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Thewritergirl38
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Chapitre 1

Partie I : Avant

Le départ : Eléa, 18 ans, l'été après le bac

Il fait chaud. Une chambre un peu en bazar. Des vêtements partout. Un sac à dos éventré sur le lit. Une feuille blanche traîne sur le bureau. En haut, écrit au stylo :

"Liste des trucs à faire dans la vie."

En dessous :

→ Partir loin

→ Voir la mer tous les jours

→ Parler une autre langue

→ Rencontrer des gens qui me connaissent pas

→ Être libre (vraiment)

Eléa est assise en tailleur par terre, entrain de faire des piles de fringues sans conviction. Sa mère passe la tête par la porte.

- T'es sûre de ton truc là ? Toute seule, en Espagne...

- Je pars pas au bout du monde maman.

- Barcelone c'est pas la porte à côté non plus.

Eléa lache un petit sourire. Elle est fatiguée d'expliquer, fatiguée qu'on s'inquiète. Elle regarde son sac, son premier vrai billet d'avion imprimé traîne à côté. Elle chuchote, juste pour elle : c'est un peu ça le but.

Barcelone, jour 1

L'air est lourd et chaud, rien à voir avec Paris. Eléa traverse l'aéroport d'El Prat, sa valise qui roule derrière elle, un seul de ses écouteurs dans l'oreille car elle veut entendre. Elle veut sentir. Elle veut tout capter. Dans sa main, un papier plié mille fois : les indications qu'elle s'est notées pour rejoindre son logement. Navette jusqu'à Plaça Catalunya. Puis métro L3. Puis marcher 8 minutes. Son téléphone vibre. Message de sa mère. "Tu es arrivée ? Fais attention à toi surtout." Elle sourit sans répondre tout de suite. Elle est là. Elle y est vraiment.

Quelques minutes plus tard, elle est assise dans le bus, front collé à la vitre. La ville défile. Les palmiers, les couleurs ocres, les petites rues pleines de scooters. Un détail la frappe : ici, personne ne la connaît. Ici, elle est personne. Et c'est peut-être ça qu'elle est venue chercher.

Un petit immeuble typique, dans un quartier vivant mais pas touristique. Son Airbnb : une vieille porte en fer forgé, un digicode un peu capricieux. Elle galère à monter sa valise dans les escaliers étroits. Puis elle entre. C'est un studio simple, mais lumineux. Un petit balcon, des guirlandes lumineuses. C'est tout ce qui lui faut pour commencer sa nouvelle aventure. Ça sent le neuf et le possible. Elle pose sa valise dans un coin, regarde autour d'elle et s'avance vers le balcon. Elle admire Barcelone sous elle. Ok Eléa... bienvenue dans ta nouvelle vie.

Les premiers jours se passent sans encombre. Le matin, elle se lève sans alarme. L'appartement est baigné de lumière. Sur la petite table en bois, son carnet ouvert, c'est sa nouvelle obsession. Elle note tout. Les noms des rues qu'elle aime, les cafés où elle veut revenir, les quartiers qu'elle veut explorer, les mots espagnols qu'elle entend souvent, les petits détails qui la frappent.

"Barcelone c'est bruyant mais pas agressif.", "Les gens prennent leur temps.", "J'ai vu un vieux monsieur danser tout seul en pleine rue.", "Ici les volets sont en bois vert."

Ses journées sont simples. Un café en bas de chez elle, le serveur commence déjà à lui sourire quand elle arrive. Des balades sans but précis, elle se perd exprès. Des photos de détails : une porte colorée, un chat qui dort au soleil, une devanture d'épicerie. Parfois, elle s'assoit sur un banc et regarde les gens passer longtemps. Elle imagine leur vie, leurs histoires. Et le soir, elle remplit son carnet en grignotant des tapas achetées au hasard. Elle se sent bien. Seule, mais bien.

Barcelone, jour 6

Ce jour-là, Eléa s'est levée un peu plus tard. La chaleur est écrasante. Elle marche sans but précis, son carnet dans son tote bag, son appareil photo au cou. Elle commence à avoir ses petites habitudes. Elle aime beaucoup une place pas loin de chez elle : un carré un peu caché, bordé de cafés, de vieilles pierres, de gamins qui jouent au ballon. Elle s'y installe souvent avec un cappuccino vanille-caramel, son carnet ouvert devant elle. Aujourd'hui, c'est ce qu'elle fait.

Elle écrit : "Je crois que j'aime cette place parce que tout le monde a l'air chez lui. Les vieux, les gamins, les serveurs, les chiens."

