La nuit était noire comme de l’encre, rien ne pouvait transpercer les nuages qui recouvraient l’entièreté du ciel. Pas même la Lune, qui avec sa lumière, n’était pas suffisamment forte. Aucune étoile n’était en vue. La pluie tombait depuis quelques heures, sans interruption. Il n’y avait pas de vent, alors, ce n’était qu’un rideau de gouttes glaciales.
Un homme, dont le visage était masqué, avançait dans les hautes fourrées, tous ses sens en alerte. Il tenait dans ses mains un étrange paquet à la forme rectangulaire et au contenu mystérieux. Il essayait tant bien que mal de protéger le carton de la pluie, mais celui-ci se trouvait déjà humide. Une odeur désagréable s’en dégageait.
Que pouvait-il bien se cacher dedans ?
Partis du clan des Serpents depuis un bon moment, il en venait à douter de la générosité qu’avait fait preuve le conseiller, en lui remettant ce paquet. Car oui, contre toute-attente, le cadeau venait de ce clan. Pourtant, l’homme savait pertinemment que ce n’en était pas un.
Qu’est-ce que les Serpents avaient à offrir aux Panthères ?
Rien de bon.
Il se souvint encore des paroles de son patron.
« Ne regarde surtout pas le contenue Eitan ».
Il savait bien que la désobéissance était sévèrement punie avec lui. Mais maintenant qu’il était seul et que ce parfum pénible emplissait ses narines, il n’avait envie d’une seule chose.
L’ouvrir.
Une envie de soulever le couvercle, de s’éclairer à l’aide d’une torche et ainsi, de découvrir le secret du paquet. Il l’aurait fait s’il n’était pas suivi. Il n’en avait pas la certitude, mais, l’homme sentait qu’on le regardait dans le noir. La pluie rendait difficile sa captation de donnée, il ne pourrait pas riposter si l’on venait l’attaquer.
Des yeux semblaient l’observer, de part et d’autre de l’espace. Devant, derrière, au-dessus, en dessous et sur lui. Chacun de ses faits et gestes semblaient observer avec précision. Et à chaque fois, ces yeux, dont il imaginait parfaitement la forme, étaient ceux d’un serpent.
Cette pensée le fit frissonner, il se secoua la tête et continua son chemin, malgré la pluie, la boue et l’absence de lumière.
Enfin, après deux petites heures de marche à l’aveuglette, l’homme atteignit le village des Panthères. Ses mains étaient gelées, ses dents claquaient et il était complètement trempé. Il observa pendant un instant la muraille qui entourait et protégeait leur village. Les portes étaient déjà ouvertes alors il supposa qu’on était au courant de sa visite. Il les franchit et s’attendait quand même à voir des gardes débouler sur lui et l’arrêter. En tant que parfait inconnu, il les comprendrait.
Au contraire, les panthères qui arrivèrent, l’escortèrent jusqu’au centre du village, où se trouvait une énorme maison. La première chose à laquelle pensa l’homme en la voyant, fut un temple. De haut piliers rouges soutenaient un toit en ardoise grise. Un escalier permettait d’accéder à la porte centrale, massive. Diverses décorations, dont des lampions reposaient à plusieurs endroits, sans s’éteindre. Il distingua un deuxième étage, d’où une lumière sortait d’une fenêtre. Des motifs étaient gravés sur plusieurs des poteaux et une plaque énorme trônait au-dessus de l’entrée.
Le symbole de Varasha y était inscrit.
L’esprit des bêtes et de l’instinct primaire. L’être, sans doute, le plus vénéré des clans.
Un des gardes lui tapota l’épaule pour lui indiquer qu’il pouvait entrer. Il sursauta et acquiesça. De la sueur, mêlée aux gouttes d’eau, coulait le long de son cou. Le deuxième ouvrit la porte et le conduit à travers la maison du chef, sans qu’il n’ait le temps de tout observer. Un second escalier menait à l’étage. Le soldat ne l’accompagna pas.
L’homme grimpa rapidement les marches et il s’arrêta devant le seuil de l’entrée. Un rideau, de la soie couleur rouge sang, faisait office de porte. Il était très facile de voir à travers, grâce à la lumière, et d’entendre.
— Entrez. Dit une voix, quelque peu grave
L’homme masqué prit une grande inspiration, et il souleva avec l’un de ses bras, le rideau. Il fit quelques pas à l’intérieur, la pièce était très spacieuse. D’autres piliers rouges séparaient l’espace en deux. Une partie était cachée par des paravents en bois clair. Il reflétait la lumière des bougies. L’une des fenêtres coulissantes, plus communément appelée shogi, était ouverte et laissait rentrer l’air frai de la nuit. On pouvait entendre le bruit des gouttes martelant le sol du balcon. L’homme aperçut plusieurs plantes en fin de vie, ainsi que de nombreuse tapisserie. Mais il ne comprit pas le sens de l’histoire et ne s’y attarda pas plus longtemps.
