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RomaneLarra
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CHAPITRE 1 : Bienvenue à Merrydale

Le campus s’étendait devant elle comme un décor de cinéma trop bien éclairé. Pelouses taillées au millimètre, bâtiments en briques rouges bordés de fenêtres blanches, bancs en fer forgé, statues d’anciens doyens figés dans des poses sérieuses. Tout semblait propre. Lisse. Formel. Skyler se tenait là, au milieu de cette perfection étouffante, son sac en toile sur l’épaule et ses chaussures déjà poussiéreuses. Elle détonait. Et elle le savait. Ses jeans trop larges, sa veste en jean élimée, et son air de fille qui n’avait pas dormi depuis trois jours ne correspondaient pas exactement à l’image des étudiantes de Merrydale. Mais elle s’en fichait. Du moins, c’est ce qu’elle se répétait.

Elle traversa la cour principale, tentant d’ignorer les regards curieux. Deux filles en robe pastel gloussèrent en la croisant.

Un groupe de garçons, probablement des membres d’une fraternité, chuchotait en consultant une liste sur un iPad. Elle sentit leurs yeux glisser sur elle. Skyler accéléra le pas. Elle avait passé la veille à l’hôtel miteux le plus proche, trop nerveuse pour rejoindre la maison Alpha avant l’heure exacte indiquée. Et maintenant qu’elle était officiellement admise, elle n’avait qu’une envie : que cette journée s’arrête. Ou mieux, qu’elle n’ait jamais commencé. Mais quelque chose la poussait en avant. Un instinct, une certitude, elle n’était pas venue là par hasard.

Le bâtiment Alpha Delta Theta apparaissait à la croisée de deux chemins bordés d’arbres. De près, il était encore plus intimidant que la veille. Un manoir déguisé en résidence étudiante. Deux immenses colonnes soutenaient le porche d’entrée. Des lanternes noires, encore éteintes, étaient suspendues au-dessus de la porte. Une rangée de fenêtres parfaitement alignées gardait un silence rigide. On aurait dit qu’elles observaient sans jamais cligner.

Skyler monta les marches lentement. La porte s’ouvrit avant qu’elle n’ait pu frapper.

— Skyler Hart ? Une jeune femme l’observait, debout dans l’encadrement.

Robe blanche boutonnée jusqu’au col, cheveux tirés en chignon parfait, regard neutre mais pas vide. Juste… calme. Contrôlé.

— C’est moi.

La fille s’écarta.

— Je suis Callie. Bienvenue dans ta nouvelle maison.

Skyler entra, le cœur battant.

Le hall était identique à la veille, mais la lumière semblait différente. Plus vive. Trop propre. Chaque détail brillait comme dans une vitrine. Un tapis couleur sang serpentait jusqu’à un escalier en bois verni, dont les marches grincèrent dès qu’elle posa le pied dessus.

— Ta chambre est au troisième étage. Tu es dans l’aile ouest.

— Je suis seule ?

Callie haussa les épaules.

— Pour l’instant. Certaines sœurs préfèrent avoir une chambre isolée. On verra si tu le mérites.

Skyler fronça les sourcils, mais ne dit rien.

"Si je le mérite." Ce n’était pas une phrase anodine. Et Callie le savait.

La chambre était sobre, mais élégante.
Un lit simple à baldaquin, un bureau en acajou, une armoire ancienne, une petite fenêtre donnant sur l’arrière de la maison. Et là, posée sur le lit : une boîte noire, carrée, avec un nœud d’un rouge presque brun. Skyler s’approcha, hésitante. Elle l’ouvrit.

À l’intérieur : une robe blanche, identique à celle que portait Callie, une paire de gants en satin, et un masque noir. Pas un masque de carnaval. Un masque sans expression. Sans yeux. Et un mot :

"Ce soir. Minuit. Ne pose pas de questions."

Elle resta un long moment assise sur le bord du lit, le masque entre les mains.
La lumière de fin de journée glissait sur le parquet, dessinant des ombres fines. Dehors, des rires s’élevaient, des voix de filles qui se saluaient, s’appelaient. Mais à l’intérieur, tout était figé. Comme si la maison retenait sa respiration. Et c’est là qu’elle le vit. À travers la fenêtre entrouverte. De l’autre côté du jardin, derrière le grillage séparant la maison Alpha d’un autre bâtiment, un garçon la regardait. Jeune, grand, silhouette athlétique. Il était adossé à un mur, bras croisés. Veste en cuir noir, regard sombre. Et il souriait. Pas un sourire moqueur. Un sourire curieux. Intrigué. Comme s’il la reconnaissait. Skyler détourna les yeux. Mais son cœur, lui, avait déjà noté sa présence.

