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AvrilNora
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Chapitre Uno - Un trône en cendre

Luciano

Je descends les escaliers, mes pas martèlent les pierres blanches. Mes deux bras droits sont juste derrière moi, ils s’échangent des informations à voix basse, je claque ma langue sur mon palais pour leur demander de la fermer. Je pousse la grande porte de l’entrée sans prendre le temps de la refermer. 

L’air marin s’engouffre dans mes poumons m’aidant à reprendre une respiration. Plus calme, plus mesurée. 

Le ciel est orangé. Le soleil commence à se noyer derrière l’horizon, découpé par des falaises. La mer, elle, reste indifférente.

 Comme moi, elle reste sauvage, indomptable, comme elle quand les vagues s’écrasent sur la roche, ma colère fera pareil sur mes ennemis. Elle est d’une beauté crue, brutale, sans se soucier des regards ni des jugements.

 Elle n’a besoin de rien, elle n’attend rien, elle s’impose sans clémence, écorchant ceux qui s’aventurent trop près. 

Mon esprit est pareil à cette mer : une immensité d’émotions, de rage et de désir, constamment en mouvement, jamais tranquille. 

Les vagues peuvent engloutir un navire, mais jamais elles ne cèdent, jamais elles ne se laissent briser. La mer a son propre rythme, tout comme moi. Elle dévore tout, sans pitié. 

Et tout comme elle, je détruirai ceux qui oseront se dresser sur mon chemin.

J’arrive devant l’infirmerie qui se trouve un peu en contrebas du manoir. Les deux mains sur les portes, je pousse et rentre. 

L’odeur du sang a toujours eu quelque chose d’apaisant pour moi mais pas en ce moment, pas quand c’est mon cercle proche sur ces fichus lits blanc. 

Ils ont tous les deux le regard ailleurs,  les traits figés. Alessandro est assis, le bras en écharpe. Il ne m’accorde aucune attention. Antonio allongé sur un lit plus loin, à un bandage qui lui barre le ventre. Personne ne parle. 

Cela commence vraiment à me mettre très en colère. 

Où sont Vittoria et son père ?

Le Docteur Balestra. Un vieux de la vieille sort de la pièce adjacente. L’un des rares à encore appeler mon père Giovanni sans trembler de la lèvre. 

Il ferme la porte doucement, trop doucement. 

— Alessandro, Antonio, vos blessures sont superficielles, rien d’alarmant. 

Sa voix se termine dans un murmure. Je sens l’odeur du drame. Je décide de couper court à tout suspens. 

— Qu’en est-il pour Vittoria et son père ? 

Ma voix est grave, sans appel. 

Il baisse la tête. 

Je comprends. 

Un battement, un silence, mais le vieux arrive à l’annoncer à voix haute. 

— Morts tous les deux, blessures trop importantes, hémorragies massives pour eux.  

Je ne bouge pas. Je n’ai pas ce luxe. 

Alessandro lâche un souffle étrangé. Je crois apercevoir une larme sur la joue d’Antonio qui était le bras droit de Vittoria et Vincenzo le père, depuis déjà de très nombreuses années. Je conçois que le choc est rude. 

Notre famille a  été attaquée. La famille Valmorello à un genou à terre. 

— La famille Valtrone s’est éteinte ! 

Ma voix résonne dans la pièce. Le moment est grave. 

Tony se redresse en se tenant le ventre. Le médecin se précipite vers lui. 

— Recoucher-vous ! Je viens de finir les points de sutures ! Vous allez gâcher mon travail mon garçon. 

Je lève un sourcil à la façon dont il réprimande Antonio qui me fixe, froid. 

— Il reste une héritière, dans la famille Valtrone, mon allégeance lui est destiné maintenant que Vittoria et son père sont morts. 

Mes lèvres se soulèvent dans une grimace fort déplaisante. Je vois une oeillade de mon frère. Alessandro me fixe attendant ma réaction. 

J’éclate d’un rire, sadique, dur, amer. 

— Tu parles de la musicienne qui a pris la fuite ?  Rassure-moi Tony, tu plaisantes ! 

— Que cela te plaise ou non, elle reste une héritière ! Sa place est parmi nous. 

Mais pour qui, il se prend lui ! 

— N’oublie pas la tienne Tony, je peux te permettre certains écarts, mais n’oublie pas qui est à la tête de cette famille ! 

— Je ne l’oublie pas, Lucifero ! Mais Alessandro règne aussi à tes côtés et elle aussi maintenant. 

Je grogne tout en m'avançant vers lui, il dépasse les bornes. Je hais cette fille, trop douce, trop molle, trop effacée. Elle a tourné le dos à sa famille, à sa sœur.  Ma vision prend une teinte  rouge sang. 

