Valentina: 18 ans.
Disparaître, ne plus être, jusqu’à s’oublier.
À quoi suis-je prête pour gagner ma liberté ? À tout.
Je suis là, pourtant tous m’ignorent, ils s’enivrent, se perdent dans la drogue et l’alcool pendant que je les observe en silence. Mes pas ne résonnent que pour moi, telle une mélodie funeste, ils me guident dans la demeure familiale des Valtrone, au cœur de la fête qui bat son plein.
Combien sont-ils ici ? Ils vénèrent une future reine. Non, ils ont peur. Peur de périr. Parce que sa colère est dévastatrice. Ma sœur est un poison.
Ses caprices sont terribles, elle désire tout ce qu’elle ne peut pas avoir. Tout ce qui brûle en elle c’est de la convoitise. Une jalousie destructrice, celle-là même qui ricoche sans cesse sur mon âme. M’étouffe, me blesse et me fait oublier qui je suis vraiment.
Jamais je ne lui pardonnerais.
Je traverse l’assemblée sans regarder les invités, c’est la meilleure façon de ne pas exister. Quelques gloussements me parviennent ainsi qu’une odeur de cigare. Lorsque je me dirige vers le balcon, je jette un coup d’œil au fond de la salle où se pavane Vittoria, accompagnée de ses deux prétendants. J’ai envie de rire, mais ne fais rien, s’ils savaient à quel point ils sont ridicules. Ils se battent pour une femme qui ne les aimera jamais. Tout ce qu’elle convoite, c’est le pouvoir. Il n’y a aucune place dans son cœur pour un quelconque sentiment. Je l’ai appris à mes dépens.
Combien de fois ai-je espéré un geste tendre de sa part ? Un simple sourire, un câlin ou même une phrase gentille. Sauf que c’est terminé. Je ne suis plus cette petite sœur idiote et naïve. Fuir est une solution temporaire, je le sais bien, mais c’est ma meilleure option pour le moment.
Vivre. Oui, je veux vivre.
Peu importe ce que cela me coûtera, ils n’auront pas mon âme. Je n’ai pas ma place ici, entre ses murs.
Mes yeux quittent l’endroit où se trouve mon aînée et, pendant une demi-seconde, ils rencontrent ceux de celui qu’on surnomme Lucifero. L’un des princes charmants de ma sœur, mais cela n’a rien d’un conte pour enfants. Quant au second type, Alessandro, il chuchote quelque chose à l’oreille de Vittoria et ses prunelles se braquent sur moi. Tiens, elle se rappelle que je suis là.
Hilarant.
Je me détourne sans attendre, puis je sors de la pièce sans aucun regret. Ce monde n’est pas pour moi. Je lui abandonne volontiers. Qu’elle garde ce stupide pouvoir. Tout ce que je souhaite, tout ce que je désire, c’est me perdre dans la musique. Oublier, disparaître dans mes partitions, devenir quelqu’un d’autre.
La Sicile va me manquer, mais ce manoir peut bien brûler, je n’en ai rien à faire. Si le feu pouvait tous les emporter, peut-être qu’enfin, le poids dans ma poitrine s’envolerait.