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Thewritergirl38
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Chapitre 2

Le lendemain matin, sa valise est bouclé et ses affaires rangés. Elle a réservé un billet pour Madrid, son train est en fin d'après-midi. Nouvelle ville, nouvelle étape de son année sabbatique. Elle s'est convaincue que c'était mieux comme ça. Barcelone, c'est joli, mais c'est bon, elle a fait le tour. Elle a eu son petit imprévu avec Adrian, c'est une anecdote sympa, un souvenir qui restera là. Et surtout : c'est pas une bonne idée de rester à cause d'un mec qu'elle connaît à peine. Bref.

Elle quitte son logement, valise à la main, un peu nostalgique mais décidée. Ses écouteurs dans les oreilles, elle descend les ruelles de son quartier. Et évidemment, au détour d'une rue quand elle relève les yeux, il est assis à la terrasse d'un petit café. Une clope au bec, un café devant lui. Exactement comme s'il faisait partie du décor. Il la repère instantanément. Son regard glisse de sa valise à elle. Un sourire en coin étire ses lèvres.

          - Déjà en fuite ?

Elle retire un écouteur, un peu prise au dépourvu.

           - J'ai un train pour Madrid dans deux heures.

Il fronce légèrement les sourcils. Ce tout petit pli entre ses yeuxqu'elle avait déjà remarqué la veille.

            - Madrid ? Mauvais choix.

Elle rit, un peu nerveusement.

            - Tant pis pour moi.

Il y a un silence mais elle sent son cœur cogner bizarrement. Il pourrait la laisser passer, lui souhaiter bon voyage. Mais non, Adrian se lève tranquillement, laissant un billet sur la table pourson café. Et au moment où elle s'apprête à continuer sa route,il la rattrape.

- Viens. Je t'accompagne jusqu'à la gare.

Elle hésite mais elle le laisse faire. Ils marchent, parlent. Pas de grande déclaration, pas de regards lourds de sens. Juste eux, simplement.

Ils arrivent devant la grande façade vitrée de la gare. Les bruits de valises, les annonces en espagnol dans les haut-parleurs. Eléa ralentit le pas, un drôle de poids au creux de la poitrine. Adrian s'arrête à quelques centimètres d'elle. Elle tourne un peu la tête vers lui.

            - Bon, c'est là que nos chemins se séparent, j'imagine..

Il reste immobile. Juste un regard en coin, un léger sourire au bord des lèvres. Pas moqueur cette fois. Presque doux.

             - On dirait bien.

Elle hoche la tête. Elle devrait y aller. C'est maintenant. Mais elle reste là, figée, comme si ses jambes ne répondaient plus. Adrian la fixe un instant. Puis il glisse en désignant sa valise :

             - T'as encore un peu de temps avant ton train ?

Elle regarde sa montre. Il lui reste quelques minutes de marge. Elle hésite avant de répondre.

             - Un peu, ouais.

Il hoche lentement la tête, un sourire à peine là.

              - Alors viens boire un dernier café avec moi.

Ce n'était pas un piège, pas une tentative lourde. Juste un "et si". Elle devrait refuser. Elle le sait. Mais elle dit oui.

Ils s'installent à une terrasse de café, juste devant la gare. Elle garde sa valise proche d'elle, comme un rappel, comme une protection. Ils discutent. Rien d'incroyable. Un café sans pression. Mais l'heure tourne. Elle le sait, elle le sent. Et puis elle relève les yeux vers l'horloge publique. Ses yeux s'écarquillent.

            - Oh merde... mon train.

Elle se lève d'un bond, son cœur s'accélère. Elle se dépêche de traverser, valise en main, fonce dans la gare. Adrian la suit des yeux, accoudé à la table, l'air un peu amusé.

Eléa revient cinq minutes plus tard, la valise bringuebalante derrière elle, le cœur qui cogne encore d'avoir couru dans tous les sens. Mais arrivée devant le café : vide. La table est là, son café vide est là mais Adrian, lui n'est plus là. Un creux immédiat dans l'estomac. Un mélange d'épuisement et de panique. Putain. Elle reste plantée là une seconde, un peu bête et perdue. Puis elle sort son téléphone en vitesse et recherche : hotel Barcelona lastminute. Mais c'est cher, complet et loin. Elle souffle, s'assoit brusquement sur le rebord d'un muret, regarde son billet de train inutile. Et la solitude lui tombe dessus d'un coup. Elle se sent ridicule et seule. Bravo Eléa, vraiment la queen de l'organisation.

