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Chapitre 0 Les Solènyra



Dimanche 6 août 1923

Il y a bien longtemps, sur les terres anciennes d’Elëa, un monde régi par la magie et les équilibres oubliés, vivaient sept gardiens. Ils veillaient en silence depuis les confins de la lumière, incarnant chacun un pouvoir ancien et complémentaire. Liés par un pacte que nul ne connaissait entièrement. Du même âge, élevés dans les mêmes refuges sacrés, ils avaient grandi ensemble, nourris par les mêmes légendes, les mêmes épreuves, les mêmes silences. Leurs liens n’étaient pas que stratégiques ou mystiques : ils étaient familiaux, tissés dans les jeux d’enfance, les apprentissages partagés et les secrets chuchotés au bord des lacs oubliés. Ces racines communes rendaient leur union d’autant plus puissante et tragique.

Ce soir-là, ils s’étaient rassemblés au pied d’un village calciné. Le ciel semblait lourd. La terre, encore chaude. Les maisons, effondrées. Des corps figés dans les cendres, les traits des visages déformés par la peur, certaines mains tendues vers les étoiles, comme pour supplier une aide qui n’était jamais venue. Au centre gisait le corps d’un enfant, offert en sacrifice.

Une fine entaille courait le long de sa clavicule, invisible au premier regard, mais révélatrice d’un geste précis, presque rituel. Les chairs déchirées par endroits laissaient apparaître les muscles encore contractés dans un dernier spasme. Des os brisés, des membres aux angles impossibles, perçaient parfois la peau noircie. Dans sa nuque, une marque fine et irrégulière, dessinée dans la chair même : des runes que personne ne connaissait, mais qui faisaient frissonner. Il avait été marqué par une magie inconnue.

Certains visages gardaient l’empreinte d’une terreur muette, la bouche ouverte dans un cri suspendu. Une main arrachée reposait contre une planche carbonisée, les ongles incrustés de cendre et de sang séché. Toute la scène semblait figée dans une horreur sacrificielle.

Ils n’étaient pas prêts. Même Alérion, habituellement insensible, baissa les yeux. Ses mèches cendrées glissèrent sur ses épaules, tandis qu’un frémissement presque imperceptible contracta sa mâchoire. Ce qu’il venait de voir avait fissuré le masque de calme qu’il portait en lui depuis toujours. Nyssara s'agenouilla ; ses cornes de dragonne ornaient ses longs cheveux aux reflets bleu nuit. Ses yeux, fendus d’un trait en guise de pupille et d’un bleu électrique, semblaient percer les couches de conscience les plus profondes. Lorsqu’elle enfonça légèrement ses griffes dans la cendre, une onde subtile remonta jusqu’à son cœur, révélant le poids de la magie ancienne qui avait frappé ce lieu. Elle pouvait ressentir et manipuler les pensées latentes, ou réveiller les peurs inconscientes.

Là, sans échanger un seul mot, les sept comprirent et prirent une décision.



Lundi 14 août 1923

« Huit jours de marche les séparaient encore de leur destination. Huit jours de lutte, d’épreuves, de révélations. Huit jours pour que leurs pas deviennent serment. »

Le premier jour : Dans les marais de Vondraël, un amas de brume se matérialisa en une créature spectrale : la Noctisophane. Cette entité ancienne, mi-dryade mi-sirène, semblait composée de brume et de lianes mouvantes. Une couronne de bois torsadé et d’algues noires flottait au-dessus d’un visage sans traits, sauf deux orbites d’où suintait une lumière froide. Sa longue chevelure, faite de filaments humides, traînait derrière elle comme un voile vivant. Son souffle gelé glaçait même la magie la plus puissante, et sa voix, douce et cruelle, murmurait des prières oubliées qui pénétraient l’esprit pour y semer le doute et la peur.

