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IlonaBell
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Chapitre 1

LILO

Ton regard

La première fois que mon regard s'est posé sur toi, c'est lorsque j'emménageais dans cet appartement. L'immeuble juste à côté du tiens. Seulement un étage et quelque mètre nous séparent, ce n'est pas grand chose. Je venais d'atterrir dans un nouvel endroit, une nouvelle ville, un nouvel établissement autre que le lycée. Désormais, place à l'université, séparée de ma famille, et désormais seule. J’ignore encore pourquoi, mais te voir m’avait apaisée. Comme si ta silhouette m’avait arraché cette solitude qui commençait à prendre de la place dans mon ventre.

  La première fois que mon regard s'est posé sur toi, tu étais sur ton balcon en train de boire un chocolat. Sûrement froid car lorsque je t’ai vu siroter ta première gorgée, ton corps s'est mis à trembler comme si tu venais de te rincer d'eau glacée. Il y avait un soleil resplendissant malgré la neige qui tombait pour y installer sa couverture sur le bitume, les toits et les voitures ou bien sur les gens. Ton regard était vide, il l'est encore aujourd'hui, ça m'a comme percuté. J’ai été tout de suite intrigué. J'imaginais déjà ta vie en scrutant les traits de ton visage. D’ailleurs, je me souviens que je n'ai pas pu te regarder plus de cinq secondes car il fallait que j'aide les déménageurs à porter mes cartons. Mais je ne voulais pas non plus que tu te retournes face à deux yeux qui te fixent comme une poupée immobile.

   Les jours suivants je t'ai vu au même endroit, le regard aussi vide que la première fois. Je te croise parfois au local poubelle, nos bâtiments sont comme reliés à ce qu'il paraît. Je trouve ça drôle.

Est-ce le destin ?

   J'ai tendance à croire trop vite en certaines choses. Je me berce d'illusions la plupart du temps et c’est peut-être pour ça que je n’ose jamais voir les gens. Par craintes que mes illusions deviennent des attentes trop grandes et que la déception retombe comme un tas de flocons collé entre eux, en forme de cailloux énorme.

Je n'ai jamais osé te dire un mot, même pas un bonjour ou un bonsoir.

Je crois que tu m'intimides. 

   J'ai fait la connaissance d'une fille, une voisine, de mon âge aussi ! J'étais rassuré de voir qu'il n'y avait pas que des personnes âgés dans ce vieux bâtiment. Notre rencontre était stupide. Seulement son colis qui a atterri chez moi par erreur. Je n'en veux même pas au postier, elle non plus d'ailleurs, car c'est grâce à lui que nous sommes devenus meilleures amies. N'empêche, la pauvre. Plus j’y pense et mieux je revois sa tête paniquée lorsqu'elle était devant ma porte. Les cheveux en pétard, un œil maquillé sur deux et les joues roses de gêne. Après, elle n'était pas la seule à être gênée car je l'étais aussi. J’ai vu le contenu de ce colis. Au depart, j’ai cru que ca venait de ma tante et alors là, j’étais sur d’appeler la maison de retraite pour incitation au sexe. Car, ce qu’il y avait dedans, c'était des sextoys. 

— Alors ? C'est lui ? me demande-t-elle en le pointant du doigt.

   Heureusement que tu n'es pas là, j'aurai été grillée. Elle vise la fenêtre du bout de son ongle parfaitement manucuré. 

— Oui mais ne pointe pas du doigt comme ça, on va se faire voir ! 

Je rigole nerveusement alors que ma main appuie sur son bras pour l’abaisser. 

— Oui, pardon, pardon. Alors c'est lui ton crush ?

— C'est pas un crush je t'ai dit, juste...

— Il t'intrigue ? insiste-t-elle.

— Oui, je finis par soupirer.

   Elle éclate de joie avant de sauter sur moi pour m'encercler le cou avec ses bras.

— Natasha tu m'étrangles ! 

— Excuse, je kiffe les histoires d'amour !!!