Les roues de sa valise raclent les pavés irréguliers des petites rues barcelonaises. Eléa marche sans réel but, son téléphone dans une main, sa valise dans l'autre, le cœur lourd et l'esprit en vrac. Elle a écumé les sites de réservation. Elle a même essayé les auberges les plus miteuses. Rien. Son logement est rendu, son train est parti. Et elle est là. Seule. Les rues autour d'elle sont jolies pourtant, vibrantes, vives. Tout le contraire d'elle en ce moment.

Elle passe devant des terrasses où des groupes rient fort, des couples se tiennent la main, des amis trinquent. Elle continu d'avancer, sans but en tirant sa valise. Un poids au cœur. Un poids au bout du bras. Elle soupire, s'arrête au hasard à un croisement. Ses yeux dérivent vers le ciel qui commence à rosir. Bon, au pire des cas je dors sur la plage. Elle tente un sourire pour elle-même, pour essayer de se convaincre.

Ses pieds l'ont finalement menée sur la plage de Barceloneta, la plus célèbre de Barcelone. La nuit est tombé et elle s'est posée là. Au bord du sable, pas loin des escaliers en pierre qui mènent à laplage. Ses genoux repliés contre elle, les bras croisés autour, le menton posé sur ses genoux. Sa valise trône à côté d'elle. Seule et pathétique, comme elle. Elle fixe la mer. Des vagues calmes, régulières. Mais son cœur, lui, cogne un peu plus vite. Elle commence à se rendre compte de la dinguerie de son idée. Dormir là, seule, sans vraiment savoir si c'est safe. Elle n'a rien à manger. Elle a soif. Son estomac se tord un peu. Superbe idée, Eléa. Vraiment brillante. Elle serre un peu plus ses bras contre elle. Elle déteste cette sensation, d'être paumée et fragile.

Un peu plus loin sur la plage, l'ambiance est à l'opposée. Un groupe de jeunes rient, boivent, écoutent de la musique. L'odeur de la mer se mélange à celle de la bière et descigarettes. Des éclats de voix en espagnol résonnent dans la nuit tiède. Et au milieu du petit groupe : Adrian.

Assis sur un grand plaid, entouré de ses amis et un verre à la main, son rire grave se mêle aux autres. Le blondà côté de lui, le tape du coude, l'air intrigué.

             - Eh, regarde là-bas c'est pas ta française ?

Adrian plisse les yeux, regarde dans la direction que son ami lui indique. Et il la voit. Toute petite, toute seule, loin de tout. Son sourire s'efface un peu. Quelque chose se serre dans sa poitrine. Il l'observe un instant. Elle est recroquevillée sur elle-même. Elle à l'air fatiguée et perdue. Ça lui fait un drôle d'effet. Et surtout elle n'est pas censé ce trouver ici mais dans un train pour Madrid. Sans réfléchir plus longtemps, il pose son verre, se lève et commence à marcher dans sa direction. Ses potes le suivent du regard, un peu étonnés. Mais Adrian ne fait plus attention à eux. Arrivé à quelques pas d'elle, il s'éclaircit la gorge doucement. Sa voix, grave et basse, brise le silence autour d'elle.

           - C'est moi ou t'es vraiment en train de squatter la plage avec ta valise ?

Elle sursaute au son de sa voix, perdue dans ses pensées. Elle relève la tête et ses yeux grands s'ouvre en grand quand elle le reconnaît. Un mélange de soulagement et de gêne.

           - J'ai loupé mon train et le prochain est pas avant demain. J'ai rendu mon logement ce matin et tout le reste est déjà occupé ou hors de prix, avoue t-elle timidement.

Il la regarde, un sourcil haussé.

           - Tu comptes survivre comment jusqu'à demain alors ? À l'énergie solaire ?