Féogar, large d’épaules, portait sous la peau des veines rougeoyantes semblables à de la lave. Sa peau, hâlée par les vents, semblait vibrer au moindre frémissement de colère. Quand la rage l’envahissait, ses yeux d’ambre s’embrasaient et une chaleur intense se dégageait de lui, irradiant comme un brasier vivant. Ses bras, couverts de tatouages anciens, s’illuminèrent alors de runes ardentes. Il frappa le sol du poing, déclenchant une onde tellurique. Sous la Noctisophane, le marais se fendit : une crevasse jaillit, libérant une colonne de feu et de roche. L’entité spectrale, prise au dépourvu, vacilla, happée par la chaleur brute. Le sol lui-même semblait gronder sous les ordres silencieux de Féogar, jusqu’à ce que le silence revienne, étouffé par les cendres encore chaudes.

Le deuxième jour : Alors qu’ils s’enfonçaient dans les plaines brumeuses de Velkaris, vaste étendue de vallées noyées dans une vapeur laiteuse, où l’on disait que les pas eux-mêmes pouvaient se perdre dans le néant, un cri fendit l’air à l’horizon. D’abord lointain, il se rapprocha en un éclair strident, et l’air lui-même sembla se plier sous l’onde sonore. Un dragon fendit alors les nuages. Immense, cuirassé d’écailles d’un noir métallisé, veiné de l’ocre du métal en fusion, il projeta une spirale de feu mêlée de roche fondue vers le groupe. Féogar s’interposa, bras levés, puis les enfonça brutalement dans la terre. Une onde rouge jaillit en cercle, détournant les flammes. Eloraï tordit la lumière, faisant apparaître des mirages autour du groupe pour déstabiliser le dragon. Kayr, en lien télépathique avec l’esprit bestial, tenta d’imposer une volonté calme. Nyssara, manipulant les pensées du monstre, y insuffla une peur ancienne, juste assez pour qu’il batte en retraite.

Le troisième jour : Dans les cieux changeants de Ciryath, un bruit assourdissant fendit les vents. Là, suspendue entre deux éclairs, une créature ailée descendit en vrille. Haute de cinq mètres, la Chimère de l’orage arborait un corps serpentin recouvert d’écailles argentées traversées d’éclairs. Deux cornes torsadées en cristal pur jaillissaient de son crâne allongé, et ses ailes déployées vibraient d’un bourdonnement strident à chaque battement. Ses quatre yeux zébrés de lumière fixaient leurs proies avec une intensité presque divine. Autour d’elle, l’air se chargeait d’électricité, et chaque battement de cœur semblait résonner avec ses rugissements célestes. Lorsque le silence retomba, ils restèrent un moment figés, le souffle court, les visages tendus. Même Féogar, le plus impulsif, avait le regard éteint. Nyssara posa une main sur son front pour calmer le tumulte mental. Eloraï, encore pâle, gardait les yeux clos. Cette attaque n’avait pas été la plus violente, mais elle les avait ébranlés au plus profond d'eux-mêmes. Ils comprirent alors que leur lien seul les avait aidés à vaincre la chimère et les avait sauvés.

Le quatrième jour : Sous les cieux pâles de ce jour particulier, le cercle fut scellé plus étroitement encore. Le vent s’était tu, comme si même l’air redoutait ce qui allait suivre.

Nyssara s’avança seule dans l’arène de pierre aux parois miroitantes, choisie par les Anciens pour refléter l’âme de ceux qui s’y perdaient. L’épreuve ne serait ni physique ni magique au sens traditionnel : elle serait mentale, intérieure, impitoyable.

Les autres observaient en silence, chacun déjà marqué par sa propre épreuve. Nyssara, pourtant, n’avait pas cillé depuis leur arrivée. Ses écailles bleues irradiaient faiblement sous la lumière brisée qui s’éparpillait en éclats. Son regard, d’un bleu métallique, trahissait une concentration absolue.

- C’est une illusion, mais elle te percera comme une vraie lame, murmura Eloraï à voix basse.

Lorsque Nyssara pénétra pleinement dans le cercle, les miroirs s’animèrent, non pas par une magie élémentaire, mais par la mémoire des lieux. Une à une, les silhouettes surgirent dans le verre et elle se retrouva cernée par des versions d’elle-même : enfant tremblante, adolescente cruelle, femme trahie, créature enragée. Chacune portait un fragment d’émotion qu’elle avait tenté d’enfouir au plus profond d'elle-même.

- Tu n’es que mensonge… Tu lis les autres, mais tu ne te vois même pas toi-même, grinça l’une des images, ses yeux révulsés de douleur.

