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June_Stephen
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Chapitre 15

Quelqu'un toqua à la porte. Takeshi se redressa brusquement et dressa l'oreille. Kaito s'avança lentement vers l'entrée, son sabre à la main. D'ici à ce que le châtiment des trois chasseurs de prime se propage dans les quartiers malfamés de la ville, il devait rester prudent. Leur visiteuse se révéla, pétillante de joie, comme à son habitude. Il baissa son arme, rasséréné.

— Kazu-chan, que fais-tu ici ?

— J'ai appris pour votre installation, grand frère, dit-elle en pénétrant dans la pièce, et je venais voir comment allait Takeshi-kun.

— Merci, Kazu-chan, se ravit le concerné. Tu es adorable.

Kaito leva les yeux au ciel et partit se poster à la fenêtre ouverte. La jeune femme s'assit près de son ami pour l'analyser sous toutes les coutures, puis œuvra au tressage de ses longs cheveux à l'aide du ruban mauve. Les gloussements de sa cadette agaçaient viscéralement Kaito. Cette entente entre eux ainsi que ces taquineries mutuelles l'insupportaient de plus en plus. Il grinça des dents.

— Grand frère, pourquoi ne pas nous rejoindre aux sources Kiyoshi et moi, ce soir ?

— Oh, quelle merveilleuse idée ! s'exclama Takeshi, intéressé depuis le premier jour.

Le visage de Kaito s'obscurcit.

— Grand frère ?

— Je l'accompagnerai, grommela-t-il.

— Fantastique ! Alors, à ce soir, les garçons, s'écria-t-elle en quittant joyeusement la pièce.

Takeshi perdit son sourire dès l'instant où il découvrit l'expression irritée de Kaito. Son exaspération réprimée aurait pu électriser l'air. Il s'approcha de lui, prudent.

— Que t'arrive-t-il, Kaito-sama ?

— Rien.

Ce ton acerbe inhiba tout enthousiasme. Takeshi baissa la tête, penaud.

— Kaito-sama, tu es le frère aîné de Kazu, je ne me montrerai jamais irrespectueux en allant vers elle, je comprendrais que...

— Ha ! Tout le monde fait ce qu'il veut, ici. Si ma sœur te plaît, faites ce qu'il vous chante. Je m'en moque éperdument.

Takeshi le fixa, soulagé et à la fois contrarié. Déçu, même.

— Je vois, murmura-t-il avec un rictus forcé. Et... et toi ?

— Moi ?

— Votre clan et ce sujet... les libertés charnelles... qu'en penses-tu ?

Kaito lui jeta un œil de biais. Une lueur peinée traversa un instant ses iris. Il fit volte-face, les bras croisés sur sa poitrine.

— Je me fiche bien de tout cela, aujourd'hui.

Le cœur de Takeshi se serra. « Aujourd'hui ». Autrefois, il y avait donc trouvé l'intérêt... Il baissa la tête. En fin de compte, qu'attendait-il de plus de sa part pour être ainsi dépité par cette réponse ? Peu importait qu'ils se ressemblent sur ce point, après tout, ils étaient deux opposés.

Néanmoins, le contraste entre l'attitude attentionnée de Kaito lorsqu'il était mourant et son insensibilité au quotidien était navrant. Et cette différence menait à une pénible vérité : le prince Kimura n'offrait son affection qu'en cas de drame. Sa sincère tendresse n'était réservée qu'à sa famille. Il était temps de couper court aux illusions.

Du coin de l'œil, Kaito perçut sa mine chagrine. Sa gorge se noua. Mais en pareilles circonstances, faire preuve de douceur était inconcevable. Son égo cinglait toute empathie.

Les premières étoiles perçaient la voûte du crépuscule lorsqu'un messager Hatano accommodé d'un long vêtement noir se présenta à Yuna. Assise dans le patio sur l'un des tabourets de pierre de la table, elle accepta la lettre que l'homme lui tendait avant de repartir sur-le-champ. Il ne lui fallut que quelques secondes pour reconnaître l'écriture de l'auteur. Son cœur s'emballa. Elle écarta son bol de thé à moitié vide et examina attentivement le manuscrit.

« Ma chère et tendre petite sœur, à travers ce mot, reçois toute mon affection. Pardonne-moi d'avoir laissé défiler tant de temps sans t'écrire, je ne suis qu'un idiot. Depuis seize ans, pas un seul jour ne s'écoule sans que le passé ne me hante. Je pense à toi, à vous. »

Yuna se pinça les lèvres, les yeux brillants d'émoi.