Une main se pose sur mon épaule, au moment où j'allais poser les miennes sur le coup d’Antonio. 

— Reviens mon frère, tu ne veux pas faire ça! Il y a déjà bien eu assez de morts pour aujourd’hui.

Je me retourne et rencontre les yeux verts de Sandro. Il me dépasse légèrement, du sang séché m’accule son visage, même dans ce genre de moment, il garde son calme. Je l’admire pour sa maîtrise parfaite de ses émotions, pendant que moi je n’est qu’une envie,  c’est d’arracher la langue d’Antonio pour son audace. 

Nous sommes interrompus par Alexei, un de mes bras droit. 

— Vos pères viennent d’arriver, ils vous attendent dans le petit salon. Ils ne sont pas au courant. 

Cazzo ! 

Nous n'avons pas le choix que de leur annoncer la perte de leur ami, ainsi que la dernière héritière des Valtrone. 

Car oui ! Même si l’autre est encore vivante, jamais elle ne sera une Valtrone. 

Alessandro passe devant, Tony commence à marcher également. Je le stoppe en mettant mon bras en travers de son chemin, il se le prend en plein dans sa blessure. 

Mérité, Stronzo ! 

—Reste là ! Pour te reposer ! Nous te tiendrons informé de cette réunion improvisée avec les patriarches. 

— Hors de question! Dans l’attente du retour de Valentina, je suis le seul à représenter la famille Valtrone. 

Mon sang ne fait qu’un tour, mon poing s’élève et s’abat sur lui ! Il tombe au sol sous l’impact. 

— Lucifero ! tonne Sandro. 

— Docteur ! hurlé-je. 

Il accourt de nouveau dans la pièce. Il se précipite vers son patient qui est au sol. 

— Quel dommage ! Je crois que ta plaie vient de se rouvrir. Coglione ! dis-je, non sans un petit sourire. 

Il grogne quand le vieux doc l’aide à se remettre debout! Il se rallonge sur le lit, le sang imbibe le pansement. Je ne peux m’empêcher de sourire devant cette vision sanglante. Je me retourne mais le visage fermé de Sandro m’informe qu’il n’est pas d’accord avec cela. Ma Vaffanculo !





Je me masse les tempes et passe ma main sur mon crâne chauve, mon dos se penche en arrière et vient se reposer sur le dossier de mon fauteuil. Nos pères sont en colère, et hurlent encore plus que des pleureuses italiennes. Une migraine ne va pas tarder à se manifester. J’ouvre mon tiroir et décide de prendre un cachet avec un verre d’Amaretto, la chaleur de la liqueur se répand en moi, et j’apprécie ce moment salvateur. 

Vittoria et son père sont morts. 

Je reste tendu comme un câble prêt à rompre. Pas de chagrin. Juste une colère froide. 

On ne l’aimait pas. Personne ici ne l’aimait vraiment. Trop hautaine, trop consciente de son rang. Mais elle représentait quelque chose, la stabilité des Valmorello, leur fortune, leur héritage, mais aussi une descendance. Une pièce maîtresse sur l’échiquier. 

Et on vient de renverser la table. 

— C’est une attaque directe contre nous, dit Francesco, le père d’Alessandro, d’une voix posée, mais tendue. 

Je jette un coup d’œil à mon ami, il a délaissé la veste de son costard, sur le dossier de sa chaise. Il fixe un point invisible sur le mur en faisant onduler le liquide ambré dans son verre. Pas de douleur dans son comportement, juste cette stupeur qu’on a quand un équilibre se brise d’un coup. 

Mon père, lui, est debout, le regard glacial. Il n’a pas réagi à la nouvelle. Pas un muscle de son visage n’a bougé. 

— Ils testent nos limites, dit-il enfin, d’un ton tranchant. Ils veulent voir jusqu’où ils peuvent aller. 

Je sens son regard se poser sur moi. Il attend. Il me jauge. Toujours. 

— Et toi, Lucifero, mon fils ! Tu comptes faire quoi ? Te lamenter ? Ou te montrer utile ? 

Chaque mort est une épreuve. Une provocation déguisée en leçon. Je me redresse lentement. Le feu monte dans mes veines, mais je retiens chaque impulsion. 

— Je désire connaître les noms de ceux qui ont tiré et fomenté cet attentat. Je les veux tous !

— Tu les auras, répond-t-il. Mais pas dans un accès de rage. Tu n’es qu’un chien qui aboie actuellement. Tu es un Ravello ! Tu dois mordre quand c’est stratégique, pas chaque fois que tu as faim. 