- Tu aurais dû mourir avec elles, cracha une autre, couverte du sang de son passé.

Nyssara ferma les yeux, et l’aura bleu électrique de son pouvoir enveloppa lentement son corps. L’illusion s’épaissit, gagnant en précision, mais elle ne recula pas. Elle murmura des mots ancestraux, issus d’un Codex des Voiles, et un souffle glacial balaya le cercle. Un miroir explosa.

Elle marcha à travers les reflets, chacun se brisant sur son passage sans qu’elle ne lève la main. Son esprit demeurait intact, non pas parce qu’elle résistait, mais parce qu’elle acceptait. L’illusion perdit de sa force.

Puis elle sortit du cercle sans un mot. La lumière se rétracta, et le silence qui suivit fut lourd de respect.

- Elle a affronté sa propre essence, souffla Féogar. Elle ne brandit pas son pouvoir : elle le contient.

Le quatrième jour se termina sans feu, sans cri, sans blessure. Mais il fut peut-être le plus cruel.

Le cinquième jour : Dans les cavernes profondes de Lithräl, formées de galeries sinueuses et de puits sans fond, un grondement remonta depuis les entrailles de la pierre. Là, rampant entre les colonnes de quartz noir, surgit un Ver de Faille. Long de plusieurs mètres, son corps segmenté luisait d’une lueur verte maladive, suintant une bave acide qui faisait fondre la roche. Sa gueule annelée, hérissée de crocs multiples, s’ouvrait en corolle pour aspirer l’air et la magie environnante. Sa présence seule semblait troubler la cohésion des sorts. Nyssara tenta de protéger leurs esprits d’un halo mental, mais le monstre pénétra la trame. Kayr bondit, griffes sorties, tandis qu’Alérion déforma l’espace autour du tunnel pour ralentir sa progression. Ce fut Naëlya qui mit fin au chaos : elle invoqua les racines anciennes, profondes comme les souvenirs du monde, et les fit se refermer sur la bête.

Lorsque les doutes se glissèrent entre eux, ce fut Naëlya qui les retint d’un simple regard. Sans un mot, elle lia la nature pour apaiser leurs esprits et les craintes naissantes. Sa magie, vert herbe foncé et subtile, effleurait l’âme.

Le sixième jour : La rivière se dressa contre eux. Elle semblait douce, presque accueillante, mais ses remous devinrent des griffes liquides. Un Anavri, esprit d’eau déchu, avait été réveillé. Ses chants creux cherchaient à les noyer dans leurs souvenirs. Naëlya, pieds nus dans le flot, entonna une plainte ancestrale, sa voix s’accordant aux courants. Les vrilles végétales jaillirent sous ses pas.

Alors qu’il chantait, Eloraï projeta autour du groupe un voile d’illusions en cascade, altérant la perception du lieu pour désorienter l’esprit d’eau. Ses illusions fluides se mêlèrent aux remous, dissimulant leurs présences, et offrant ainsi un répit pour agir avec justesse.

Alérion, quant à lui, étira la trame du temps d’un geste presque imperceptible. Les secondes ralentirent, s’étirèrent, suspendant le mouvement du monstre et celui de l’eau. Ses yeux d’acier fixaient les battements du monde, offrant aux siens un souffle hors du chaos.

Et au centre, Orlya, celle qui, depuis toujours, harmonisait les flux et maintenait la cohésion du groupe durant les rituels les plus complexes. Son empathie vibrait comme une mélodie silencieuse, captant les émotions, les tensions, les élans contenus. Sa simple présence unifiait l’ensemble. Chaque souffle de ses compagnons trouvait en elle un écho vibrant, résonnant dans sa propre chair. Lorsque l’un d’eux faiblissait, elle absorbait le déséquilibre et le transformait, le redistribuait, comme un cœur diffusant la vie dans tout le corps.

Le septième jour : Au pied du Mont Aren’thal, la lumière s'était éteinte. Le vent ne soufflait plus. Ils approchèrent d’un champ de pierres où flottait un silence anormal.

Le huitième jour : Ils atteignirent les flancs du mont Aren’thal. La neige y tombait à contresens, les flocons semblant hésiter entre ciel et terre. Là, dans un creux de falaise, un sanctuaire oublié émergeait lentement du givre. Mais avant d’y entrer, une dernière épreuve surgit.

