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Themisshunger
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Chapitre 2

Diverses raisons ont motivé ma démarche, un jour, aux portes du Palace, là où j'ai demandé du travail en ayant parfaitement conscience de ce qui s'y déroulait.

Au bout d’une immense impasse, il y a un orphelinat connu de quelques hommes et femmes qui ne veulent plus s'occuper de leur progéniture. Le bâtiment est modeste, pas plus haut qu'une maison mitoyenne ordinaire et dépourvu de chauffage ou d'isolation. Il accueille les enfants abandonnés par leurs parents. On nous trimballe, parfois de famille en famille, ou simplement cloîtrés dans de minuscules chambres dortoirs, jusqu'à notre majorité.

Ensuite, lorsque arrive le jour fatidique, on referme le modeste sac en plastique contenant deux ou trois vêtements et on se fait jeter dehors. La directrice offre des chaussettes trouées pour protéger les mains du froid et de la neige pour ceux nés en hiver. Elle dit : "Bon vent, bonne route et bon voyage dans le monde des adultes." mais pense “pourvut qu’ils ne reviennent jamais.”

De l'autre côté de l'impasse, le bâtiment le plus saisissant et imposant n'est ni une école ni un centre d’aide.

C'est le Palace.

Une discothèque, une boîte de strip-tease, un repère à junkies proposant toutes sortes de drogues.

À cette époque, le choix est vite fait. Il me faut un endroit où dormir et gagner ma vie le plus rapidement possible. J’opte pour le plus court, le plus rapide. Un endroit où je n’ai pas à marcher des heures dans la neige et où j’ai, pour sûr, une chance de trouver du travail.

"Qu'est-ce que je te sers à boire, Parker ?" demande le barman en essuyant un verre avec son vieux chiffon.

L'endroit est encore calme. Pas un chat ne vient se frotter aux souris en après-midi. Le Palace s'éveille doucement, attendant ses premiers clients qui ne tarderont pas à arriver une fois la nuit tombée.

Suite à la soirée d'hier qui a viré au cauchemar et la remontrance que Nikolas s'est prise par ma faute, j'ai, à juste titre, le moral dans les chaussettes.

"Rien, merci."

Mon corps quitte immédiatement le rebord en bois du bar lorsque le corps imposant de Nikolas passe la porte d’entrée. Merde. Il se dirige directement vers les locaux réservés aux personnels et je le suis silencieusement, espérant obtenir un résumé de son rendez-vous avec Monsieur M.

Entrant tour à tour dans le petit salon, une pièce miteuse aménagée pour que chacun puisse se reposer ou s'asseoir, il attrape la trousse de soin et me la balance dans les mains. Son regard suffit pour que je m'attelle au travail sans dire un mot.

"T'aurais pas pu courir plus vite…" grogne-t-il quand je lui passe un coton sur sa lèvre sanglante et boursouflé. "Au moins te débrouiller pour ne pas tout foutre en l'air," ajoute-t-il d'un air désespéré.

"Le patron est vraiment en colère ?" Je demande en appliquant une crème à l'odeur douteuse. "Désolée, j'ai vraiment merdé."

Sa main arrête celle qui allait lui mettre le pansement et il plonge son regard dans le mien. Il n'y a rien de méchant là-dedans. Je le sais depuis longtemps. C’est sa façon à lui de dire qu'il s'est inquiété et qu'il veut que je fasse mieux pour ne pas décevoir Monsieur M. Je suis sous leur protection après tout.

"Ce n'est pas à moi que tu devrais t'excuser." Il appuie ses mots. "Il t’a sauvé la vie," conclut-il en me relâchant.

"Parker."

La voix de mon sauveur s'élève depuis la porte, d’où il observe le spectacle depuis une durée inconnue. Il s'est adossé à l'encadrement de celle-ci et fixe nos deux corps assis sur le canapé.

"Monsieur ?"