Je ravale la réplique qui me brûle les lèvres. 

— Vittoria représentait un pacte, une lignée, ajoute Francesco, balayant la colère de mon paternel. Sa mort déséquilibre tout. Quelqu’un cherche à redistribuer les cartes. 

Je lève les yeux vers lui. Il a raison. Et c’est ça qui m’inquiète. Ce n’est pas juste un attentat. C’est un message. 

Et dans ce jeu, celui qui comprend le message trop tard finit enterré avec les autres. 

Les deux paternels continuent d’échanger, pendant que je me perds dans mes pensées, en me demandant de qui l’attaque a pu venir. 

De nombreuses personnes, me souffle une petite voix dans ma tête. 

Oui, trois clans mafieux qui s’unissent et créent une seule et même entité, ça a opéré quelques grincement de dents. Beaucoup de dents. 

Notre pouvoir s’est déployé comme une ombre sur l’Italie et bien au-delà, depuis que l’alliance a été forgée. Trois familles : les Valtrone, les Moretti, et la mienne, les Ravello. Ensemble, nous avons fondé le clan Valmorello, un nom qui fait trembler jusqu’aux coins les plus reculés de l’Europe de l’Est.

Mon père, Giovanni Ravello. Francesco Moretti, le père d’Alessandro. Et Vincenzo Valtrone, maintenant réduit à l’état de cendres. Trois noms, trois empires. Mais une seule couronne.

Mettre nos ressources en commun a été un coup de génie. Argent, influence politique, réseaux de trafics diversifiés… rien n’a réussi à nous arrêter. Mais la famille Valtrone a toujours détenu la plus grosse part du gâteau. Leur mainmise sur les armes et la drogue les plaçait au sommet. 

Cependant voilà : pas d’héritier mâle. Juste des filles.

Et dans cet univers, une femme à la tête d’un empire, ça ne fait pas long feu.
Pas sans une alliance stratégique.

Vittoria Valtrone, c’était la solution. Un pion précieux. Une future épouse pour l’un d’entre nous qu’elle allait choisir et qui l’aurait propulsée à la tête de la mafia Valmorello. Personne ne l’aimait, mais tout le monde avait besoin d’elle. 

Je regarde mon père, Giovanni, debout près des fenêtres, silencieux et tranchant comme un scalpel. Francesco, lui, garde un calme presque noble, comme si tout cela n’était qu’un désagrément à gérer.

La mort de Vittoria n’est pas qu’un drame. C’est une brèche.

Quelqu’un cherche à faire exploser l’équilibre que nous avons mis des décennies à construire.

Le silence s’épaissit dans le bureau, jusqu’à ce qu’Alessandro se redresse légèrement. Son regard balaie la pièce, calculateur. Je sens qu’il prépare quelque chose. Et je n’aime pas ce que je devine dans ses yeux. 

— Il reste une héritière, dit-il calmement. Valentina. 

C’est pas vrai ! Encore ! 

Un frisson glacé me traverse l’échine, je savais qu’il oserait. 

— Tu plaisantes, je crache. Cette garce a tourné le dos à la famille. Elle a craché sur tout ce qu’on représente. Tu veux la ramener dans la famiglia après ça ? 

— Elle est une Valtrone, répond Alessandro, toujours aussi tranquille. Et aujourd’hui, c’est la seule également en vie. 

Je me redresse, furieux. 

— C’est une idéaliste, une paumée qui joue à la bohémienne pour se donner bonne conscience. Elle n’a pas la carrure. Elle ne sait rien de notre monde. Elle l’a fui, et le fuira encore à la première balle sifflante. Ce que tu proposes, c’est un suicide groupé.

Mon père, toujours debout, hoche lentement la tête. 

— Pour une fois je suis d’accord avec mon fils, dit-il. Cette fille ne vaut rien. C’est un maillon faible, un danger potentiel. On ne remet pas un serpent dans son nid. 

— Pourtant, rétorque Francesco en se penchant légèrement vers mon bureau, dans ses veines coule le sang des Valtrone. Un nom puissant, nos alliés vont avoir besoin d’être rassurés sur une descendance fiable, solide. 

Il se tourne vers son fils. 

— Tu es sûr de toi, figlio ? 

Il hoche la tête, sans aucune once d’hésitation. 

— Elle peut être façonnée. Guidée, protégée. Elle n’a jamais eu sa chance. Elle mérite de la prendre maintenant. 

Je laisse échapper un rire sec. 

Mon père, froid comme l’acier, tranche. 

