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ElianaSins
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Chapitre 6: Ella

J'ai à peine le temps de me laisser tomber sur mon fauteuil ergonomique que le visage de Wade jaillit au-dessus de la paroi qui sépare nos bureaux.

— Alors, t'as survécu à ton entretien avec Terminator ?

Je pouffe à l'évocation du surnom de notre supérieure. Wade est le premier à l'avoir affublé de ce doux sobriquet que chuchotent désormais tous les agents lorsque Moore n'est pas là.

— Mouais...

— Qu'est ce qu'il s'est passé ? Elle te l'a joué Hasta vista baby ?

— Non, plutôt je suis une machine, si tu vois ce que je veux dire ?

— Oh, t'inquiète pas, c'est son mode préféré, parfois je me demande si elle est capable de ressentir des émotions.

— La colère, sans aucun doute.

Et peut-être même la peur. Je suis persuadé d'avoir entraperçue un éclair de terreur dans son regard quand j'ai insinué qu'une taupe se cachait parmi le personnel. Et puis, ses menaces déguisées ne m'ont pas échappées.

— Alors, Ella, t'as pas des potins croustillants ? On raconte un peu partout que tu t'es pointé chez Torio avec que ta plaque comme seule protection. C'est vrai ? m'interroge-t-il, une lueur de curiosité pétillant au fond de ses yeux clairs.

Je hoche la tête et sa bouche s'ouvre dans une parfaite parodie cartoonesque de surprise. Du haut de ses vingt-deux ans, Wade est le plus jeune membre de la brigade. Il a encore cet éclat d'innocence que beaucoup d'agents ont perdu à force de voir les horreurs qui peuplent nos dossiers. Avec ses cheveux blonds qui bouclent sur ses tempes, ses yeux bleus et son petit sourire en coin, il me rappelle Jaxon avant tout ce merdier. Je crois que c'est pour cela que je tolère toutes ses pitreries.

— Tu sais que t'as quand même une sacré paire de couilles pour une meuf, souffle-t-il admiratif. Te pointer chez le Don Corleone sans escorte, c'est clairement suicidaire.

— Et pourtant je suis toujours là, ris-je. Bien vivante pour te rappeler que ton travail ne va pas se faire tout seul.

— Tu sais, Ella ? Parfois faudrait que tu te la joues plus Very Bad Trip et moins Drive.

— Bordel, je comprends jamais rien de ce que tu baragouines.

— C'est parce que ta culture cinématographique laisse clairement à désirer, princesse. Si t'acceptais de sortir avec moi je t'aiderais à corriger cette terrible lacune dans ta personnalité.

— Rêve pas chouchou. Règle numéro 1, ne jamais baiser avec les bleus.

Il rit sous cape, et disparaît derrière la paroi de plastique. Son bref éclat à réussi à alléger un peu le poids sur mes épaules.

J'attrape la pochette située tout en bas de ma pile de dossiers et l'ouvre pour me trouver face aux informations que j'ai accumulées au sujet d'Andrea Torio depuis les deux dernières années. Alors que je parcours les derniers éléments que j'ai ajoutés, je ne cesse de jeter de subreptice coup d'œil derrière moi pour vérifier qu'aucun de mes collègues ne s'intéressent de trop près à ma lecture. Le doute a empoisonné toutes mes pensées et chaque personne qui frôle d'un peu trop près mon espace, m'apparaît comme une menace potentielle. Excédée et incapable de me concentrer je referme un poil trop fort mon dossier avant de le glisser dans mon attaché case. J'ai besoin de trouver un espace neutre pour me plonger dans mon enquête et je sais que je n'arriverais pas à rester focus dans l'open-space. De toute façon, la journée est déjà presque terminée. Je quitte les lieux le plus rapidement possible pour éviter toute proposition pour aller boire un verre avec les collègues. Ce n'est pas que je n'aime pas sociabiliser, mais j'ai une préférence pour les soirées en duo, qui terminent dans un lit.

*

Le ciel gris de Chicago menace de s'ouvrir à tout instant alors que je me dirige vers le café qui fait l'angle de la rue. C'est un petit troquet dans lequel avocats et hommes d'affaires viennent terminer leur journée autour d'une boisson chaude débordante de sucre. Quand je pénètre dans les lieux, une douce chaleur où s'attardent des effluves de café m'accueille. Il est encore tôt donc la plupart des tables sont encore libres. L'agencement des lieux appelle à la détente. Un nombre indécent de plantes en pot, de toutes tailles, remplit le moindre espace vide. Les chaises sont un ensemble hétéroclite qui ajoute une touche originale à l'endroit. Derrière le comptoir, une adolescente sifflote en dessinant des fleurs de lait dans une tasse. Elle se dandine au rythme de la musique pop qui résonne doucement. Sa bonne humeur parvient à m'arracher un sourire alors que je me dirige vers elle pour commander mon pêché mignon : un café au lait avec une pointe de sirop de noisette. La plupart appellerait cela une hérésie, pour moi c'est juste un pas vers le paradis. Quand elle dépose ma boisson sous mon nez, je la récupère et vais m'installer dans un coin, en veillant à garder la porte d'entrée dans mon champ de vision. Simple déformation professionnelle.

Je retiens un gémissement de plaisir lorsque je trempe mes lèvres dans le liquide brûlant. Une fois mes tensions apaisées, je reprends où j'en étais avant de quitter le bureau. La première image du dossier est un gros plan de la victime retrouvée il y a deux jours sur l'un des terrains en construction d'Andrea Torio. Des marques bleuâtres marquent le cou de la victime et sa jupe est remontée en haut de ses hanches, ne lui offrant aucune pudeur, même dans la mort. J'écarte rapidement l'image que j'ai déjà analysée pendant trop longtemps pour me consacrer sur les notes que j'ai prises au cours des derniers mois. Celles-ci rassemblent l'ensemble des maigres informations que j'ai réussi à glaner sur le chef de clan. C'est une véritable anguille, qui parvient à se faufiler entre les mailles de nos filets à chaque fois. Les informations qu'il m'a fourni sans prendre la peine de dissimuler ses crimes m'ont prouvé à quel point il s'imagine intouchable.

Tandis que je farfouille dans ma sacoche en quête d'un stylo pour ajouter mes dernières observations sur le dossier, une voix légèrement éraillée résonne juste au-dessus de moi :

— Est-ce que je peux m'asseoir ici ?

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