Des éclats de lumière brisée s’élevèrent du sol. Une entité cristalline, mi-humaine, mi-minérale, se dressa devant eux : la Gardienne du Seuil. Elle leur imposa une épreuve ultime, une confrontation avec leurs parts d’ombre les plus intimes, dissimulées au fond de leur conscience. Son corps était fait de couches cristallines mobiles, comme taillé dans l’opale et l’obsidienne, et ses bras se déployaient en lames translucides. Sa voix n’était qu’un écho, une vibration qui forçait à l’introspection. Chacun d’eux se retrouva confronté à une illusion de lui-même, inversée, brisée, douloureuse. Kayr fit face à sa forme lupine déchaînée, ses instincts les plus sauvages prenant le dessus. Eloraï affronta une version de lui-même invisible aux autres, une illusion dans l’illusion, perdant toute capacité à se dissimuler. Féogar affronta une version de lui consumée par les éléments qu’il ne pouvait plus contrôler. Orlya chancela sous le poids des émotions des autres, leur peine vibrant dans son propre cœur. Et pourtant, aucun ne fléchit. Un à un, ils posèrent leurs paumes au sol.

Le cercle se forma.

La Gardienne recula, se fractura lentement, et disparut dans un souffle lumineux.

Ce lien profond entre eux se manifestait à travers un même signe gravé dans leur chair : une marque dorée à la nuque, une lueur discrète et mouvante, en forme d’arbre de vie.

Lorsque la dernière épreuve s’éteignit, un silence absolu s’abattit. Ils atteignirent enfin le sommet du mont Aren’thal. Là-haut, l’air semblait plus ancien que la roche. La neige, suspendue dans l’espace, refusait de tomber, comme figée dans l’attente. Les astres s’étaient alignés. Une fois par siècle, disait-on, Soleil, Lune et constellations formaient un pont céleste. Il vibrait au-dessus du cercle.

Ils prirent place. Le cercle sacré s’illumina sous leurs pas, lignes gravées à même la pierre, prêtes à réveiller la magie la plus ancienne. Chacun se positionna selon l’ordre ancestral. D’un même souffle, ils activèrent la convergence.

Féogar fit jaillir une lumière mêlée de vert, de marron et de bleu depuis ses bras marqués de runes. La terre vibra sous ses pieds, réchauffée par un feu ancien. Nyssara ferma les yeux, des arcs bleus électrifiés effleurant les pensées des autres, harmonisant l’élan collectif. Eloraï leva ses mains vers le ciel : un réseau d’illusions se tissa entre les pierres, comme un brouillard d'un rose cristallin et d’ombres, rendant leur présence incertaine aux yeux de toute force étrangère. Alérion projeta une pulsation temporelle argentée, ralentissant le battement du monde et créant un espace suspendu hors du flux naturel. Naëlya planta ses pieds dans la roche nue, d’où s’élevèrent des vrilles végétales sombres, canalisant les courants du vivant. Kayr fut parcouru de spasmes, sa peau ondulant entre l’homme et la bête, retenant l’appel primal. Et Orlya, au centre, libéra une vibration dorée, douce et instable, qui lia l’ensemble d’un battement fragile.

Mais au sommet de cette union, un souffle étranger s’infiltra. Orlya ouvrit les yeux, glacés par une sensation d’être observée.

- Quelqu’un... nous regarde, murmura-t-elle. La magie se tordit. Un éclair fendit le ciel. Une force invisible s’abattit sur elle, la projetant hors du cercle. Naëlya se précipita vers elle la première et lui glissa rapidement entre les lèvres une feuille anesthésiante, aux reflets bleutés, issue d’une plante rare qu’elle gardait toujours à portée. Tandis que l’effet engourdissant agissait, Féogar se pencha, ses paumes rougies d’énergie encore fumantes, et cautérisa les plaies à vif. Elle ne cria pas.

Le cercle éclata. Le Voile, qu’ils espéraient renforcer, se fissura. Une onde sourde, presque un grondement intérieur, traversa leurs corps. La lumière chancela, vacillante, projetant sur leurs visages l’ombre de leur échec. Un froid brusque se répandit, mordant la peau, comme si le monde retenait son souffle. Et avec lui, l’espoir.

