–Ewann–

Comme chaque soir, j'entre dans le bar en bas de chez moi.

Je m'accoude au comptoir et attends patiemment qu'un serveur daigne m'accorder un peu d'attention.

Quelques minutes s'écoulent, puis je peux enfin commander mon habituel bière au rhum.

Je n'avais jamais vu le garçon qui me sert ce soir. Je n'ai donc pas droit à des salutations. Cependant, je le remercie tout de même, comme je l'aurais fait avec les autres. Une fois ma boisson en main, je glisse ma carte de crédit dans la petite machine de payement, avant de rejoindre quelques amis qui se sont installés à notre table habituelle, proche du bar.

Je m'assieds sur l'un des tabourets libres une fois que je les ai tous brièvement salué.

La musique bas déjà son plein et les gens hurlent pour essayer de s'entendre.

Il est vingt-deux heures trente et quelques corps se déhanchent déjà, mais pas assez pour que la soirée commence réellement.

J'observe les personnes qui m'entourent, à la recherche de quelqu'un d'intéressant.

Mon regard finit par bloquer.

La rousse qui me fait face est là, comme chaque vendredi.

Cette fois-ci elle m'intrigue plus que d'habitude, son regard me semble mélancolique.

Mais son sourire radieux qui répond aux blagues de ses amies n'en laisse rien paraître. Ses yeux ne suivent pas, ils ne brillent pas. Ils sont comme éteints, mais elle prend la peine de faire bonne figure, son verre de Monaco à la main, se dépêchant d'en boire plusieurs gorgées, comme si le temps lui était plus précieux que jamais.

Les personnes avec qui je suis tentent d'entrer en contact avec moi, mais c'est comme si j'étais ailleurs, je fixe cette fille faire des allers-retours entre le bar et sa table.

Je l'observe s'enivrer petit à petit, jusqu'à ce qu'elle finisse par se laisser entraîner sur la piste de danse. Elle brille comme je n'ai jamais vu briller qui que ce soit.

Des hommes essaient évidemment de l'approcher mais elle s'en fiche, ne leur accorde aucune attention.

L'alcool faisant son effet, elle continue de chanter, rire et danser comme si elle était seule au monde.

Elle lâche prise et prend la peine d'être elle-même, ça se voit sur les traits de son visage, parce qu'elle rayonne comme je ne l'ai jamais vu rayonner au paravent.

Cette fois elle ne craint pas d'être qui elle est.

La musique la guide, la berce, ça gêne quelques personnes, mais aucune n'ose dire quelque chose, parce que tout le monde se retrouve émerveiller par la vie qui l'habite, et j'en suis le premier.

Un sourire bête s'affiche sur mon visage, je crois que je n'ai jamais été aussi heureux d'assister à un tel spectacle.

Mon cœur bat la chamade à l'intérieur de ma cage thoracique, c'est comme si un brasier prenait vie en moi, tandis que des applaudissements parviennent jusqu'à mes oreilles, j'ai l'impression d'être dans une autre dimension.

Nos regards se croisent alors subitement et ne se lâchent plus.

Le temps s'arrête.

Un frisson me parcourt, m'électrisant de la tête aux pieds.

Mon cœur explose et mon corps implose.

Nos âmes se rencontrent...