03.11.2023
Petit ange.
— ET LE NUMERO 8 DES MAJESTICS RECUPÈRE LE PALET QU’IL PASSE AU NUMERO 12, MAXWELL ! MAXWELL S’APPROCHE DE LA CAGE ET… ET… OH NON ! LE NUMERO 3 DES STALLIONS, GIRE, PREND LE PALET DE LA CROSSE DE MAXWELL !
Je suis sur le fil depuis le début de la troisième période. Les Majestics sont dominés de deux point, ce qui tend toute la patinoire depuis le début de la troisième période. S’il y a bien une chose à laquelle Milori ne s’attendait pas, c’est le niveau de la nouvelle équipe de hockey de l’université de Windsouth.
À côté de moi, Josephine est tellement stressée que, depuis le milieu de la deuxième période, elle ne dit plus rien. Juste devant nous, Milori ne fait que hurler sur ses joueurs qui ne font pourtant aucune erreur grave, ce qui ne me rassure en rien. Il ne reste plus que quinze minutes de jeu et je n’ai pas encore vu la ligne qui assurera aux Majestics la victoire. Et je ne sais surtout pas ce qu’attend Carter pour faire rentrer Jace sur la glace. Spencer est dans sa cage, Nate, Sam, Colin et Ethan sont à leur poste. Mais Jace n’a pas posé le patin sur la glace depuis qu’il l’a quittée, après nous, à la fin de leur entraînement tout à l’heure.
— ET MIKEY DES STALLIONS MARQUE UN NOUVEAU POINT EN FAVEUR DE WINDSOUTH, CREUSANT ENCORE L’ESPACE AVEC LES MAJESTICS ! OÙ VONT-ILS S’ARRÊTER ?
Merde.
— Mais qu’est-ce qu’il fout, Carter, putain ? marmonne Jo à côté de moi, serrant mon avant-bras de ses deux mains.
— Il est devant toi, demande-lui.
Elle m’observe avec de grands yeux, comme une biche face aux phares d’une voiture en pleine nuit.
— Pour qu’il m’envoie, moi, sur la glace ? Non merci ! Je préfère qu’on perde le match.
Je lève les yeux au ciel, reportant mon attention sur Milori qui semble aussi tendu que pourrait l’être un fil de funambule sur lequel marcherait une dizaine d’éléphants. Sa cloison le séparant de la glace pourrait se déformer sous les coups qu’il lui porte sous le coup du stress. Mais c’est moi qu’il commence à stresser en stressant comme ça.
— LA SITUATION SEMBLE SE COMPLIQUER POUR LES MAJESTICS ! UNE SEULE QUESTION RESTE EN SUSPENS SUR LES LÈVRES DE TOUS : QU’ATTENDS MILORI CARTER POUR ENVOYER JACE LOCKWOOD SUR LA GLACE !
Je vais faire la peau à ces commentateurs s’ils continuent.
Je cogne sur la paroi qui nous sépare, nous simple public, des joueurs sur le banc et de leur entraineur, attirant l’attention de mon frère jumeau, qui semble attendre désespérément un signe de la part de son coach. Je dois hurler pour couvrir le bruit du public et les cris des deux commentateurs :
— Qu’est-ce qu’il fabrique, Milori ? Pourquoi tu n’es pas sur la glace ?
— Je t’en pose de ces questions ! Tu n’as qu’à lui demander, c’est ton parrain ! De nous deux, tu es la mieux placée pour savoir ce qu’il se passe dans sa tête !
Je grommelle, jetant un œil au temps de jeu. Huit minutes de jeu et ils nous dominent de trois points. Serrant le poing, je tape plus fort encore sur la paroi, hurlant le nom du coach pour attirer son attention. Ce match est d’une importance capitale pour Jace, alors il a intérêt à le faire jouer !
— CARTER !
Je hurle son nom à plusieurs reprises. Je le vois tiquer. Mais c’est à peine s’il m’adresse un regard. Ce coach est l’homme le plus borné qu’il m’ait été donné de rencontrer. Pourtant, Dieu seul sait que je vis avec Jace Lockwood, Nate Maxwell et Sam Tupper.
