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Ninaboy
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PROLOGUE

L'enveloppe couleur crème me nargue. 

Nous restons figées, elles et moi, à nous regarder pendant plusieurs minutes. Je n'ose pas me baisser pour la ramasser. J'ai peur d'y trouver le sceau rouge sombre, presque noire.

L'exacte teinte du sang.

Un craquement de parquet me fait sursauter. Je me retourne, le souffle court. 

Personne. 

Ma respiration forme des volutes de vapeur. Je frissonne et resserre mon châle autour de moi. Ma chemise de nuit bordée de dentelle ne me protège pas du froid qui s'est abattu dans la maison.

Dehors il fait à peine jour. La vieille demeure me paraît plus sombre et menaçante que d'habitude.

Ce matin est le premier où je suis absolument seule. J'ai dû congédier Anna, ma femme de chambre. 

Je ne pouvais plus payer ses gages.

Je replis mes orteils nus sur le carrelage glacé du hall et reporte mon attention sur l'enveloppe qu'on a glissé sous la porte d'entrée. Elle n'était pas là hier soir, j'en suis certaine. Quel genre de psychopathe dépose des lettres en pleine nuit ?

Je secoue la tête. Je suis ridicule.

Je franchis la distance qui me sépare de la porte et attrape l'enveloppe. Je retiens mon souffle en détaillant la rose de cire qui la maintien scellée. La même que sur les autres. Cette fois pourtant, quelque chose a changé. Je mets plusieurs secondes avant de comprendre.

Celle-ci n'est pas adressée à mon frère. Elle est pour moi.

"Miss Emily Hawthorne, Oxford square, Mayfair, London"

Mon visage se crispe. J'aimerais la brûler, mais il n'y a pas de feu dans la cheminée et je ne suis pas sûre d'être capable d'en allumer un sans aide.

"Ni d'en avoir les moyens" me souffle une petite voix mauvaise.

Je pourrais la déchirer, en petit morceaux. La jeter. Faire comme pour toutes les autres et prétendre que je n'ai rien reçu.

Je ne veux pas avoir affaire à celui qui me dépose ces missive chaque nuit. J'ignore ce qu'il nous veut, à moi ou à mon frère, mais je ne m'abaisserais pas à l'écouter. Et encore moi à m'en effrayer.

Un nouveau craquement fait bondir mon cœur. 

Je ne sais pas à qui j'essaye de mentir: je suis terrorisée.

Mes pas me conduisent dans la salle à manger familiale. Du moins, ce qu'il en reste. Des trous au murs marquent les emplacements des tableaux que j'ai dû vendre et le vieux vaisselier de ma grand-mère est vide. Je jette l'enveloppe sur la table et m'assois sur la dernière chaise.

Je ne sais pas quoi faire.

Depuis que mon père est mort de la grippe espagnole, ma vie a tourné au cauchemar. Il y a d'abord eu le testament, qui laissait évidemment tout à Peter, la maison, les titres, jusqu'aux moindre meuble (privilège de l'héritier mâle), puis la disparition de ce dernier, du jour au lendemain, avec les bijoux de notre défunte mère et les dernières liquidités de notre famille.

C'est à partir de là que j'ai commencé à recevoir les lettres.

Mon regard retourne à l'enveloppe. Mon esprit ne pense qu'à cette rose sanglante. À ses épines coupantes gravées dans la cire. Je sais ce qu'elle signifie. Anna me l'a expliqué.

La Rose Noire. Le plus puissant réseau criminel de Londres. Jusqu'ici, ils en avaient après mon frère. J'imaginais qu'ils se lasseraient en apprenant qu'il s'était enfui, et qu'ils cesseraient de harceler la petite sœur désargentée que je suis devenue.

Oh Peter, quels malheurs as-tu encore attiré ?

Mon nom, inscrit d'une écriture propre et déliée m'obsède. Je ne peux en détacher mon regard.

Je devrais la laisser là. Ne pas y toucher. Peut-être même la déposer dehors sur le perron sans la décacheter. Un message silencieux à celui qui tient tant à me harceler.

Mais la curiosité est trop forte. Je saisi le papier, les doigts tremblants, et brise le sceau.

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