Prologue
L'air était empreint de cette fraîcheur tiède propre aux débuts du printemps, quand les rayons du soleil se font encore timides mais déjà prometteurs. Une calèche avançait paisiblement sur le chemin menant à Londres, bercée par le rythme tranquille des sabots sur les pavés. Ce jour-là, la ville se préparait à s'animer : la saison mondaine de 1813 venait tout juste de commencer, avec son tourbillon de bals, de promenades et de convenances.
Installée à l'intérieur, je soupirai une nouvelle fois — sans doute la quinzième depuis notre départ de Clyvedon. Simon, comme toujours attentif à mes humeurs, grogna doucement. Il déteste quand je soupire plus de deux fois. Mais je n'y peux rien... mon esprit ne cesse de revenir sur une seule question : ai-je bien fait de venir ?
Loin de mes repères, de mes habitudes, de mes livres et de mes pages à moitié remplies, je doute. Je n'ai pu emporter que deux ouvrages pour ce long séjour londonien, et même si Daphné m'a juré que je pourrai en acheter d'autres à ma guise, cela ne suffit pas à apaiser mon cœur.
Je suis Léna Basset — ou, comme on me surnomme bien trop souvent : la petite sœur du duc de Hastings. Un titre qui impose, paraît-il. Un privilège, disent-ils. Pourtant, vivre dans l'ombre de mon frère aîné, c'est aussi entendre murmurer que je suis gâtée, privilégiée, chanceuse. Mais qui prend vraiment le temps de savoir qui je suis, au-delà de ce nom qu'ils vénèrent ?
Je lève les yeux de mon livre — que je ne lisais pas vraiment — et observe le paysage qui défile à travers la fenêtre. Londres se rapproche. Daphné me sourit, impatiente de retrouver notre famille. Amélia, ma chère petite nièce, dort contre elle, paisible. Je l'adore de tout mon cœur, même si ses nuits agitées me laissent encore la tête lourde rien qu'à y penser.
Je n'attends rien de cette saison. Vraiment. Je suis convaincue qu'elle sera la première... et la dernière.
Mais après tout, qui sait ce que Londres nous réserve ?