Rockwell, le cinquième joueur de la ligne actuelle, est violemment projeté par un des adversaires contre la paroi d’une façon beaucoup trop sèche et violente pour qu’elle puisse être réglementaire. Mais l’arbitre ne siffle rien ce qui ne tarde pas à énerver l’entraîneur de Greenfield et ses joueurs qui laissent éclater leur mécontentement. Nico, que le coach a fait regagner le banc il y a peu, rejoint la glace et va, armé de sa crosse, se planter face à l’arbitre, qui m’a tout l’air de ne plus savoir où se mettre face à la carrure de hockeyeur de l’ailier gauche. Ethan et Colin aident Rockwell à se relever et à rejoindre le banc, le médecin de l’équipe venant vérifier qu’il n’a rien de cassé. Le coach reporte son attention sur Jace qui se lève, prêt à rejoindre la glace. Pas trop tôt !
— ALLEZ JACE !
Mon jumeau me dédie un clin d’œil et s’élance sur la patinoire, rejoignant ses acolytes de toujours en enfilant son casque. La ligne victorieuse des Majestics de Greenfield est enfin sur la glace et plus en colère que jamais. Je ne peux empêcher mon regard de tomber sur le sourire idiot de ma meilleure amie qui a retrouvé des couleurs depuis que Rockwell a quitté la glace. J’espère, en mon for intérieur, qu’elle se satisfait uniquement de l’entrée de Jace sur la glace et non de l’entrée de Jace et de la sortie sur blessure de Rockwell.
L’arbitre, après avoir écarté Nico de lui, siffle la reprise. En une fraction de seconde, Jace récupère le palet et s’élance vers les cages. Les deux commentateurs universitaires s’excitent dans leurs micros et je ne peux, cette fois, pas leur en vouloir. Je peine à suivre l’action sur la glace. Le palet passe de Nate à Sam, puis de Sam à Ethan, enfin d’Ethan à Jace qui vient conclure l’action, expédiant le palet jusque dans la cage des adversaires, sous le regard que je devine effaré de leur gardien.
— YOUHOU !! ALLEZ LES MAJESTICS !!
Les encouragements vis-à-vis de notre équipe repartent de plus belle. Je souris, tapant dans mes mains et sautant sur place comme une petite folle. Ces six garçons, sur la glace, font des merveilles. On les appelle la ligne victorieuse de Greenfield et, à chaque match depuis deux saisons maintenant, ils ne font que renforcer leur image, pour notre plus grand plaisir.
En l’espace de cinq minutes de jeu, nous reprenons l’avantage, avec deux points d’avance. Jo rayonne alors qu’elle encourage chacun des garçons, leur hurlant des phrases sans queue ni tête qu’ils n’entendent certainement pas, mais ne brisons pas ses rêves.
— ILS SONT EN FEU, CE SOIR !
— VAS-Y, JACE !
— ALLEZ LES MAJESTICS !
— DÉGOMMEZ TOUT, LES GARÇONS !
Les hurlements d’encouragement fusent dans tous les sens dans le public, du moins de notre côté des gradins. De l’autre côté de la glace, dans les gradins réservés aux supporters des Stallions, l’ambiance n’est plus au beau fixe. S’ils ne se sont pas tus, ces derniers huent l’arbitre ou les joueurs, y compris les leurs.
Je souris de toutes mes dents alors que Ethan marque un nouveau point. Je hurle son nom en guise de félicitations et me prends un coup dans les côtes de la part de Josephine. Je tourne la tête vers cette dernière, tentant de contenir mon sourire.
— Quoi ?
— C’est quand que tu lui parles ?
Elle ne lâche pas la glace des yeux alors que, moi, c’est elle que je ne lâche pas des yeux. Elle m’exaspère. Oui. Exaspérer, c’est le bon mot, je pense.
— C’est quand qu’on parle de mon frère ?
