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MysticRose
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Chapitre 3.2 - Oryn

Le décor de marbre et d’or du palais semblait plus froid et oppressant que jamais. Le silence ne faisait qu’amplifier la confusion et la détresse qui envahissaient Oryn. Il ne parvenait pas à chasser de sa tête les cris tourmentés de sa mère, il ne pouvait s’empêcher de les relier au garçon aux yeux de glace.

Il marchait aux côtés d’Andras sans dire un mot, le regard rivé sur les dalles blanches qui défilaient sous ses pas.

Les traits de l’adolescent, déroutants, tant ils reflétaient son visage et celui de son père. Le cœur entrelacé de ronces et d’épines qui rayonnait sur sa poitrine.

Un sceau ne pouvait renvoyer que l’emblème de la lignée à laquelle son porteur appartenait…

C’était une règle absolue et immuable. Un principe connu de tous les héritiers de la noblesse de Valéria. Pourtant, Oryn doutait. Soudain, il n’était plus sûr de ce qu’il savait, il n’était plus sûr de ce qu’il avait vu. C’était une question stupide. Il avait honte à la simple idée de la formuler, mais il devait la poser à Andras. Ce garçon portait-il vraiment le cœur de Valcor ? Et si c’était le cas, alors, qu’est-ce que ça voulait dire ? Il devait obtenir une réponse. Il prit une grande inspiration, mais le commandant de la garde royale le devança :

— À propos, lança-t-il sur un ton léger. Je te cherchais, Oryn.

Les mots du prince moururent sur ses lèvres et il ravala la question qui lui brûlait la gorge. Ils empruntèrent un couloir latéral, plus étroit, au décor simple et sobre qui tranchait avec l’opulence des salles principales. Oryn aimait s’égarer dans cette partie du palais. Il aimait se faufiler dans les cuisines pour dérober une pomme ou une miche de pain toute chaude. Il aimait imaginer, l’espace d’un instant, qu’il n’était pas l’héritier de Valéria, mais le fils d’une domestique, libre de jouer et de courir comme bon lui semble, sans obligations ni escorte.

— Il y a quelques jours, commença Andras en poussant une porte qui donnait sur les jardins, ton père a ordonné une chasse contre les loups noirs qui sévissent dans la région.

Oryn hocha la tête. Il avait saisi quelques échanges entre le roi et ses conseillers. Depuis quelque temps, les fermes aux abords de Coralis subissaient des pertes importantes. Les paysans n’avaient pas les moyens de se défendre et il était hors de question de laisser ces bêtes anéantir les troupeaux, avait soutenu Darius de Valcor.

Il suivit Andras à travers un sentier bordé de hautes haies jusqu’à une dépendance. Le soleil de fin de journée jetait des reflets ambrés dans la chevelure dorée du commandant.

— J’ai participé à la battue, expliqua-t-il, et la plupart des loups ont été éliminés…

Il poussa la porte de la petite remise. Elle était en partie plongée dans la semi-pénombre.

— Mais, je n’ai pas eu le cœur de tuer celui-là…

Le regard d’Oryn glissa sur les outils et les sacs de grains entassés contre les murs. Soudain, deux yeux vifs et brillants percèrent l’obscurité. Dans un coin sombre, un louveteau au pelage noir était couché sur un lit de paille. Il fixait le prince avec un mélange de crainte et de curiosité.

Oryn s’approcha de l’animal, lentement, avec prudence. Ses bottes crissaient légèrement sur le sol en terre battue. Le louveteau ne bougeait pas. Les oreilles plaquées contre le crâne, il restait sur ses gardes.

Oryn s’accroupit à quelques pas de lui. Les récits qu’il avait entendus sur les loups les décrivaient comme des bêtes féroces, capables de décimer des troupeaux et de terrifier des villages entiers. Il n’en avait jamais vu un d’aussi près. Même si, celui-ci était petit… Et qu’il paraissait plus adorable que dangereux.

Andras les observait en silence. Oryn se retourna vers lui.

— Pourquoi l’as-tu laissé en vie ?

Le commandant le rejoignit et s’abaissa à sa hauteur.

— Parce qu’il n’était pas comme les autres, répondit-il. Pas encore…

Il contempla l’animal avec une expression pensive.

