il ne doit surtout pas savoir ce qui s'est passé ce soir.

Je traverse le salon. Mon jean dégouline de sang — pas le mien, je crois.

Je frissonne. J'ai soif. Ma gorge est sèche, ma peau brûlante.

Je passe devant la chambre de Mathieu. La lumière est tamisée, la veilleuse bleue clignote faiblement.

Il dort, recroquevillé. Sa respiration est régulière. Apaisée.

Sauvée.

Je ferme la porte.

Direction salle de bain.

Je m'y enferme. Réflexe idiot, mais nécessaire.

Je me plante devant le miroir.

Mon reflet me dégoûte.

Vin rouge, sang, sueur, cendre.

Mes cheveux trempés collent à mon crâne.

Une entaille à la joue que je n'avais même pas sentie.

Mes yeux... fous. Écarquillés par la peur. Ou par la rage.

Je retire mes vêtements, un à un.

Ils tombent au sol avec un floc humide.

Sous la douche, je tourne le robinet à fond.

L'eau bouillante me rince, me brûle. Et je la veux brûlante.

Qu'elle efface tout. Qu'elle nettoie cette peur, cette saleté qui s'est infiltrée sous ma peau.

Je frotte. Encore. Encore.

Jusqu'à ce que ma peau rougisse, même au-dessus des éraflures de ma chute.

Mais rien ne part vraiment.

Pathétique.

Pathétique.

Pathétique.

C'est ce que je suis. Ce que je serai toujours.

Je m'acharne à construire une vie stable, à veiller sur mon frère...

Mais le passé me rattrape.

Et il va me retrouver.

Il en est capable. Les mecs comme lui ne bluffent jamais.

Je sors de la douche, une serviette enroulée autour de la taille.

J'allume l'écran de mon téléphone.

00:44. Super timing.

Je fais un détour par la chambre de Mathieu.

Il respire bien. Il dort.

Je soupire, soulagée, referme la porte doucement, puis file dans la mienne.

Je ne peux pas retourner au WILD. Pas après le bordel de ce soir.

On doit partir. Demain.

Tant pis pour le job. J'en trouverai un autre.

La sécurité de Mathieu passe avant tout.

Je fixe une boîte posée sur l'étagère.

Tous mes papiers, passeports, fausses identités sont dedans.

Une seule pensée occupe tout mon esprit :

Fuir.

Mon corps entier me le hurle.

J'enfile un t-shirt, un jogging.

Attache mes longs cheveux noirs en queue de cheval.

Je saisis mon ordinateur portable.

Peu importe le prix.

Si c'est pour protéger Mathieu, je paierai.

Je tape instinctivement mon mot de passe.

Et un sourire amer étire mes lèvres en voyant la fenêtre s'ouvrir.

Je n'avais pas envie d'avoir recours à mes anciennes capacités.

Mais je n'ai plus le choix.

Je sais maintenant exactement pourquoi ce foutu taré était au WILDBAR ce soir.

Je ne laisserais plus personne m'approcher.

Fuir.

Fuir.

C'est ça, c'est la seule solution. Ça la toujours été. 

| > Welcome back, AURORA#B! ||

*Règle n°1 :

Toujours trouver une solution de sorti, la plus simple et la moins dangereuse.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet