Tout en sirotant leurs boissons, ils continuèrent leur conversation sur un ton plus léger. Les sujets variaient de leurs souvenirs communs à leur métier, cherchant à savoir si les rêves de chacun avaient pris vie ou non.
— A moitié on va dire, je ne fais pas le boulot de mes rêves mais j’ai la moto de mes rêves et ça, ça n’a pas de prix.
— Seulement 11 700 euros.
— Eh comment tu sais ?!
Malo rit doucement en lançant un clin d'œil à Tomy. Il était fin observateur et avait remarqué le modèle de la monture de son ami et, ses connaissances, assez limitées, dans le domaine de la moto l’aidaient à savoir certaines informations.
— J’ai remarqué le modèle quand on discutait sur la route et je me suis rappelé d’un article que j’avais lu sur sa sortie, c’est tout ! Puis il faut dire que c’est un bijou ! On ne voit pas une CBR 600 RR de si près tous les jours, elle est sorti en avril !
— Faut que tu arrêtes de remarquer tous les détails on dirait Dexter qui prépare son prochain meurtre.
— Oups, grillé.
Tomy lui mit un coup de coude et secoua la tête, réprimant son rire. Il était sincèrement heureux de retrouver cette entente avec Malo, la facilité avec laquelle ils discutaient. Il ne l’avait jamais vraiment oublié, bien que son souvenir reste reclus dans un coin de sa tête pour ne pas prendre trop de place.
— Mais c’est vrai que c’est un petit bijou. Je l’ai attendu longtemps mais ça valait le coup.
— Et tu voulais faire quoi vu que, visiblement, agent de sécurité n’était pas ton premier choix ?
— C’est très cliché, mais je voulais être pompier. Le but ultime était d’intégrer la brigade des pompiers de Paris mais je n’ai pas réussi les tests d’entrées. J’avais le physique mais à la visite médicale ils ont décelé un petit problème de vue qui m’a recalé direct donc j’ai laissé tomber.
— Rien de grave ?
— Non, seulement une vue très fluctuante on va dire, c’est une maladie assez courante qui entraîne des changements de vue assez conséquents et les crises sont douloureuses mais je me suis soigné maintenant je vois très bien.
Les sujets de conversations étaient variés et s’enchaînaient avec une fluidité déconcertante. Et ce fut le cas dans les semaines qui suivirent. Chaque vendredi, ils se retrouvaient dans ce même café pour boire un verre et discuter malgré tous les messages échangés et leurs conversations sur le périphérique.
— Bah alors ? C’est à cette heure-là qu’on arrive ?
Tomy sourit et s’excusa en enlaçant Malo, comme à leur habitude avant de s’asseoir en face de lui.
— On a eu un petit souci au boulot et j’ai été retenu un moment et comme j’étais encore en service, je n’ai pas pu t’envoyer de message pour prévenir.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Faut-il appeler le FBI ou Interpol capitaine ?
— Je pense que la police locale est déjà sur le coup commissaire mais je vous tiendrai informé des nouvelles.
Ils échangèrent un léger rire avant de reprendre leur sérieux et commander leurs boissons. Malo commanda son habituel coca avec un sirop de fraise et Tomy le surprit en commandant une bière. Il ne buvait jamais d’alcool, même léger, lorsqu’il conduisait, tout comme Malo.
— Il y a eu une faille au niveau de la sécurité informatique apparemment causée en interne mais les codes ne correspondent pas, donc ça veut dire que quelqu’un a réussi à entrer sans se faire remarquer donc on va devoir se farcir les images de vidéo surveillance pour tenter de voir si on peut trouver de qui il s’agit.
— Ah ouais c’est chaud comme histoire ! Du coup ça veut dire qu’à un moment donné, vous avez manqué de vigilance ou vous ne filtrez pas les entrées ?
— Bonne question Sherlock. Non on ne filtre pas les entrées, les gens entrent et sortent librement, ce sont les différentes secrétaires qui aiguillent les gens au bon endroit et les zones dites “sensibles” sont soumises à un pass et seulement le personnel autorisé à accéder à ces zones peut passer, et c’est là que ça a merdé. Quelqu’un non autorisé a réussi à passer. Donc tout le monde est un peu tendu depuis ce matin !
— Bah tu m’étonnes ! J’espère que vous allez rapidement trouver la personne et que les choses vont rentrer dans l’ordre. Je comprends mieux la bière du coup.
— Eh j’te jure faut que t’arrêtes de remarquer tous les détails ! Dexter, vade retro satanas tu n’auras pas mon âme ce soir !
Tous deux éclatèrent de rire alors que Malo levait les mains en signe d’excuses. Tout le monde lui répétait que son attention aux détails était impressionnante mais il ne le faisait pas intentionnellement. Ils continuèrent gaiement à discuter tout en grignotant les quelques cacahuètes apportées par la serveuse. Tomy essayait de les lancer en l’air et les rattraper avec sa bouche mais ce fut un échec. Il ne savait définitivement pas viser.
A l’extérieur, Malo s’arrêta à côté de la moto de Tomy, admirant la bête des étoiles plein les yeux. Il s’agissait d’un nouveau modèle sorti en avril. Ce petit bijou n’avait que six mois.
— Quand je t’ai découvert sur les réseaux, tu roulais encore en MT-07, ensuite tu es passé sur une R6. Je n’aurai jamais parié sur une CBR 600 RR pour la suivante.
— Tu me verrais sur quoi ?
— Maintenant que je te connais sur ce bébé je ne te verrais sur rien d’autre. Mais j’aurai plutôt parié sur la R1.
— C’était le but premier avant que je ne découvre que Honda prévoyait la sortie de cette beauté fatale. Seulement 250 modèles noire mate jusqu’à 2025 et 500 rouges, mais la rouge est moins belle.
— Elle est dingue, vraiment.
— Tu fais quelque chose le weekend prochain ?
Malo resta silencieux quelques secondes, surpris par le changement de sujet si soudain. Que venaient faire ses activités du weekend suivant dans l’admiration de la moto ?
— En dehors de rien, je crois que je ne fais rien, pourquoi ?
— Je comptais me faire un petit weekend plaisir en moto en Haute-Savoie, tu veux venir ? Les paysages sont fous et ça te ferait l’occasion de pouvoir faire un tour en moto.
Tomy, même s’il essayait de le cacher, était nerveux. Cela faisait quelques semaines qu’ils s’étaient trouvés et il avait peur que cette proposition soit trop rapide pour Malo. Ce dernier semblait figé, sa tête fonctionnant à mille à l’heure. Bien-sûr qu’il avait envie de partir. Mais était-ce vraiment une bonne idée ?
— Tu n’es pas un serial killer ?
— Tout dépend du chiffre auquel on devient serial killer.
— Je ne sais pas, cinq ?
— Alors c’est bon.
— Parfait, c’est d’accord dans ce cas !
— Super, on en reparle dans la semaine pour régler les détails alors.
— Merci.
Les yeux pétillants, Tomy monta sur son bolide et prit doucement la route sous le regard heureux de Malo. En peu de temps, ils avaient réussi à créer une belle relation, toute en confiance et bonne humeur. Quel que soit le sujet, ils arrivaient à discuter et rire. Tomy suivait toujours Malo dans ses délires sans se poser de questions ou sans montrer la moindre hésitation.