— Il est jeune, il n’a pas eu le temps de découvrir le monde. Il n’a jamais tué. Il n’a pas cette rage, cette haine des hommes que ses aînés avaient dans les yeux.

— Tu veux dire qu’on peut l’apprivoiser ? demanda Oryn sur un ton vif. Qu’il pourrait être différent des autres loups ?

Il scruta à nouveau le louveteau. Sa petite silhouette noire se fondait presque dans les ombres de la remise. Son regard doré, intense, n’avait rien de menaçant. Il reflétait uniquement de la peur. Ses oreilles, bien trop grandes pour sa tête, frémissaient au moindre mouvement.

— On a tous une chance de mieux faire ou de se démarquer, affirma Andras. Avec de la patience et de la bienveillance, il pourrait devenir un compagnon loyal.

 Un large sourire illumina le visage d’Oryn, mais il fut aussitôt éclipsé par une ombre.

— Père ne m’autorisera jamais à le garder !

— Je lui en ai déjà parlé, répliqua le commandant avec un clin d’œil. J’ai réussi à le convaincre que t’occuper de ce loup t’inculquerait le sens des responsabilités.

Le cœur prêt à exploser, Oryn bondit, oubliant un instant qu’un prince devait toujours faire preuve de retenue.

— Merci Andras ! s’exclama-t-il.

Andras se redressa en riant. Dans un geste aussi familier qu’affectueux, il ébouriffa sa chevelure sombre.

— C’est une vraie responsabilité, Oryn, insista-t-il avec plus de sérieux. Tu devras veiller à son éducation, prendre soin de lui et t’assurer qu’il ne soit jamais une menace.

Le prince carra les épaules et prit un air solennel.

— Je m’occuperai bien de lui et il deviendra le meilleur des loups ! promit-il.

Il se pencha, tendit la main vers l’animal qui recula brusquement et s’enfonça un peu plus profondément dans la paille. Oryn s’immobilisa, respectant la distance que son nouveau compagnon semblait vouloir lui imposer.

— Tu dois d’abord gagner sa confiance, intervint Andras. Quand tu l’auras obtenu, tu verras, il sera ton plus fidèle ami.

Oryn esquissa un léger sourire.

— Moi aussi, je serai ton plus fidèle ami, chuchota-t-il de manière à ce que seul le louveteau puisse l’entendre.

L’animal redressa les oreilles et le prince eut le sentiment réconfortant qu’il avait saisi cette promesse.

— Viens, souffla Andras en effleurant son épaule. Laissons-le se reposer, tu reviendras le voir demain.

À contrecœur, Oryn se releva doucement, les yeux toujours accrochés à la petite silhouette noire blottie dans la paille. Finalement, il se détourna pour rejoindre le commandant hors de la remise. 

— Alors, comment vas-tu l’appeler ? l’interrogea Andras tandis qu’ils s’engageaient sur le sentier bordé de haies.

Oryn réfléchit un instant. Ce louveteau serait différent des autres, il ne serait pas l’une de ces bêtes sauvages qui peuplaient les contes pour enfants. Il ne serait pas non plus un simple animal domestiqué par l’homme. À partir de ce jour, il se tiendrait aux côtés du prince de Valéria et il lui fallait un nom mémorable, puissant, que personne ne pourrait oublier.

— Je vais l’appeler Thal  ! lâcha-t-il finalement.

— Thal, répéta Andras avec douceur.

Il marqua un silence avant d’ajouter : 

— Je pense que ça devrait lui plaire !

Le sourire qu’il adressa à Oryn fit naître en lui une chaleur familière. Andras n’était pas seulement le commandant de la garde royale, il était avant tout le plus proche ami du roi. Sceau vivant, il était porteur d’un fragment de la magie des Valcor en échange duquel il avait juré de protéger le souverain et son héritier. Son existence était étroitement liée à la leur. Et, si d’une manière ou d’une autre, Andras venait à faillir, le prix à payer serait irréversible et fatal. Pour Oryn, il était bien plus que l’homme chargé de veiller sur lui. Il incarnait une présence rassurante, une force douce et inébranlable, un repère essentiel.

Tout ce que son père n’avait jamais su être.

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