Un petit sourire en coin échappe à Eléa, malgré elle. Adrian fait a nouveau un pas vers elle.

           - Viens avec moi. Je te laisse pas dormir là.

Elle hésite. Son cœur bat plus vite. Adrian la regarde, debout face à elle, les mains dans les poches, l'air à moitié amusé, à moitié inquiet.

- Viens, sérieux.

Eléa secoue négativement la tête, un petit sourire poli mais distant.

- C'est gentil... mais ça va aller. Je vais me débrouiller.

Il arque un sourcil, un peu surpris.

- Te débrouiller comment ? En méditant jusqu'au lever du soleil ?

Elle lâche un léger rire, nerveux.

- Je trouverai bien un endroit tranquille. C'est pas la fin du monde.

Adrian souffle, pas convaincu.

- Tu me plais bien toi. T'es bornée en plus d'être paumée.

Il la fixe un instant. Elle garde sa contenance mais il voit bien dans ses yeux que c'est un peu du bluff. Il hésite, puis propose autre chose.

- Ok, j'ai une autre idée. Je te force pas à me suivre mais viens au moins boire un verre avec nous. T'es pas obligée de rester toute seule ici comme un naufragé. On est juste là-bas. Il fait un signe de tête vers son groupe, plus loin sur la plage. Tu passes la soirée avec nous. Et après, tu fais ce que tu veux. T'es libre de partir. Mais au moins t'auras pas passé ta nuit affamée et flippé toute seule. Il lui adresse un petit sourire en coin, un peu provoquant avant d'ajouter : Promis, personne va te manger.

Eléa hésite toujours. Son regard va de lui à son groupe, puis à savalise. Elle pince les lèvres. C'est peut-être pas très prudent. Mais c'est peut-être pire de rester là, seule. Et puis, il a l'air sincère. Elle soupire.

- Ok... mais juste un verre.

Le sourire d'Adrian s'élargit, un éclat dans le regard.

- Un verre, répète t-il répète, un peu moqueur. Et après t'es libre de retourner dormir sur ta plage douillette si t'en as toujours envie.

Il attrape sa valise sans lui demander son avis.

- Allez, viens la française.

Elle le suit. A moitié à contrecœur, à moitié curieuse.

Adrian avance tranquillement vers son groupe, sa main posée nonchalamment sur la poignée de la valise d'Eléa, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Eléa, elle, marche un peu derrière, un brin tendue. Quand ils arrivent à hauteur du petit cercle de potes,les garçons relèvent la tête en les voyant approcher.

- Eh mais c'est qui la señorita ? Déclare Mateo

Adrian esquisse un sourire.

- Une fugitive.

Les autres éclatent de rire. Nico avec un large sourire, la salue d'un geste.

- Bienvenida guapa.

Luca, plus discret, lui adresse un hochement de tête sympa. Adrian setourne vers Eléa.

- Ils sont un peu bruyants mais ils sont pas méchants t'en fait pas.

Mateo tend déjà un gobelet vers elle.

- T'es obligée de trinquer maintenant, t'es grillée.

Eléa hésite une seconde puis attrape le verre avec un petit sourire en coin.

- À ma cavale alors.

Ce qui fit rire tout le monde. Très vite, elle sent que l'ambiance est légère, bon enfant. Ils la mettent à l'aise sans la forcer, lui posent quelques questions sans être intrusifs. Elle comprend qu'ils sont tous amis depuis toujours, que leurs blagues sont pleines de souvenirs et de complicité. Ils parlent tous approximativement français. Entre ses quelques mots d'espagnols et Adrian qui sert de traducteur, leurs échanges sont quand même assez fluide.

Nico est celui qui tente un peu de la faire rire. Luca lui, observe,parfois commente doucement. Mateo charrie beaucoup Adrian, surtout quand son regard reste un peu trop accroché à Eléa sans qu'il s'en rende compte.

- Hé Adrian, t'as adopté un chat errant ou quoi ?

Eléa lève les yeux au ciel, amusée malgré elle. Mais Adrian répond sans se démonter.

- Un chat qui sait griffer, fais gaffe.