« Je te demande de prêter attention aux évènements à venir. Des choses graves se profilent et je ne souhaite pas qu'il t'arrive malheur à toi et à ta famille. Je suis certain que tu prendras grand soin de notre neveu. Avec tout mon amour, Takeda. »

Les yeux de Yuna s'agrandirent. Elle porta une main à sa bouche, horrifiée par l'objectif véritable de cette lettre personnelle.

— Mon Dieu, Tsubasa... il sait...

Kazuhiro déchira le courrier que le messager venait de lui transmettre en mille morceaux et bondit de son bureau.

— Mais quel culot ! écuma-t-il. Ce vieux fou trahit notre accord de paix en fricotant avec d'autres territoires et il ose me donner des ordres et me menacer ?

Il grinça des dents. Tsubasa le considérait donc réellement comme un homme soumis. Désormais, il serait hors de question de lui offrir la moindre satisfaction, il ne lui cèderait plus aucun caprice ; il en allait de sa fierté de chef de clan. Il se tourna vers les quatre conseillers alignés devant lui.

— Où pourrait-il nous attaquer ?

— Selon vous, chef de clan, Hatano-sama n'a d'autre but que la vengeance. De plus, la conquête ne l'intéresse plus depuis bien longtemps.

Kazuhiro resta dubitatif. Aucun de ses hommes ne lui apporterait de réponse, tous ignorant la véritable raison de cette menace ; il comptait bien garder confidentiel ce conflit personnel.

— Il ne s'en prendra pas à l'une de nos villes extérieures. Il va tenter de venir ici.

— À la Cité des Lumières ? se stupéfia un conseiller. Il serait fou...

— Je ne sais pas ce qu'il va faire exactement, mais il viendra ici. Renforcez la garde de ma résidence et postez des Sang Purs aux portes de la cité durant les prochains jours.

Les quatre hommes se retirèrent sitôt les ordres tombés. Le chef de clan fit quelques pas sur la terrasse de bois longeant sa demeure. Son regard se porta sur la rivière Namida, au-dessus de laquelle nidifiaient de lourds cumulus. Il sourit, agacé par la lettre, mais amusé par la situation.

— Il a fallu que ton fils vienne à moi pour que tu veuilles à nouveau de lui.

Cet imbécile venait de lui offrir le moyen de l'atteindre et de l'occasion de le remettre à sa place. Les plans allaient changer...

— Son intégration était une bonne chose, finalement... jubila-t-il.

Yuna le rejoint sur la terrasse. Kazuhiro se refroidit aussitôt.

— C'est bien toi, ma femme, qui disait que ton cher frère n'en saurait rien ?

Yuna se tritura les doigts.

— À cause de tes instincts maternels envers un enfant qui n'est pas le tien, c'est tout notre peuple qui va souffrir.

— Q-que veux-tu dire ?

— Si nous ne lui renvoyons pas Takeshi d'ici le prochain coucher du soleil, Tsubasa se vengera.

— S-se venger ? articula-t-elle, anxieuse. Que compte-t-il faire ?

Il lui tourna le dos.

— Je pense qu'il va attaquer notre cité. Ou la résidence.

Yuna porta ses doigts à sa bouche, horrifiée.

— Non... Il ne ferait jamais une telle chose...

Il la fusilla d'un œil noir.

— Je suis fatigué d'entendre tes inepties, ma femme !

Il leva une main autoritaire qui lui imposa le silence.

— Je suis Kazuhiro Kimura, descendant de la déesse du soleil, chef du clan Kimura et unique dirigeant de ce territoire ! À partir de maintenant, cesse de penser que tu as les capacités et le droit d'intervenir dans mes affaires ! Tu es peut-être la protectrice de cette cité, mais tu as pris beaucoup trop de libertés et tu m'as bien trop influencé. Cela s'arrête dès aujourd'hui, adjura-t-il. J'espère que lorsque nous subirons l'attaque, tu te souviendras de tes actes.

Elle baissa la tête et s'effaça, rongée par la culpabilité.

Territoire du clan Musashi

Sous les nombreux toits incurvés du gigantesque Palais Rouge, un individu à la longue cape noire se hâtait dans les couloirs, à peine éclairés par les bougies accrochées aux murs. Il s'arrêta devant de grandes portes en bois, s'annonça, puis pénétra dans une immense salle aux façades grenat. La kyrielle de petites flammes qui flottaient au-dessus de coupelles dorées, déposées à chaque coin de la pièce sur des consoles acajou, donnait vie aux paysages et portraits des toiles habillant les lieux. L'atmosphère spectrale était hypnotique.

