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Chapitre n°2

Dimanche, treize heures. Le moment qu’elle redoutait le plus était arrivé: les repas en famille. Non pas qu’Adèle haïssait sa famille, mais elle ne s’y sentait pas à l’aise, à l’exception de Bethany. Lorsqu’elle voyait ses parents, c’était toujours la même chose. Ils lui donnaient des directives, des conseils de vie comme ils les appelaient. Et surtout, ils prenaient des nouvelles de Ben, à qu’ils vouaient presque un culte. Depuis l’annonce de leurs fiançailles, Adèle n’était plus leur fille. Elle était la fiancée de Ben, ou la future Mme Rohan, rien à voir avec l’enfant qu’ils avaient élevé.

Un jour, elle leur criera qu’elle était bien plus que la fiancée de Ben. Adèle leur recrachera leur mépris au visage. Mais ce jour n’était pas encore arrivé.

— Comment se porte notre cher Ben?, questionna son père.

Sans lui laisser le temps de répondre, Bethany prit la parole.

— Papa, tu pourrais au moins lui demander comment elle va.

Le ton était lancé. La défense de sa sœur l’attendrit malgré tout. Sans plus de procédures, elle répondit sur le même calme habituel.

— Tout va très bien de son côté.

Oui, de son côté.

A peine eut-elle fini sa phrase que la mère de famille répliqua.

— Ma chérie, je suppose que tu as déjà été informée de la montée future de Ben au rang de directeur. Un petit pot est organisé à cet effet. Rien de bien spectaculaire, mais un bras à son coude ferait bonne figure ne penses-tu pas ?

Adèle posa son verre et lui adressa une réponse mécanique.

— Très bien.

La discussion, si l’on pouvait la qualifier de telle, changea de direction pour arriver à la porte de Bethany. La jeune fille jouait avec ses bracelets, tête baissée. Pendant un instant, Adèle la voyait enfant, prête à subir le courroux de son père.

— Quant à toi j’espère que tu prends cette année scolaire au sérieux. Nous visons une bonne école de commerce pour toi.

Adèle et sa mère se croisèrent du regard et retinrent leur souffle en anticipation. Mais à leur grande surprise, aucune explosion.

— Et vous savez que ce n’est pas la peine. Je m’inscrirai moi-même dans une école qui me correspond, affirma Bethany.

La réponse ne plût aucunement au chef de famille. Il frappa du point sur la table et haussa d’un ton pour mieux se faire entendre. Bethany tremblait de tous ses membres, mais garda la face. Cette conversation, ils l’avaient eu de nombreuses fois. Jamais elle ne s’était bien finie.

— Je t’ai déjà dit que je ne voulais plus entendre parler de tes bêtises. Recommencer ton année à cause d’une broutille a été suffisamment humiliant pour nous. N’en rajoute pas.

— Ma santé mentale n’est pas une broutille, protesta-t-elle.

— Nomme la comme bon te semble, tu as mieux à faire que de jouer à l’apprenti styliste.

Encore une fois, elle voulut rétorquer, mais impossible.

— Tais-toi maintenant !, gronda son père.

Alors c’était ce qu’elle fit. Bethany se tut et quitta la table. Si le grondement de son père ne résonnait pas encore, Adèle jurerait qu’elle avait entendu un sanglot.

Ni une ni deux, elle s’excusa brièvement et quitta la table à son tour. Adèle prit le chemin menant à la porte de sa sœur et s’empressa de toquer. Pas de réponse. Elle insista.

Puis une réponse étouffée se fit entendre de l’autre côté.

— Laisse-moi tranquille Adèle. Je n’ai pas besoin que tu me fasses la morale, grommela-t-elle.

L’aînée poussa la porte et se retrouva face à une Bethany enroulée de sa couette. Le choix de ses mots allait être crucial.

— Bethany, papa ne veut que ton bonheur. C’est ce qu’il veut pour nous tous.

La plus jeune laissa filer un rire, puis fixa sa sœur.