Et Mateo éclate de rire.

Les pieds dans le sable, le bruit des vagues, les éclats de voix, la chaleur de l'été. Eléa se détend sans s'en rendre compte.Elle se surprend à sourire, à participer aux blagues, à oublier un peu sa galère du début de soirée. Et de temps en temps son regard croise celui d'Adrian. Un regard un peu plus appuyé, un peu plus complice. Comme s'ils étaient, déjà, dans une sorte de parenthèse rien qu'à eux.

La soirée prend doucement de l'ampleur. Les garçons ont une petite enceinte qui crache un vieux son espagnol qui sent bon l'été, les bières circulent, et l'air est tiède, agréable. Adrian s'est rassis en tailleur dans le sable, non loin d'Eléa, pendant que Mateo et Nico sont déjà en plein débat animé à propos de foot, un sujet sacré ici. Luca, fidèle à lui-même, balance quelques piques discrètes qui font marrer Eléa. Elle les observe tous. Ce sont des garçons simples, vivants, loin de son quotidien à elle,bien rangé, bien français, bien cadré. Ici, tout paraît un peu plus brut, plus authentique.

Nico, se tourne vers elle avec un sourire jusqu'aux oreilles.

- Bon Eléa t'as goûté les vrais churros de Barcelone ou pas ?

Elle secoue la tête, amusée.

- Hélas non.

Mateo lève les bras au ciel comme si elle venait d'avouer un crime.

- Quoi ?! Et t'allais partir d'ici sans les avoir goûté ? Mais c'est un scandale !

Nico rigole.

- Tu peux pas repartir sans ça. C'est genre un rite de passage.

Adrian, jusque-là silencieux, lance à Eléa d'un ton taquin.

- T'es pas vraiment venue à Barcelone tant que t'as pas mangé des churros brûlants à 2h du mat.

Elle sourit un peu plus largement.

- Je prends note.

Les minutes filent pendant que mes garçons lui racontent des anecdotes absurdes de leur enfance ici, les baignades de nuit, les conneries faites dans les ruelles étroites, les étés à traîner jusqu'à pas d'heure sur les plages. Eléa se surprend à rire franchement plus d'une fois. Adrian, lui, ne parle pas tant que ça, mais il observe. Il écoute, il la regarde rire. Et ça lui serre un peu le ventre, sans qu'il sache trop pourquoi.

Quand Nico propose une partie de foot improvisée sur le sable, les garçons sont surexcités à l'idée. Eléa secoue la tête, mi-amusée, mi-fatiguée.

- Je suis pas sûre d'être assez espagnole pour ça.

Adrian penche un peu la tête, un demi-sourire au coin des lèvres.

- Tu peux être l'arbitre. Promis, on triche pas.

- J'y crois moyen.

Ils se lancent quand même dans une partie débile à la lueur des réverbères lointains. Des chutes ridicules, des éclats de rire, du sable partout. Et Eléa se sent légère. Vraiment légère. Comme si, pour la première fois depuis quelques heures, elle oubliait complètement qu'elle est techniquement paumée,sans logement, sans plan. Juste là, a profiter du moment.

La nuit est bien entamée maintenant et le sable est frais sous leurs pieds nus. Le groupe a fini par se poser, fatigué mais heureux. Les rires se sont calmés, les discussions sont devenues plus molles, presque bercées par le bruit des vagues en fond. Luca est le premierà se lever, en s'étirant comme un chat.

- J'suis mort les gars, je vais rentrer.

Nico l'imite en récupérant ses baskets.

- Allez, les zozos, on vous laisse.

Mateo tape dans la main d'Adrian et adresse un sourire complice à Eléa.

- Content de t'avoir croisée, la française.

Ils se disent tous au revoir, puis les trois garçons s'éloignent peu à peu, leurs voix se perdant dans le bruit des vagues. Le silence retombe doucement. Adrian est resté là, assis à côté d'Eléa. Il joue machinalement avec un coquillage, l'air un peu pensif. Eléa, les jambes ramenées contre elle, le menton posé sur ses genoux, regarde la mer. Puis, sans la regarder directement, Adrian souffle :

- T'as faim ?

