Il était une fois, dans un grand verger d’arbres aux pommes rouges brillantes, habitait une jeune renarde nommée Cynthia. Elle avait le pelage d’un roux flamboyant et le regard vif pétillant de curiosité. Chaque jour, elle se promenait entre les arbres, jouant avec ses amis ou profitant de l’odeur sucrée du verger. Sa maman lui avait toujours dit de ne pas trop s'éloigner, que les environs étaient emplis de dangers. Mais en cette fin d’après-midi là, alors qu’elle gambadait joyeusement pour aller embêter les habitantes du poulailler, quelque chose d’étrange attira son regard acéré.
En s’approchant prudemment d’un pommier en bordure de la plantation, elle la vit là, posée à même le sol, une pomme d’un jaune éclatant. Elle pencha sa tête de côté, se demandant bien d’où venait cette pomme à la couleur si différente.
Plus très amusée à l’idée d’aller embêter les poules et curieuse à savoir d’où elle venait, elle prit délicatement le fruit entre ses crocs et fit demi-tour avec un air décidé.
Marchant d’un pas rapide, il ne fallut pas longtemps pour qu’elle aperçoive l’une de ses amies qui jouait à la sortie d’un terrier avec le reste de sa nombreuse famille. Elle posa la pomme au sol et interpella la souricette.
— Magalie !
Les souris grises sursautèrent au son de la voix de Cynthia. Sa jeune amie leva son visage fin et sourit. Elle s’approcha rapidement de son amie, ses petites pattes tapotant le sol. La renarde se pencha en avant.
— Cynthia, dit-elle de sa petite voix. Que fais-tu là ?
— J’ai trouvé une pomme jaune à terre, tu sais d’où elle vient ? demande la renarde en montrant le fruit avec son museau.
— Une pomme jaune ? Non, désolé. Mais demande peut-être à Arnaud, il survole souvent le verger.
Elle hocha la tête, se redressa et remercia son amie. Elle lui promit de venir la voir pour jouer et de tout lui raconter quand elle saura la vérité.
Magalie enlace une des longues pattes avant duveteuses de Cynthia, avant de retourner jouer en toute sérénité.
La renarde prit de nouveau la pomme en bouche et continua son chemin en trottinant, bien décidée à élucider ce mystère. Elle passe de longues minutes à chercher son ami le corbeau entre les longues rangées d’arbres fruitiers, évitant de se faire voir par les humains.
C’est au bord même du verger, de l’autre côté de sa découverte, qu’il fut repéré. Comme avec Magalie, elle posa le fruit au sol et l’appela.
— Arnaud !
L’oiseau, posé sur un piquet, tourna sa tête vers elle et s’élança dans les airs. Majestueux, il tourna dans le ciel un instant avant de venir se poser devant elle.
— Et bien douce Cynthia, qu’est-ce que tu m’amènes là ?
— J’ai trouvé une pomme jaune. Magalie m’a dit que tu pourrais m’aider à trouver d’où elle vient ?
Le corbeau secoue ses plumes, sautille vers la pomme et tourne autour, la regardant de tous les côtés. Il croassa et hocha la tête.
— En effet, j’ai vu passer un groupe avec un panier empli de divers mets. Suis le chemin jusqu’à la rivière et tu devras trouver ta réponse dans la clairière.
— Merci, Arnaud ! s’exclame-t-elle avec joie.
— Un plaisir de t’avoir aidé, mais tu ne devrais pas t’y aventurer, les chasseurs ne sont pas très éloignés.
Cynthia hésite un moment en étendant l’avertissement du corbeau avant de se décider. Elle prit la pomme et partit en courant.
Elle n’avait pas peur et cela ne prendra pas longtemps. Mais elle devait se dépêcher avant que la nuit ne tombe et qu’elle se fasse gronder par sa maman.
Suivant le chemin, comme l’avait dit Arnaud, elle vit au loin se dessiner un petit groupe de cervidés qui semblait être bien installé au milieu d’une clairière verte, fleurie et bien éclairée. Elle s’arrêta à bonne distance pour les observer.
Le cerf, avec ses longs bois acérés, dominait de sa taille le groupe entier, regardant autour pour protéger sa famille. La biche était allongée et surveillait les deux jeunes faons avec soin. Les deux enfants chahutent avec bonheur, semblant ne pas voir le monde qui les entoure. Non loin d’eux se tenait un panier en osier d’où sortaient divers fruits colorés.
Cynthia ne savait pas si elle pouvait s’approcher. Ne voulant pas avancer et se mettre en danger ou effrayer la famille de cervidés, elle fait tomber le fruit au sol et se retourne pour s’en aller.
Mais avant qu’elle ne se soit avancée, Cynthia entendit quelqu’un l’appeler. Intriguée, elle se tourna vers la voix qui l’avait interpellée. Qu’elle ne fut pas surprise de voir approcher le grand cerf avec sa démarche chaloupée. Arrivé devant elle, il poussa avec son museau la mystérieuse pomme jaune en sa direction.
— Vous pouvez la garder, nous ne manquons pas de fruits à partager.
— Je ne voulais seulement savoir d’où elle venait et ne pas la voler si elle appartenait à quelqu’un.
— Et je vous l’offre si vous le désirez. Vous pouvez même rester, si vous le souhaitez, dit-il en penchant sa tête de côté.
La renarde secoua la tête, chagrinée.
— Je ne peux pas rester, je dois rentrer avant le dîner.
— Une prochaine fois, peut-être, dit-il. Prends la pomme avec toi, petite renarde, et…
Il s’arrêta de parler et observa autour de lui très inquiet.
— Va t’en ! Fuis ! Il y a des chasseurs !
Elle prit la pomme entre ses crocs, ravie d’avoir trouvé sa réponse et un mets juteux à emporter, et s’en alla en courant, cavalant entre les arbres fruitiers avec agilité.
Elle entendit des coups de feu éclater dans son dos et courut encore plus vite qu’elle ne le pouvait.
Quand elle rentra dans son terrier tout effrayée, sa maman s’était inquiétée. Elle était rentrée après l’heure annoncée et s’était aventurée à l’orée du danger pour un fruit étranger.
Quand elle se coucha dans son lit de feuilles ce soir-là, elle s’endormit les yeux mouillés. Elle se fit la promesse d’avoir des nouvelles de la famille de cervidés et de ne plus jamais s’aventurer hors du verger.
FIN