C'est là que, sans s'en rendre compte, elle assiste à la scène. Rien d'exceptionnel, juste un mec brun, grand, un peu nonchalant qui traverse la place. Il est en train de râler en espagnol, pas méchamment, mais avec cet agacement typiquement méditerranéen, portable à l'oreille, un casque de scooter à la main. Une vieille dame, une vraie abuela espagnole, l'arrête au vol. "Adrian, hijo, ton père t'attend depuis dix minutes au café, qu'est-ceque tu fabriques encore ?" Le fameux Adrian lève les yeux au ciel, sourire amusé. "J'arrive, j'arrive..." Et il disparaît de l'autre côté de la place.

Eléa le note dans son carnet, sans savoir pourquoi. "Un type qui s'appelle Adrian, qui râle en espagnol mais qui sourit quand même." Et c'est tout. Rien de plus. Juste un détail de plus dans sa collection de moments. Un détail sans importance.

Barcelone, jour 7

Elle passe sa matinée à ranger un peu ses affaires. Pas vraiment pour partir. Pas vraiment pour rester. Elle est dans ce flou parfait des voyages solos où tout est possible et rien n'est urgent. Mais sa location va toucher à sa fin, elle va devoir quand même décidé rapidement de la suite de son voyage.

L'après-midi, elle s'installe peut être pour la dernière fois à sa place préférée. Son carnet est ouvert, mais elle écrit moins. Elle regarde plus. Elle se dit que si elle part demain, elle voudra se souvenir de cette lumière-là. De cette ambiance un peu poussiéreuse, du son des enfants qui crient en jouant au ballon, du cliquetis des couverts sur les terrasses. Prise dans sa contemplation, c'est ce moment qu'il choisit pour passer. Un casque audio sur les oreilles, concentré sur son téléphone, un sac desport sur l'épaule. Il ne la regarde pas. Il ne sait même pas qu'elle existe. Mais Eléa, le reconnaît, le garçon d'hier qui raler en souriant. Adrian. Elle le suis légèrement du regard et sourit, avant d'écrire dans son carnet :  "Barcelone, c'est ce genre de ville : tu croises deux fois la même personne et tu as l'impression qu'elle fait partie du décor." Puis elle ajoute, sans trop savoir pourquoi : "Peut-être que demain je partirai." Mais quand elle ferme son carnet, elle n'a toujours rien réservé.

Barcelone, jour 8

Cela fait deux heures qu'Eléa fait semblant de réfléchir à son avenir, assise sur son lit. Elle regarde les annonces de logements et les horaires de train dans d'autres villes. Puis, elle soupire. Et si j'arrêtais un peu de réfléchir ?

Elle descend dans la rue, flâne sans but. Et en passant devant une petite boutique de location de scooters, l'idée lui tombe dessus sans prévenir. Aujourd'hui, Barcelone à scooter. Et demain... on verra. Elle signe les papiers, prend un vieux casque qui sent leplastique chaud, et s'élance. Elle traverse la ville comme une touriste un peu maladroite. Elle se perd, elle rit toute seule sous son casque. Elle s'arrête pour boire un café glacé, elle prend des photos au feu rouge, elle frôle les trottoirs. Elle adore. C'est grisant. Elle va plus loin que d'habitude, elle découvre des quartiers qu'elle n'aurait jamais vus à pied. Elle commence à se sentir libre.

Mais en fin d'après-midi, alors que le soleil tombe doucement sur Barcelone, laissant derrière lui une lumière orangée qui accroche les façades des immeubles, un détail qu'elle n'avait pas prévu surgit brutalement dans son champ de vision. Un panneau. Un marquageau sol à moitié effacé. Une zone où elle n'aurait visiblement pas dû se garer. Un papier coincé sous son essuie-glace.

Assise sur un banc en pierre, au bord d'une petite place un peu à l'écart, elle fixe le papier entre ses mains, les sourcils froncés. Une amende. Un putain de ticket de contravention. Espagnol incompréhensible. Termes administratifs dignes d'une punition divine. Elle souffle, parle toute seule, l'accent français à couper au couteau.

-  Mais qu'est-ce que ça veut dire ça... 'Estacionamiento indebido'... Ouais ok j'ai capté que j'ai mal garé mon    scooter, mais 80 euros sérieux... 80 ?!

À quelques mètres d'elle, adossé nonchalamment à un mur, une bouteille de bière à la main, un mec l'observait discrètement depuis cinq bonnes minutes. Un local. La vingtaine. Sweat clair, jeans, cheveux sombres un peu en bataille. Le genre de mec qui dégage un calme insolent. Pas le genre à se mêler des affaires des autres. Sauf que là, ça devenait trop drôle.