Elle tourne légèrement la tête vers lui, un sourire en coin.

- Un peu.

Il se lève d'un mouvement souple, et lui tend une main.

- Alors, viens. Je t'emmène goûter les meilleurs churros de Barcelone.

Eléa le regarde un instant, un brin méfiante, un brin tentée.

- C'est pas juste une technique d'espagnol pour m'enlever au bout de la nuit ça ?

Il rit doucement, sincèrement.

 - Si j'avais voulu t'enlever, crois-moi, ça serait déjà fait. Je peux juste pas te laisser repartir d'ici sans avoir goûter des vrais churros espagnol.

Un frisson lui parcourt l'échine sans qu'elle sache si c'est le ton de sa voix ou son regard un peu trop direct. Finalement, elle glisse sa main dans la sienne juste pour se relever.

- Ok mais si c'est pas les meilleurs churros de ma vie, je veux un remboursement.

Il hausse un sourcil amusé.

- Marché conclu.

Ils commencent à marcher côte à côte dans les rues de Barcelone, leurs ombres s'allongeant sur les murs colorés. Et Eléa se surprend à se demander ce qu'elle est entrain de faire avec un mec qu'elle a vu a peine deux fois, au bout milieu de la nuit. Adrian la guide à travers les petites rues plutôt vides du quartier, vu l'heure tardive. Finalement, ils s'arrêtent devant une petite roulotte éclairée, presque discrète, collée à un mur recouvertde graffitis. Ça sent le sucre chaud et l'huile.

- C'est là, annonce Adrian avec un petit sourire sûr de lui.

Le vendeur, un vieux monsieur avec une gueule de pirate, le reconnaît direct.

- Adrian ! Encore à ramener des touristes ici, hein ?

Adrian lui adresse un sourire malicieux, échange quelques mots en espagnol avec lui pendant qu'Eléa les observe, mi-amusée, mi-fascinée parce naturel qui lui semble à mille lieues de chez elle. Quelques minutes plus tard, ils repartent avec un cornet de churros bien dodus et dégoulinants de sucre.

- Suis-moi, dit Adrian.

Il l'embarque à travers un dédale de ruelles pour déboucher sur un petit coin reculé. Un genre de mini place oubliée, avec un vieux banc en pierre, des plantes en pot et des guirlandes lumineuses suspendues entre deux balcons. Silencieuse et paisible. Ils s'installent là, les churros entre eux.

- C'est là bas que t'emmène toutes les touristes que tu veux draguer ?

- Seulement celles qui rate leur train, répondit Adrian avec un sourire en coin.

Eléa sent ses joues chauffées malgré le froid de la nuit. Elle croque alors dans un churros, en espérant cacher sa réaction, et son regard s'illumine aussitôt.

- Ok j'avoue, c'est une dinguerie !

Adrian la regarde, visiblement fier de lui.

- Je t'avais prévenue.

Eléa déguste ses sucreries en regardant autour d'elle.

- C'est fou comme c'est calme ici. À deux rues près, t'as la fête et le bruit partout et là c'est presque comme si le monde s'arrêtait.

Adrian approuve d'un hochement de tête.

- C'est pour ça que j'aime Barcelone. T'as toujours un endroit pour disparaître un peu.

Elle le fixe un instant, intriguée.

- Toi t'es le genre à disparaître souvent, non ?

Son sourire est plus discret cette fois.

- Ouais... peut-être.

Ils se regardent, un peu plus longtemps que nécessaire. Puis elle détourne les yeux, légèrement déstabilisée, croquant un autre bout de churros pour se donner une contenance.

- Et toi, la française perdue, c'est quoi ton plan maintenant ? Tu comptes dormir sur un banc après les churros de ta vie ?

Elle rit doucement.

- Honnêtement ? J'en sais rien.

- T'as vraiment personne ici ?

Elle secoue la tête de droite à gauche. Adrian la regarde un instant, longtemps. Et dans ses yeux, il n'y a plus de sourire. Juste un sérieux un peu doux.

- T'inquiète pas. Je vais pas te laisser galérer.