- Ce n’était pas elle, souffla Féogar. Quelque chose s’est glissé entre nous.

- Nous avons été observés. Peut-être jugés.

- Une interférence naturelle.

Mais aucun ne le crut.

Alors, à genoux dans les cendres du cercle, ils posèrent tous leurs paumes à terre. Une vibration douce remonta depuis le cœur du mont. Et d’une seule voix, ils prononcèrent le Serment du Dernier Cercle :

« Que notre pouvoir ne soit plus jamais au-dessus de la raison. Que notre magie ne blesse plus jamais l’un des nôtres. Que si le monde chancelle, nous soyons racine, et non foudre. »




Samedi 10 septembre 1927

Quatre ans plus tard, le calme était revenu , une certitude émergea parmi eux : il fallait agir autrement, construire l’avenir au lieu de tenter de réparer le passé.

Ils fondèrent en silence une université, loin des regards, au cœur d'une vallée oubliée où la terre résonnait encore des anciennes magies. Chacun y insuffla une part de lui-même, dans un dernier acte d'espoir mêlé de remords.

Féogar, le premier, invoqua la force élémentaire et creusa la roche, sculptant la matière par la volonté du feu et de la terre, et dressa les murs d’une force brute, façonnant chaque pierre avec rage et humilité. Ses bras, marqués par les éléments, firent naître des fondations solides comme la mémoire.

Nyssara étendit un voile mental sur l’ensemble du sanctuaire. Une bulle de silence et d’oubli, dissimulant le lieu aux esprits curieux, effaçant sa présence des rêves et des souvenirs.

Alérion grava lentement, sur les piliers et les arches, les symboles du temps. Chacune de ses lignes contenait un battement, une mémoire, une mesure de l’éternité. Son tracé liait le passé au présent et suspendait l’avenir dans l’attente d’un équilibre retrouvé.

Eloraï posa ses illusions aux seuils du sanctuaire. Des trompe-l’œil mouvants, reflets trompeurs, rendant l’entrée invisible même aux yeux initiés. Ce n’était pas un piège, mais une épreuve pour ceux qui sauraient voir au-delà.

Naëlya, quant à elle, planta une graine. Pas une simple pousse, mais un germe de forêt ancienne, capable de sentir les vibrations du monde. Elle en prit soin, y déposant une larme, une chanson, un secret.

Et au cœur de cette trame d’enchantements silencieux, Orlya, encore affaiblie par les émotions absorbées et une dissimulation maladroite de ses ressentis les plus nauséeux, donna alors son dernier souffle. Dans un ultime élan de magie, elle libéra son pouvoir, insufflant dans les fondations de L’université une onde d’apaisement destinée à tous ceux qui, un jour, porteraient trop de douleur en ce lieu. Son corps s’affaissa doucement entre les racines, son visage apaisé, tandis qu’un dernier murmure quittait ses lèvres :

– Lysoria…

Ils jurèrent que jamais le pouvoir ne dépasserait la raison. Que Lysoria porterait leur faute. Et c’est là, dans cet acte fondateur, qu’ils décidèrent de se nommer les Solényra. Un nom issu des anciens chants, symbole d’équilibre, d’union et de réparation. Sous les étoiles anciennes, l’Ordre prit racine avec leur pacte.

Mais lorsqu’ils se retournèrent vers le corps d’Orlya, étendu entre les racines, une onde de chagrin les saisit. Nyssara tomba à genoux, incapable de contenir la peine qui s’échappait de son esprit pourtant si maîtrisé. Eloraï détourna le regard, ses illusions s’effondrant lentement autour de lui. Kayr, muet, posa son front contre la terre, comme pour absorber une part de sa présence. Même Alérion, figé dans le silence du temps, laissa couler une larme hors du temps. Naëlya serra les poings à en faire couler son sang, puis ouvrit ses mains vers le ciel, laissant s’envoler une volée de graines lumineuses en offrande. Féogar, enfin, posa sa paume contre son front, ses runes éteintes, murmurant un adieu que nul ne comprit.

« Le silence retomba. Mais ce n’était plus le même silence. »


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