Elle ouvre la bouche pour me rétorquer quelque chose, mais aucun son n’en sort. Je souris, satisfaite, reportant mon attention sur la patinoire. Plus qu’une minute trente de jeu.
Le numéro 9 de l’équipe des Stallons récupère le palet que Colin a perdu en s’étant violemment pris la paroi, ce qui a fait grimacer Jo à mes côtés, fourrant son visage dans mon épaule. Jace s’élance à sa poursuite alors que Spencer se tient prêt à arrêter la course du palet pour qu’il n’entre pas dans leur cage. Les crosses des deux joueurs se croisent et se décroisent. La tension est à son comble et j’entends mon cœur battre jusque dans mes tempes.
D’un mouvement de crosse, Jace récupère le palet qu’il passe à Nate. Mais, le numéro 9 glisse. Sa crosse passe dans les patins de Jace qui trébuche, son dos rencontrant violemment la glace. Je sens ma respiration se couper. Le reste se passe tellement vite que je ne suis pas sûre de comprendre réellement ce qu’il se passe. Les patins du numéro 3 des Stallions buttent sur la crosse de Jace. Ce dernier tombe à son tour, son dos claquant la glace, mais il ne parvient pas à maîtriser ses jambes. L’une d’entre elles retombe avec force et élan…
— JACE !!
J’enjambe Josephine et saute dans le couloir menant de la glace aux vestiaires. Je monte sur la glace et cours jusqu’à mon frère. Nate et Sam lui enlèvent délicatement son casque, l’empêchant de bouger alors que je me laisse glisser jusqu’à lui. Il grimace de douleur alors qu’il essaie de parler. Le hockeyeur numéro 3 des Stallions tente de bouger, mais je lui lance un regard assassin. Il se ravise et reste allongé à même la glace, observant le plafond. Tu as plutôt intérêt, connard.
Mon regard tombe sur le torse de mon jumeau qui commence peu à peu à se teinter de rouge. Ma vue se trouble de plus en plus alors que je relève la tête, observant les coéquipiers de mon frère qui nous observent, impuissants. J’observe le public, assis dans les gradins, désormais silencieux. Milori semble complètement désemparé face à ce qu’il se passe. Personne ne bouge.
— MAIS BORDEL APPELEZ LES SECOURS !! RENDEZ-VOUS UTILES !!
Ma réaction, sous le coup de l’émotion, semble en surprendre plus d’un car beaucoup se jettent sur leurs téléphones. Mon regard retombe sur la lame et je sens mes mains trembler, ma respiration s’accélérer. Non…
La main de Jace se pose sur ma joue, me forçant à le regarder lui, et plus sa blessure.
— Elizabeth. Regarde-moi, d’accord Je vais bien, d’accord ?
— Tu ne peux pas me dire ça alors que tu as littéralement un patin à glace planté dans la poitrine, Jace !
Il éclate de rire, mais grimace. Je peux tolérer que, au vu de toutes les couches de protection qu’il porte durant ses matchs, il soit plutôt bien protégé, mais de là à dire qu’il va bien…
— Je peux même t’assurer que j’ai eu plus mal quand ton ex m’a collé un pain en pensant que je te draguais, se moque-t-il.
Malgré les mots rassurants de mon frère, je ne peux m’empêcher de baisser les yeux sur son torse. La vue de la tache de sang qui s’étend sur le maillot de Jace me donne envie de vomir.
— LES SECOURS ARRIVENT !
•••
Jetant un œil à mon téléphone, je tape ma tête contre le mur dans mon dos. Cela fait trois heures que je suis assise ici et j’ai l’impression de devenir folle. Les quelques rares médecins qui passent, au vu de l’heure tardive, ne m’apportent que de vagues informations alors que ces derniers étaient plus qu’optimistes en poussant le lit de Jace à notre arrivée. Chaque fois que la petite aiguille avance d’un chiffre sur la grande horloge qui trône au-dessus des deux distributeurs de cochonneries, l’angoisse monte d’un cran. Il est actuellement une heure et demie du matin.
— Elizabeth ?
Je relève la tête vers Ethan qui me sourit doucement, me tendant un gobelet Starbucks. Je lui souris en retour et accepte avec plaisir le contenant en carton.