Le temps avait ralenti. Skyler était allongée sur son lit, encore vêtue de sa robe blanche. Elle n’osait pas dormir. À travers le tissu fin, sa peau frissonnait, non pas de froid, mais d’un sentiment plus diffus. Un mélange d’appréhension et d’excitation.

Le masque noir reposait sur la table de chevet, son regard vide tourné vers elle. Elle l’observait en silence.

“Minuit.”

Elle avait vérifié l’heure une dizaine de fois.
Les aiguilles approchaient lentement. Trop lentement.

À 23h56, elle se leva.

Elle enfila les gants, attacha ses cheveux en une queue de cheval basse, et posa le masque sur son visage. Il était lourd, plus lourd qu’il n’y paraissait. Et il sentait… le bois. Le métal. Et autre chose encore. Une odeur âcre, familière, dérangeante.

Elle descendit les escaliers à pas feutrés.
Les marches gémissaient sous ses pieds. Le hall était plongé dans la pénombre, seulement éclairé par une série de bougies alignées au sol, formant un chemin jusqu’à une porte arrière qu’elle n’avait jamais remarquée. Elle hésita. Puis avança. Derrière la porte, un long couloir. Puis des marches en pierre, qui descendaient.
Une cave ? Un sous-sol ? Un passage secret ?

Elle ne savait pas. Elle descendit. La lumière vacillait. Le silence devenait pesant. Et au fur et à mesure qu’elle s’enfonçait dans l’ombre, un son apparut.

Un murmure. Puis un autre. Des voix, douces, synchronisées. Un chant ? Une prière ? Des mots en latin. En grec peut-être. Ou dans une langue qu’elle n’avait jamais entendue. Au bout du couloir, une porte entrouverte. Elle la poussa.

La pièce était circulaire. Des bougies posées sur des piliers de pierre. Au centre, un cercle noir dessiné au sol. Et à l’intérieur, huit silhouettes, toutes masquées comme elle, en robe blanche. Elles se tournèrent lentement vers elle, comme si on avait répété cette chorégraphie. Callie s’avança, sa voix claire et sans émotion.

— Skyler Hart, tu es entrée sans frapper.

— Je… je ne savais pas…

— Ce qui est interdit doit être désiré. Ce qui est désiré doit être protégé.

Les autres répétèrent la phrase à voix basse.

— Es-tu prête à protéger ce que tu ignores ? À porter la marque invisible ? À voir ce que d’autres préfèrent fuir ?

Skyler sentit son cœur cogner contre ses côtes. Elle ne répondit pas. Mais elle ne recula pas non plus. Callie s’approcha, tendant une petite boîte noire. Skyler la prit, l’ouvrit.

À l’intérieur : une bague en argent, sobre, gravée d’un symbole qu’elle ne reconnaissait pas un triangle inversé traversé par une ligne.

— Ce n’est pas un bijou, dit Callie. C’est un serment.

Skyler hocha lentement la tête. Et enfila la bague. Un murmure s’éleva dans la pièce. Un souffle soudain. Comme si la pièce avait respiré. Puis… tout s’éteignit. Les bougies. Les voix. Le cercle. Et Skyler se retrouva seule, dans le noir, la bague glacée contre sa peau. Quand elle remonta dans sa chambre, les lumières du couloir étaient revenues. Mais une sensation étrange l’accompagnait. Quelque chose en elle avait changé. Ou peut-être que la maison avait commencé à la changer. Elle s’arrêta devant sa porte. Quelqu’un avait glissé une feuille sous la porte. Elle la ramassa. Un mot écrit à la main, à l’encre noire. Une écriture inconnue.

“Je t’ai vue cette nuit.”

“Tu ne devrais pas être ici.”

Elle recula d’un pas, le souffle coupé. Elle ouvrit la porte, se retourna, regarda autour d’elle. Le couloir était vide. Mais elle savait, elle sentait : quelqu’un l’observait. Et elle pensa à lui.

Au garçon à la veste noire, de l’autre côté du jardin, au sourire trop calme pour être anodin.

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