Lorsque je me réveille, je me rends très vite compte que quelque chose cloche. Je ne suis pas chez moi. De la paille ou une herbe qui s’en rapproche est en dessous de moi. Je n’ose pas ouvrir les yeux, de peur de découvrir la réalité. Je refuse de voir que je ne me suis pas endormie dans ma chambre. Est-ce que tout ce dont je me souviens d’hier est un rêve? Je ne peux y croire! J’essaye de m’endormir à nouveau espérant être dans mon lit, mais rien n’y fait. Impossible!
Je regarde donc avec attention autour de moi et découvre cinq autres personnes se réveillant hébétées. je suppose qu’elles aussi ne se trouvent pas chez elles. Nous sommes dans une sorte de prison. Des barreaux métalliques nous entourent et deux fenêtres nous amènent la lumière du jour à l’intérieur. C’est d’ailleurs l’unique source de luminosité que nous avons afin de nous permettre de voir. Une vague de chaleur extrême provient de l’extérieur, je suppose donc que nous nous situons probablement dans un désert. De plus un éclat jaune tirant sur l’orange vient de dehors. Cela me confirme presque ma supposition.
Mais quelque chose diffère de mon air habituel. Comme s’il n’y avait pas assez d’oxygène pour notre corps où au contraire comme s’il y en avait trop. Je n’arrive pas à décrire la sensation ressentie dans mes poumons. La gravité aussi semble différente. Pourtant nous sommes toujours sur Terre, non? Je commence à en douter. Mais cela me semble tout simplement impossible. Comment en une nuit j’aurais pu me déplacer ailleurs? Cela fait beaucoup de questions auxquelles je n’ai pas de réponses.
Je ne m’attarde pas trop sur ces pensées-là et commence à observer les personnes autour de moi. Trois hommes et deux autres femmes s’y trouvent. Nous sommes donc dans la parité. Bizarre. Ils arrivent à rester calmes tout comme moi, même si la panique apparaît dans les yeux de certains. Soudain, nous entendons du bruit. Un garde, je suppose, ouvre la porte et vient déposer dans la main de chacun un bol, rempli d’une substance qui ressemble à une purée. Je comprends qu’il souhaite que nous nous nourrissons. Je ne pense pas qu’ils veulent nous empoisonner avec cette nourriture car s’ils voulaient le faire, pourquoi nous avoir amener ici? Curieuse par nature, je ne me pose pas plus de questions que cela et je fais une prière rapide à Déméter comme j’ai l’habitude de faire avant chaque repas puis commence mon dîner. En plus de cela je meurs de faim. La bouillie à un goût particulier. Comme si on avait tenté de mixer légumes et viandes ensemble. Ce n’est pas immonde mais je ne dirais pas que c’est bon non plus.
Je vois certains de mes compagnons d’infortune refuser de manger. Ils n’en voudront que si nos ravisseurs les relâchent, disent-ils, de ceux que je peux comprendre. Mais j’ai comme l’impression qu’il ne s’agit que d’une perte de temps. Je ne pense pas que nous sortions de sitôt. Voyant que nos hôtes tentent toujours de leur faire manger la bouillie, ils capitulent vite. J’aurais fait de même.
Pendant un certain temps, nous ne voyons plus nos geôliers. Certains cherchent à voir au travers des carrés de lumière que nous possédons mais n’arrive qu’à observer du sable à perte de vue. J’avais donc raison, nous sommes en plein milieu d’un désert. Mon corps aussi le ressent, j’ai chaud, beaucoup trop chaud.
Une femme s’approche de moi et se présente d’une voix enjôlée, curieuse:
“ - Bonjour, moi, c’est Kala! Est-ce que tu saurais où l’on se trouve? Je n’arrête pas de poser la question mais personne n’a l’air de savoir. De plus, certains ne comprennent pas quand je tente de leur parler.
Bonjour Kala, je m’appelle Kleïo. Non je ne sais pas où nous sommes, comme tout le monde. Cependant, j’ai peut-être une hypothèse.
Oh! Vas y dit la moi, car moi aussi j’en ai probablement une, me répond-elle avec une voix encore plus joyeuse.”
Je la regarde plus précisément, tentant de savoir si elle pouvait être assez robuste pour encaisser ce que j’allais dire. Au bout de quelques secondes à la fixer, j’en déduis que oui. C’est la seule allant vers les autres pour poser des questions et essayer de les connaître. Et ce malgré la différence de langues.
“ - D’accord, alors la voici. J’ai l’impression que l’oxygène est différent ici. Mais pas que ça, il me semble aussi sentir un léger changement de gravité, ce qui indiquerait qu’ici notre corps nous paraît plus léger que sur Terre. Ça m'a amené à penser que nous ne sommes plus sur celle-ci.”
