Il est très rare de découvrir des témoignages des Anciennes Ères.
L’expédition archéologique de l’an de grâce 1596, menée par l’archéologue Sébastiel Naix, rapporta de très nombreux vestiges matériels (céramiques, armes et autre quincaillerie), mais aussi des documents écrits des Terres Gastes de l’Ouest. L’ensemble des trouvailles fut fait dans un bâtiment dont la fonction reste à déterminer, même si les premières hypothèses s’orientent vers une demeure aristocratique de type château. Les artefacts se trouvaient dans une vaste pièce. Au dire de son inventrice, une très petite quantité de ces vestiges furent prélevés faute de moyens nécessaires. Parmi les manuscrits, ce rouleau côté Yat1596-Z3-Salle12-253 selon le rapport de fouilles.
Naix me confia la charge de mettre en place des mesures de conservation afin que le parchemin ne se dégrade pas davantage et de le restaurer. En mauvais état, je mis des mois pour le dérouler, le consolider avec de la résine avant de pouvoir m’atteler au déchiffrage. En effet, les graphies de ces ères reculées diffèrent beaucoup des nôtres. Une transcription qui fut ardue. Le but premier n’était pas une analyse du contenu, somme toute passionnante, de ce manuscrit, mais d’offrir un document de travail pour mes collègues histoires et mythologues. Ces derniers en tireront sûrement plus d’information que moi. Outre le déchiffrage, je me permis de corriger quelques fautes d’orthographe. De plus, l’autrice a, à de nombreuses reprises, annoté son texte dans les marges. Afin de rendre cela plus lisible sans avoir recourt à des notes de bas de page qui pourrait alourdir la lecture, je me suis autorisé de les placer entre des tirets « — » à l’endroit à la ligne où le renvoie s’enserrait dans le texte.
Par ailleurs, je n’ai pas reproduit ici les différentes enluminures et lettrines qui parsèment le manuscrit. Le professeur Naix est en contact avec différents artistes afin de pouvoir proposer un cahier graphique complémentaire.
J’ai découpé la transcription en deux parties. La première correspond au début du rouleau. Mieux conservé que le reste, il forme un bloc linéaire sans coupure. C’est la raison pour laquelle je le présente d’une traite dans la première partie de cet ouvrage.
La suite fut plus problématique, car le manuscrit a subi les affres du temps et peut-être parfois d’autres événements. Elle offre un récit plus haché suite à diverses sections manquantes ou illisibles causées par l’effacement de l’encre. Cela me posa quelques soucis de transcriptions. Certains éléments, sûrement présents dans les parties disparues, rendent certains passages incompréhensibles, voir en contraction à ce qui a pu être lu plus en amont.
De quoi traite ce texte ?
Dans un premier temps, j’aurai dit qu’il s’agissait du témoignage d’une « femme » qui par suite de circonstance improbable, fut amené à occuper une place très élevée dans sa hiérarchie alors que sa naissance lui promettait une vie de paria. À de très nombreuses reprises, des éléments d’ordre mythologique ou légendaire viennent parsemer le discourt de son autrice. En effet, il est question de dragons, de peuples étranges et de monstres. Pourtant, la narration à la première personne du singulier — et parfois du pluriel — laisse entendre que l’autrice et la narratrice ne forment qu’une seule personne. Pour diverses raisons, rien ne laisse à penser que ce manuscrit ait pu être un roman, toujours à cause de certains passages que l’on pourrait dire ethnologiques, dont le début qui explique les manières de nommer ses enfants. Or, le professeur Maïgou, qui me fit l’honneur d’une visite, me fit remarquer que cette description correspondait à des héros et héroïnes de certains récits mythologiques.
Voilà donc un bien étrange texte que je vous livre aujourd’hui. Comme énoncé plus haut, cet ouvrage n’est qu’un outil de travail. Il n’a pas vocation à être interprétatif. Je suis sûre qu’une édition universitaire et commentée viendra en temps et en heure.
Néanmoins, le manuscrit reste accessible à la lecture pour peu que l’on ne cherche pas d’information complémentaire aux étonnants événements de ce récit ou sur les diverses créatures qui habitent ses lignes.
Orphélios de Toshiro
an de grâce 1626, sous le règne de Ses Majestés Jea-Hoo Mé et Lisaine De Kernille
Manufacture et scriptorium de l’université de Portfleuve
Portfleuve.