Sans la regarder, d'un ton tranquille, il balance en français mais avec un accent énorme accent espagnol :

-  Ça veut dire que t'as officiellement rejoint le club des touristes    pigeons de Barcelone.

Elle se fige et tourne légèrement la tête. Lui, il n'a même pas bougé. Il boit une gorgée, l'air de rien.

- Félicitations.

Elle le fixe, mi-blasée, mi-sidérée

- Super, il manquait plus que ça.

Un petit sourire en coin échappe au garçon. Il finit par tourner la tête vers elle. Le regard sombre, profond, un brin moqueur.

- T'as garé ton scooter sur une place réservée aux résidents. Amende de 80 euros. Si tu paies sous 48h, ça passe à 40.

Elle soupire, désespérée.

- Génial. En plus je me fais facturer l'expérience locale au prix fort.

Un silence. Puis, lui, presque amusé :

- T'es française, non ?

Elle lève les yeux au ciel. C'était pas difficile a deviner.

- C'est si évident que ça ?

- Un peu.

Nouveau blanc. Pas gênant, pas lourd, juste naturel. Elle range le ticket dans son sac, l'air vaincue.

- Bon...  merci quand même, monsieur le traducteur des galères.

Il laisse échapper un souffle amusé.

- Adrian.

Elle le regarde, surprise.

- Pardon ?

- Mon prénom c'est Adrian, pas « monsieur le traducteur ».

Elle sourit malgré elle, en fait elle s'en douter un peu.

- Eléa.

Il fait mine de réfléchir.

- Eléa...  Ça fait très française qui se perd dans les petites rues.

Elle rit doucement.

- Ouais  c'est à peu près ça.

Il finit par se redresser, regarde brièvement autour d'eux.

- Viens. Je te montre où tu peux payer l'amende sans te faire plumer.

Elle hésite une seconde, puis hausse les épaules.

- T'es toujours aussi serviable avec les touristes paumées ?

Son regard se plante dans le sien, franc.

- Non. Juste celles qui râlent en français.

Et sans vraiment savoir pourquoi, elle le suit.

Après avoir charrié Eléa gentiment, Adrian se penche sur son amende. Lui, il connaît les bails. Lui, il sait où aller, qui appeler, comment contester, comment payer sans se faire avoir. Et surtout, il prend son temps. Pas du genre pressé. Pas du genre distant non plus. Il l'aide à traduire les infos. Il lui explique les zones de stationnement à Barcelone, les pièges à touristes, les règles idiotes que même les locaux détestent. Et à force de discuter, les banalités deviennent un peu plus personnelles. Il apprend qu'elle est française, qu'elle voyage seule, qu'elle hésite à resterou partir. Elle apprend qu'il est né ici, qu'il connaît la ville par cœur. Il parle français parce que sa mère l'est et il travaille dans un café en guise de petit boulot. Pas d'échange de réseaux. Pas de demande de numéro. Juste une discussion qui s'étire doucement. Avec ce petit truc en fond. Ce "je sais pas pourquoi je reste à te parler mais j'y reste." Sauf Eléa sent que c'est le moment de couper court. Il reste un inconnu. Charmant, oui, mais un inconnu.  Elle remet son casque.

- Bon...  merci pour le coup de main. Vraiment.

Il hausse les épaules, le regard toujours un peu moqueur mais jamais lourd.

- Pas de quoi. Et bonne chance avec ton scooter."

Elle hésite un instant puis ajoute :

- Je pars demain, normalement.

Mais pourquoi elle lui dit ça ??

Il la fixe une seconde de plus que nécessaire. Un micro sourire, presque imperceptible.

- Alors profite bien de ta dernière soirée, la française.

Elle hoche la tête, un sourire poli, peut-être un peu plus sincère qu'elle ne voudrait. Puis elle démarre et s'éloigne.

Elle claque la porte de son petit studio et s'écroule à côté, après avoir rendu son scooter. Un long soupire s'échappe de ses lèvres. Et là, sans prévenir, son esprit fait exactement ce qu'elle voulait éviter: rejouer chaque détail. Son rire, sa voix un peu rauque, ses yeux sombres et hypnotisants, sa manière tranquille de l'aider sans la faire se sentir stupide. T'es vraiment ridicule, Eléa. Elle attrape son carnet pour noter les choses de la journée mais les mots restent coincés. Parce qu'il n'y a qu'un truc qu'elle a envie d'écrire. Un prénom. Adrian.

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2 Comments

2 days
J'aime beaucoup cette introduction.
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7 hours
Merci :) j'espère que la suite te plaira aussi !
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