Le cinquantenaire retira sa large capuche et dévoila les traits arrondis et fatigués de son visage mafflu. Il s'inclina face au chef de clan, plongé dans la pénombre, en lotus de méditation devant un lit à l'encadrement de sol ébène.

— Maître, je vous informe que tout se déroule comme vous l'aviez prévu.

Les yeux mordorés de Ken Musashi s'ouvrirent. Il se leva lentement, jeta une large veste de soie noire sur ses épaules musculeuses et se dirigea vers la fenêtre pour contempler les cieux mouchetés d'étoiles.

— Je les connais comme si je les avais faits, ces deux imbéciles, sourit-il en faisant danser une flamme au creux de sa paume. Mais ce qui me parvient au sujet de leurs deux garçons...

Il émit un petit rire amusé, son jouet volatile glissant entre ses doigts.

— Nous allons devoir être habiles, mon ami, reprit-il. Avant que la vérité n'éclate, je dois l'avoir à mes côtés. Ensuite tout ne sera qu'une question de temps.

Il leva vers le croissant de lune un regard mélancolique.

— Petit Takeshi...

Sa main se referma sur la flamme.

— Après seize longues années, je n'ai jamais été aussi près du but...

Dans un léger kimono blanc, Takeshi avançait le long du chemin bordé de lampions, la joie aux lèvres. Pur contraste avec Kaito, plus froid qu'un glacier.

— Allons, Kaito-sama, ce moment va te détendre, tu verras.

Le prince leva les yeux au ciel. Il serait bien tout sauf détendu. La voie s'élargit sur un haut recoin de roches. Contre la façade se trouvait le point d'eau turquoise, rendu luminescent par les lanternes en papier qui parsemaient le pourtour de pierres chaudes en arc de cercle. Leur clarté ambrée tamisait la vapeur courant à la surface de l'eau. Un lieu à la voluptueuse féerie. Depuis le centre des sources, Kiyoshi leur fit de grands gestes enthousiastes. À l'inverse son frère aîné, celui-ci s'avérait presque plus svelte que Takeshi – et son mètre soixante-dix n'aidait pas à le rendre plus adulte.

— Merci à tous les deux pour votre invitation, Kiyoshi-sama, déclara Takeshi en se courbant devant lui.

— Remercie surtout ma sœur, gloussa le jeune prince en s'accoudant à la bordure de pierres. Et ne t'adresse à moi pas aussi formellement, j'ai l'intuition que tu es plus âgé que moi...

Il lui lança un clin d'œil malicieux et remonta ses cheveux mouillés en un chignon haut. Takeshi lui sourit amicalement, étonné par cette conviction étrange. Lui-même se connaissait si peu...

Kaito laissa choir sa longue veste de kimono ocre sur le sol humide, exhibant pour la toute première fois une totale nudité. Les yeux de Takeshi s'écarquillèrent. Un immense dragon encrait la partie droite de son buste charpenté. La queue dévalait son biceps et son corps épais pavanait ses courbes écailleuses sur son omoplate dans un tracé noir fuselé. Un petit soleil cuivré était prisonnier des griffes acérées de la créature. Sa majesté chimérique s'étiolait sur son pectoral droit en une myriade d'arabesques nuageuses aux couleurs d'or. Takeshi en resta pantois.

Comment aurait-il pu se douter que, sous ses vêtements, Kaito dissimulait une telle œuvre d'art ? Alors que l'héritier pénétrait dans la source, son regard brillant coula de lui-même le long de son dos vallonné et cisela les pentes abruptes de ses reins. Son visage s'enflamma. L'eau embrassait ce corps sculpté comme si elle en appréciait chaque parcelle virile. Délicates, les gouttes filaient en toute impunité sur les muscles saillants de ses bras noueux. La douceur parfaite de sa peau ferme eut défié les plus belles soieries sans ciller. La caresser relevait presque du péché. Takeshi déglutit. Si la princesse possédait une grâce sans égal, Kaito était un diamant brut.

Mal à l'aise avec l'impudeur ambiante, le jeune homme se fit violence pour se dévêtir à son tour et se hâta d'entrer dans l'eau. Il avait le sentiment de ne jamais avoir pris de bain en compagnie de plusieurs personnes. Mais sa vie avait-elle jamais été normale ? Il était étrangement persuadé du contraire... Imitant Kaito, il s'adossa près de lui contre la haute paroi rocheuse et lâcha un profond soupir de bien-être. La température était délicieuse.

