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01- Contrat et Art

" Parfois, nous payons de notre vie le prix d'un 'oui' qui aurait dû être un 'non'.

— Khalil G.

ESMERAY CAMPBELL

•••

CHAPITRE UN.


       D'habitude, pendant les repas de famille, si ce n'étaient pas des remarques sur mes accomplissements, c'était une remarque sur mon physique—et, parfois, ils trouvaient même le moyen de repérer une faille dans mon comportement.

Une façon de me faire sentir inadéquate, peu importe mes efforts.

Alors, quand ma belle mère m'a dit de « bien m'habiller pour l'occasion », j'aurais dû réserver un billet pour la Grèce. Ou même l'Australie. Juste au cas où ce soi-disant dîner de famille ne se déroulerait pas comme prévu.

Et bien sûr, à peine le sujet du contrat de mariage posé sur la table, j'ai fait ce que je faisais de mieux dans ce genre de situation : j'ai fait semblant de ne pas exister.

— C'est vraiment la meilleure solution, a déclaré Chelsea, ma belle-mère, d'un ton faussement apaisant.

— Tout de même..., a ajouté mon père, comme s'il tentait vaguement de ménager ma réaction.

Chelsea a tourné la tête vers moi, attendant visiblement une réponse. Mais j'étais bien plus intéressée par le tableau accroché juste au-dessus de la tête du fils du propriétaire des lieux.

Un Pollock. Le No. 5.

Je ne m'y connaissais pas vraiment en art, mais ma meilleure amie travaillait dans un musée. Et je savais une chose : un Pollock — surtout celui-là — coûtait dix fois le prix de mon appartement à Manhattan. Meubles compris.

D'où j'étais assise, il était évident que c'était un original.

Il suffisait d'observer le salon pour comprendre le niveau de richesse dans lequel on avait mis les pieds : la table en verre, le confort indécent des chaises, le tapis moelleux sous nos pieds, les vases en jade disposés comme s'ils faisaient partie d'une exposition privée.

C'était comme dîner dans un musée. Sauf qu'ici, les œuvres servaient de décor pour des conversations empoisonnées.

— Vous ne semblez pas ravie par cet accord, ma chère, fit remarquer le maître de maison, une pointe de curiosité dans la voix.

Je tournai lentement la tête vers le vieil homme, puis levai les yeux de nouveau vers le Pollock, comme si c'était la seule chose qui valait encore mon attention.

— Que puis-je dire, lorsque l'art dans votre maison éclipse le reste de cette soirée ?

Un sourire étira mes lèvres, masquant la grimace qui menaçait de les tordre—ma belle mère venait de me pincer sous la table, en guise d'avertissement silencieux.

— Vous appréciez l'art ? me demanda-t-il alors, avec une expression soudainement plus douce.

— Apprécier est un mot bien faible pour décrire ce que je ressens pour l'art à cet instant, répondis-je d'un ton presque solennel.

Il se contenta de me sourire, secouant légèrement la tête, comme s'il venait de découvrir une fissure inattendue dans la façade que j'avais si soigneusement construite.

Mon père était un joueur compulsif. La moitié de son argent s'évaporait dans les casinos, et l'autre moitié dans les bras de femmes comme Chelsea, qui le consommaient pour le petit-déjeuner.

Cela faisait des mois qu'il détournait les fonds de l'entreprise que ma mère m'avait léguée avant sa mort—je m'en suis rendue compte que trop tard. Et parmi tous ceux à qui il devait de l'argent, les Bellwood étaient ceux à qui il n'aurait jamais dû emprunter le moindre centime.

Ils lui avaient proposé un arrangement. Une façon de racheter ses dettes. Une contrepartie. Quelque chose qu'il chérissait. Aussi tordu que cela puisse paraître, il n'aurait jamais eu le courage d'abandonner Chelsea et sa fille. Mais moi qui suis ça chair et son sang ? Il ne lui a fallu qu'une signature pour m'offrir en guise de monnaie d'échange

Sauf que les Bellwood n'étaient pas une simple famille fortunée croisée lors de soirées mondaines. Ils étaient la haute société. L'élite de l'élite. Et respirer le même air qu'eux relevait presque de l'audace.

Peu savaient vraiment qui ils étaient. Peu osaient même prononcer leur nom à voix haute. Pourtant, ce nom suffisait à faire trembler les plus solides fondations;

Le patriarche, Matthew Bellwood, était le fondateur du groupe Bellwood— un conglomérat international d'hôtels de luxe, de restaurants étoilés, des casinos et de centres commerciaux puis Céleste Bellwood, son épouse, avait pris sa retraite après avoir été une styliste de renom dans la haute couture dans son temps.

