La douleur du silence est là, persistante. Elle est comme un écho d'une parole jamais prononcée, une pression douce mais constante sur mon cœur. Je me retrouve, une fois de plus, à regarder le bout de la réponse que je m'apprête à envoyer. C'est étrange, non ? Cette décision de finir ce qui n'a pas vraiment commencé. De mettre un terme à cette histoire, à ces mots, et pourtant je sens que je ne peux rien laisser inachevé.
Cela me rappelle ces instants où l'on se retrouve à la croisée des chemins, incapable de prendre une direction, mais décidé, enfin, à avancer, quel que soit le prix à payer.
Je pense aux derniers échanges, aux derniers instants passés ensemble. Nous n'avons pas eu de grandes discussions. Nous avons laissé les silences occuper tout l'espace, et je me souviens qu'à ce moment-là, j'avais presque l'impression que c'était suffisant. Mais à présent, avec cette distance, je réalise que tout ça n'a fait que masquer ce qui était essentiel.
Nous nous sommes souvent oubliés dans nos non-dits, nos gestes hésitants, nos paroles incomplètes. Et aujourd'hui, je me retrouve dans cette situation où je me dois de dire les choses. C'est peut-être ce qui me manquait. Peut-être que si j'avais été plus audacieux, plus direct, plus honnête, les choses auraient été différentes.
Il y a, dans l'écriture de cette réponse, quelque chose de libérateur, de salutaire.
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On ne se laisse pas dans l'incertitude, on se dit les choses avec honnêteté.
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Ces mots, je les écris sans hésitation, mais au fond, je sais qu'ils résonnent d'une vérité qui est autant pour moi que pour elle. C'est étrange, je n'avais pas conscience, jusqu'à cet instant précis, à quel point cette idée, cette phrase, m'atteint profondément. Dire les choses, c'est pouvoir les accepter, les affronter. Et pourtant, j'ai passé tant de temps à fuir cette confrontation.
Pourquoi ai-je attendu si longtemps ? Qu'est-ce qui m'a poussé à toujours remettre à plus tard ce que je savais devoir faire ? Pourquoi ai-je pensé que le temps, par sa simple progression, suffirait à arranger ce qui était cassé ? Pourquoi cette résistance, cette peur de dire ?
D'un seul coup, tout devient clair. Peut-être que je n'ai pas voulu la perdre, mais peut-être aussi que je ne voulais pas m'avouer que je l'avais déjà perdu bien avant que cela ne se produise officiellement.
Ce n'est pas facile à admettre, et c'est peut-être la première fois que je le reconnais à voix haute, ou du moins, dans mes pensées. On ne se laisse pas dans l'incertitude...
Je n'avais jamais vraiment cherché à comprendre ce qui se cachait sous la surface. J'ai vécu dans l'illusion que les choses allaient, d'une manière ou d'une autre, s'arranger d'elles-mêmes. Mais non, tout cela, tout ce que nous avons partagé, les rires, les silences, les regards, tout ce que j'ai cru naturel, n'était pas suffisant. J'ai eu l'impression, ces derniers mois, que nous nous étions liés par des fils invisibles. On se croyait proches, mais ce lien était plus fragile qu'il n'y paraissait.
Et je réalise à cet instant qu'il nous manquait un fondement plus solide, plus sincère. C'est difficile à avouer, et pourtant, je sais que cette honnêteté est ce qu'il me reste de plus précieux, même si elle m'arrache quelque chose au passage.
Je n'ai jamais su si ce que nous avons partagé avait un sens profond pour elle. Mais moi, oui, pour moi il y avait quelque chose de beau dans ce temps passé ensemble, dans cette recherche mutuelle, dans ces instants volés à la réalité. Ces moments où, malgré la distance, je croyais, naïvement peut-être, que tout allait bien, qu'il suffirait d'un peu de temps pour que tout se mette en place, pour que tout s'épanouisse.
Je garde cela dans mon cœur, ce sont des mots lourds, et pourtant, je les écris sans hésitation. Parce que, même aujourd'hui, je me rends compte que tout ce qui n'a pas été dit, tout ce que nous avons laissé dans l'ombre, fait partie de cette histoire. Cela a compté, même si cela a échoué. Les souvenirs restent indélébiles. La tendresse, les moments partagés, ces bribes de nous, sont désormais comme une sculpture inachevée, un fragment que je conserve et qui, paradoxalement, se révèle être ce que j'ai de plus précieux dans cette relation qui n'a pas trouvé son aboutissement.
En écrivant ces lignes, je me sens comme un homme qui regarde enfin en face une réalité qu'il avait évitée, mais il n'y a pas de colère, pas de ressentiment. Juste une forme d'acceptation. L'acceptation que les choses se sont passées comme elles devaient se passer. Je ne pouvais pas tout changer, je ne pouvais pas inverser le cours des choses.
Mais cette acceptation, loin de me laisser amer, me donne une étrange forme de paix. Une paix mélancolique, certes, mais apaisante. Je garde cela dans mon cœur, ce n'est pas un adieu brutal, mais une manière de dire que ce temps passé à se chercher, malgré son inachèvement, a eu une beauté propre, une pureté à sa manière.
La vérité me frappe encore de plein fouet. J'écris ce que je ressens, ce que je pense être juste. Mais tout cela, ce n'est pas seulement pour elle, c'est aussi pour moi. Car il me faut, enfin, accepter que certaines choses échappent à notre contrôle, et que, malgré les efforts, parfois, l'essentiel nous échappe. C'est une défaite douce, une défaite qui n'a rien de tragique, mais qui laisse derrière elle une forme de nostalgie.
Car oui, il y avait quelque chose de beau, quelque chose de précieux, dans cette recherche de l'autre, dans cette danse silencieuse. C'est étrange. Ce que je croyais être un simple échec s'avère être une belle rencontre avec mes propres limites, et je ne peux que m'en rendre compte maintenant. Peut-être que c'était ça, le véritable enjeu : comprendre à quel point j'étais moi-même en train de fuir ce que je désirais.
Je ne sais pas ce qu'elle a ressenti tout au long de cette histoire, mais moi, j'ai vu dans nos échanges, dans notre manière de se retrouver, un reflet de ce que l'amour aurait pu être, et un aperçu de ce qu'il n'a pas été. Cela ne veut pas dire que tout a été vain, mais simplement que ce qui nous liait n'était pas assez fort pour surmonter nos propres démons. Et maintenant, ce lien, aussi fragile et délicat qu'il ait été, fait partie de moi, et je dois accepter que c'était tout ce que nous pouvions être. Rien de plus, rien de moins.
Je reprends ma plume, en silence, avant de la poser une dernière fois, avec une sérénité étrange. Parce qu'au fond, je crois que c'est ça, la vérité que je dois partager. Ce n'était pas un échec total, mais une chance manquée.
Et, dans ce moment de calme, c'est cette dernière pensée qui me réconforte : ce que nous avons partagé a eu de l'importance, même dans son imperfection.