Le vide après elle….
L’étouffement…
Ce sentiment avec lequel je me lève tous les matins.
Je dois reconnaître que c’est affligeant de me rendre compte qu’elle n’est plus là…
Son parfum… ses messages sur l’oreiller ont été remplacé par ce silence pesant.
Depuis son départ, mes journées se ressemblent toutes : des rendez-vous, de faux sourires et des discussions sans intérêt. C’est une vie bien remplie, mais vide de ses plaisirs.
C’est dans ces moments-là que les “amis” puissants commencent à observer le moindre signe de faiblesse et finissent par voir en moi un héritier fragile, fêlé, trop abîmé pour inspirer confiance. Convaincu qu’après le prochain contrat signé, ma peine disparaîtra….
Ces gens-là ne me connaissent tout simplement pas.
Mardi 14 janvier - seize heure
Paris, 18e arrondissement, Maison Steinberg, étage 6 - Bureau du directeur
A chaque fois, je suis sous le choc de la vue que possède mon bureau.
Le seul endroit où le silence fait un écho face à ce panorama parfait, froid, avec ces vitres teintées et des meubles trop chers pour pouvoir considérer comme classiques.
Ces trois entreprises que j’ai bâties loin du contrôle de ma famille… Cet endroit où, pour une fois, je suis maître de mes choix. La pression professionnellee est toujours au rendez-vous. Mais je dois garder le cap, innover, convaincre, tout en restant fidèle à mes valeurs.
Tandis que la pression familiale se fait moins sourde.
— Julian, tu fais partie de la famille Steinberg. D’accord ou pas, tu devras l’accepter et t’y confronter.
Les paroles de mon père me rappellent, comme toujours, mon héritage familial.
Entre mon envie d’indépendance et les traditions forcées, le fil deviens fragile de jour en jour. Alors que j’observe la ville, assis sur mon fauteuil. Mon esprit se laisse emporter par les moments partagés avec Isabella, me ramenant à ce passé que j’ai tenté de fuir, mais qui continue toujours de me hanter.
Je me souviens encore de ce jour où elle avait glissé sa main dans la mienne pour la première fois.
Le jardin de ses parents brillait d’une lumière dorée, Isabella riait de tout et de rien, un de ces rires qui faisaient oublier le monde autour. C’était avant que tout ne se complique, avant que les promesses et les regards commencent à devenir à peine crédible. Je me revois, adolescent, assis à ses côtés à l’écouter parler de New York et de ses rêves.
J’y croyais. À nous.
Elle était cruelle parfois, mais terriblement vivante. Et moi, je m’accrochais à chaque mot, même ceux qu’elle ne disait pas. Je la regardais comme on regarde une étoile. Le souvenir de ses doigts sur ma joue quand elle me disait “Je t’aime” sans vraiment que je sache si elle le pensait ou si c’était encore un rôle qu’Isabella prenait.
Mais à l’époque, j’étais prêt à prendre ce que je pouvais parce qu’elle était la meilleure chose qui me soit jamais arrivée.
Je croyais que l’amour, c’était ça. La chose la plus douloureuse, mais dont je ne pouvais me détacher. Avec elle, chaque moment, chaque geste et chaque baiser était calculé. Et malgré tout…
Je restais.
J’idéalisais ce que nous étions.
Ou plutôt… ce que j’aurais voulu que nous soyons.
— Monsieur Steinberg ?
La voix douce et familière de mon assistante me sort brutalement de mes pensées. Je cligne des yeux encore pris dans le parfum invisible de souvenirs que j’avais cru avoir oubliés.
Elle se tient à là devant la porte, un léger sourire aux lèvres et son téléphone à la main.
— Excusez-moi… Encore entrain de rêver
— Ce n’est rien. Je vous écoute. répondis-je avec un bref sourire sans aucune chaleur, me redressant lentement.
— Votre mère a envoyé un message. Elle voulait juste confirmer que vous viendrez bien dîner ce soir. “À 20h pile, pas une minute de retard, Julian”, a-t-elle écrit. Elle a même ajouté un cœur.
— Je serai à l’heure, dis-je en hochant la tête. Merci.
Ma mère et ses messages… Toujours attentionnée, même dans ses exigences.
Elle sourit à son tour, puis referme la porte en silence. Ce soir, je dînerai avec elle. Peut-être que parler de tout et de rien autour d’un plat chaud me fera du bien. Peut-être….Ou peut-être pas.
Mais au moins, ce sera une pause. Une respiration.
Je sors de mon bâtiment sans un mot, mon chauffeur m’attend comme toujours, moteur allumé, silencieux.
Je monte à l’arrière, referme la portière.
— Déposez-moi au Trocadéro.
Il hoche la tête.
Les rues sont pleines mais vides à la fois.
Quelques minutes plus tard, je suis là…. Face à elle…. La Tour Eiffel.
Je marche jusqu’à la terrasse du Café, prends place à une table et commande ce que je viens chercher, un café… et du silence.
Les couples passent. Des rires éclatent. Des doigts s’entrelacent.
Et moi… je regarde me demandant à quoi ressemblerait ma vie si j’avais su dire non.
À elle…
À tout ce qu’elle représentait.
Je n’ai même pas besoin de lever les yeux pour reconnaître la personne qui s’approchait de moi.
— Tu es vraiment la personne la plus prévisible que je connaisse, Julian.
Sa voix… Je la reconnaîtrais entre mille.
Max s’installe sans invitation et m’observe.
— Tu sais que c’est à cause de toi si je suis sorti ce soir ?
— Y a une fête ce soir. J’y serai. Et devine quoi ? Toi aussi.
Je tourne la tête, les yeux encore perdus dans le scintillement de la Dame de Fer.
— Max…
— Parce tu commences à te transformer en une jolie statue que l’on dévisagerait presque par son manque de couleur.
Un silence. Puis un sourire en coin se dessine sur mes lèvres.
Max sait toujours comment frapper juste.
— D’accord.
— Voilà.
Il se lève, satisfait.
— On y va à deux. Je passe te prendre.
Il s’éloigne comme il est venu, me laissant seul… Et une invitation qui allait changer le reste de mon histoire.
Je jette un dernier regard à la Seine et au reflet des lumière dans l’eau… Puis je sors mon téléphone.
— Raphaël ? Ramenez-moi au bureau. Vous pouvez prendre votre après-midi après ça.
— Bien reçu.
Le trajet se fait en silence. Pas un mot, juste les bruits de la ville, les voitures, les klaxons étouffés
— On est arrivé, monsieur.
Je hoche simplement la tête, ouvre la portière et referme derrière moi.
Je reste là...
Face à l’imposant bâtiment que j’ai bâti de mes mains
Puis, sans un mot, je tourne les talons…
Et je rentre seul.