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Les messages anonymes en ligne, un pur bonheur. Maude n'avait pas honte de ces opinions mais l'image est un truc primordial, ça vous définit, ça vous donne du pouvoir. Alors Insta, c'était pour les storys, pour être la meuf populaire que tout le monde voulait approcher, et le forum de la fac, c'était pour les rumeurs, le trouble, l'anonymat, pour être Velvet.
Elle était un électron libre au milieu de cette fourmilière immense, et non la meuf que tout le monde connaissait, la brune avec son maquillage impeccable et sa franchise tranchante, celle qu'on remarque dès qu'elle entre dans une pièce. Elle aimait jouer la spectatrice, contrairement à sa nature spontanément impétueuse, se contentant de survoler cet épanchement de sentiments, de « débats » qui ressemblaient plus à un mur Facebook nouvelle génération qu'à un vrai espace de discussion entre étudiants. Elle qui n'hésitait jamais à utiliser sa langue comme une dague, tranchante, intransigeante, grossière même, quand certains ne l'aimaient que quand elle se contentait de sourire.
Mais depuis la rentrée, les posts de quelqu'un semblaient se démarquer des autres, avec beaucoup de commentaires, des phrases construites, c'était inhabituel.
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Veritas : "La Vérité a-elle encore une valeur ?"
Aujourd'hui, une affirmation n'a pas besoin d'être vraie pour être adoptée. Il suffit qu'elle soit partagée par assez de monde, qu'elle suscite une réaction, qu'elle alimente une narration séduisante.
Les faits sont devenus secondaires. Ce qui compte, c'est d'avoir une position, une indignation, un avis tranché. L'émotion domine la réflexion, et celui qui exige de la rigueur est immédiatement perçu comme arrogant ou déconnecté.
Alors je pose la question : la vérité a-t-elle encore une place dans ce monde ?
À ceux qui répondront, je n'attends pas d'émotion. Seulement des arguments.
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Veritas ? Tranchant, énigmatique, un style qui lui plaisait.
Sa curiosité était irrémédiablement attirée par une chose : qui était derrière ces lignes si audacieuses et si assurées. Elle connaissait tout le monde de vue sur ce campus, car elle était à tous les évènements, fréquentait presque tous les cercles, et elle avait une très bonne mémoire des visages. Ce campus n'était pas très grand après tout, mais elle devait s'avouer que, là, elle n'avait aucune idée de qui il pouvait être.
La plupart des gens sont faciles à démasquer en ligne : une expression, une photo, un lien qui, en creusant un peu, permet de savoir qui est derrière un pseudo. Mais Veritas savait couvrir ses traces et il ne laissait aucune information personnelle, jamais, aucun détail pour le différencier d'un autre étudiant.
La vie de Maude était loin de tous ces débats philosophiques à la con. Elle préférait les soirées, le frisson, vivre tout sans se poser de questions. Et ce soir-là, justement, un groupe d'amies donnait une fête dans leur résidence.
Les résidences étudiantes étaient souvent transformées en soirées improvisées sur ce campus ; il fallait juste savoir parler à certains membres de la sécurité et, après quelques négociations subtiles et quelques sachets échangés, la fête était "autorisée". Cela n'empêchait pas les dérapages, les exclusions et même parfois l'intervention des flics. Mais c'était là le frisson des soirées interdites.
La brune brillait littéralement au milieu de la piste de danse dans son ensemble bleu cobalt qui scintillait sous les lumières tamisées. Elle dansait sans retenue, flirtait un peu avec plusieurs garçons sans intérêt, mais rien d'inhabituel dans le bordel de ces soirées, dans le chaos ordonné de sa vie d'étudiante.
Et puis, alors qu'elle se servait une bière dans un gobelet, elle aperçut un mec assis dans un fauteuil qui lisait un livre, — « lire dans une soirée interdite ?»
Elle plissa les yeux, détaillant ce mec qui ne dansait pas, qui n'avait même pas de verre à la main, et elle reconnut ces boucles brunes désordonnées, cette attitude détachée : Paul ?
C'était le meilleur ami de Jack, l'ex d'une de ses amies. Elle avait déjà traîné avec lui, sûrement, mais elle ne pensait pas le voir ici. Ce mec toujours dans le fond du tableau, qui semblait toujours plongé dans ses pensées, qui ne parlait jamais pour ne rien dire, comme s'il ne laissait jamais rien au hasard.
Jack avait dû le traîner ici, car il ne semblait pas ravi d'être là. Maude chercha le compagnon de soirée de Paul du regard, mais elle ne constata pas sa présence. Quand soudain, ces yeux couleur de miel rencontrèrent les siens. Il avait détourné son attention de son livre, à peine quelques secondes, imperturbable, neutre. Il constata que Maude l'observait pendant quelques secondes, sans émettre aucune réaction, soutenant le regard de la brune, avant de reporter presque aussitôt son attention sur son livre. L'attitude désinvolte de Paul la fit sourire, et elle s'approcha de lui, sa curiosité piquée.
— Hey, Paul. T'as perdu ton cavalier ?