Je vois alors Kala réfléchir et suis surprise de la voir acquiescer à ce que je lui dis.
“ - Je pensais exactement la même chose. Mais bizarrement quand j’en parle aux autres ils refusent de me croire. Et la seule chose commune qui nous réunisse tous, c’est le fait que nous prions chacun les dieux grecs. Ne sois pas surprise, je t’ai entendu murmurer ta prière à Déméter toute à l’heure. Moi aussi je l’ai faite. Ma mère est prêtresse pour Aphrodite et je suis destinée à la suivre.”
Je ne sais quoi lui répondre. Je hoche la tête en gardant le silence. Nous avons peut-être une nouvelle piste, nos ravisseurs adulent sans doute les dieux grecs. Peut-être qu’au final nous sommes toujours sur Terre. Cependant, au vu de la gravité et du fait que je me sente plus légère, cela m’étonnerait. Mais alors pourquoi nous prendre en otages à part notre passion pour les divinités? Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette histoire.
Après ce qui me semble durer des heures, nos kidnappeurs reviennent. Ils nous demandent alors de nous mettre en rang. Bizarrement je comprends leur langue, mais il ne s’agit pas du grec avec lequel nous avons l’habitude de parler. Il s’agit bel et bien du grec ancien parlé autrefois, comme s’il s’agissait d’une civilisation ancienne. Ils ont visiblement choisi des personnes qui le comprennent très bien. Ce qui ne me paraît encore une fois pas un hasard. Sommes-nous partis dans le passé? Non, leur prison est trop récente pour y être.
Nous sortons tous a la suite de cette pièce, puis montons des escaliers en pierres. Nous nous retrouvons ensuite dans une sorte de hall, fait uniquement de pierres et ouvert. Cette pièce se compose de colonnes immenses, en enfilades. Le bâtiment haut de plafond me donne une sensation de vertiges, mais je ne peux qu’être impressionnée par la grandeur du lieu.
Je traverse à la suite des autres ce hall, bouche bée. Beaucoup de monde nous regarde. Je ressens au fond de moi un léger stress causé par toutes ces personnes nous observant. J’ai l’impression que le rythme de mon cœur est plus lent aussi, comme s’il ressentait un manque d’oxygène ou comme s’il voulait me faire comprendre que ce que je vis actuellement n’est absolument pas normal pour lui. J’ignore ce cœur qui me met en garde et continue de regarder partout. Les femmes portent des robes comme pourrait les porter Héra, d’aspect très nobles parées de doré et d’argenté. Elles sont également toutes coiffées élégamment, avec soit des tresses relevées en chignon ou mélangées à une chevelure longue. Les points communs de leur coupe sont le visage dégagé et un ornement soit fait d’or soit d’argent ayant des formes de feuilles d’olivier ou de plûmes. Je reste fascinée à leur vue car je rêve depuis toute petite de pouvoir me coiffer et m’habiller ainsi.
Je me demande tout de même pourquoi on nous fait traverser ce hall. Au bout de quelques minutes, nous arrivons dans une grande salle, dans laquelle nous voyons deux trônes. Je suppose que nous avons probablement devant nous un pays qui fonctionne en monarchie, probablement comme lors du temps de la Grèce Antique. Cela ne m’étonnerais pas.
Je reviens à la découverte de la salle dont un élément revient par rapport au hall, les fameuses colonnes. Mais aussi de nombreuses statues entourant la salle où je peux reconnaître les Dieux grecs.
En observant mieux les personnes autour de moi, je peux remarquer des particularités, une peau allée dûe au soleil ou encore des yeux de couleurs différents, certains rouges, d’autres verts ou jaune. Que signifie cette différence? Cela veut-il dire qu’ils ne sont pas du même rang ou du même pays?
Sur les deux trônes, se placent deux hommes, un assez vieillissant et un plus jeune possédant des traits ressemblant au premier. Je suppose donc qu’ils doivent faire partie de la même famille. Le plus vieux est habillé en style guerrier avec une toge et un plastron doré. Il porte également un casque avec des plumes rouges. Il a un air renfrogné comme s’il ne souhaitait pas être ici.
Je continue de l’observer, quand je sens un autre regard sur moi, je me rends compte que c’est le jeune situé à côté de celui que je suppose être dirigeant qui nous observe. Habillé plus sobrement avec une simple toge blanche et or, il semble particulièrement intéressé par notre présence. Personnellement, je ne retiens qu’une seule chose de cet homme-ci. Ses yeux d’un violet profond et irréel que seul lui porte.