— Ce n'est pas de l'amour…

   J'insiste pour lui faire comprendre mais elle persiste. Elle aime tellement ça qu'elle imagine plein de scénarios illusoires. Malheureusement elle ne comprend pas que souvent, il n'y a rien. C'est juste une intrigue, un charmant voisin de l'immeuble d'à côté. 

Elle fait la moue en croisant les bras sur sa poitrine puis elle me lâche :

— Tu verras que tata Natasha a toujours raison ! 

   Elle est toujours positive en n'importe quelle circonstance. C'est sa plus grande force à mon avis. Je ne veux pas la blesser en lui disant qu'il ne va rien se passer, c'est juste un voisin, une personne lambda sans importance. C’est comme les premiers amours, les romances d'adolescents. Ça ne dure jamais, ce n’est qu'une phase. 

   Avec Natasha, ça fait maintenant deux ans que l'on se connaît. Deux ans que j'ai emménagé dans cette petite ville étroite au bord d'un fleuve. On a un petit rituel, un endroit où l'on adore aller après le boulot ou les cours à la fac. Le Tea Bubblove, un salon avec plein de viennoiseries asiatique à manger. On peut aussi boire du thé ou du café, ou alors des bubble tea bien évidemment. On y va surtout le mercredi, ce jour-là, les bubble tea sont moins chers. C'est elle qui m'a présenté ce salon. Jamais j'y serai allé sinon, les choses asiatiques c'est très peu pour moi, mais je dois avouer que je ne résiste pas à la saveur des bubbles tea et aux perles de tapioca. Elles donnent un goût étrange dans la bouche lorsqu'on les éclatent contre le palais. C'est si fragile et savoureux, en plus d'être sucré. Pour mon plus grand plaisir !

— Bienvenue à Tea Bubblove, que puis-je vous servir ? s'exclame l'une des vendeuses.

   D'habitude, je ne prête jamais attention aux clients. Seulement là, je m'avoue vaincue. 

— Oh c'est pas le voisin du bâtiment d'à côté ? m'interroge Natasha.

   J'hoche de la tête, l'esprit mêlé dans la lune jusqu'à en oublier le monde réel. J'oublie complètement que je suis ici pour passer du temps avec mon amie. Au lieu de ça, je mate ouvertement le voisin. Sa frange qui retombe sur ses yeux marrons, la forme lisse de sa mâchoire, son corps fin et sa tenue élégante.

— Je savais pas qu'il était asiat ! s'exclame-t-elle.

   Elle a une passion pour ça, le Japon ou la Corée. Dès qu'elle voit une personne asiatique, elle devient ce qu'elle appelle une Koreaboo. Je n'ai toujours pas bien compris ce terme mais je crois que beaucoup n'aime pas ces personnes.

   Elle porte soudainement des paillettes dans ses yeux, une sorte d'étincelle lorsqu'elle regarde de près le garçon. Enfin, ce n'est pas un garçon, c'est un homme. Il a l'air d'avoir notre âge je crois. Je la vois se mordre les lèvres en souriant. 

— Tu te rends compte ? Il a un look de k-pop idol ! C'est un putain de BG ce gars ! Si tu ne le prends pas alors je le prend.

  Alors que je bois une gorgée, je recrache aussitôt pour pouffer de rire. Pourquoi suis-je amie avec une folle pareil ? Elle me fait des putains de frayeur à s'exclamer. Mes joues chauffes même à l'idée d'être remarqué. Mon dos se voûte pour me faire toute petite.

— Nat, c'est pas un jouet tu sais ! Je crois pas qu'il soit consentant pour être kidnappé, surtout par toi ! 

Elle se tord de rire avant de s'exclamer:

— Regarde la bombe que t'as en face de toi ? Qui ne voudrait pas de moi, sérieux ?

  C'est son genre. Être narcissique, mais pas de façon exagérée. J'admire sa confiance en elle et son style soigné et pétillant. Je trouve ça rafraichissant. D’autant plus que grâce à elle, j’oublie les tracas du quotidien.