Paul leva les yeux vers elle, un peu surpris par l'interruption de sa solitude. Il répondit brièvement, pas vraiment intéressé par cette conversation vide :
— Ouais, quelque chose comme ça.
Maude, un peu trop distraite par le reste de la soirée, ne sembla pas chercher plus loin. Elle souriait un peu plus et se détourna déjà, son attention attirée par un autre garçon qui l'invitait à danser.
— Amuse toi bien, beau gosse.
Paul resta là, un peu déconcerté par la brièveté de l'échange. Il l'observa se fondre à nouveau dans la foule. Pas un mot de plus, pas de regard en arrière, pas un geste qui l'ait vraiment impliquée envers lui. Tout cela semblait presque automatique pour elle.
Le garçon qui l'avait invitée à danser, c'était son mec, Noah. Très grand, populaire, dans l'équipe de foot, le cliché classique. Ils étaient ce genre de couples insupportables qui se faisaient la guerre en permanence sans retenue, mais qui finissaient par se remettre ensemble à chaque fois.
Maude était attachée à lui malgré elle ; cela faisait si longtemps qu'il était dans son monde. Mais depuis quelques semaines, elle sentait une distance entre eux.
Elle, lassée de leur jeu après deux ans de répétition, avait trop joué, trop pleuré, trop donné.
Lui était bizarre ces derniers temps ; d'habitude le premier à se prendre la tête pour rien, il était trop calme, et calme, ce n'était pas Noah. Elle en venait même à le provoquer, comme pour s'assurer qu'elle n'était pas folle, qu'il était toujours celui qu'elle connaissait. Elle était persuadée qu'il cachait quelque chose. Une culpabilité qui l'obligeait à jouer le gentil, le petit ami parfait, pour se racheter.
Ça ne serait pas la première fois ; il lui avait déjà caché des trucs, il lui avait déjà menti, mais ça ne durait jamais bien longtemps avant qu'il ne craque dans une dispute et lui balance tout.
Mais là, on parlait de semaines, de semaines avec un Noah qu'elle ne reconnaissait plus.
Elle se surprenait parfois à vouloir écrire sur le forum, mais elle se ravisait à chaque fois. Il serait trop évident de la relier à un post sur un mec toxique, grand, dans l'équipe de foot, et qui la trompait régulièrement. Pour elle, tout le monde saurait de qui elle voulait parler, et elle ne voulait pas exposer ses sentiments en public. Pas comme ça, pas à cause de lui ; ça lui ferait trop plaisir de voir ses failles.
L'alcool commençait à faire effet, et elle avait décidé de laisser Noah avec ses potes. Tolérer sa présence devenait de plus en plus désespérant chaque jour, et ne parlons même pas des « potes de Noah » — un commentaire : écœurant.
Quelque chose lui manquait, le frisson, se sentir vivante. Se disputer avec son mec était devenu banal, trop prévisible. Oui, elle avait déjà trompé Noah, mais ça ne lui faisait plus rien. Certes, c'était marrant au début, mais c'était vraiment trop facile, et puis chaque mec la dégoûtait un peu plus à chaque fois. Elle cherchait une distraction, quelque chose qui la ferait vibrer à nouveau, mais quoi ?
C'était sous un escalier, adossée contre un mur, qu'elle ouvrit une discussion privée avec Veritas sur le forum de la fac — oui, juste comme ça. Même elle ne savait pas pourquoi elle faisait ça, mais Maude ne réfléchissait que quand c'était nécessaire, et là, c'était très impulsif — du pur Maude.
Velvet → Tu sais, je suis curieuse... J'aimerais en savoir plus sur toi, Veritas
Pas un « Bonsoir », pas un « coucou » ; Maude voulait parler sans passer par les schémas habituels de la politesse. Visiblement, ça ne dérangea pas Veritas, qui lui avait répondu quasi instantanément.
Veritas → Pourquoi cette soudaine curiosité ?
Velvet → Tu n'aimes pas ma curiosité ?
Veritas → J'aime la curiosité quand elle est accompagnée de quelque chose de plus substantiel que des questions vides.
Velvet → Tu trouves ma curiosité vide de sens ?
Veritas → Disons que j'attends plus d'un entretien privé qu'une simple curiosité sur moi. Que cherches-tu vraiment, Velvet ?
Velvet → Et si je te dis que je n'en sais rien ? Que c'est mon instinct qui m'a donné envie de t'écrire comme il m'a donné envie de boire ce soir, ou de danser ?
Veritas → Donc, tu admets que tu agis impulsivement, sans vraiment réfléchir ?
Velvet → Tu n'as jamais rien fait d'impulsif ?
Veritas → J'ai mes moments. Mais en général, j'essaie de garder la tête froide. Surtout lorsque je discute avec des inconnus.
OK, là, il avait raison, elle devait l'admettre, mais ça la fit sourire derrière son écran.
Velvet → Touchée
Veritas → Ça explique peut-être ton penchant pour l'impulsivité.
Il parlait vraiment du fait qu'elle était une femme ? Elle, qui voulait juste lui révéler subtilement cette information, ne s'attendait clairement pas à ce genre de réponse.