— Où est Kazu ? se surprit Kaito.

— Je suis là, grand frère.

La jeune femme apparut depuis le petit chemin dans sa tenue d'Ève. Des formes aguichantes et généreuses, léchées par une longue crinière à demi-relevée, qui ne laissèrent pas Takeshi indifférent. Son moment de paix venait de s'envoler. Il s'immergea jusqu'au menton, la tête basse et les oreilles colorées. Une réaction que Kaito ne manqua pas de noter. L'amertume se grava dans le granit de son cœur. Elle vint déposer un baiser sur la joue de son frère aîné puis rejoignit l'objet de ses désirs. Ses bras s'enroulèrent autour de son cou comme s'ils retrouvaient leur place naturelle.

— Comment vas-tu Takeshi-kun ?

— Bien, Kazu-chan, merci de t'en inquiéter, sourit-il.

— Alors, peut-être que je peux m'occuper de toi, maintenant...

Sans attendre de réponse de sa part, elle parcourut son corps de ses doigts gourmands. Takeshi se pétrifia. Comment Kazu pouvait-elle entreprendre ce genre de choses en présence de ses frères ? La bouche fine de la princesse se promena le long de sa clavicule frissonnante jusqu'à son oreille dans un long chemin de baisers humides.

— Ne fais pas attention à eux, lui chuchota-t-elle. Ils pourront toujours s'en aller, lorsque les choses deviendront plus... intéressantes.

En ultime argument, elle pressa sa poitrine pulpeuse contre son torse et captura ses lèvres. La volonté de Takeshi chavira. Il l'attira contre lui pour resserrer leur langoureuse étreinte et l'embrassa à pleine bouche. Leurs corps ondulèrent l'un contre l'autre, entre deux souffles hachés. Kiyoshi ricana, la tête posée sur le plat d'une pierre et les paupières closes.

— Elle a vraiment toujours ce qu'elle veut...

Le long silence de Kaito le surprit. En rouvrant les yeux, il découvrit ses traits crispés ; sa tension était patente.

— Eh bien, mon frère, il n'y a aucun danger ici, le rassura-t-il avec un doux sourire, détends-toi.

Lorsque les soupirs de plaisirs de Takeshi parvinrent aux oreilles de Kaito, ce dernier bondit hors de son rocher comme s'il venait d'être piqué. Il sortit précipitamment des sources, saisit son kimono d'un geste irrité et quitta les lieux sans un mot.

— Grand frère ? s'étonna Kiyoshi. Où vas-tu ?

Le jeune prince demeura confus. Il se tourna vers les deux amants, puis à nouveau vers le chemin, et arqua les sourcils.

— Oh, je vois...

Malgré les appels, Kaito poursuivait sa route.

— Grand-frère !

— Va-t'en.

La main de Kiyoshi se referma sur son bras.

— Je t'ai dit de me laisser !

Kaito se détacha sèchement de sa poigne et prit la direction de son coin de jardin favori, près du pommier. Il se laissa tomber sous le petit arbre et figea un regard lointain vers le lac.

— Kaito, tu n'as jamais été le genre à te priver de quoi que ce soit, pourquoi ne pas lui dire ?

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Tu sais bien de quoi je veux parler... sourit-il.

Kaito se rembrunit plus qu'il ne l'était déjà.

— Tu devrais lui avouer...

— Il n'y a rien à avouer.

— Mon frère, je lis en toi comme dans un livre ouvert, et tu souffres...

— Retourne là-bas, Kiyoshi-kun.

— Pourquoi ne pas te déclarer ?

— Parce que c'est ainsi, fulmina Kaito. Et cela restera ainsi...

Kiyoshi abdiqua. Il s'agenouilla devant lui et extirpa de sa poitrine un petit noyau d'énergie rose, chargé de son amour fraternel. Kaito le contempla avec un air douloureux. L'affection de son frère traversa son corps humide, le réchauffa par sa tendresse, mais son cœur demeurait toujours aussi froid.

— Tôt ou tard, il finira par l'apprendre, se désola Kiyoshi. À toi de choisir de quelle manière...

Kaito l'assassinat d'un regard de biais.

— Il n'en saura jamais rien.

— Le grand amour ne peut se cacher, mon frère. Les sentiments changent notre comportement...

— Cela n'arrivera pas.

Kiyoshi laissa glisser une main douce sur son épaule tout en se relevant.