Leur fils aîné — mon futur époux — Rowan Bellwood, restait un mystère. On ne connaissait de lui que des murmures, des spéculations, des histoires racontées à demi-voix dans les salons feutrés. Mais tous s'accordaient sur une chose : il était l'héritier incontesté de cette dynastie.

Suivait Eric, l'avocat brillant et charmant qui était assis devant moi m'adressant des regards désagréables. Et enfin, Penelope, la petite dernière, prodige du violon et égérie discrète des galeries européennes.

Ils étaient à eux seuls une légende vivante.
Et me voilà, dans l'un de leurs nombreux manoirs, perdu au milieu de la campagne. Presque un honneur... presque une condamnation.

— Mademoiselle Campbell, Rowan serait honoré que vous le rejoigniez dans notre salle d'art, déclara soudain Monsieur Bellwood, levant doucement la main vers l'un des majordomes postés à la porte.

— Je ne voudrais pas vous paraître impolie, Monsieur..., bafouillai-je, partagée entre gêne et soulagement.

— ne vous inquiétez pas.

Était-ce une échappatoire ? Une diversion ? Peu m'importait. Je saisis cette main tendue avec empressement. Mon père hocha la tête d'un air approbateur. Je me levai, pochette en mains, et suivis le majordome à travers les couloirs du domaine.

Chaque pas dans ce manoir était une promenade dans un musée privé. Des œuvres rares, des sculptures grandeur nature, même les rideaux semblaient brodés par des mains divines.
Le moindre détail transpirait l'opulence. Leurs portraits de famille étaient si réalistes qu'on aurait cru que les toiles respiraient encore leur essence.

Après quelques minutes, le majordome s'arrêta devant une double porte sculptée. Il me tendit une paire de chaussons que j'enfilai sans poser de questions, puis m'inclina poliment la tête. Je le remerciai d'un regard et entrai.

Et là...le souffle me manqua.

Tout n'était que marbre et lumière. Le carrelage brillait d'un éclat presque céleste, reflétant la clarté du ciel au-dessus. On aurait dit que les nuages eux-mêmes s'étaient invités à l'intérieur.

Les sculptures semblaient vivantes, les tableaux vibraient de couleurs et d'histoires. Certains signés par de grands noms, d'autres par de jeunes talents. Et partout, des portraits... des visages familiers aux traits nobles et austères.
Je m'arrêtai devant l'un d'eux.

Un homme, torse partiellement nu, l'air presque mythologique. C'était lui... sans doute Rowan. Rien à voir avec Eric. Ce visage avait quelque chose de plus interessant, plus pénétrant. Ses yeux — même peints — semblaient vous effeuiller de l'intérieur. Une œuvre troublante, presque indécente.

— Si ce tableau n'était pas une œuvre d'art, j'aurais tendance à penser que vous êtes une perverse qui m'épie dans mon intimité, lança une voix masculine, grave, presque moqueuse.

Je me retournai brusquement.

Et il était là.

Le tableau, en version réelle. Plus imposant, plus vivant...plus dangereux. Son regard noisette, profond, presque fauve. Sa bouche bien dessinée. Ses cheveux bruns, si soyeux qu'on avait envie d'y glisser les doigts. Il était plus beau que le portrait, mais bien plus agréable au regard aussi.

— Si je devais me livrer à une quelconque perversion, répondis-je avec un sourire lent en m'éloignant vers les autres toiles, ce ne serait certainement pas devant un tableau d'un narcissisme aussi flagrant.

Je l'entendis derrière moi. Ses pas calmes. Son souffle, presque amusé.

— Combien ?, demanda-t-il.

Je me tournai vers lui, les sourcils haussés.

— Combien ?, répétai-je

Il s'approcha. Pas trop près, mais suffisamment pour que je sente son parfum boisé, envoutant. Il s'infiltrait comme un secret et empoisonnait presque mes poumons.

— C'est mon père qui vous a payée ?, lâcha-t-il. Pour faire semblant d'aimer l'art ? De venir ici me jouer votre numéro ? Me convaincre de signer ce fichu contrat ? Alors, dites-moi combien il vous a donné. Et je vous paie le double pour que vous disparaissiez.

Je laissai échapper un rire bref, presque méprisant.

— Vous vous méprenez. Aimer l'art ? Bon Dieu, non. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir un avis. Ni d'apprécier une œuvre quand elle est si ridiculement exposée.