   On finit par reprendre notre discussion d'origine mais mon regard ne cesse de dévier sur lui. Seul, à sa table, une tasse de café à la main. À ce moment-là je me demande s'il ne serait pas aussi amère que son café, ou alors c'est sa vie qui à ce goût. Je suis peut-être un peu trop dure mais, je rêve et j’imagine et c’est ce qui donne ce goût pailleté à ma vie.

   On sort du salon, toujours en discutant. On finit par se quitter, elle se dirige vers son bus tandis que moi j'attend que celui-ci parte pour regagner mon petit appartement. On aurait pu marcher ensemble mais elle devait s'occuper d'un truc avant, à ce qu'elle m'a dit. Sa tante je crois.

   Je commence à marcher, la tête ailleurs, les yeux comme un panda, le sac à la main. Marchant dans la nuit noir, sous les étoiles qui m'accompagnent, sous la lune qui m'observe attentivement, sous les lampadaires brillants de la rue commerçante.

  Une personne sort d'une supérette à l'instant, juste sous mes yeux, à quelques mètres de moi. Ses cheveux aussi sombre que le café, la tête baissée et sa démarche nonchalante unique. C'est le voisin de l'immeuble d'à côté !

   Mon cœur s'accélère d'un seul coup, je ne l'ai même pas vu venir. Quelle frayeur ! Suis-je aussi stupide d'avoir peur pour si peu ? Mais plus sérieusement, pourquoi est-il là ? 

   Lilo, positive, Il ne me connaît pas après tout. Je ne suis qu'une personne lambda, une fille lambda, une voisine lambda de l'immeuble d'à côté.

   J'en ai complètement oublié, il faut que je rentre chez moi nourrir mon bébé ! 

   J'accélère le pas, je finis par rattraper le brun. Un frisson de gêne longe mon dos et mes joues brûlent lorsque je m'approche. Alors que je l'aperçois, je ralentit immédiatement comme par automatisme.

   Il m'arrive quoi ?

   Avec les autres gens, je m'en fiche, je double. Avec lui, avec toi, je ralenti le mouvement comme si tu es quelqu'un d'important alors que pour être honnête tu es comme moi. Une personne lambda. Sans aucune importance aux yeux du monde, tout comme moi. 

Tu finis par rejoindre ton immeuble et je rejoins le mien. Je te regarde pénétrer le tiens, à plusieurs mètres de toi, face à ma porte. Puis je finis par entrer à mon tour. 

   Aussitôt arrivé dans mon appartement, une bête court sur patte déboule à l'entrée en miaulant puis me caresse les jambes de sa tête minuscule. J'affiche un sourire face à cette petite boule de poil marron et tigré.

— Coucou toi ! Je t'ai manqué ? Je demande après m'être accroupie pour le caresser.

Jun-Ho. Il s'appelle Jun-Ho, c'est un mâle que j'ai recueilli. Il était abandonné, sous la pluie. Il était encore un chaton à ce moment-là. Le voir avec son corps fragile qui affronte la météo changeante m'a fait de la peine. Au départ c'était un vrai petit monstre qui n'arrêtait pas de me mordre les doigts, je me suis demandé s'il n'était pas cannibale. Simple curiosité. 

   Cependant, en grandissant, il a fini par s'ouvrir à moi pour se montrer moins brute. Il l'est qu'avec les inconnus désormais et ça se comprend.

   Je me réveille de mes pensées par mon chat qui se met de nouveau à miauler.

— T'as faim c'est ça ? Tu veux manger ?

   Il se dirige aussitôt vers la cuisine. Rien que ce mot, manger, fait tout son effet. Il comprend immédiatement. 

Les palpitations de mon cœur se sont calmés. C'est étrange. En deux ans que je suis ici, je ne lui ai jamais parlé et je ne sais rien de lui. Pourtant, mon cœur bat comme une tempête lorsque je le croise. Il n'est rien. Juste un voisin, rien de plus.