— Tu es heureuse toi ? Regarde moi dans les yeux et ose me dire que tu es heureuse.

Les mots restaient coincés dans sa gorge quand elle fit face au regard meurtri de la brune. Adèle se sentit piégée, le cœur lourd de ne pas avoir de réponse à une question pourtant si simple. Peu importe. Elle devait montrer l’exemple. Quel genre de modèle serait-elle sinon ?

— Je ne manque de rien.

La plus jeune leva les yeux au ciel avant de soupirer.

— Ce n’est pas parce que tu as choisi de vivre dans le déni de ta pauvre situation que je me souhaite la même chose.

C’en était trop. Les mots étaient durs, mais véridiques. Adèle était pauvre de liberté, pauvre d’envie, mais surtout pauvre d’amour. Elle n’aimait pas l’entendre. Plus que ça, elle ne voulait pas l’entendre. Alors le seul moyen de les faire taire était de recouvrir ces mots par sa propre voix.

— Arrête et grandis un peu Bethany ! D’autres rêveraient d’être à ta place, cesse donc tes plaintes !

La cadette resta figée face au ton employé par sa sœur. Elle pensait qu’Adèle la comprendrait. Ces phrases eurent l’effet d’un coup de poignard, provoquant la montée des larmes jusqu’à la limite de ses yeux. Une unique larme ruissela le long de sa joue.

— Sors, murmura-t-elle.

  En entrant dans son appartement, Adèle savait que quelque chose n’allait pas. Ses inquiétudes se confirmèrent quand elle alluma la lumière du salon. Elle se dirigea aussitôt vers sa chambre dont la porte était grande ouverte. Ses meubles avaient été déplacés, ses placards ouverts et son intimité violée. Ben était passé par là. En retournant dans le salon, elle aperçut même quelques bribes de verre provenant d’une photo encadrée.

  Elle prit la photo au cadre dorénavant brisé et soupira. C’était une photo d’elle et Ben, tous les deux habillés de manière élégante. Ils avaient assisté à un récital il y a quelques mois de cela. Trois mois pour être plus précis. Adèle en gardait un souvenir merveilleux. Le pianiste était talentueux, certes, mais elle n’avait pas prêté grande attention à son visage. C’est à peine si elle se souvenait d’un de ses traits. Tout ce dont elle se rappelait était ses doigts qui parcouraient le piano à la recherche de nouveaux sons. Elle se souvenait aussi de la sensation de ces ondes qui la traversaient.

Une pure merveille.

  Depuis cette fameuse soirée, Adèle n’avait plus ressentie un tel sentiment. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle elle avait décidé d’encadrer ce souvenir. Elle avait pensé à l’écrire, mais aucun mot ne correspondait.

  Elle déposa le cadre sur un meuble à proximité. Adèle s’occuperait du salon plus tard et commença par ranger sa chambre. La journée avait été chargée en émotion et elle n’avait qu’une seule envie: dormir. Mais en arrivant près de son lit, celui-ci était couvert d’objets en tous genres.

  — Qu’est ce qu’il cherchait?

Elle déplaçait une pile de feuilles qu’elle posa sur sa commode de nuit. Alors qu’elle cherchait à atteindre un cintre qui traînait non loin, ses yeux furent attirés par une petite boîte en cuir rouge.

  Elle l’attrapa les mains tremblantes et la gorge serrée. Son rythme cardiaque accéléra et une vague de nostalgie la submergea.

...

  — C’est encore loin Ben? Mes talons commencent sérieusement à me faire mal !

  — On y est!

Il lui retira le foulard qui avait servi de bandeau et l’invita à avancer en posant sa main dans le bas de son dos.

  Ce qu’Adèle n’avait pas remarqué était la petite boîte qu’il tenait dans son autre main. Inconsciente de ce qui était sur le point d’arriver, elle observait le paysage avec des étoiles dans les yeux. Ce voyage en Italie était de loin son préféré. Jamais elle n’aurait cru voir Le Jardin des Orangers de ses propres yeux. La brise laissait un léger frisson sur sa peau tandis que le coucher du soleil la réchauffait .