Il me fixa. Longtemps. Son regard s'assombrit d'un agacement qu'il ne cherchait même plus à dissimuler.

— Il y en a eu d'autres avant vous, dit-il d'un ton glacial. Je connais ce petit jeu. Vous perdez votre temps. Je ne vous épouserai pas.

Charmant. Vraiment.

Beau à damner une sainte, mais aussi agréable qu'un matin de gueule de bois.

— Vous vous méprenez encore une fois, Monsieur Bellwood, répondis-je en me tournant vers le tableau devant nous. Il n'a jamais été question de vous supplier. Ni de jouer un rôle. Je ne suis pas ici pour gagner vos faveurs, croyez-le bien.

Un Van Gogh. Stary Night. Magnifique. Authentique. Je restai un instant là, à l'observer. La peinture vibrait, comme si elle respirait doucement avec moi.

Je n'aimais pas l'art—pas vraiment. Mais j'aimais ce que ça faisait naître en moi. Le silence. La paix. L'étrange impression que le monde pouvait ralentir et laisser cours à notre imagination. Je ne pleurerais pas si l'on brûlait un tableau.

Mais j'appréciais la beauté dans le calme. Comme maintenant. Malgré sa présence, son regard brûlant dans mon dos.

Je restai là, les bras croisés devant le Van Gogh, sentant sa présence derrière moi, pesante et chaude comme une ombre. Il ne bougeait pas, mais je savais qu'il me scrutait. Pas comme on observe une inconnue, mais comme on dissèque une énigme qu'on refuse de ne pas résoudre.

— Vous n'avez pas l'air très docile, Mademoiselle, dit-il enfin, sa voix grave résonnant doucement dans la pièce.

Je pivotai lentement vers lui, un sourire en coin accroché à mes lèvres.

— Et vous n'avez pas l'air très aimable, Monsieur Bellwood. Dommage, avec un visage pareil, vous auriez pu faire illusion.

Il pencha légèrement la tête, un éclat presque amusé dans ses yeux, mais son regard restait froid...vide, comme s'il refusait de baisser la garde.

— Il y a une différence entre être aimable et être idiot. Je préfère qu'on me craigne plutôt qu'on m'admire pour de mauvaises raisons.

Je fis quelques pas vers lui, les bras toujours croisés, comme si je refusais instinctivement de lui offrir la moindre vulnérabilité.

— C'est drôle, murmurai-je. On dirait que vous avez déjà décidé qui je suis et vous avez même conclut que mes intentions à votre égard sont mauvaise.

— Je n'ai pas besoin de plus que ce que je vois, répondit-il, ses yeux balayant mon corps avec une lenteur calculée. Vous êtes jolie, intelligente — un brin insolente. Exactement le genre que mon père aime choisir pour me provoquer.

Son regard revint se fixer sur mes yeux. Il y avait quelque chose d'inflammable dans cet échange. Une tension si dense qu'on aurait pu y mettre le feu d'un simple mot et provoquer notre mort à tout les deux.

Il ne me plaisait pas, c'était maintenant une certitude.

— Et vous, vous êtes exactement le genre d'homme que je déteste, rétorquai-je doucement, sans ciller. alors peu importe le problème que votre père et vous semblez avoir, j'en fais pas partiez

Il s'approcha d'un pas. Juste un. Mais cela suffit à effacer toute distance confortable. Mon souffle se fit plus court, et je détestai l'effet que cela avait sur moi. Cet arrogance à faire bouillir le diable en enfer.

— Alors pourquoi ne partez-vous pas ?, murmura-t-il, son regard planté dans le mien. Vous qui semblez déborder d'assurance.

Je le fixai, refusant de reculer.

— Parce que je ne suis pas une lâche. Et contrairement à ce que vous pensez, je ne suis pas ici pour vous séduire. Je suis ici parce que je n'ai pas eu le choix. Mais croyez-moi bien, si j'en avais eu un, ce n'est pas un homme fait d'arrogance et de condescendance que je supplierais d'épousé.

Un silence.

Puis un éclat de rire bref s'échappa de ses lèvres. Il se pencha légèrement, son regard brillant d'un mélange d'irritation et de fascination.

— Vous êtes vraiment intéressante...

— Et vous êtes terriblement prétentieux, répliquai-je aussitôt.

Il se redressa, glissa ses mains dans les poches de son pantalon, et me dévisagea comme s'il me voyait réellement pour la première fois.