— Miaow~

   Mon regard se dirige vers le bas de mon lit, un chat à quatre pattes qui me regarde droit dans les yeux. Je ne résiste pas. Jamais face à un petit chat, surtout si c'est le mien. Je tends mes bras pour le prendre, je le pose délicatement sur mon ventre tout en le caressant après m'être allongée de nouveau.

— Mon unique amour c'est toi, ne t'en fait pas.

   Je me lève brutalement ce matin, je n'ai pas entendu mon réveil alors me voilà à la bourre pour changer. J'enfile mes chaussures vite fait tout en me précipitant vers l'entrée. Plusieurs fois je manque de tomber mais ça va, j'ai l'habitude. Je suis miss maladroite parfois ! Alors que je verrouille la porte, un flash survient dans ma mémoire. Ma guitare ! Je déverrouille de nouveau puis me précipite dans la chambre pour chercher l'instrument. 

   J'arrive dans l'amphithéâtre, essoufflée et tout le poid de mon corps s'avachit sur la chaise en bois, atroce, de l’amphi. Puis aussitôt mes bras tombent sur la table. Le rire de Natasha se fraye un chemin jusqu’à mon oreille avec son sac qu'elle pose sèchement sur la table avant qu'elle ne s'assoit.

— T'as cru que t'allais être en retard ? demande-t-elle.

— Si j'avais su que le prof le serait aussi, je n'aurais pas couru autant ! 

  Je suis en train de me plaindre, les joues rouges et la peau en sueur. J'aurai dû prendre mon déo. Quel cruche de l'avoir oublié ! Je pue la transpiration maintenant. Soudain le bien miraculeux qui traverse mon esprit s'affiche sous mes yeux.

— Tiens, dit Natasha. Je pense que t'en as besoin, pas vrai ?

— Tu me sauves !

   Je me précipite pour me mettre du produit. Ça sent la fleur, l'hibiscus, une plante magnifique que je connais bien grâce à Pichi pichi pitch. Je ne suis peut-être pas une fan ultime du Japon comme mon amie mais je sais aimer les animés !

   Je termine la journée avec le club de musique, on est comme une sorte de groupe avec ce club. C'est vraiment sympa. Jouer ensemble, mélanger notre passion commune, le son de nos instruments, cet éclat de renouveau et cette énergie fabuleuse qui envahit notre corps tout entier.

   Je sors de la salle, saluant les autres avant de m'en aller puis quitter la fac. La vérité c'est que je viens à la fac seulement pour ça, pour le club. Les cours en général sont bien mais pas plus que ça ! 

   J'aime sentir la douceur de la nuit, ça donne un aspect apaisant et rafraîchissant. Je passe toujours par le bord du fleuve pour admirer l'eau, les étoiles qui se mélangent à elle pour donner un éclat à ce fleuve. Demain c'est déjà mercredi, la semaine passe si vite. 

   Alors que je marche, direction chez moi, je sens des gouttes d'eau tomber. Il pleut ? Mince. J'ai oublié mon parapluie en plus ! Je dresse mon sac sur ma tête puis je cours vers l'arrêt de bus le plus proche, avec un peu de chance j'arriverai à l'heure ! Je déboule sous l'arrêt, trempé jusqu'aux os et tremblante.

Ça donne un sacré coup de froid !   

   Le bus commence à arriver alors je m'avance au plus près du trottoir. Mon cœur bascule brusquement, s'arrête de battre durant une demi-seconde. Sa marche nonchalante, il est là, je l'ai sentie. Je dois être folle. Complètement folle. Je dois me faire soigner ou quelque chose comme ça parce que j'ai l'impression de délirer complètement. Ça se trouve c'est juste un connard, je le sais pas ça, ou alors je me fais des idées et c'est un gars bien ou juste snob ? C'est possible. Toutes ces descriptions foireuses sont possibles. Je le regarde du coin de l'œil, il est pensif. Il porte son regard droit devant lui. 

Je le vois soudainement tourner le regard dans ma direction.

Mince, je suis grillée !

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