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1 - Adopte un zombi
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ChahXIII
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Adopte un zombi

Lyudmila parcourait les sinistres profils de la nouvelle application d’État : « Adopte un zombi ». Cette dernière était fort bien réalisée et permettait de trouver facilement l’élu de son cœur. Du niveau de décomposition souhaité aux centres d’intérêt, elle offrait une large variété de zombis bons à marier. Elle avait eu la chance d’être sélectionnée pour être bêta-testeuse et elle en était déjà convaincue : cette application était la solution à l’intégration parfaite des zombis à la vie civile. « Les zombis sont nos amis, il faut les aimer aussi » pouvait-on lire en description sur le Red Play Store.

Après une dizaine de minutes à s’extasier devant des faciès avantageux et désirables, elle trouva enfin le bon. Le seul, l’unique, celui qui faisait déjà chavirer son cœur. Anatoli de son petit nom était ingénieur de son vivant, mais ce n’était pas sa situation financière appréciable qu’appréciait Lyudmila. Elle craquait davantage pour son visage fondu et ses yeux coulants. Elle le plaça dans son panier et après dix minutes où elle dut faire face à un bug qui l’empêchait de passer commande – ce qui n’arrivait pourtant jamais dans cette belle Union des Républiques, le date fut enfin validé.

Elle fila alors dans sa salle de bain pour se mettre à son avantage : un débardeur qui flattait ses épaules larges et ses biceps, un mini-short qui sublimait ses cuisses musclées et enfin des rangers pour le confort. Elle fourra ensuite dans un sac à dos tout ce dont une dame se devait d’avoir pour un rendez-vous avec un zombi : désodorisant et pilule d’iode de potassium. Fatalement prête, la chevaleresse des temps modernes bondit sur sa fidèle monture Ural et roula à toute allure vers la Zone d’Inclusion de Pripiat où vivaient tous les zombis. Elle ne voulait pas faire attendre son prince !

Elle se gara devant le RBMK, le bar le plus huppé de la ville et lieu de rendez-vous. Les néons verts d’un goût discutable offraient une ambiance cosy propice à mettre en valeur les consommateurs putréfiés. Elle finit par apercevoir son bel Anatoli. Il attendait bien sagement que Lyudmila arrive et quand il l’aperçut enfin, son visage s’illumina d’un sourire liquéfié. Il savait que sa triste non-vie de célibataire décomposé allait bientôt s’arrêter. Il le sentait dans son cœur, bien qu’il n’en eût plus depuis presque trente-neuf ans.

– Salut beau gosse, lança Lyudmila en s’asseyant. Tu es encore mieux conservé en vrai qu’en photo, ajouta-t-elle pour le flatter.

– Salut, toi aussi tu es très belle ! répondit timidement le zombi.

L’un des serveurs du bar ne tarda pas à rejoindre les deux tourtereaux pour s’enquérir de ce qu’ils souhaitaient boire.

– Un Numéro 4 pour moi s’il vous plait, demanda la jeune femme.

– Numéro 4 ? Eh bien, tu as pas froid aux yeux ! La même pour moi, s’il te plaît, poursuivit Anatoli.

– C’est pour les vrais, cette boisson ! reprit la jeune femme en esquissant un sourire, satisfaite de sa blague. J’ai vu que c’était bientôt ton zombiversaire ?

– Oui ! Trente-neuf ans le 18 avril, répondit-il.

Les boissons arrivèrent et les deux futurs amants trinquèrent avec une joie mortellement enthousiaste. Lorsque Lyudmila vit Anatoli s’étouffer après avoir bu une gorgée du breuvage, elle retint un rire. Elle but d’une traite la boisson pour l’impressionner et s’enquit de sa journée avant de s’épancher en quelques poncifs de séduction létale. Le charme sembla rapidement opérer.

– Tu me fais fondre le cœur, comme le cœur d’un réacteur, osa Anatoli en rougissant.

– Ouais, je suis une vraie fission nucléaire ! rétorqua Lyudmila dans un sourire.

Ils rigolèrent de leurs blagues radioactives pendant une bonne minute. Puis, lorsqu’ils furent satisfaits de leur humour douteux, ils décidèrent de poursuivre l’aventure chez Anatoli. Main dans la main, ils traversèrent la rue. Les oiseaux gisaient au sol et les nuages gris paressaient dans le ciel. Ils n’auraient pas pu espérer plus belle journée pour se rencontrer. Bientôt, ils arrivèrent dans l’appartement du zombi bringuebalant.

Impatiente, Lyudmila porta Anatoli comme le prince qu’il était jusqu’à la chambre à coucher. Elle le jeta alors sans finesse sur le lit, avant de le chevaucher. Elle se pencha et lui attrapa les poignets pour l’empêcher de bouger. Loin de s’offusquer et même agréablement enthousiasmé par la tournure lubrique qui semblait se profiler, le zombi se laissa faire dans une docile soumission consentie. 

La jeune femme entreprenante approcha son visage de celui du zombi décrépi. Leurs yeux ne pouvaient plus se quitter – bien que ceux d’Anatoli semblaient sur le point de se désagréger. Lyudmila retint sa respiration alors que ses lèvres pleines de vie s’approchaient dangereusement de celles, décharnées, de son amant. Taquine, elle glissa pourtant vers son oreille.

– Tu veux voir ma grosse matraque ? souffla-t-elle chaudement.

– Euh… oui ? répondit le zombi, surpris.

– Alors ferme les yeux !

Elle attendit qu’Anatoli s’exécute et se glissa sensuellement hors du lit. D’un geste habile, elle glissa sa main mutine dans son sac. Elle en sortit alors une matraque télescopique.

– Tu vas prendre cher ! lança-t-elle.

Sans lui laisser le temps de répondre, elle lui asséna un coup brutal sur le crâne qui se brisa. La boîte crânienne vola au travers de la pièce pour s’écraser contre le mur dans une mare de sang. Anatoli cria de douleur et Lyudmila de plaisir. Dans une transe fiévreuse, elle abattit à plusieurs reprises son imposante matraque sur le corps douloureux du zombi, pénétrant sa chair sans peine et sans compassion. Le sang gicla et souilla son débardeur alors qu’elle s’acharnait. Les membres se détachèrent et quelques lambeaux d’organes, que les radiations avaient épargnés en 1986, glissèrent mollement sur les draps.

Anatoli, disloqué sur le lit et finalement sans vie, Lyudmila finit par se calmer. La jeune femme rassasiée sortit une lingette pour se laver les mains. Elle attrapa ensuite son téléphone pour mettre un premier avis sur l’application :

« L’application fonctionne très bien et je n’ai trouvé qu’un bug qui n’existe pas. Toutefois, engager plus de bêta-testeurs me semble pertinent. Le nettoyage de Pripiat et des environs risque de prendre du temps dans le cas contraire ! Un sarcophage au-dessus de la ville me semble toujours être une alternative moins salissante… »

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1 Comment

11 days ago
Que de références ! Un régal salissant, du premier au dernier mot
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