Il y avait deux hommes au centre, ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau. Leurs mines étaient sombres, le maitre avait prévenu que l’ambiance risquait d’être tendue. Lui savait ce qu’il s’était passé L’un semblait plus jeune, cela devait être un adolescent. Le plus à droite était grand, il devait être le père, le chef des Panthères.
Ses vêtements laissaient paraître des muscles, il avait de longs cheveux noirs, tressés et attachés en un chignon mal fait. Une petite barbe recouvrait son menton, ses sourcils était fins et ses yeux, d’un jaune orangé, le regardaient, impatient.
Alors c’est lui. Pensa l’homme
Sentant une aura, plutôt menaçante, l’homme tendit le paquet à la panthère et il dit, d’une voix étouffée par son masque :
— Voici le paquet que vous attendiez.
— De la part de qui ? Demanda-t-elle en le prenant
— De la part de Peter.
— L’héritier lui-même, je suis flatté. Ironisa l’Animalis
Le roi observa pendant un moment la boîte. Lui dont les sens étaient plus développés, l’odeur le frappa instantanément. Il souleva lentement le couvercle, comme s’il craignait la chose à l’intérieur. Son visage changea immédiatement lorsqu’il vit ce qu’il se trouvait. Il devient dégoûté, effrayé et ses mains se mirent à trembler. Son fils jeta un vif coup d’œil et il se leva aussitôt. Son visage exprimait de la peur et de la colère, à tel point qu’il lâcha un petit cri de stupeur. Une main sur sa bouche, il baissa la tête et il se dirigea dans la seconde partie de la pièce. Le jeune s’affala par terre et il toussa d’abord, avant de vomir. Une femme, que l’homme n’avait pas remarqué avant, s’accroupit à son niveau et posa une main sur son dos, alors qu’il était en proie aux larmes et à l’incompréhension. Elle lui murmurait des mots pour le calmer, mais rien ne semblait arrêter ses pleurs.
L’adulte, qui à présent, avait retrouver une incroyable neutralité, tenait un bout de papier, de l’encre transparaissait de l’autre côté, mais impossible de lire. On y voyait des tâches aussi, mais la couleur n’était pas celle de l’écriture et l’homme eut peur de ce que ça pouvait vraiment être.
Du vrai sang.
Le roi serrait dans son poing quelque chose d’invisible, puis, il lança le bout de papier par terre, avant de poser le paquet par-dessus. Une soudaine envie de gerber, monta dans la gorge de l’homme, lorsqu’il vit le contenu de la boîte. Des os, des os rongés et dont les extrémités étaient ensanglantées. Il comprenait à présent leur réaction.
— Le Corbeau Blanc t’envoie n’est-ce pas ? Demanda le roi
— Oui.
— Quand compte-t-il se montrer ?
— Il est libre de vaquer mais pour l’instant, il souhaite éviter de vous voir au cas où on le suivrait. Expliqua l’homme.
— A-t-il besoin de plus de temps pour récolter les informations que nous lui avons donné. Questionna le roi en hochant de la tête.
— Il a laissé des espions dans le domaine des Serpents, cela devrait être régler d’ici une semaine.
— Vraiment ?
— Oui, je fais parti d’eux et je devrais, malheureusement, retourner là-bas.
Le roi le regarda de haut en bas, l’humain ne semblait pas mentir, alors, il le crut et lui raconta :
— Il y a presque trois semaines, trois jeunes panthères ont disparus. On avait d’abord supposé qu’ils s’étaient perdus. Mais le fait que notre meilleur pisteur, ainsi que deux loups, ne les aient pas retrouvés, écarte cette possibilité. Lorsque le Conseil des Serpent nous a annoncé un cadeau, mes soupçons se sont vite tournés vers le clan. De plus, nos territoires sont très proches et la zone de l’entre-territoire est réduite. Quand tu m’as tendu le paquet, l’odeur de Peter sentait si fort et ce n’est qu’en ouvrant la boîte, que j’ai senti l’odeur des panthères.
— Attendez, vous pensez que Peter les a….
L’homme ne put finir sa phrase, ses mots restaient coincés dans sa gorge. Comment on pouvait être aussi cruel avec des enfants ?
Il s’inclina, pour s’excuser d’un mal qu’il n’avait pas commis et le roi lui demanda :
— Le Corbeau Blanc est-il encore joignable malgré tout ?
— Oui, toujours, ses espions sont partout.
— Dit lui de préparer ses hommes