Sans se préoccuper de son conjoint, elle s’aventura dans le jardin, le sourire au lèvres.

   — Il y a tellement de décorations, remarqua Adèle dans sa contemplation. C’est le lieu idéal pour prendre des photos !

N’obtenant pas de réponses, la jeune fille se retourna.

  — Adèle, soupira Ben alors qu’il se rapprochait.

Elle lui souriait comme elle avait l’habitude de le faire. Avec amour, tendresse et admiration.

  — Adèle tu me connais, je suis franc et c’est pourquoi je vais aller droit au but.

Il prit une inspiration et se lança:

— Tu es celle qu’il me faut. Tu as tout ce que je recherche et même plus. Je te veux à mes côtés. Toi et pas une autre. Je n’aurais pas assez de mots pour décrire ce que je ressens pour toi.

  Il fit quelques pas de plus vers elle et posa un genou à terre.

   — Adèle Tania Eloïse Kéral, si tu le veux je ferai de toi la femme la plus heureuse sur cette Terre. Je n’ai qu’un désir, t’appartenir.

  Il prit une inspiration avant de finalement dire:

  — Veux-tu m’épouser et te tenir près de moi en tant que ma femme ?

  Pas un mot ne se formait dans son esprit pourtant si inspiré d’habitude. Le visage de son bien-aimé se brouillait à mesure que les larmes voilaient ses yeux. Adèle tremblait mais parvint tout de même à prononcer quelques mots avant de fondre en larmes dans les bras de son conjoint.

  — Je ne pouvais pas rêver mieux Ben.

 Le cœur d’Adèle battait d’un rythme anormal. Ce soir-là, sa vie a pris un nouveau tournant. Rien n’était plus important qu’eux.

...

Comme si toutes forces l’avaient quitté, Adèle s’effondra.

Comment en est-on arrivé là?

 L’air devint soudainement étouffant. Son visage s’empourpra alors qu’elle cherchait de l’air. Ce qui était au départ des gouttes salées ont tourné en torrents de larmes que rien ne pouvait arrêter. Adèle peinait à respirer, comme si quelqu’un ou quelque chose faisait pression sur sa gorge. Elle ne pouvait pas non plus crier, comme réduite au silence. Ses larmes résonnaient comme un appel à l’aide, mais personne n’était là pour les entendre.

  La jeune femme se leva, manqua de tomber mais se rattrapa au bord de son bureau. Elle tituba jusqu’à la salle de bain où elle se positionna devant son miroir.

  Elle tendit sa main vers sa trousse de secours, mais se stoppa.

  Puis dans un élan de rage elle finit par l’ouvrir et en sortit une petite fiole dans un pochon bleu. Elle ne perdit pas de temps et versa abondement le liquide dans sa bouche avant de tout avaler d’une traite.

  Le corps toujours tremblant, elle regagna sa chambre et se laissa tomber sur son lit. Je rangerai demain.

Il existe encore certains mots bien beaux utilisés de manière si vulgaire. Je vous parle de ces mots qui ont perdu de leur valeur. Ces mots qui au fil du temps ne sonnent plus de la même manière. Ces mêmes mots qui pourtant sont encore utilisés par beaucoup.

Il me manque le temps où les mots n’avaient qu’une signification.

Le temps où ils étaient sincères. Le temps où certains mots ne cherchaient pas à posséder le sens et l’identité d’autres.

Certains diront « Retire les simplement de ton vocabulaire ! » tandis que d’autres me diront « Rien ne t’oblige à les écouter, tu n’es pas obligée de les confronter ».

Eh bien oui, ils ont sans doute raison.

Mais que diraient-ils s’il ne s’agissait même pas d’une confrontation. Que feraient-ils si on leur arrachait ce droit si précieux qu’est l’expression ?

Les temps changent, les mots avec.

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