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Chapitre 1

*

Il nous faut des navires pour transporter les pierres depuis l’autre monde. Les Dames ne nous laisseront pas partir si facilement avec. L’aide des plus fidèles aux Dames nous seront utiles.

*

— Princesse Morgaine ! Monseigneur votre père vous fais demander au château. Un hôte de marque vient d’arriver.

Le clapotis des vaguelettes sur l’amas rochers ne couvrit pas le soupir de l’interpellée. La petite silhouette se redressa en faisant craquer tous les os de son corps. Tel un limicole, elle courut sur les galets de la plage. Un goéland s’envola en geignant sur son passage. La servante du château croisa les bras sur sa poitrine en attendant que la jeune fille arrive.

— Nous allons aller faire un brin de toilette avant d’aller nous présenter au Sieur Pendragon. Vous sentez l’algue ma demoiselle, fit-elle quand enfin l’enfant se planta devant elle.

Son état faisait peine à voir. Ses pieds et mollets nus perlaient de sable humide, ses bras étaient couverts de résidu de coquillage et des sargasses faisaient office de parure à son cou et sur son front.

— Mais c’est une belle tenue pour les esprits de la mer, se défendit Morgaine.

— Très certainement ma damoiselle. Mais c’est un seigneur de la terre que nous recevons. Allons dépêchons-nous. Votre père n’a pas une patience illimitée.

*

— Seigneur Pendragon, laissez-moi vous présenter ma fille, la Princesse Morgaine.

Ne ressemblant plus aux phoques de mer qui se doraient régulièrement la pilule au soleil trop rare de l’île, la jeune fille approcha de la table où son père et son hôte discutaient devant un verre de bière. La tête haute et les cheveux blonds tirant sur le blanc délicatement tressé et relevé, elle s’avança en rentrant le ventre pour se tenir bien droite comme le protocole l’exigeait. L’envie de se traîner comme un légume lui conviendrait mieux, mais elle tenait à faire bonne impression.

— Soyez le bienvenu Seigneur Pendragon.

Elle profita de ce moment de salutation pour observer ce visiteur de haut rang. Il était grand et d’une large stature. Des cheveux longs et gras mal attachés tombaient sur un visage aux traits durs. Les traits de son père aussi étaient durs, mais pas de la même façon. Ceux de Abhainn traduisaient la vie difficile sur ces petites îles battues par les vents et le froid. Les siens reflétaient la dureté de son être.

Il ne fit pas bonne impression à Morgaine. Elle tâcha de n’exprimer aucune expression qui pourrait aller dans ce sens. Elle prit place sur la chaise aux côtés de son père alors qu’un serviteur apportait quelques hors-d’œuvre. La douce odeur de poisson qui s’élevait des cuisines lui fit gargouiller l’estomac.

— Merci Seigneur Abhainn. Sois remercié pour ton hospitalité. Bien peu m’ont accueilli comme tu le fais.

— Vortigern n’est pas un ami de ce Royaume.

Morgaine fronça les sourcils à ce nom. Bien qu’elle n’ait que neuf ans, elle connaissait déjà ses ennemis. Les terres de son père sont peu fertiles et ne possèdent que peu de richesse. Si ce dernier ne craignait pas les Saxons et leur raid, il n’en était pas de même pour le dénommé Vortigern. Les envahisseurs saxons cherchaient des terres et des richesses, choses que le royaume d’Abhainn ne pouvait pas leur offrir. Ce Vortigern cherchait autre chose : l’union de tous les royaumes de Bretagne. Sous sa coupe bien sûr.

— Je crois savoir que ce sont ses ancêtres qui vous ont banni dans cet archipel en espérant vous y voir périr ? demanda Pendragon, laissant entendre qu’il connaissait de toute façon la réponse. Sa présence n’avait rien d’une visite de courtoisie.

Le roi et Morgaine levèrent tous les deux un sourcil. Cela amusa Pendragon. Un petit rictus se dessina sur ses lèvres gercées.

— C’est exact Uther. Et grand bien lui en a pris. Non seulement nous avons survécu. Mais en plus nous sommes protégés des dieux marins.

Il posa sa main sur l’épaule de Morgaine. Un sourire étira le visage pâle de la princesse.

— Venons en au fait Uther. Pourquoi es-tu là ? Certainement pas pour me parler de mes aïeux.

— Certes non Abhainn. Je compte lever une armée contre Vortigern.

Le visage du maître des lieux ne trahit aucune émotion. Morgaine se retint de pouffer de rire. Une armée ? Savait-il combien de chevaliers se trouvaient sous la coupe de son père ? Lui qui semblait bien renseigné sur l’ascendance de sa famille, ne connaissait pas grand-chose à la situation actuelle du petit royaume.

— Quel intérêt aurais-je à m’opposer à Vortigern ? Mon pays est petit, inhospitalier, mais il est prospère et mes serfs sont contents. Pourquoi irais-je me fourvoyer dans une lutte de pouvoir où j’ai tout à perdre ?

