Vendredi 3 juillet – 14h – maison des garçons.
Avachi dans le canapé, je regarde Lara se déshabiller sensuellement devant moi. Ses boucles dans ses mains, elle se déhanche de gauche à droite. Je ne bande pas, même pas un peu.
Hier, après l’entretien avec les deux autres connards, je suis sorti. J’ai déambulé dans les rues de Boston à la recherche d’un lieu où me noyer dans l’alcool. Mon entaille à l’arcade me rappelle que je suis devenu légèrement con après plusieurs verres de whisky. À vrai dire, c’est ce que je cherchais, me faire cogner assez fort pour que les voix dans ma tête se taisent et que ma vie s’éteigne, ou, au minimum, s’arrête le temps de quelques jours. Seulement, ce mec aux allures de rocker sous stéroïde n’était pas assez costaud. Après le cinquième coup, je me suis lassé d’attendre qu’il arrive à ses fins. Je lui ai rendu ses frappes, il est tombé, je suis reparti les mains dans les poches.
Je me suis réveillé dans mon lit il y a environ trente minutes avec une gueule de bois phénoménale. Alors que je cherchais Jay et Luke, je suis tombé sur Lara dans la cuisine. “Mon pauvre chou, je vais te changer les idées” m’a-t-elle dit.
Tu parles, je m’enmerde comme un rat mort.
Trop concentrée sur sa prestation, elle ne remarque pas que je ne la regarde plus. Lara aime tellement son corps qu’elle pourrait se faire jouir rien qu’en se regardant dans un miroir.
Le regard fixé sur le plafond, le visage impassible, je me demande ce que j’ai pu bien faire dans une vie antérieure pour mériter tout ce merdier.
-“ Mec, t’es rentré ! Ça va gros ? On s’est inquiété hier. T’es vraiment qu’un con.” Me lance Jay en entrant dans le salon.
-“Ouais, mec. J’ai bien failli commencer à rechercher ton corps dans les caniveaux. Mais ensuite, je me suis rappelé du prix de mes fringues et, je me suis rétracté. Un mort peut bien attendre après tout.” Ajoute Luke qui arrive juste après.
Je pouffe de rire et après m’avoir repositionné dans le canapé, adresse un majeur à mes amis. Luke, absolument pas choqué de voir sa “petite amie/plan cul” se déhancher devant moi, s’approche d’elle, lui empoigne les fesses et lui dévore la bouche de la plus dégelasse des manières que j’ai pu voir. Euphorique face à cet acte, Lara émet des sons gutturaux.
Au même moment, Jay et moi nous fixons, moi blasé, lui rieur. Plus rien ne peut nous choquer. Après un certain temps à mâter les préliminaires d’un mauvais film porno en direct, Luke se détache, s’installe à mes côtés et prend la parole.
-“Lara, mon cœur, ma petite chérie ? Ça te dérangerait d’éloigner ton joli petit cul de cette pièce ?”
-“J’ai compris.” Dit-elle vexée. “Sujet privé, comme d’habitude”
Je la remercie d’un signe de tête et elle me répond par un bisou volant. Elle sort de la pièce. Redevenu sérieux, mes deux amis me fixent dans l’attente de mes confidences.
Après une longue expiration, je leur raconte :
Souvenir - la veille, bureau du père de Tobias
Je suis assis sur l’une des luxueuses chaises du bureau de mon géniteur. Les murs sont, eux aussi, recouverts d’un papier peint couleur roi. Des tableaux d’époque aux bordures en or sont accrochés çà et là. Mon connard de père se trouve face à moi, un verre d’alcool à la main. Mon frère, Sorën, plus âgé que moi de deux ans, se situe à ma droite.
Mes mains me démangent, mais je me retiens, je dois rester stoïque. Je décide donc de les fourrer dans mes poches. Je ne prends pas la peine de regarder mon frère, ce n’est plus celui que j’ai connu lorsque nous étions enfants. Il a choisi son camp, il y a bien longtemps maintenant.
Après un temps qui me semble interminable, mon père se racle la gorge et prend la parole :
-“Mes fils, je vous ai convoqué aujourd’hui pour vous annoncer une nouvelle qui va changer la vie de l’un d’entre vous et la mienne.”
Mes fils... mes pions, mes jouets, plutôt.
Il continue :
-“Comme vous le savez, depuis les 15 ans de Tobias, je vous ai donné une mission. Celle de me montrer, de qui de vous deux est le plus apte à reprendre notre empire lorsque je m’effacerai.”