Et pour la première fois depuis des heures, Eléa sent son cœur se relâcher un peu. Comme si, peut-être, elle avait enfin trouvé un endroit où se poser. Ou quelqu'un.

Ils restent encore un moment à grignoter en silence, à profiter de l'instant. Mais l'heure tourne. Et la nuit est bien installée maintenant. Adrian jette un coup d'œil à Eléa. Elle a l'air épuisée. Le genre de fatigue qui dépasse le simple fait de marcher toute la journée. C'est la fatigue nerveuse, celle qui t'écrase quand t'as trop encaissé.

- Bon, souffle-t-il en s'étirant un peu. J'étais sérieux en te disant que j'allais pas te laisser errer dans les rues jusqu'au lever du soleil.

Elle relève les yeux vers lui, un peu amusée, un peu méfiante.

- Tu proposes quoi ? Que je campe ici avec mes churros en guise d'oreiller ?

Il esquisse un sourire en coin.

- J'habite à deux rues d'ici.

Elle le regarde, se crispe un peu, réflexe automatique.

- Et donc ?

Il lève les mains, très calme.

- Pas de panique. J'te propose juste un canapé. Rien d'autre. Mon appart est minuscule mais t'auras un toit sur la tête. Et un café demain matin. Promis je suis pas un tueur en série.

Elle le fixe, mi-suspicieuse, mi-touchée par sa transparence.

- C'est exactement ce qu'un tueur en série dirait.

Il éclate de rire.

- C'est pas faux.

Elle regarde à nouveau autour d'elle. La rue est déserte et l'idée de retourner traîner seule sur la plage en pleine nuit, bof. Elle regarde Adrian. Il a ce truc, ce calme, cette gentillesse pas forcée. Et puis elle est crevée.

- Ok, finit-elle par souffler. Mais au moindre mouvement chelou, je te crève avec un churros.

Adrian explose de rire.

- Marché conclu.

Ils se lèvent, et il attrape à nouveau sa valise sans même lui demander. Comme si ça allait de soi. Ils repartent dans les ruelles calmes de Barcelone, leurs pas résonnant doucement sur les pavés.

L'appartement est silencieux. Adrian est allongé dans son lit, les mains croisées derrière sa tête, les yeux grands ouverts, fixant le plafond qu'ilconnaît par cœur. Il entend vaguement la respiration régulière d'Eléa qui dort, là, dans son salon, de l'autre côté de la porte de sa chambre.

Il repense à sa journée. Il repense surtout à elle. Cette fille qu'il ne connaissait même pas y'a quoi, deux jours ? Il repense à leur soirée sur la plage, à sa valise, son regard paumé mais fier, son entêtement à vouloir se débrouiller seule. Et à son rire, plus tard, devant un cornet de churros brûlant.

Un sourire lui échappe sans qu'il le contrôle. Elle l'intrigue. Pas comme les autres touristes qu'il croise par dizaine chaque été. Non. Elle a un truc différent. Pas exubérante,pas dans la séduction facile. Elle observe, elle écoute. Elle note des trucs dans un carnet, genre vieille âme dans un corps de gamine paumée.

Et merde. Il ne devrait même pas penser autant à elle. Il est pas ce genre de mec. Il est celui qui aide, qui file un coup demain, qui rigole un peu et qui trace sa route. Pas celui qui es tallongé à fixer son plafond au beau milieu de la nuit en se demandant si la fille qui dort sur son canapé aime vraiment les churros ou si elle a juste été polie. Il soupire. Il repense à ses potes qui l'ont charrié un peu tout à l'heure. Surtout Mateo, avec son petit regard en coin et son « C'est qui cette française bizarre que t'as ramassée encore ? » Il repense à son regard quand elle lui a dit bonne nuit. Un peu méfiant, un peu fatigué mais pas fermé. Un petit "Buenas noche, Adrian" qu'il entend encore tourner dans sa tête comme un disque rayé.

Et ça le fait chier, quelque part. Parce qu'elle repart demain. Parce que c'était censé être juste un coup de main, un hasard, une rencontre de passage. Mais là, à cet instant précis, seul dans sa chambre, il est trop perturbé par cette fille pour que ça soit un simple hasard. 

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