— Je me disais bien que tu prenais ton temps pour aller chercher un café.
— Ayant des parents médecins, tu peux me croire quand je te dis que le café dégueulasse de l’hôpital n’est pas une légende, rit-il en s’asseyant, passant un bras autour de mes épaules. Et tu n’as pas besoin que je t’inflige ça après la nuit que tu viens de passer.
Je souris et pose ma tête sur son épaule, portant le gobelet à mes lèvres. Caramel macchiato. Il me connaît bien.
— Tu as eu des nouvelles ?
Je hoche la tête de droite à gauche contre lui en soupirant.
— Je n’attends que ça.
— Et tes parents ?
Je sors mon téléphone, ouvrant mes messages, espérant une nouvelle fois que ma mère ait vu mon message lui expliquant la situation et lui demandant de me rappeler ou de rentrer rapidement. Elle ne l’a même pas ouvert. Comme je m’y attendais. Comme toujours.
— Ma mère est aux abonnés absents, souris-je en rangeant mon téléphone.
Il m’invite doucement à me redresser, tournant la tête vers moi. Il me sourit tristement et je hausse simplement les épaules.
Lorsque nous étions à l’école, beaucoup de parents, en croisant les nounous qui venaient nous chercher, disaient que le rôle de nos parents avait dû s’arrêter « à la clé dans la serrure », « à la rencontre du petit chaperon rouge et du grand méchant loup », entre autres choses. Nous étions alors trop jeunes pour comprendre. Mais, si je devais leur faire face aujourd’hui, à ces mêmes parents d’élèves, je leur dirais que leur rôle est allé beaucoup plus loin, qu’il s’est arrêté neuf mois plus tard à la clinique, dans les jours qui ont suivi l’accouchement de maman. Une semaine après que notre naissance, maman a entraîné papa à sa suite, prenant l’avion pour on-ne-sait-où, nous laissant à nos oncle et tante pour près de deux mois.
Jace, ayant une confiance aveugle en son équipe, leur en a parlé au bout d’une semaine, afin d’éviter les vagues ou les réflexions déplacées concernant notre vie personnelle, à lui comme à moi. Dans un sens, je lui en suis reconnaissante. Mais je ne suis pas non plus très à l’aise à l’idée qu’une quinzaine de personnes connaissent tout de mon enfance. Enfin bon, ça me dispense d’explications aussi longues que la saga Harry Potter.
— Et toi, ça va ?
— Je ne suis pas celle avec un patin dans la poitrine, donc je pense aller mieux que Jace. C’est déjà ça.
Mon trait d’humour lui arrache un sourire et il ouvre la bouche pour ajouter quelque chose, mais la sonnerie de son téléphone le coupe dans son élan. Je vois le nom d’Amy sur ce dernier. C’est la baby-sitter de Toby, son petit frère. Il se lève, s’excusant, et s’éloigne pour prendre son appel. J’en profite pour vérifier dans les messages de papa. Mais je n’ai rien reçu non plus. Je m’y attendais, une fois de plus. Bien que, contrairement à ma mère, papa soit sûrement réellement en train de travailler. J’aurais juste besoin d’un petit miracle.
— Lilibeth, m’alpague Ethan en revenant vers moi, une moue désolée sur le visage. Amy doit vraiment rentrer, je ne vais pas pouvoir repousser encore.
Il s’accroupit devant moi, posant ses mains sur mes genoux en me gratifiant d’un petit sourire.
— Ça ira, si je te laisse ?
— Ne t’inquiète pas. Les médecins avaient dit qu’il ne s’agissait pas de grand-chose. Ils ne devraient pas tarder à finir.
— Tu es sûre ? Je peux demander à Jo de passer le garder, si tu veux que je reste.
Dans d’autres circonstances, toute excuse aurait été bonne à prendre pour qu’il reste avec moi. Mais non. Pas maintenant.
— Je t’assure que ça va aller. Embrasse Toby pour moi.