— Mais c'est déjà le cas...

Kaito ferma les yeux, les lèvres frémissantes, alors que son jeune frère s'éloignait à regret.

Un corps divin s'offrait à lui. Pourtant, Takeshi ne parvenait pas à s'y consacrer. Ses pensées s'agitaient. Pour quelle raison Kaito était-il parti de la sorte ? Il devait s'obliger à déguster les courbes exquises qui se frottaient à lui, profiter du moment.

Résolu à écarter sa conscience, il souleva les hanches de la princesse et enroula ses cuisses autour de sa taille. Son membre viril se dressa sous son intimité, gorgé d'envie. Mais un visage refusait de lui livrer l'extase et le hantait au mépris de leurs fougueux baisers. Le trouble finit par l'emporter. Il la fit redescendre, résigné.

— Que se passe-t-il ?

— Je... je ne peux pas.

— Pourquoi ? s'étonna-t-elle.

Lui-même incapable de trouver les mots, Takeshi garda le silence.

— C'est... c'est moi ? s'affligea-t-elle.

— Non, loin de là, tu es une femme magnifique, Kazu-chan, et tu me fais... beaucoup d'effet.

— Mais quoi, Takeshi-kun ?

Il se sépara doucement d'elle.

— Pardonne-moi, susurra-t-il en déposant un léger baiser au coin de ses lèvres.

La princesse le regarda quitter le onsen, déconfite.

Takeshi rabattit les pans de son kimono sur son torse. Il frissonna, fragilisé par une grande fatigue. Perdu dans ses pensées, il manqua d'en percuter Kiyoshi à la sortie du petit sentier.

— Oh, excuse-moi, j'étais distrait...

— Ce n'est rien, sourit le prince. Tu t'en vas déjà ?

Takeshi acquiesça avec un petit rictus.

— Je... je crois que j'ai besoin de repos. Ces derniers jours ont été éprouvants et ce qui est arrivé hier soir... Je n'ai pas encore récupéré, avoua-t-il.

— Je comprends, compatit Kiyoshi. Eh bien, Kaito est...

— Je suis là.

Les deux garçons se tournèrent vers le concerné, qui les toisait avec un air meurtrier. Lorsque son regard acéré se braqua sur lui, Takeshi le fuit d'instinct. Il avait parfois l'impression que cet homme pouvait tuer n'importe quel être vivant simplement en le fixant. Poings serrés, Kaito marmonna :

— Si tu as... fini...

— O-oui. Enfin, non ! bredouilla Takeshi en se frottant la nuque. Je... Ahem ! Oublie ça, rentrons...

L'atmosphère dans le logement devint vite pesante. Kaito se posta à la fenêtre tandis que Takeshi enfilait le pantalon blanc de son kimono pour se glisser torse nu sous la couverture. Il jeta un œil timide à son gardien, muet comme une tombe.

— En attendant d'avoir un lit plus grand, tu... tu peux...

— Je dors par terre.

La mâchoire de Takeshi se décrocha. Kaito choisissait donc l'inconfort du sol tressé de paille à partager la couche avec lui. Une gifle magistrale. Il aurait préféré se faire insulter. Qu'avait-il fait de mal ? Le sentiment de rejet ajouta un poids à l'épuisement qui lui collait à la peau.

— Puis-je t'en demander la raison ? Puisque la nuit dernière tu as pu dormir avec moi...

Pour unique réponse, Kaito referma brutalement la fenêtre, au point d'en fissurer l'épaisse toile de riz, et le transperça d'un regard noir. Takeshi baissa la tête. Il se sentait misérable.

— Bonne nuit, Kaito-sama...

— Bonne nuit, grogna sèchement le prince.

Kaito émergea de sa torpeur au beau milieu de nuit, assis dos au mur. L'agitation de Takeshi était anormale. Il se leva et partit s'installer à son chevet pour l'ausculter : son front était brûlant, ses constantes vitales avaient diminué et le magnétisme de son énergétique était bien moins perceptible. Que s'était-il passé ? Il claqua sa langue, agacé contre lui-même ; à cause de ses humeurs, il en avait délaissé sa santé. Quel piètre guérisseur il faisait...

Alors qu'il était sur le point de recréer son aura bienfaitrice, Takeshi s'éveilla en sursaut et se redressa d'un bond, hors d'haleine. Kaito posa une main sur son épaule.

— Doucement...

Takeshi braqua sur lui un regard exorbité.

— Kaito...

— Oui ?

— Je me souviens...

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