— Très bien, dit-il lentement. Faisons un marché, vous et moi.

Je levai un sourcil, sceptique.

— Je n'épouserai pas une femme que je ne considère pas. Mais si vous arrivez à me convaincre, même un peu, que vous êtes plus qu'un joli pion dans le jeu de mon père...alors je signerai ce contrat. Sans condition. Sans mépris.
Il marqua une pause. Ses mots s'accrochèrent à mes nerfs comme des griffes et chaque son qui sortait de ça bouche était presque plus humiliante que la précédente.

Je détestais cette manière qu'ont certaines personnes de croire qu'ils ont un droit de regard sur vos choix, sur votre vie, comme s'ils étaient les seuls à pouvoir décider de ce qui vous convenait. Et Rowan Bellwood incarnait parfaitement ce genre de spécimen : arrogant, condescendant, persuadé que tout lui était dû et qu'il était le système solaire de cette terre. La beauté de son visage ne faisait que souligner la laideur de sa personnalité— et cela ne faisait qu'attiser davantage l'agacement que je peinais à contenir.

— Réveillez-vous de votre petit nuage, Rowan, soufflai-je en m'approchant lentement, posant mes talons sur le sol dans un claquement net. Même si on m'offrait cent millions de dollars ou une poussière de la lune, je ne m'abaisserais jamais à vous supplier de m'épouser.

Il haussa un sourcil, moqueur.

— Je vois le genre.

— Non, rétorquai-je aussitôt en remettant mes talons, la tête haute. Vous ne voyez rien du tout.

La dernière parcelle de politesse qui m'habitait venait de s'évaporer, balayée par l'orgueil blessé et la colère froide qui vibrait sous ma peau.

— Je suis peut-être dans une situation délicate, mais je ne supplierai jamais un homme. Et encore moins pour de l'argent, ajoutai-je en le contournant d'un pas ferme, me dirigeant vers la porte. Oh, et faites décrocher ce tableau hideux, par pitié.

Ma voix claqua dans l'air comme un fouet. Le mépris que j'avais ressenti pour cette mascarade, pour son regard insistant et son ton hautain, s'était transformé en feu froid. Aussi majestueuse soit cette salle d'art, aucune beauté ne justifiait qu'on m'humilie.

Une fois dans le couloir, l'air semblait plus léger. Ou peut-être était-ce simplement le fait d'avoir quitté la présence de Rowan qui me permettait enfin de respirer. Je m'appuyai contre un mur, les paumes tremblantes. Le majordome, fidèle à lui-même, me tendit son bras avec une discrétion impeccable. Je refusai d'un geste poli, reprenant lentement contenance.

Je ne regrettais rien. Pas mes mots, ni mon ton. Mais je savais déjà que mon père, tout comme Chelsea, verrait ça comme une nouvelle preuve de mon incapacité à me "comporter comme il faut". Comme s'il était normal de baisser les yeux devant un homme simplement parce qu'il avait un nom puissant et un compte bancaire interminable.

Quand je rejoignis le salon, je pris soin d'afficher un sourire mesuré aux maîtres de maison avant de regagner ma place. Les regards se posèrent sur moi, curieux, presque affamés.

— Vous avez rencontré Rowan ? demanda doucement Madame Bellwood.

— Oui, répondis-je avec un sourire feint. Un homme des plus... charmants.

Et comme pour mieux me contredire — ou pour me provoquer davantage —, sa voix résonna dans la pièce :

— Et vous êtes tout aussi charmante, mademoiselle Campbell, dit Rowan en entrant,
dans la pièce. Quand avez-vous prévu notre mariage ?

— Avril prochain me semble parfait, afin de préparer le mariage et votre image médiatique, répondis Eric.

Je ne pris même pas la peine de me tourner vers lui. Je me contentai de porter ma coupe de vin à mes lèvres, le regard droit devant moi, comme s'il n'existait pas.

Mais bien sûr, il vint s'asseoir à la place libre juste à côté de moi. Proche. Trop proche. Sa chaleur corporelle se diffusait jusqu'à ma peau nue, comme un rappel constant de sa présence et de cette tension sous-jacente que je refusais de nommer.

Ses parents semblaient surpris de le voir là, comme si lui-même n'avait pas prévu de revenir.

— Je signerai le contrat, annonça-t-il à voix basse, presque comme une provocation. Il vous sera envoyé dans les jours à venir, Mademoiselle Campbell.

Mon silence fut ma seule réponse. Digne. Glacial. Irritant, je l'espérais.

____

HEART OF LUST

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