Il acquiesce et se redresse, ébouriffant légèrement mes cheveux avant de tourner les talons, rejoignant les ascenseurs pour quitter l’étage où nous nous trouvons, puis l’hôpital. Je rallume alors mon téléphone et mon doigt glisse jusqu’au numéro de maman que je décide d’essayer d’appeler. Et, de nouveau comme je m’y attendais, je tombe sur sa messagerie. J’attends le fameux bip et décide de laisser un message. Elle ne pourra pas dire que je n’avais pas tout mis en œuvre pour les prévenir.
— Salut maman. C’est Lilibeth. Je… Je me doutais bien que tu ne répondrais pas. Mais, je tenais juste à te le redire… Je suis à l’hôpital, pas pour moi, mais pour Jace… Lors du match de ce soir, il s’est produit un léger accident et, pour faire court, il s’est retrouvé avec un patin légèrement enfoncé dans la poitrine. Mais les médecins sont plutôt optimistes ! Selon eux, il n’y a rien de bien grave, donc il n’y a pas réellement de quoi s’inquiéter.
Un silence s’installe et je me demande s’il est vraiment judicieux d’ajouter quelque chose à ce message. En soi, je leur ai donné toutes les informations nécessaires. Mais… malgré tout, ils restent mes parents.
— J’ai hâte que vous rentriez. On vous aime.
J’écarte mon téléphone de mon oreille et raccroche, constatant que l’écran de ce dernier est trempé. Je soupire, et l’essuie sur ma manche, attrapant un mouchoir dans mon sac. Je prends une grande inspiration et essuie mes joues humides. Au même instant, un médecin passe près de moi, se dirigeant vers l’accueil de l’étage. Allez Elizabeth. Je me précipite vers lui, attirant son attention en attrapant son bras, peut-être légèrement trop violemment.
— Docteur ! Ça fait des heures que je suis assise ici à attendre des nouvelles de mon frère que vos collègues ont emmené au bloc pour quelque chose de soi-disant bénin ! Et je commence à être fatiguée d’attendre des nouvelles de ces foutues blouses blanches ! Alors vous avez intérêt à-
— Elizabeth, arrête !
On m’attrape la main et je lève la tête pour reconnaître le visage amusé de mon cousin, Willy, médecin dans cet hôpital depuis qu’il a obtenu son diplôme il y a deux ans. Je laisse mon bras retomber le long de mon corps et l’observe, sentant les muscles de mon visage se détendre et mes yeux s’embuer.
— Lilibeth.
Je me jette dans les bras de mon cousin adoré, le serrant dans mes bras de toutes mes forces.
— Doucement, ma belle, sourit-il, à mi-chemin entre amusement et empathie.
— Jace au match… Le patin dans sa poitrine… Il est au bloc, et…
— Et en anglais, ça donne quoi, ma petite Lilibeth ?
Je lui donne un petit coup dans le torse, ce qui le fait rire. Il passe son doigt sous mon menton, me forçant à relever la tête.
— Ton frère va très bien. Je sors du bloc avec lui. Tout s’est très bien passé, ton frère est un dur. On s’est limités à une anesthésie locale, et permets-moi de te dire que ton frère est un véritable cauchemar sur le billard.
Je rigole, essuyant mes larmes d’un revers de la manche.
— Voilà qui est mieux. Tu es bien plus jolie lorsque tu ris. Tu peux aller le voir, chambre 218, au bout du couloir à droite. L’infirmière t’apportera les papiers de sortie.
Je souris et acquiesce, le remerciant. Je rejoins la chaise où j’étais assise plus tôt pour récupérer mon sac à main et jeter le gobelet de caféine. Je me tourne une dernière fois vers lui, lui adressant un grand sourire et un signe de la main, avant de prendre la direction de la chambre dans laquelle se repose Jace.
213… 215… 217… 219… Je ne suis clairement pas du bon côté. Je fais volteface et rejoins le couloir à l’opposé. 212… 214… 216… 218. La porte de la chambre est entrouverte et j’entends Jace discuter avec une infirmière. Je toque et pousse la porte, l’infirmière terminant de régler la perfusion de Jace.