Signori ! Nous sommes dans une impasse. Deux contre deux. Rien ne bouge. On tient tous le couteau par la lame et personne ne veut lâcher. 

Je lève les yeux au ciel face aux citations de mon père. Il me fatigue le vieux.

Francesco souffle, mais une lueur s’allume dans ses yeux, la même que je vois souvent dans ceux de mon frère. 

— Il manque une personne dans ce bureau. Où se trouve le second de Viscenzo, Antonio ? 

Siamo fottuti !

— Il est à l’infirmerie, padre, répond son fils. C’est lui qui a soumis l’idée à Lucifero. 

— Alors, nous sommes trois contre deux ! Giovani, mon ami, tente Francesco. Nous savons bien que Viscenzo a dû mettre sa dernière fille sur le testament. Donc elle va hériter, du nom, des possessions. Et des parts dans la mafia Valmorello. 

Mon sang se glace. 

Je n’avais pas un seul moment pensé au testament. Je tire mon téléphone, et ordonne à Alexei de me ramener Antonio. 

Quelques minutes plus tard, mon bras droit débarque avec le second de la famille Valtrone. 

— Tu m’as fait demander, Lucifero ? 

Il se tient fier, droit. Les mots me brûlent dans la gorge. 

— Contacte l’agent qui est chargé de la sécurité de la bohémienne !

— Il n’en a aucun, elle vit seule à ma connaissance à Venise.

PERDONO ?! criè-je. 

— Valentina a toujours vécu dans l’ombre de la mafia. J’imagine que Viscenzo n’a pas pensé à la faire protéger. 

Francesco se lève, avec un air assez grave. 

— Où se trouve-t-elle ? demande-t-il. 

Je tente de reprendre une respiration calme. 

— Venise, conservatoire, je crois, répond Tony. 

— Tu crois, tonné-je ? C’est une blague ! 

Tony me fixe avec une certaine arrogance que je vais lui faire ravaler au prochain entraînement. 

— Je ne comprends pas Luciano, tu étais contre et d’un coup j’ai l’impression que l’angoisse te gagne. 

Je baisse la tête, un sourire diabolique naît sur mon visage. 

— Moi paniquer ? Jamais, mais dis-moi Antonio. As-tu pensé aux conséquences de la laisser isolée, alors que son père et sa sœur viennent de se faire trouer comme du gruyère. Elle est livrée à elle-même, seule, sans protection, avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête et sur celle de la mafia. 

Son sourire s’égrène, il tourne son regard vers Alessandro, qui est déjà au téléphone avec l’aéroport qui se trouve à une vingtaine de minutes du manoir, il demande le jet privé d’urgence en direction de Venise. 






Nous, nous nous installons dans le petit appareil. Le pilote, Sergio, nous salue puis va se mettre à son poste. Nos pères sont restés sur place avec Damiano, mon deuxième bras droit et Raffaele, celui d’Alessandro, ils ont beaucoup à gérer, les médias commencent à parler de la mort de Viscenzo et de Vittoria et doivent organiser les obsèques. Je m’installe en face d’Alessandro. Antonio ainsi que Alexei et Tiziano nous accompagnent pour rapatrier ou kidnapper la bohémienne, tout dépend de comment va se dérouler notre rencontre. 

Alessandro s’allume une cigarette et se tourne vers Antonio. 

— Alors, Tony, c’est le moment de tout nous dire sur Valentina ! 

Il écarquille les yeux. 

— Tu veux savoir quoi exactement ? demande-t-il à mon ami.

— Tout, tonné-je. 

— Dois-je vous rappeler que ça fait des années que nous ne nous sommes pas vus, ni parlé. Je sais qu’elle fait de la musique. Elle est peut-être en couple. 

— Ah. Il va falloir organiser un divorce si c’est le cas ou des obsèques, tout dépendra de l’intelligence de cet homme, répondé-je froidement. 

— De quel instrument joue-t-elle ? tente mon frère.

Un blanc s’éternise entre nous. 

Alexei éclate d’un rire puissant qui résonne dans l’appareil avant de prendre la parole. 

— Rassure-nous, tu sais à quoi elle ressemble au moins ? dit-il en se marrant. 

— Oui, je saurais la reconnaître, pour l’instrument, un instrument à corde peut-être, je ne me souviens plus très bien, répond Tony.

Alessandro se frotte le front en fermant les yeux. Moi, je le regarde en secouant la tête de sidération. 

Prends une corde et étrangle-toi avec, ça nous fera des vacances. 

L’avion décolle, et je ressens un mélange de lassitude et de rage froide, mais aussi une infime curiosité venimeuse. Qui est vraiment la dernière héritière des Valtrone ? 


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