Ma voix trahit le stress et l'angoisse qui me prend à chaque fois que nous sommes dans la même pièce. C'est inévitable. Pourtant, combien de fois m'a-t-il sorti des pires galères ? Combien de fois est-il arrivé in extremis au bon moment, au bon endroit, sans jamais rien dire ?

"Dans mon bureau, maintenant."

Il tient la porte pour me laisser passer et n'oubli pas de me faire sentir sa présence dans mon dos à chaque pas jusqu'à son bureau. Comme si sa carrure collait à mon dos, moulant le moindre de mes mouvements. Comme si c’était possible de fusionner.

Il resta ainsi, à contempler l'arrière de ma nuque, sans prononcer quoi que ce soit.

"Est-ce que tu ne te plais pas ici ?" demande-t-il finalement en soufflant un air chaud qui me fait frissonner. "Y a-t-il quelqu'un ou quelque chose qui te met mal à l'aise ?"

Sa voix grince en tombant dans les graves. Ses paroles sont comme des couteaux aiguisés, prêts à tomber sur n'importe quel nom sortirait de ma bouche.

Vous.

"Non, Monsieur. Je n'ai pas de problème, avec personne."

Je me retourne, tombant nez à nez avec lui, tellement proche qu'il est difficile de comprendre comment deux personnes peuvent être aussi près sans véritablement l'être.

"Je voulais m'excuser pour hier. Ça ne se reproduira plus," j’assure en ne détournant pas le regard du sien.

Je sais qu’il veut m’intimider. Je sais que tout le monde doit détourner le regard et baisser les yeux. Je sais aussi qu’il ne va rien dire et se contenter de me regarder désobéir sans me punir.

"Je sais." conclut-il.

Étrangement il y a toujours, et sans que je sache pourquoi, une partie de ses réponses qui espèrent, essoufflées, que je me trompe. Désire-t-il vraiment me sauver de son propre gang, ou a-t-il simplement l'horrible regret de m'avoir accepté cinq ans auparavant dans son organisation.

"Demain," dit-il en serrant les mains pour refréner je-ne-sais quelle pensée, "Tu seras en mission avec Marcus, je veux que vous vérifiiez l'arrivée au port."

"Marcus ? Encore ? Mais d'habitude je suis avec Nikolas pour ce genre de-"

Impossible de finir ma phrase. Son corps a, dans un mouvement très peu réfréné, poussé le mien contre le bureau et emporté mon visage dans sa main. Il inspecte minutieusement toutes mes réactions en empoignant mon poignet sans oser dire ce qui lui pend sur le bout des lèvres.

C’est imminent. Encore un peu et il va craquer.

"Je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu," murmure-t-il en gardant cet air intouchable.

C'est insistant, déplorable de sa part. Mais qui suis-je pour lui reprocher quoi que ce soit ? Je suis incapable de répondre autre chose que, "Oui, patron," en acquiesçant doucement, fixant un point invisible sur le mur derrière lui.

C'est la première fois qu’il me touche. C’est aussi la première fois que je le vois perdre le contrôle de ses gestes. La froideur de sa paume, embrassant le bas de mon visage ne me permet pas de réfléchir correctement à ce qui est en train de se passer. Simplement de me laisser faire et de suivre le mouvement sans comprendre ce qui peut se passer dans sa tête.

Mais rien de tout cela n’a de sens ce soir. Pas plus que sa réaction ou son entêtement à me mettre avec Marcus pour des missions habituellement faites avec son bras droit.

"Parker ?" une voix coupe toutes les interactions.

Il me lâche rapidement, laissant une trace indélébile et invisible qui ne partira pas.

"On t'attend pour faire la surveillance des tables," indique-t-il en se décalant pour me laisser passer.

Sa présence éteint toutes les lumières et m'empêche de me repérer, même sous une lampe minable. La lumière revint quand il se pousse et j’aperçois le petit corps du barman qui attend que je le rejoigne.

"J'arrive.”

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