Je frissonne au souvenir de ce jour, celui où j’ai perdu mon enfance et où j’ai découvert la noirceur cachée derrière la porte du dernier.
-“Ce jour est venu ! Dans un an à compter de ce jour, je prendrai enfin ma retraite.”
Mon frère se redresse dans son siège à l’affût des mots qui vont suivre. Il ne cache rien de son excitation. Ça me répugne.
-“ Vous avez eu la possibilité ces dernière années de me montrer une partie de vos capacités. Sorën, je dois te féliciter pour tes compétences à gérer le 1er étage. Tu sais répondre aux exigences. Néanmoins, tu te reposes trop sur tes lauriers. Il n’y a aucune nouveauté, aucune prise de risque. Tes clients sont contents, mais ils risquent de se lasser. Tu peux compter sur Max pour te proposer de nouvelles idées. ”
Lorsque j’ai eu 15 ans, mon père m’a offert la gestion du rez-de-chaussée et autre chose...
Ne pense pas à ça, pas à elle...
Mon frère, lui, a hérité à ses 17 ans du 1er étage, et à ses 15 ans de l’autre cadeau, comme moi... Nous avons chacun à notre disposition deux directeurs d’étage prêts à répondre à toutes nos demandes et à réaliser tous les changements que nous souhaitons. Employé, décoration, planning... Notre père nous verse chaque mois un salaire qui varie en fonction des bénéfices réalisés. Nous sommes employés de son entreprise. Ce sont les seuls revenus dont nous disposons pour payer nos logements, nos courses, nos loisirs et dans mon cas, l’université. Notre père possède une énorme richesse, mais c’est sa richesse. Nous n’avons aucun passe-droit. Nous n’avons même pas son nom de famille, à vrai dire. Nos employés ne savent même pas que nous sommes les fils du patron. En réalité, personne ne connait non plus le directeur de ce club. Il est... simplement inconnu.
Ayant un peu perdu de sa superbe, mon frère hoche la tête et répond :
-“Entendu, père, je vais faire de mon mieux.”
Lèche-cul...
-“Bien. Quant à toi, Tobias” il se tourne dans ma direction “Tu es en capacité de fidéliser tes clients. T’es soirées sont toujours impeccables. Le registre proposé, bien que trop sauvage à mon goût, semble plaire aux clients.”
Sauvage ? Qui de nous deux est le sauvage “père” ?
Je lève les yeux dans sa direction, les lèvres pincées en attente de son “mais”.
-“Mais.”
Voilà, nous y sommes.
-“Pour être le propriétaire de ses lieux, tu dois faire acte de présence dans tous les espaces, y compris, les autres étages. Tu restes constamment dans ton espace VIP. Les employés des niveaux supérieurs ne te connaissent pas, tu dois être plus présent.”
Mes points se serrent dans mes poches et mon sang pulse dans mes tempes.
Calme-toi, reste calme, fait-le pour maman. C’est la seule solution.
-“Ton frère est connu lui.” Le concerné se redresse. “Il n’hésite pas à participer à la vie de cet immeuble. Il y donne même de son corps.”
Les deux connards gloussent, moi, je ne peux pas.
-“Je te demande de faire un simple effort.”
Un simple effort ? Car faire ça c’est un simple effort ? Je n’en veux même pas de ton club de merde ! Mais je n’ai pas le choix...
J’avale la salive qui s’est accumulée dans ma bouche et avec tout l’effort que cela me demande, je lui réponds :
-“Entendu.... père”
-“Bien. Je vous laisse donc un an pour vous investir au maximum dans votre zone et régler les points que je viens de soulever. On se retrouve dans un an pour connaître le nom de celui qui me succèdera. À la suite de cela, l’un de vous deux aura l’honneur de rencontrer AK.
Mes amis me laissent leur raconter mon entretien sans m’interrompre une seule fois. Lorsque je finis, ils me regardent tous les deux choqués. Ce sont mes amis d’enfance, personnes de confiance. Ils connaissent toute mon histoire et la noirceur qui se trouve au fond de mon âme.
-“Tu veux dire que, pour réaliser tes plans, tu vas devoir recommencer ?” me demande Jay, déstabilisé.
J’acquiesce.
-“Mais ça va te détruire ! Tu ne peux pas recommencer. Tu n’es même pas encore remis alors que ça fait plusieurs années maintenant.” Ajoute Luke, scandalisé.
-“Je sais. Mais, je n’ai pas le choix. Je dois arrêter ce massacre.”