— Je n’ai pas besoin de tes chevaliers. J’ai besoin de tes navires et de ta connaissance de la mer.

Père et fille levèrent de nouveau un sourcil. Leurs deux paires d’yeux bleus scrutaient leur interlocuteur.

— Je ne vois pas en quoi les quelques bateaux que nous possédons pourraient t’être utiles. Ce sont des navires de commerce ou de pêche.

— J’en ai besoin pour ramener des pierres d’Irlande.

— D’Irlande ? s’exclama Morgaine. Pourquoi ramener des cailloux depuis là-bas ? Il y en a plein les plages.

Uther jeta un regard noir à la princesse. Quand Abhainn lui avait dit que son enfant se joindrait à eux, il imaginait un jeune prince. Pas une fillette. D’où cette gamine prenait-elle la parole ?

— Je vais reformuler dans des termes plus adéquats ce que tente d’exprimer mon héritière : quel genre de pierre et dans quel but ? Ne tournez pas autour du pot.

Les yeux de Pendragon passèrent de Morgaine à son père à plusieurs reprises. Il se retient de faire la moindre remarque. Braquer ses hôtes allait à l’encontre de ses plans.

— J’ai besoin de navires et marins fiables pour ramener des pierres d’Irlande pour Merlin.

Abhainn reposa doucement le verre qu’il était en train de porter à ses lèvres. Morgaine le regarda. Ce nom ne lui disait rien du tout. Le crépitement du feu fut le seul son de la pièce pendant un moment. La jeune fille regarda son père avec attention. Les expressions de celui-ci la laissaient perplexe.

– Merlin.

Il joua un moment avec le contenu de son verre avant de jeter un regard inamical à Uther. Morgaine observa la scène en silence. Des éléments de la discussion lui échappaient, ce qui l’agaçait. Ce Merlin semblait être quelqu’un d’important, mais elle n’en avait jamais entendu parler. Son père la tenait informée depuis son plus jeune âge des affaires du royaume ainsi que des relations avec leurs voisins.

– Très bien. Je te prêterai des navires pour le transport des pierres. À une condition.

Pendragon devait s’attendre à une négociation, car il ne broncha pas. Morgaine trouva que son père accepta un peu trop vite la proposition. Même avec elle, il ne cédait pas aussi rapidement.

— Je veux que ma fille rentre comme page à votre service.

— Quoi ? La voix grave de Pendragon et la voix aiguë de Morgaine résonnèrent à l’unisson.

La petite fille dévisagea son père avec des étoiles dans les yeux. Une surprise, mais assurément une bonne surprise. Devenir chevaleresse représentait un vrai bonheur pour elle.

Un frisson la parcourut. Les yeux noirs de Pendragon la traversèrent comme des éclairs. Cela lui fit l’effet d’une douche froide. Le sol se dérobait sous ses pieds alors qu’elle était toujours assise. Une boule se forma dans sa gorge et ses yeux piquèrent.

— Avec tout le respect que je te dois Abhainn, je n’ai pas le temps de jouer les nourrices avec ta fille. Et je n’ai pas de fils à te proposer pour l’unir à elle.

Morgaine commença à ouvrir la bouche pour protester, mais son père lui fit signe de se taire.

— Je ne cherche pas une baby-sitter ou un futur gendre. Je veux que mon enfant soit sous la tutelle d’un seigneur pour devenir chevaleresse. C’est elle qui prendra ma place lorsque mon heure sera venue.

Le cœur de la petite fille se serra. Des sentiments mixtes l’habitaient : la joie et la peine. L’évocation de la mort de son père lui fit l’effet d’un coup de poing. Il n’était pas vieux, comment pouvait-il déjà y penser ?

— Confis-la à un de tes chevaliers, reprit Pendragon qui montrait des signes d’agacement.

— Non, je veux qu’elle découvre la Bretagne. Elle doit voir d’autres horizons si elle veut devenir une grande reine.

Avant que Pendragon n’ouvre la bouche pour protester, Abhainn le coupa net.

— C’est la condition sine qua non pour avoir mes navires. Je trouve que c’est peu demander.

Morgaine jeta un regard satisfait à son père et un provocateur à Uther.

L’homme passa sa main épaisse dans ces cheveux puis sa barbe. Son regard se renfrogna encore plus. La contrariété se lisait sur son visage. Cependant son silence signifiait qu’il réfléchissait à la situation. Contrairement à ce qu’il avait pu laisser penser avant, il n’était pas en position de force. Quelle était l’importance de ce transport de pierre pour qu’il vienne jusqu’au fin fond des îles isolées de Bretagne demander de l’aide à un minuscule royaume ? Il devait vraiment être dans le besoin.

— Je ne peux pas prendre ta fille comme page. Un de mes chevaliers en Cornouailles sera parfait pour ça…

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