Velvet → C'est misogyne ça
Veritas → Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais juste souligner que... les femmes sont parfois plus intuitives et agissent en accord avec leurs émotions.
Velvet → Parce que les hommes eux sont de pur produit de réflexion ? Excuse-moi mais la plupart des individus masculins dans mon champ de vision sont de purs animaux actuellement
Veritas → Alors, c'est donc ça. Tu es à une soirée et tu t'ennuies, c'est pour ça que tu cherches à me parler ?
Velvet → Tu n'as aucune preuve.
Veritas → Dis-moi, comment se déroule cette soirée ?
Velvet → Parce que toi tu n'es pas à LA première soirée de l'année ? Bizarre
Veritas → Bien sûr que je suis là. Quelle question. Mais, je préfère largement cette conversation par messages que cette une soirée bruyante remplie de gens ivres et superficiels.
Velvet → 👀
Veritas → Ne reste pas choquée devant ton écran. Dis quelque chose.
Velvet → Tu en as dit + que moi.
Veritas → Peut-être que je devrais parler moins.
Velvet → C'est une conversation par messages, le silence est inévitable.
Veritas → Oui, mais j'ai l'impression que nos silences sont très éloquents.
Une avalanche de messages sans interruption, des réponses quasi instantanées, non-stop. Maude, avec ce dernier message, voulait prendre Veritas à son propre jeu ; elle décida de ne pas répondre tout de suite, laissant un silence entre eux pour la première fois après ce bris de glace si fluide.
Elle souriait en se disant que ce mec était très intrigant, mais elle se demandait en même temps comment elle pouvait trouver quelqu'un aussi intéressant sans lui avoir vraiment parlé. Son imagination s'emballait un peu, en espérant qu'il soit autre chose qu'une coquille vide derrière ces paroles réfléchies et sans bornes.
C'est là que sa meilleure amie, Gwen, se précipita vers elle, tout sourire, pour lui proposer de prendre une story de la soirée. Maude souriait ; elle riait avec sa blonde préférée, levant son verre sur cette courte vidéo qui était déjà sans importance.
Paul avait directement vu cette story — c'était Jack, à fond sur Gwen, qui s'était empressé de la lui montrer. Il avait haussé les épaules, impassible, alors qu'il s'intéressait plus à son téléphone qu'à ce que son meilleur ami lui montrait, comme s'il attendait quelque chose. En outre, Jack était bourré, trop confus, et ça devenait vraiment inutile pour lui de le laisser s'enfoncer davantage dans l'alcool.
Il ne faisait que lui parler de Gwen en boucle, cette fille à qui il n'osait même pas dire bonjour. Paul, qui n'avait même pas touché à un verre, prit la responsabilité de le raccompagner jusqu'à leur résidence, à l'autre bout du campus ; c'était mieux comme ça.
***
Velvet→ Alors ? Ce silence était-il éloquent ?
Veritas → Très. Chaque silence dit quelque chose.
Velvet → Et que t'as dit celui-ci ?
Veritas → Celui-ci... celui-ci disait... qu'on en demandait plus. Que nous étions tous les deux avides de plus.
Velvet → Je t'ai manqué, en gros :)
Veritas → J'admets que tu as capté mon attention pour le moment, mais qui sait à quel point cette attention va durer.
Velvet → Ok on verra alors Veri
***
Paul n'arrivait pas à trouver le sommeil ; il était trop préoccupé et le repos ne venait pas à sa rencontre, tandis qu'il se surprenait à relire les messages de Velvet plusieurs fois dans la nuit. Elle ne répondait plus, et comme il était presque 4 heures du matin, il se disait qu'elle devait dormir.
Un bruit de moto ainsi que des voix bruyantes venaient de percer la tranquillité de la nuit, et il se redressa, dérangé par cette interruption. Il se pencha sur l'évier de sa petite cuisine pour se servir de l'eau et regarda par la fenêtre sans vraiment savoir pourquoi. Il baissa les yeux vers le trottoir d'en face et aperçut Maude qui rentrait de la soirée — visiblement.
Ses talons à la main, son maquillage défait et une cigarette aux lèvres, elle titubait devant sa résidence, tenant une autre fille par les épaules. Paul souriait malgré lui, amusé par cette scène typique de fin de soirée, dans cette demi-obscurité.
Il se perdit dans la contemplation du ciel quelques minutes ; il faisait encore assez sombre pour que les pièces éclairées ressortent du décor face à lui, sans doute des étudiants qui venaient de rentrer, car les lumières s'éteignaient aussi vites qu'elles apparaissaient aux fenêtres.
La dernière allumée, comme une étoile perçant le ciel, éclairait Maude qui venait d'arriver dans sa chambre, et il reconnut son dos dénudé à la fenêtre. Paul se surprit à suivre la courbe qui se dérobait face à lui, une douce divagation qui s'évanouit, comme une ombre, comme un secret, presque irréel, à se demander si son esprit n'avait pas fabriqué cette image de toutes pièces.
Curieuse de savoir votre première impression
et bienvenue dans Veritas ! 🦋
𖥔 ݁ ˖ ✦ ‧₊˚ ⋅
Je me demande juste comment Maude sait que Veritas est un homme ? 🤔