— Mademoiselle Lockwood. Bonsoir.
— Bonsoir. Est-ce que je pourrais avoir les papiers, pour le faire sortir ?
Elle hausse les sourcils, se tournant vers Jace qui ne réagit pas et observe simplement la scène. Je dois avouer que la ressemblance entre Jace et moi est frappante en bien des aspects. Si l’on omet ma taille, et mon gabarit, bien entendu. Et il me semble que le bavard qu’est mon frère n’a pas spécifié que sa copie conforme allait arriver.
Elle finit par hocher la tête et quitte la chambre. Jace, qui se retenait jusque-là, finit par éclater de rire alors que je lui donne un coup de poing dans l’épaule.
— T’es trop con ! J’ai cru qu’elle allait faire une apoplexie, la pauvre femme !
— Eh ! C’était pas mon patin qui était planté dans ma poitrine, je te signale, et j’ai pas non plus demandé ce qu’il m’arrive, là !
Je grommelle quelque chose qu’il ne semble pas comprendre puisqu’il arque un sourcil, mais je ne prends pas la peine de répéter, m’asseyant sur le bord du lit.
— Que t’a dit l’infirmière ?
— Je serai libre demain, dans le matinée.
— J’ai toujours dit que le hockey était un sport dangereux.
Il lève les yeux au ciel, arrangeant la position de son dos contre la tête de lit pour être plus confortablement installé.
— Officiellement, l’accident n’est pas lié au hockey. Ensuite pour quelqu’un qui aime autant monter sur la glace et me mettre la misère, je te trouve plutôt mal placée pour parler, Elizabeth. Et ça ne sert à rien de me le répéter. Je n’arrêterai pas.
— Je le sais bien et je n’ai jamais dit le contraire. Mais ça aurait pu être beaucoup plus grave, Jace, et tu en as conscience.
— Tu sais bien que ce n’est pas pour autant que j’arrêterai. Et, si j’arrêtais, tu n’aurais plus d’aussi belles occasions de monter sur la glace ou de mater ce cher Ethan pendant mes entraînements.
Je lui donne un nouveau coup dans l’épaule, ce qui le fait râler. Mes yeux tombent ensuite sur sa poitrine. Les pansements sont cachés par la blouse d’hôpital hideuse qu’on l’a forcé à porter, mais les câbles dans lesquels circule l’anesthésiant pour la nuit ou je-ne-sais-quel-autre-produit laissent deviner l’emplacement exact de sa plaie.
— Ça fait mal ?
— Ça pique un peu. Mais je te l’ai dit, j’ai connu pire.
J’acquiesce, mais sans grande conviction.
— Je suis prudent. Tu le sais, Lilibeth.
— Oui, je sais. Mais… Jace, on est tout seuls. Si quelque chose de plus grave avait dû se passer, on aurait été tout seuls. Tu étais ici, en danger, et, moi, j’étais assise là-bas, impuissante. Si jamais ça s’était mal passé…
— Hey. Hey.
Ses mains chaudes viennent se poser sur mes joues, prenant mon visage en coupe. Il me sourit, passant ses doigts sur mes joues comme pour m’apaiser.
— Il en faut plus pour m’abattre, petite sœur ! Tu en veux une preuve ? Demande à l’infirmière que tu as terrorisée ! Au bloc, j’ai passé mon temps à raconter des blagues tout simplement… Hi. La. Rantes.
Je pouffe, essuyant mes joues. Ça ne me ressemble pas d’être aussi sensible et à fleur de peau. Mais j’ai eu mon trop plein d’émotions pour l’année, ce soir !
— Ça m’étonnerait. Elles ont ri pour te mettre à l’aise !
Il détache ses mains de mes joues, s’écartant pour me laisser de la place plus proche de lui. Il écarte les bras et je vais me nicher dans son étreinte, tout en faisant attention à ne pas appuyer sur sa blessure. Il dépose un baiser sur mon front en souriant.
— Nous deux, c’est à la vie, à la mort, Lilibeth.